Le revers de la médaille des surdoués : Le syndrome dysynchronique

Le revers de la médaille des surdoués : Le syndrome dysynchronique

Le revers de la médaille des surdoués

Le revers de la médaille des surdoués

souffrance du surdoué

souffrance du surdoué

Etre surdoué ne présente pas toutefois pas que des avantages. D’une part, on observe une dysynchronie, c’est-à-dire un décalage, entre développement intellectuel et maturation affective. La dysynchronie peut se manifester également entre développement intellectuel et psychomoteur. Elle est alors à l’origine de déficits instrumentaux qui sont mal compris et mal acceptés. Des enfants ayant appris à lire très précocement et le plus souvent seul (c’est un des éléments clef du dépistage des enfants surdoués) peuvent par la suite présenter des difficultés dans l’apprentissage de l’écriture et de l’orthographe. Dans le même registre, ils ont souvent des difficultés d’élocution, et peuvent bégayer. Dans ces deux cas, le déficit est lié au fait que leur pensée va plus vite que leurs capacités d’expression.

Le syndrome dysynchronique est souvent associé à la dépression. Celle-ci s’exprime principalement par un sentiment de solitude, de dévalorisation, un retrait social, une perte d’intérêt, un manque général de motivation, voire des troubles cognitifs comme des troubles de la mémoire et de la concentration. Comme pour toute dépression chez l’enfant, elle doit impérativement être traitée en prenant en compte le statut particulier de l’enfant concernant ses capacités intellectuelles. Certains chercheurs ont noté des pourcentages de suicides d’adolescents précoces plus élevés que pour les autres catégories.

D’autres troubles psychologiques peuvent se développer, le plus fréquent étant celui de la personnalité antisociale qui se manifeste par des troubles des conduites avec des fugues, des comportements violents vis-à-vis des pairs, un refus de l’autorité et des règles de base. On comprendra pourquoi si le syndrome dysynchronique n’est pas pris en compte, les difficultés scolaires peuvent apparaître dès les classes intermédiaires du cours élémentaire vers l’âge de 7 à 8 ans. L’enfant devient terne dans ses résultats, il se désintéresse de l’école. Les capacités intellectuelles sont présentes, mais l’enfant ne les exprime plus. Le dépistage précoce permet de prévenir de telles situations.

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Mon fils est surdoué.
Petit surdoué, puisque qu’il n’a "que" 130 de quotient intellectuel. Surdoué quand même, largement assez pour que nous ayons tous connu des moments extrêmement difficiles.

Voilà longtemps que je médite d’écrire un avis sur ce sujet, avec l'envie d’informer et celle de tordre le cou, en passant, à certains stéréotypes qui semblent avoir la vie dure.

Je vais vous raconter l’affaire de manière chronologique, en développant un peu à chaque fois sur le général. Vous allez voir que le parcours de parent de surdoué n’a rien d’enviable.

MOYENNE SECTION MATERNELLE :
La maîtresse trouve Axel très intelligent. Il compte jusqu’à 100 (alors qu’il est supposé ne bien connaître les chiffres que jusqu’à 10), s’exprime très bien pour son âge, fait preuve d’une curiosité insatiable.
« Je le passerais bien directement en CP, mais je le trouve trop immature ».

Première connerie.
Il est en effet très fréquent que les surdoués soient, de façon paradoxale, plutôt immatures. Voire très immatures ! Ca porte un nom : la dysynchronie. Ca veut dire qu’à 8 ans, par exemple, votre gamin va lire des bouquins destinés aux 10-12 ans sans forcer, calculer l’âge du capitaine et de ses descendants en deux coups de cuiller à pot … et se comporter comme un bébé de 5-6 ans. Très fatiguant.
Bref, le mélange "grosse intelligence + immaturité" si typique aurait pu alerter l’instit. Mais il faut savoir que ceux-ci sont encore peu et mal informés. Quant à moi, à mille lieues d'imaginer qu'il peut s'agir d'un surdon, j'accepte le verdict.

GRANDE SECTION MATERNELLE
Axel a deux instits à mi-temps. Avec la première, pas de soucis. La seconde, par contre, l’a pris en grippe.
« Il bouge sans arrêt, il pose trop de questions, il parle des voyages qu'il a faits avec vous ».
Et de traiter le gamin de telle manière (lui et une autre petite dont la maman, représentante en matériel médical, gagne au moins trois fois sa paye) qu’il en fait des cauchemars, pleure jusqu'à minuit pour ne pas aller à l’école, etc. L’horreur.
J’essaie de provoquer une discussion qui tourne court : c’est ma faute. Je vis seule avec les enfants, donc ils sont perturbés, donc c’est ma faute. CQFD.
Vous connaissez mon heureux caractère : j'arrête de mettre le petit en classe en fin de semaine. Ca ne m’arrange pas du tout, mais j’ai bien compris qu’il y avait un vrai problème avec cette maîtrese. Courriers de l’école, menaces, réponses pas cool du tout de ma part … Pour finir, la maman-qui-gagne-vachement-bien-sa-vie (laquelle ne met plus sa fille en classe en fin de semaine non plus) et moi écrivons à l’Inspection. Le calme revient, miraculeusement.

CP
En fin de premier trimestre, Axel (dont le carnet de notes regorge de A) prend l’école en grippe, affirme s’y ennuyer, ne va pas fort.
Il a appris à lire en quelques semaines, tout seul, en demandant quelles étaient les lettres magnétiques aimantées sur le frigo. J'ai répondu (je réponds toujours aux questions) sans imaginer qu'il allait intégrer la lecture comme ça, en faisant tout seul des rapprochements dans sa tête.
« Il est drôlement intelligent pour son âge » me dit la jeune directrice du centre de loisirs. « A votre place, je le ferais tester. »
Tester ?
Je me renseigne, trouve les coordonnées de l’AFEP (Association Française pour les Enfants Précoces) et appelle. On me donne les coordonnées d’une psychologue-clinicienne qui travaille avec l’association, j’emmène le gamin. Verdict : 130.

Ma première réaction, je l’avoue, est la fierté. Mon fils est surdoué, waoh ! Ca veut dire qu’il est vachement intelligent, super !!

Grosse erreur.
Ca veut dire qu’en plus d’être très grande, l'intelligence en question ne fonctionne pas comme celle de tout le monde. Comme pour les débiles mentaux.

Le QI, c’est tout simple.
Entre 85 et 115, on considère que vous avez une intelligence normale. Monsieur ou Madame Tout-le-Monde, quoi, comme environ 68% de la population.
Entre 70 et 85, l’intelligence est dite "faible" – 13,6 % des gens.
Entre 115 et 130, vous avez une intelligence "supérieure" – 13,6 % de la population aussi.
Enfin, aux extrémités de la chaîne on trouve, entre 55 et 70, la déficience intellectuelle et, entre 130 et 145, le surdon. Les deux populations représentent chacune respectivement 2,1 % de la population. Côté surdon, on peut monter plus haut que 145 – maintenant, j’en connais.

Comme le déficient mental, le surdoué pense DIFFEREMMENT.
La plupart des gens possèdent une intelligence qui fonctionne étape par étape, de la donnée initiale à la résolution du problème posé. Le surdoué possède une intelligence EN RESEAU. Chaque idée génère chez lui une ramification de nouvelles idées produisant de nouvelles associations. Il est capable d’activer plusieurs réseaux à la fois et de les connecter. C’est un mode de fonctionnement véritablement différent.

Pour en revenir à Axel, la psy conseille un saut de classe. L’un des dangers, avec ces enfants, c’est qu’à force de s’ennuyer (ils comprennent trop vite), ils désinvestissent complètement l’école et peuvent devenir des cancres. Une proportion incroyable de surdoués n'a d'ailleurs pas le bac.
L’instit de CP fait la tronche (elle n’a pourtant rien vu), la directrice accepte de mauvaise grâce. Heureusement, je me suis inscrite à l’AFEP, j’ai un groupe de pression derrière moi et je le fais discrètement savoir.
Axel passe donc en CE1 à la rentrée des vacances de février.

CE1 (la même année).
L’instit, un homme, ne tarde pas à prendre Axel en grippe. Il ne se passe pas un mois sans que je sois convoquée, par lui ou la directrice, pour me faire engueuler. Axel perd ses affaires, ne range rien, fait le clown … L’équipe enseignante insinue encore, quoique plus discrètement, que tout ça serait de ma faute.
Pourtant, les résultats scolaires sont excellents, et j’ai bien expliqué la spécificité du gamin. Mais visiblement, personne n’y connaît rien, tout le monde s’en tape, le petit est un emmerdeur perturbé et moi une mère indigne, point.
Dure année.

CE2
C’est pire. Toujours d’excellents résultats, mais toujours le même comportement d'Axel, les mêmes problèmes, les mêmes convocations régulières, la même animosité. L’instit déteste franchement Axel, c’est évident.
On souffle tous les deux quand l’année scolaire se termine.

CM1
La nouvelle maîtresse, toute jeune, a visiblement été prévenue contre Axel par ses collègues. Lui est toujours aussi remuant et bordélique. Le clash finit par se produire : j’inscris Axel au bout de 2 mois à peine dans une école privée, sur le chemin de mon boulot.
Année assez cahotique et plutôt épuisante. La maîtresse a compris que le gamin avait un problème (et être surdoué dans une école où l’enseignement n’est pas adapté, c’en est bien un). On essaie donc de faire au mieux, ensemble, en équipe.
Mais cette fois, c’est le directeur qui nous a pris en grippe. Je vois bien à sa façon de me parler que la spécifité de fonctionnement d'Axel lui échappe, et qu'il se demande si tout ça ne serait pas de ma faute ...

CM2
Je me suis mariée, mon mari est instituteur. Axel va donc dans son école – pas dans sa classe, toutefois.
Nous passons l’année à nous arracher les cheveux. Le gosse est devenu si pénible qu’il atterrit dans la classe de Vincent plusieurs fois par semaine : son instit pète les plombs, nous avec.
A la maison, c’est l’épreuve de force permanente. C’a toujours été l’épreuve de force avec Axel, mais là, il met vraiment la gomme. Nerveusement, c’est usant et déprimant.

Je sais qu’il n’existe aucune structure pour les surdoués en primaire : on n'en trouve qu'à partir du collège. L’AFEP fournit tous les ans un guide des parents adhérents et des écoles accueillant ce type d’enfants, et nous nous décidons à l’inscrire dans l’une d’entre elle. La plus proche. A 200 kms.
En région parisienne et dans l’Eure & Loir, il n’y a rien.
Le gosse va donc faire les trajets en train deux fois par semaine. Je suis morte de peur mais nous n’avons plus le choix. Pour le coup, les résultats scolaires commencent à baisser ; le problème prend de l’ampleur.
Axel n’a pas de copains : il est trop remuant, continue de faire le guignol en classe et de perdre ses affaires sans arrêt, s’ennuie avec les enfants de son âge et est considéré comme un bébé par les plus grands – à qui il ne trouve d’ailleurs pas grand-chose à dire.
Il est très mal dans sa peau et ça se voit. J'ai bien compris que c'est cela que son comportement exprime.

6EME
Axel devient donc interne dans un collège qui accueille 2 classes de 20 surdoués en 6ème. Grosse majorité de garçons : ils semblent plus fragiles que les filles et souffrent beaucoup plus de leur différence.
J’avais peur de lâcher un enfant si jeune dans la nature, mais dans ces classes de 6ème, les gamins de 9 ans sont légion. Le plus jeune en a 8, avec un QI qui avoisine les 160.Et soudain, l’embellie tant espérée arrive.

  • Côté train, je constate vite que les gamins voyagent ensemble, à 2 ou 3 minimum. Voilà de quoi rassurer une mère aux abois.
  • Côté enseignement, il s’agit du même que dans une 6ème classique, mais en beaucoup plus fouillé et avec des méthodes d’enseignement différentes.
  • Côté discipline, pour ces gamins qui sont en permanence à la recherche de repères, sans qu'ils soient brimés, on ne les laisse pas non plus faire n’importe quoi.
  • Côté extra-scolaire, l’école propose du sport, de la philatélie, du bridge, une bibliothèque, de la poterie, des échecs, du théâtre, la fabrication de journaux, de l’informatique … j’en passe. Ces chérubins qui ont tant besoin d’être occupés et de faire travailler leur cerveau sont à la noce.
  • Côté langues : Axel, en plus de l’anglais, apprend l’allemand. L’équipe considère que ceux qui le veulent sont largement capables d’intégrer deux langues étrangères – ce qui semble être le cas.
  • Côté copains : Axel a maintenant des amis. Au collège, il est comme tout le monde et non plus la bête de cirque pas normale qu’il a été pendant ses 4 ans de primaire. Rigolades, affinités, inimitiés … je le sens désormais dans une dynamique sociale normale. Ca fait plaisir.
  • Côté comportement : on ne reconnaît plus Axel. Nettement moins en opposition, infiniment plus calme, la vie à la maison avec lui est devenue normale. C’est un immense soulagement.
  • Côté finances : l’Education Nationale ne se mobilisant pas pour ces enfants, le collège est privé. Il nous en coûte 340 euros par mois. Mais que faire ? Laisser le petit dans le cursus traditionnel où visiblement, il était en train de devenir fou, et nous avec ? Impossible. Nous n’avions plus le choix, et les résultats nous ont prouvé que nous avions fait le bon choix.
  • Enfin, je vous le donne en mille, personne dans l'équipe enseignante du collège ne semble considérer que quoique ce soit serait de ma faute. Il est différent, personne n'y peut rien. Quel soulagement !

DES ENFANTS FRAGILES

J’ai été en bute, toutes ces années, à beaucoup de jalousie.
Répondez : « Parce qu’il est surdoué » à une question où vous n’avez pas d’autre choix, vous allez voir 9 fois sur 10 s’allumer dans les yeux de votre interlocuteur une petite lueur méchante. Ca peut aller plus loin, le cas échéant.

Pourtant, les parents d'enfants surdoués n’ont pas la vie facile, loin de là.
Les problèmes à l’école et à la maison sont innombrables. L’enfant s’avère très vite un dévoreur d’énergie et un coupeur de cheveux en quatre de première catégorie, avec des problèmes d’autorité et d’obéissance épuisants. Il est vite malheureux, se sentant (et étant) différent. Vous souffrez de le voir souffrir, tout en sachant que jusqu’au collège, vous n’avez aucune solution à lui proposer. Contrairement aux enfants déficients que l’Etat prend en compte, les surdoués peuvent aller se faire voir. Leur intelligence si particulière, qui fera peut-être un jour des étincelles utiles à toute la communauté n’intéresse personne – sauf pour jalouser connement.

Si par malheur vous restez dans votre coin et ne connaissez pas de parents dans la même situation, vous allez vite vous mettre la tête à l’envers, croire que vous êtes des parents nuls, que vous ne savez pas vous y prendre, etc.
Or, dès que vous en rencontrez, vous vous apercevez que « tout va bien », qu’ils s’arrachent les cheveux autant que vous et sont confrontés aux mêmes difficultés.
J’ai discuté avec une dame, près d’Orléans, dont le fils de 7 ans était surdoué. Lui, demandait à quoi ça servait de vivre. Elle, avait frôlé la dépression. Elle avait fini par trouver l’AFEP. Le gamin participait aux activités du mercredi proposées par l’association, elle avait eu le son de cloche d’autres parents, confronté son expérience, et les choses allaient encore mieux depuis qu’elle l’avait changé d’école.
On se rend très vite compte qu’on vit tous la même chose, c’est très rassurant.

A savoir : fragile psychologiquement parce qu’hypersensible (en plus), le surdoué peut développer tout un tas de pathologies si sa spécificité n’est pas prise en compte.
« Soyez très prudente. C’est une population à délinquance et à suicide au moment de l’adolescence » m’avait dit la psy-clinicienne, mettant ainsi un bémol rapide à mon contentement. C’est vrai. Ce ne sont vraiment pas des enfants comme les autres.


LES TUYAUX

Je termine en vous donnant les tuyaux qui nous ont aidés et sauvés du désespoir.

AFEP
13 bis, rue Albert-Joly
78110 Le Vésinet
Tel : 01 34 80 03 90
www.afep.assoc.fr

INFOS ACTIONS SURDOUES
39, boulevard de la Bastille
75012 Paris
Tel : 01 43 44 99 34

ALREP (Association loisirs, rencontres et éducation pour les enfants précoces)
33, avenue Franklin-Roosevelt
30000 Nîmes
Tel : 04 66 64 82 51

Et enfin un livre, le seul dans lequel j’ai trouvé toute la problématique de l’enfant surdoué clairement exposée, ainsi que des réponses claires :
L’enfant surdoué – Jeanne Siaud-Facchin – Odile Jacob 2002


J’espère vous avoir bien informés sur le sujet.
Et, pitié : ne regardez pas les enfants surdoués ou leurs parents avec méfiance. Le surdon est un beau cadeau, mais le prix à payer en est très élevé.

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L’ENFANT PRECOCE : SIGNES PARTICULIERS

O. Revol, service de neuropsychiatrie de l’enfant, hôpital neurologique de Lyon.

J. Louis, INSERM, unité 380, Lyon.

P. Fourneret, service de neuropsychiatrie de l’enfant, hôpital neurologique de Lyon - Instituts des sciences cognitives, Lyon.

Extrait de la revue « Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence » édition Elsevier.

Le repérage de la précocité est utile à tout instant du développement. Très tôt, il permet d'anticiper la survenue de troubles du comportement en proposant aux parents de certains nourrissons difficiles des stratégies éducatives simples et efficaces. Plus tard, la révélation de la précocité apporte une explication rationnelle aux troubles d'adaptation rencontrés par les enfants intellectuellement précoces (BIP) en maternelle. Enfin, des les classes primaires, l'identification des profils spécifiques des E1P permet aux enseignants et aux familles de s'adapter à leurs particularités affectives et cognitives,

Ce regard expert revêt de plus une fonction thérapeutique, car l'identification de la précocité est rapidement apaisante pour l'enfant et son environnement. («enfin, on a le mode d'emploi...», « il a retrouvé le sourire depuis qu'il a été testé...). Il exige de l'éducateur une bonne connaissance des caractéristiques physiologiques et pathologiques qui distinguent un enfant précoce d'un enfant standard. Le diagnostic de précocité repose moins sur la présence de l'un ou l'autre de ces signes, d'allure bien banale lorsqu'ils sont présents isolément, que sur leur co-existence et leur chronologie d'apparition, qu'une anamnèse bien conduite permet de reconstituer aisément.

On peut classer ces signes distinctifs en quatre catégories : les particularités du développement, les troubles du comportement, les troubles île la régulation émotionnelle et les spécificités du traitement de l'information.

1 Les particularités du développement

Elles vont être rapidement évidentes dans le milieu familial devant la précocité de certaines acquisitions. On décrit des nourrissons surinvestissant dès trois mois le contact avec leur mère, sollicitant sans cesse l'entourage pour être remarqués, recherchant la position debout à six mois en poussant sur leurs membres inférieurs et vocalisant pour être entendus. Leur compétence en matière d'empathie sont déjà remarquable ; elles vont être illustrées, et facilitées, par une acquisition rapide du langage oral. Certains parents noient la précocité des premiers mots (12 mois), puis des premières phrases (18 mois au lieu de 24 mois, repère classique du premier accolement de 2 mots). D'autres signalent de façon patho-gnomonique une absence d'acquisition des premiers mots jusqu'à deux ans, puis l'apparition brutale de phrases parfaites sur le plan syntaxique (« comme s'il attendait de savoir parler correctement avant de nous le montrer... »).

Cette aisance langagière va logiquement s'accompagner d'un intérêt prématuré pour l'environnement, avec un questionnement incessant (« pourquoi ... ? est-ce que... ? ») et toujours pertinent. Ce harcèlement plonge l'adulte dans l'embarras car il concerne des sujets complexes et existentiels {origine de la planète, construction de l'univers, existence de Dieu, notion de vie après la vie...).

L'association de l'avance verbale et de l'empathie crée une situation idéale pour développer une forme d'humour qui achève de fasciner l'entourage. Dès trois ans, l'ElP cherche à faire rire par des mimiques ou des jeux de mots qui parviennent spontanément à son esprit. Ce phénomène est volontiers entretenu par un entourage fasciné et stimulant.

L'accès à la lecture est généralement accéléré ; dans son désir de tout maîtriser, l'enfant recherche très vite à comprendre les règles de la correspondance phonème-graphème. Il apprend le plus souvent seul, à l'aide de jeux éducatifs (ordinateurs), télévisés (« Des chiffres et des lettres », « Pyramide »...) et en décryptant les publicités ou les gros titres des journaux. Son appétence épistémologique sera en revanche, nettement moins vive en matière de graphisme pour lequel il est souvent moins compétent ; il est probable qu'il soit rebuté par la lenteur de ses réalisations picturales, dont sa vivacité s'accommode mal. De fait, il va rapidement négliger toutes les tâches écrites, ce qui achevé de dérouter les enseignants. Sur le plan social, il est spontanément attiré par des camarades plus âgés, voire des adultes. Dans le même sens, il préfère les jeux compliqués, et délaisse ceux de son âge. Il est aidé dans cette entreprise par des compétences mnésiques étonnantes, qu'il s'agisse de la mémoire de travail (qui implique l'attention), ou de la mémoire à long terme.

Enfin, un dernier trait est largement décrit par les familles, à la limite entre physiologie et pathologie ; il s'agit d'une extrême sensibilité qui donne une fausse impression d'immaturité affective. Cette hypersensibilité n'est que la conséquence du fonctionnement intuitif d'un enfant qui perçoit rapidement les étals d'âme de son entourage. Ses réactions sont généralement caricaturales car la précocité est responsable d'un effet loupe, qui amplifie toutes les émotions et les sensations.

Ainsi, les EIP apparaissent très tôt comme des enfants vifs, hypersensibles, opposants et...dérangeants ; ils ont pourtant besoin de règles éducatives strictes et bienveillantes, seules susceptibles de les rassurer.

Les principaux signes d'appels de la précocité doivent être rapidement reconnus pour permettre une adaptation de l'entourage.

2 Troubles du comportement

Si ces particularités ne représentent en fait qu'une avance dans certains domaines, elles s'accompagnent souvent de troubles du comportement, qui peuvent être les premiers symptômes visibles de la précocité. Secondaires à la « dysynchronie », qui affecte l'enfant dans ses relations aux autres mais aussi dans son fonctionnement interne, ils méritent d'être rapidement identifiés comme l'expression d'une avance intellectuelle, ce qui évite de les relier à un trouble de la personnalité ou encore d'incriminer des fautes éducatives.

2.1. Les troubles du sommeil

Ils sont quasi-constants; leur signification diffère selon l'âge. Chez le nourrisson, l'insomnie d'endormissement est liée à l'anxiété de séparation, logiquement amplifiée par la précocité. Après deux ans, l'opposition au coucher illustre les difficultés à renoncer au plaisir de jouer ou d'apprendre ; l'anxiété vespérale est aggravée en période oedipienne par la crainte de la résurgence des fantasmes au cours du rêve. Sur le plan qualitatif, tous les types de troubles ont été signalés comme le confirme une élude récente ; on retrouve des insomnies (difficultés au coucher, éveils nocturnes), des parasomnies (cauchemars) et surtout l'impression parentale, subjective, d'un sommeil de mauvaise qualité.

La fréquence des troubles du sommeil chez les EIP incite à rechercher d'autres signes évocateurs de précocité chez tout enfant consultant pour un refus d'endormissement.

2.2. L'opposition

Elle est certainement le symptôme le plus fréquent (« son premier mot a été « non », avant « papa, maman »...). Elle s'exprime de façon comportementale avant l'apparition du langage, avec des crises de colère paroxystiques en cas de frustration (hurlements, coups de tête sur le

sol...). Plus tard, l'aisance verbale risque d'entraîner l'enfant dans une argumentation aussi structurée qu'insupportable. Le rattachement de ces excès au diagnostic de précocité va être rapidement apaisant en dédouanant les parents de toutes fautes éducatives. Quelques conseils simples (fermeté bienveillante, proposition rapide de nouveaux centres d'intérêt...) achèveront de ramener le calme ; à l'inverse, l'absence d'identification du problème risque de maintenir un climat délétère et de créer une situation délicate pour l'avenir. Ces comportements sont surtout rencontrés chez le garçon. La rareté des manifestations d'opposition chez les fillettes, volontiers hyperconformes, est sans doute à l'origine de la sous-évaluation de la précocité féminine et du retard à la diagnostiquer.

2.3. L'instabilité psychomotrice

1C'est une plainte de plus en plus rencontrée en consultations ; l'hypermédiatisation de ce symptôme conduit à des demandes injustifiées de soins psychothérapiques, voire de traitement médicamenteux. Un entretien clinique simple, avec reconstitution de l'histoire de l'enfant, précisant la chronologie d'apparition de l'hyperactivité est souvent suffisant pour évoquer la précocité. On la discutera devant un enfant calme à la maison et signalé comme instable à l'entrée en maternelle, avec une aggravation au cours préparatoire, surtout s'il existe parallèlement des troubles spécifiques d'apprentissage, La variabilité du comportement en fonction des moments et des enseignants confirme rapidement l'hypothèse d'un enfant qui bouge car il s'ennuie avec ses pairs. On sait par ailleurs que l'insuffisance de stimulations laisse l'enfant bien désemparé face à la résurgence de préoccupations anxieuses qui aggravent son instabilité.

L'aspect sélectif de l'hyperactivité est facilement objectivé par les échelles de Conners, dont les scores parentaux subnormaux contrastent avec ceux de l'école, franchement pathologiques. Des conseils d'approfondissement, d'enrichissement, voire d'accélération scolaire sont suffisants pour limiter les débordements.

3 Les troubles de la régulation émotionnelle

Ils sont retrouvés chez la plupart des enfants précoces, et peuvent être les premiers révélateurs d'une avance intellectuelle jusque là méconnue. On distingue l'anxiété et les troubles de l'humeur.

3.1. L'anxiété

Elle est constante chez les enfants surdoués. L'intelligence est logiquement anxiogène lorsqu'elle donne accès à des questionnements existentiels que le jeune enfant ne peut assumer. On est alerté dès trois ans par des préoccupations excessives concernant l'univers ou la vie après la vie ; la notion prématurée de la pérennité de la mort est forcément inquiétante à l'âge ou l'enfant en a normalement une notion très abstraite ou ludique, comme dans les dessins animés ou les jeux vidéo (« je sais bien que je n'ai pas plusieurs vies... »). Plus tard, les peurs concernent les maladies (peur du sida, de la maladie de la Vache-Folle...), la survenue de catastrophes au niveau planétaire (guerre, météorites, inondations...) ou familiales (maladies des parents, séparations....). Ces craintes sont parfois abordées spontanément, mais le plus souvent elles restent secrètement gardées par un enfant qui n'osent en parler à ses camarades de peur d'être ridicule, ni à ses parents pour ne pas les inquiéter. Elles risquent alors d'évoluer en véritables obsessions, inquiétantes, responsables de rituels nécessaires à leur apaisement.

Cette organisation en troubles obsessionnels et compulsifs (TOC) est tellement fréquente dans notre expérience qu'elle justifie d'interroger tous les enfants intelligents sur l'existence d'éventuels « soucis » ou de gestes absurdes qu'ils ne peuvent éviter. La (première) révélation

de ce qu'ils considèrent souvent à tort comme une maladie mentale est extrêmement thérapeutique.

3.2. Les troubles de l'humeur

Ils sont fréquents chez les EIP, mais particulièrement mal repérés. Les adultes hésitent en effet à évoquer la dépression chez l'enfant, et préfèrent longtemps feindre de croire que l'enfance est toujours une période joyeuse ; l'enfant surdoué est pourtant surexposé au risque dépressif du fait de sa grande perméabilité aux émotions de l'entourage, avant d'avoir pu construire les moyens de défense adaptés. Il est donc fondamental de bien connaître les signes de dépression infantile, d'expression variable en fonction de l'âge, et de penser le cas échéant à les relier à l'avance intellectuelle. Cette identification permet alors de décontaminer la relation entre l'enfant et ses parents ; une des particularités de la dépression infantile est de s'auto-entretenir, quand l'irritabilité et l'agitation favorisent le rejet. Elle permet également de mettre en place des stratégies psychologiques adaptées (consultations de soutien au cours desquelles sont abordées les causes de la tristesse), voire un traitement médicamenteux transitoire.

4 Les spécificités du traitement de l'information

Le quatrième domaine qui permet de distinguer l'enfant précoce concerne ses spécificités de

Traitement de l'information. Les enseignants connaissent bien ces profils cognitifs rapidement défavorables sur le plan scolaire, malgré des compétences satisfaisantes. On sait en effet que l'enfant précoce privilégie une vision globale, simultanée, des problèmes, au détriment d'une démarche séquentielle, analytique, plus longue et coûteuse en énergie. De fait, un des premiers signes qui alêne l'institutrice est le contraste entre la fulgurance de certaines réponses et l'impossibilité d'en expliquer le cheminement. On pense que l'enfant précoce traite l'information de façon analogique et intuitive, faisant à son insu des tiens entre le problème posé et des situations semblables déjà vécues ; la solution s'impose alors à lui, sans qu'il puisse en expliquer l'origine. Les conséquences sur les carnets de note peuvent être le premier clignotant d'une précocité jusque là méconnue. Les enseignants font état du « manque de méthode », de la « difficulté face à l'effort », et décrivent « l'effet Everest », défini comme une préférence pour ce qui est compliqué, et un manque d'attention dans les matières moins intéressantes. Une fois encore, la compréhension rapide de l'origine de ce fonctionnement permet d'éviter l'enlisement et surtout la phobie de l'école.

Des conseils méthodologiques, voire une prise en charge à visée pédagogique sont alors rapidement efficaces sur les résultats scolaires. En somme, un certain nombre de traits distinguent l'enfant précoce des enfants de son âge. Leur mise en évidence rapide permet d'anticiper la survenue de conséquences potentiellement délétères. La confirmation du «surdon » par un test de quotient intellectuel (QI) n'est pas nécessaire si l'enfant va bien : elle devient indispensable en cas d'échec scolaire injustifié ou de détresse affective, et doit alors s'accompagner de modifications des contre-attitudes parentales ou d'adaptations éducatives et ou pédagogiques.

C'est donc avant tout la méconnaissance de la précocité qui représente un risque pour l'enfant. À l'inverse, son identification et surtout sa reconnaissance sont rapidement bénéfiques et permettent à l'EIP d'exploiter au mieux ses compétences. D'ailleurs, dans la plupart des cas, la précocité est plus un atout qu'un handicap, et il ne faut certainement pas en faire une maladie!

Diffusé par CORIDYS

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Le syndrome de dyssynchronie

Il n’y a pas deux enfants intellectuellement précoces identiques. Cependant, les conséquences engendrées par cette spécificité sont bien souvent les mêmes. Elle se retrouvent, à différents niveaux, chez de très nombreux enfants. Elles résultent presque toutes d’un développement hétérogène des aspects affectif, psychomoteur et intellectuel de la personnalité de l’enfant. Jean-Charles Terrassier, spécialiste reconnu des enfants précoces, parle de dyssynchronie, ou plutôt de dyssynchronies au pluriel. Cet article emprunte beaucoup à ses travaux, qui font autorité dans le domaine. On distingue dyssynchronie interne et dyssynchronie sociale.

La dyssynchronie interne se manifeste au niveau affectif et psychomoteur. Elle peut être dans une certaine mesure exprimée lors de la passation d’un test de QI.

L’anxiété est un trait de caractère assez fréquemment répandu chez les enfants précoces. Leur maturité affective n’est pas toujours en adéquation avec le niveau des connaissances accumulées. Cela engendre chez l’enfant une relative impossibilité de traiter avec efficacité un trop grand nombre d’informations contradictoires. Il aura donc tendance à rationnaliser ou à ne pas supporter l’échec. Il est indispensable de laisser à cet enfant des moments de doute et de le placer face à des difficultés qui l’aideront à ne pas s’ennuyer.

Le problème le plus souvent posé aux parents d’enfants précoces, réside dans le décalage important généralement constaté entre capacités intellectuelles et motricité. L’obligation scolaire et l’organisation du système est bien sûr la raison principale de l’importance accordée à cette facette de la dyssynchronie. Il est bien évident qu’il est difficile pour un enfant en avance de plusieurs années intellectuellement d’obtenir la même performance dans des domaines plus « physiques », tels que les activités sportives ou graphiques. Bien souvent on constate même un certain retard sur des enfants du même âge. Cela handicape parfois l’enfant qui devrait bénéficier d’une accélération de son cursus et qui se la voit refuser pour cette raison. Il est extrêmement important de tenir compte dès le plus jeune âge de ce problème et de rechercher les solutions qui permettront de le dépasser.

Le résultat d’un test de QI peut donner des indications précieuses sur le niveau de dyssynchronie atteint par un enfant précoce. Dans le cadre des tests du type « Wechsler », une étude attentive des résultats obtenus subtest par subtest permet d’analyser les capacités de l’enfant dans les sphères « verbale » et « performance ». Il est généralement considéré qu’un écart supérieur à 15 points (soit un écart-type) au détriment du QI de performance aura un impact important sur l’équilibre entre motricité et développement intellectuel.

La dyssynchronie sociale est présentée par Jean-Charles Terrassier comme apparaissant entre l’enfant et son entourage, que ce soit le système scolaire, ou les autres enfants.

L’école, ou plutôt le système éducatif, n’est pas adaptée aujourd’hui à l’accueil des enfants précoces, même si de récents développements nous laissent espérer une amélioration prochaine. La progression scolaire, telle qu’elle est conçue ne laisse que peu de place à l’épanouissement des EIP. Elle a été imaginée à l’origine pour des enfants « standards », « normalisés » qui sont bien éloignés du profil classique de l’enfant intellectuellement précoce. Il est quasiment aussi délicat pour un tel enfant de s’épanouir dans une classe d’enfants « normaux » que pour un enfant « normal » dans une classe de déficients mentaux. Or, si la prise en compte des difficultés se fait à peu près bien pour les enfants qui ne suivent pas, il n’en va pas toujours de même pour ceux qui auraient besoin d’aller plus vite. Si les premières années de scolarité peuvent s’accomoder sans trop de dommages d’une telle réalité, le principal problème découlant de cet état de fait se manifestera plus tard, souvent au collège, voire au lycée. L’enfant, qui n’aura pas été habitué à travailler pour réussir, faute de challenge intéressant va éprouver beaucoup de difficultés à troquer un apprentissage intuitif contre des méthodes de travail rigoureuses. Souvent l’échec scolaire survient à ce moment là.

Face à ses camarades également, l’enfant précoce subira un décalage. Pas assez « physique » pour jouer avec les plus grands (parfois même les enfants de son âge lorsque le retard psychomoteur existe), trop en avance intellectuellement pour discuter avec les « petits », il va souvent avoir des difficultés à intégrer un groupe de copains. Cela est bien entendu amplifié à l’école et dans les activités péri-scolaires, puisque bien souvent le découpage des groupes se fait uniquement en fonction de critères d’âge. Le meilleur camarade pour un enfant précoce est certainement un autre enfant précoce. Des activités et loisirs spécifiques existent pour les EIP, mais sont encore trop rares. Il y a aussi la possibilité d’inscrire son enfant à des loisirs qui intéressent généralement les jeunes précoces, tels que les échecs, les jeux de rôle ou les activités du type micro-fusées.

La dyssynchronie n’est pas une maladie. C’est l’une des conséquences principales de la précocité intellectuelle et l’on voit que beaucoup de choses découlent d’elle. Il est indispensable de prendre rapidement les mesures qui permettent d’en atténuer les effets. Une détection précoce est sans conteste un facteur permettant de faciliter la mise en oeuvre de solutions adaptées. Il va falloir jouer sur l’environnement de l’enfant, si l’on ne veut pas qu’il soit, au prix de lourds sacrifices, obligé de s’adapter. Sans cela, les conséquences pourront se faire sentir de longues années, notamment au niveau social. Tout le travail des adultes va être de proposer à l’enfant un environnement qui réponde le mieux possible aux besoins particuliers qu’il manifeste.

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06/06/2013
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