Théorie de la séduction - Partie 1

Théorie de la séduction

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La théorie de la séduction est une théorie psychanalytique formulée par Sigmund Freud, et qu'il considéra d'abord comme fondamentale avant de la rejeter définitivement en 1897. Cette théorie, que le père de la psychanalyse concevait comme la "source du Nil" (caput Nili) de la névrose[1], mettait en relation une réalité effective – la séduction, exprimée de manière observable et quantifiable – et une théorie à plus grande portée, qui peut rendre compte de la totalité de la psychogenèse et de la psychopathologie de l'individu à travers la notion de "refoulement".

Sommaire

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Théorie de la séduction restreinte et généralisée [modifier]

Cette théorie de la séduction "restreinte" se rapporte à la réalité effective elle-même. La théorie de la séduction "généralisée", elle, concerne les répercussions lointaines de cette réalité effective par un "effet de l'après-coup", où un événement traumatique du passé lointain est interprété à la lumière du présent et provoque alors une souffrance telle qu'il est refoulé dans l'inconscient et enfoui dans un passé qui ne cesse pas d'être présent. Elle est généralisée par l'extension de l'idée de séduction, de perversion et de l'application au-delà de la seule psychopathologie.

Aux débuts de Freud, la séduction était infantile et se présentait comme des "scènes" retrouvées, remémorées et reconstruites par le sujet, grâce à la méthode analytique, que Freud vérifiait et contre-vérifiait auprès de l'entourage du sujet à la manière des enquêtes policières.


Par « séduction », Freud entendait une expérience sexuelle précoce où le sujet alors enfant aurait été confronté, passivement et prématurément, au surgissement d'une sexualité d'adulte. En d'autres termes, un enfant se situe dans un état d'immaturité, d'incapacité par rapport à l'expérience qui lui arrive avec un adulte. Cette immaturité, impréparation, insuffisance ou incapacité se rapporte à la fois au développement biophysique et au développement psychosexuel.

Ce qui fait traumatisme est l'état d'impréparation : le caractère fortuit dans la névrose traumatique d'adulte et l'immaturité psychosexuelle chez l'enfant. Dans les deux cas de figure, alliés à l'impréparation sont l'aspect arbitraire de l'attentat sexuel et l'impuissance physique et mentale à s'y opposer.

Cet état d'impréparation, chez Freud, est une totalité psycho-somato-affective encore insuffisante chez un enfant à son stade de développement qui ne lui permet pas d'intégrer adéquatement ce qui lui advient.

Autrement dit, un certain "état infantile" des fonctions psychiques et du système sexuel, pas nécessairement de pure chronologie, est nécessaire pour qu'une expérience sexuelle fortuite, arbitraire et inéluctable se développe plus tard par un effet de l'après-coup comme souvenir, une action pathogène.

Le partenaire obligatoire de la séduction est l'adulte, ce qui exclut la séduction des jeux sexuels que pratiquent les enfants entre-eux. Pour Freud, l'adulte n'est pas n'importe lequel, mais un adulte "pervers" dans son double sens de déviance quant à l'objet dans la pédophilie et de déviance quant au but dans l'arbitraire et la coercition de l'acte sexuel. Jusqu'à l'abandon total de sa théorie de la séduction, Freud tenait fermement au caractère pervers du père de l'hystérique.

Le scénario général pourrait être le suivant : un individu "A" fait une demande affective de tendresse à laquelle un individu "B" donne une réponse sexuelle et voire génitale. Le caractère d'impréparation ou de fortuité est dans la réponse sexuelle inattendue par rapport à la demande affective sur le plan psychique et dans l'immaturité sexuelle sur le plan physique. Le caractère de perversion (per-version ou version parallèle) est dans le détournement de l'objet sexuel "normal" et dans le détournement du but de l'accord à un désaccord par l'arbitraire et la contrainte physique ou morale.

Le postulat pose une partie passive, faible et démunie et l'autre partie active, autoritaire et puissante. D'autre part, l'individu "B" peut faire une demande sexuelle et voire génitale à laquelle l'individu "A" donne une réponse affective de tendresse.

Ce qui pose problème dans la séduction restreinte de la réalité effective est la ponctuation ou découpage en élément premier dans la circularité de la demande-réponse, comme la circularité de l'œuf et la poule où l'œuf qui conduit à la poule est aussi exact que la poule qui conduit à l'œuf.

Puisque Freud postule la passivité de l'enfant par rapport à l’activité de l'adulte, c'est ce dernier qui prend l'initiative, par gestes et paroles. Freud décrit la séduction comme une agression, une irruption ou une intrusion violente, dans le cadre d'une relation univoque et unilatérale d'agresseur-agressé, d'émetteur-récepteur.

Comme un train peut cacher un autre, ce qui pose problème dans la séduction généralisée à une théorie du refoulement dans l'inconscient est que derrière une scène s'en profile une autre qui en laisse pressentir une troisième et ainsi de suite jusqu'à une improbable première scène originelle.

Comme le processus géologique de sédimentation, il s'agit d'une sucession de couches et d'interprétations fantasmatiques a posteriori ou après-coup qui peuvent se contaminer mutuellement ou se déteindre ou se teindre réciproquement les unes et les autres.

Ce qui pose problème aussi est la perversion dans la multiplicité des versions parallèles ou déviances possibles où cette psychopathologie est à réviser et resituer dans l'errance de la sexualité humaine, dans la précarité et l'interchangeabilité de ses buts et dans l'étrangeté et l'inaccessibilité de son objet. Ces problèmes posés ou objections révèlent une théorie complexe de la séduction qui se déploie sur trois registres étroitement solidaires et complémentaires : le temporel, le topique et le traductif.

Le registre temporel est resté, c'est la théorie de l'après-coup ou du traumatisme en deux temps. Elle postule que ce qui s'inscrit dans l'inconscient est seulement ce qui est dans la relation entre deux événements séparés dans le temps et par un moment (aussi bien comme instant que comme rapport de forces) de mutation permettant au sujet de réagir autrement qu'au premier événement.

Au premier temps est l'effroi, frayeur ou grande peur qui confronte le sujet non-préparé à un acte sexuel hautement significatif, mais encore insignifiant, puisque le sujet est en état d'impréparation ou d'immaturité, c'est-à-dire un acte sexuel indéchiffrable, un acte sexuel dont la signification ne peut être assimilée. Laissé en attente ou mis de côté, le souvenir n'est pas en soi pathologique ou traumatisant. Il ne le deviendra que par sa remémoration, sa reviviscence, lors d'un second événement ou scène qui entre en résonance associative avec le précédent événement.

Au deuxième temps est une scène qui rappelle la première. Mais, du fait des nouvelles possibilités de réaction, c'est le souvenir lui-même - et non pas la nouvelle scène fonctionnant comme déclencheur - qui fonctionne comme une nouvelle "sources d'énergie libidinale" interne et auto-traumatisante. En d'autres termes, c'est le souvenir de l'agression sexuelle qui blesse plutôt que l'agression sexuelle elle-même à l'époque où elle s'est produite.

À ce deuxième temps auto-traumatique, l'issue n'est pas dans une liquidation dans l'oubli ou une élaboration normale du sujet envers une agression à laquelle il ne pouvait pas lutter contre, mais dans une "défense pathologique" ou "refoulement".

Dans l'élaboration normale, reconnaître son impuissance, c'est reconnaître la monstruosité de l'agression et de l'agresseur qui est souvent un adulte à respecter et la reconnaissance de cette monstruosité équivaut à l'irrespect, c'est-à-dire à transgresser un ordre qui est à la fois un impératif et un ordonnancement.

Pour ne pas créer un chaos externe dans la transgression de l'ordre, le sujet crée un chaos interne dans une stratégie quasi-militaire de "défense pathologique" ou "refoulement".

Lors de la première agression, le sujet ne pouvait pas se défendre par défaut de moyens adéquats. À la deuxième agression, le sujet a bien des moyens de se défendre contre la puissance extérieure agressive, mais il se trouve désarmé sur le front intérieur à blâmer le bourreau qui détient l'autorité symbolique et le pouvoir imaginaire, au “Nom du Père” et sous la “Loi du Père”.

Le registre topique est dans le front intérieur de la "Loi du Père" dont la transgression conduit au chaos externe et dont l'acceptation conduit au chaos interne de la "défense pathologique" ou "refoulement".

Le registre traductif est langagier où le refoulement est un défaut de traduction de l'inconscient au conscient et où cette traduction est aussi un passage à travers la barrière qui sépare deux moments psychiques. Ce registre traductif assimile le rapport des deux scènes entre elles à une réinscription et à une traduction (trans-ducere : conduire à travers) et le refoulement à un défaut partiel ou total de traduction.

Freud attribue une telle importance à la séduction dans la genèse du refoulement qu'il cherche à retrouver systématiquement des "scènes" de séduction passive aussi bien dans la névrose obsessionnelle que dans l'hystérie où il les a d'abord découvertes. La séduction dite passive ne signifie pas que le sujet a un comportement passif dans cette scène, mais désigne l'état d'impréparation corrélatif à l'état de passivité. Cette passivité se rapporte aussi à l'initiative prise ou non par l'une des parties. Or, nous savons tous qu'une initiative ne peut avoir lieu qu'à un moment propice et dans un contexte adéquat.

Freud oppose l'étiologie de la névrose obsessionnelle où l'agression comporte une nuance de participation dans le plaisir de l'acte sexuel à l'étiologie de l'hystérie où séduction et passivité seraient évidentes d'emblée. Mais, cette opposition symétrique est sujette à caution sans graduations fines de l'activité à la passivité et sans répartitions adéquates dans l'enchaînement des actes et des scènes. Finalement, la théorie de la séduction "restreinte" ou "restrictive" est celle d'avant 1897 qui présente de grandes forces et de grandes faiblesses.

Ces forces sont dans les relations étroites entre la théorie et les données tirées de l'expérience analytique, dans les registres temporel, topique et traductif et dans la capacité explicative sur un large éventail du champ de la psychopathologie.

Ces faiblesses sont dans la restriction de la séduction à des "scènes" où l'interaction des parties actives participantes est réduite au couple activité-passivité et dans la restriction de la perversité à des adultes où il devrait y avoir nécessairement plus de "pervers" à la génération des parents que de "névrosés" à la génération des enfants. Enfin, la plus grande faiblesse est sans doute la remontée de scène en scène jusqu'à la scène originelle qui livrerait la clé révélatrice.

Une théorie de la séduction "généralisée" “a posteriori” ou après-coup (de la période 1964-1967) est l'ambition d'étendre la séduction et la perversion pour remédier aux faiblesses et renforcer les forces de l'après-coup et du traductif, du langagier à la linguistique et à la sémiotique.

La séduction ne serait plus un couple action-réaction, mais un mode d'interaction où il n'y aurait plus de personne séductrice et de personne séduite, mais des personnes qui participent à la séduction à la fois infantile et parentale dans la relation parents-enfant. La perversion serait des erreurs d'interprétation ou des versions parallèles. La topique ne serait plus énergétique des pulsions d'attaque interne, mais sémiotique du sens, en tant qu'orientation, pertinence et signification.

La temporalité de l'après-coup garderait sa fécondité, mais la figure majeure de la séduction infantile se déplacerait du père à la mère à travers le maternage des soins et de l'alimentation.

Freud a été conduit progressivement à mettre en doute la véracité des scènes de séduction et à abandonner cette théorie de la séduction en découvrant que ces scènes de séduction sont parfois des reconstructions fantasmatiques et cette découverte est corrélative de la mise à jour progressive de la sexualité infantile. L'après-coup est simplement un travail d'archéologue qui raconte la vie d'une population à partir des fragments de poterie ou du commentateur sportif qui raconte un match de hockey à partir des traces laissées sur la glace par les lames des patins.

L’abandon de la théorie de la séduction (neurotica) [modifier]

La restriction de la théorie de la séduction à la psychopathologie, la dislocation et le démembrement des registres temporel, topique et traductif ont amorcé cet abandon consacré par la répudiation de cette théorie par Freud lui-même qui l'a considérée comme appartenant à une période révolue. Cet abandon ou sabordage est-il une autocensure ? S'il l'est, de quelle censure s'agit-il ?

Les données tirées de l'expérience analytique étaient une suite d'incestes, de viols et d'agressions sexuelles brutales à l'ombre très respectée des familles bourgeoises de Vienne au tournant de ce siècle. Les récits de ces "scènes" feraient rougir de pudeur et pâlir de jalousie les pornographes les plus aguerris.

Pendant son séjour à Paris et en suivant les cours de Jean-Martin Charcot sur l'hystérie, du 3 octobre 1885 au 28 février 1886, Freud a suivi les conférences et assisté aux autopsies de Brouardel à la morgue de Paris sur des cas de viol et d'assassinat d'enfant ou de violence sexuelle accompagnée de violence physique (Jeffrey Moussaieff Masson, 1984, pp. 35-72, "Le réel escamoté. Le renoncement de Freud à la théorie de la séduction", Aubier, Paris.).



11/08/2007
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