.1. De l'adaptation à la décompensation
.1. De l'adaptation à la décompensation
De la naissance à la mort, l'homme doit, sur le plan psychologique, constamment adapter ses besoins et ses pulsions aux exigences de son environnement. Certaines étapes se caractérisent par des changements brusques dans les conditions de vie et occasionnent ainsi, fréquemment, des difficultés, temporaires pour la plupart : l'entrée à l'école, la puberté, le service militaire, le mariage, la mise à la retraite, etc. ... L'incapacité à s'adapter engendre un processus de décompensation psychologique (break down). On considère qu'un événement (life event) est d'autant plus traumatisant -on parle également de stress psychologique par similitude au stress physiologique- qu'il nécessite une plus grande mobilisation psychologique de la part de l'individu. On peut ainsi établir la gravité respective de différentes circonstances, en fonction de l'importance du changement de vie qu'elles impliquent (Holmes et Rahe, 1973). Si arbitrairement on attribue la cote 100 à l'événement le plus traumatisant -il s'agit du décès du conjoint- on peut classer les autres, statistiquement, de la façon suivante :
- Divorce 73
- Séparation 65
- Emprisonnement 63
- Décès d'un proche 63
- Maladie ou traumatisme physique 53
- Mariage 50
- Mise à la retraite 45
- Changement dans les habitudes de travail 36
- etc.
Le risque de voir apparaître des troubles, tant physiques que psychologiques, paraît d'autant plus élevé que les événements traumatisants se succèdent en un laps de temps d'autant plus court. Ainsi, si sur une période d'un an, la cote globale (addition des cotes attribuées aux événements) dépasse 200, le risque de voir apparaître des maladies telles que l'infarctus du myocarde, des infections à répétition, un ulcère gastro-duodénal ainsi que divers troubles psychologiques, paraît fort élevé. On comprend ainsi l'importance qu'il y a, au cours d'une anamnèse, de faire le relevé des événements traumatisants récemment vécus par le sujet; ceci permet une action préventive (éloignement du milieu de vie habituel, repos, ...) au cas où la cote d'alerte est atteinte ou une action curative dans le cadre de l'attitude thérapeutique générale que l'on adoptera au cas où la maladie est déjà installée.
Exemple :
Un patient est atteint d'un infarctus du myocarde. Après 6 semaines de repos, le médecin estime que l'état cardiologique du patient est parfait et que celui-ci peut reprendre son travail. A ce moment il apparaît de nouveau des douleurs relativement vagues à la poitrine ainsi qu'une plus grande fatigabilité que ce n'était le cas au cours des dernières semaines.
L'anamnèse psychologique révèle que, durant les derniers mois, ce patient était excessivement tendu, anxieux et préoccupé à propos de son travail : craignant d'être changé de service, il travaillait à l'excès, voulant montrer par là qu'il était indispensable là où il se trouvait. Evoquant avec lui la reprise du travail, il apparaît clairement qu'il appréhende de retrouver identiquement la même situation telle qu'elle se présentait avant son infarctus. On conseille au médecin traitant de prolonger l'incapacité de travail afin de maintenir le patient éloigné de son milieu professionnel, sans pour autant l'astreindre à un repos physique. Cette période est, par ailleurs, mise à profit pour avoir quelques entretiens psychothérapeutiques avec le patient. Après quelques séances, il estime qu'il peut, autrement que par un excès de travail, manifester son désir d'occuper dorénavant la même fonction. Parallèlement, les plaintes disparaissent et, un mois plus tard, le patient reprend normalement son travail.
Dans ce cas, la prise en considération de l'événement traumatisant initial, a permis une action thérapeutique psychologique, intégrée au traitement somatique. Au cas contraire, on risque de voir apparaître des réactions psychologiques pathogènes ou la persistance de troubles fonctionnels.
3.2. Le trouble primaire et les réactions secondaires
Les symptômes psychologiques peuvent être classés en primaires (directement causés par la perturbation sous-jacente) et secondaires (réaction de l'individu aux troubles primaires).
Exemples :
1. La dépression se caractérise, en général, par la tristesse de l'humeur et un ralentissement des réactions, tant mentales que motrices (symptômes primaires). C'est ce tableau que l'on peut voir s'installer insidieusement chez un sujet. D'autres cependant, en même temps qu'ils présentent des "coups de cafard", des "passages à vide", apparaissent plutôt agités et hyperactifs (symptômes secondaires). Ils tentent ainsi de réagir par l'activité à l'apathie qu'ils sentent les envahir.
2. Dans la schizophrénie (qui est une forme de psychose), les symptômes primaires traduisent la destruction profonde du psychisme ainsi qu'une inadéquation de l'individu à son environnement. Il se manifeste, par exemple, par un repli sur soi (autisme), une difficulté de contact avec autrui, un trouble de l'organisation des idées et des sentiments (dissociation, ambivalence). Le sujet ainsi atteint, tente de s'adapter à ce monde qui devient incohérent en attribuant une signification très particulière aux événements qu'il vit et qui prennent, ainsi, un aspect tout à fait inhabituel, hermétique, incompréhensible pour autrui. Cette activité psychique représente l'élaboration délirante (symptômes secondaires). Lorsque, par des traitements psychologiques, on parvient à nouveau à rétablir une adaptation adéquate de ce sujet à son environnement, on peut voir disparaître les idées délirantes.
3. Dans la maladie de Korsakoff (atteinte toxique du cerveau par l'alcool) on voit très régulièrement s'installer des troubles de la mémoire (symptômes primaires); si le patient a conservé une certaine vie sociale on verra, secondairement, apparaître de la confabulation (le sujet fait du remplissage, il invente des événements pour camoufler ses trous de mémoire).
4. L'action pharmacologique de l'alcool sur le système nerveux central est essentiellement un effet dépresseur. Elle donne ainsi lieu à des symptômes de sédation (symptômes primaires). Cependant, bon nombre de sujets apparaissent plutôt agités, excités sous l'effet de l'alcool (symptômes secondaires). L'examen psychologique montre que, soit, ces sujets tentent ainsi de réagir à l'effet de sédation qu'ils tolèrent mal; soit, qu'il y a eu chez eux une sédation importante de l'inhibition qui a pour effet de faire apparaître, par exemple, des pulsions agressives sous-jacentes (symptômes secondaires).
On comprend ainsi que, face à certaines perturbations, qu'elles soient psychologiques ou somatiques, on peut voir apparaître, de façon secondaire, des réactions psychologiques particulières. Ainsi s'expliquent dans certains cas, la prise de drogue chez un adolescent, en réaction à des conflits familiaux, des réactions dépressives chez le vieillard qui voit disparaître ses capacités intellectuelles, la régression psychologique du malade, des réactions agressives chez certains handicapés.
Rechercher les conflits psychologiques, sous-jacents aux symptômes que l'on observe, caractérise l'approche psychanalytique, en particulier, dans le cas des névroses. D'autres écoles, cependant, (école comportementaliste ou behavioriste) considèrent, au contraire, que le symptôme ne recouvre pas nécessairement un conflit émotionnel sous-jacent, mais qu'il peut être le résultat d'un apprentissage pathologique, d'un conditionnement particulier qui a engendré une conduite spécifique.
Exemple : L'agoraphobie
L'approche psychanalytique de patients agoraphobes (peur de sortir en rue, peur des grands espaces) montre qu'il s'agit, en général, sur le plan symbolique, d'une crainte de se faire violer. Par ailleurs, la théorie comportementale nous apprend que c'est au départ d'une expérience anxiogène vécue en rue, qu'un individu a été spécifiquement conditionné à cette peur. Plus il évite la rue, moins il apprend à surmonter ses angoisses. Dans cette optique, le traitement ne cherchera pas à résoudre des conflits psychologiques sous-jacents, mais il visera à modifier cette conduite particulière et à apprendre au sujet à ne plus être anxieux dans ces situations qui lui font spécifiquement peur. En fait, selon les patients, c'est l'une ou l'autre hypothèse qui se vérifie. Le stade d'évolution de la maladie est également important : si en début de l'affection le conflit sous-jacent a une importance plus grande dans le déclenchement de la phobie, plus tard, des facteurs de conditionnement joueront un plus grand rôle dans l'entretien de la maladie.
Une même symptomatologie psychologique peut avoir des étiologies de natures très diverses. C'est ainsi le cas pour le syndrome dépressif qui peut être :
1. Lié à des facteurs biochimiques particuliers (diminution des amines biogènes, substance régulant le niveau de l'humeur) et dont la nature génétique est actuellement bien démontrée.
2. Une caractéristique relativement permanente de la personnalité d'un individu dont la cause est à rechercher dans un trouble de son développement psychologique.
3. Une des formes de décompensation, d'une inadaptation actuelle d'un individu à des conditions psychologiques défavorables.
4. Significatif d'une relation particulière à autrui. Ainsi, en devenant passive, inactive, désintéressée de ce qui l'entoure, une personne peut, de façon inconsciente, signifier à son entourage qu'elle n'accepte plus d'être, au sein de sa famille, l'élément dynamique, actif, sur lequel les autres membres de la famille avaient l'habitude de compter.
En fonction de l'étiologie, chaque situation particulière nécessitera ainsi un type de traitement spécifique. Dans le premier cas, le patient sera évidemment plus sensible à un traitement médicamenteux; dans le second, à une thérapie psychologique cherchant à modifier sa personnalité; dans le troisième et le quatrième cas, on tentera de mieux aménager les conditions de vie de ce patient.
3.4. Le relevé psychopathologique
Les perturbations psychologiques que l'on observe appartiennent à diverses fonctions. On peut ainsi distinguer les troubles de la pensée, du niveau de conscience, de l'orientation, de la mémoire, des perceptions, des affects, du comportement. On appréciera également les troubles au niveau du fonctionnement global de la personnalité ainsi que des relations à autrui. Ces divers symptômes, dont un certain nombre vont être décrits ci-dessous, s'associent en clinique pour constituer des entités syndromiques ou des maladies. Celles-ci seront décrites dans la clinique psychiatrique (3ème doctorat).
On appréciera dans chaque cas l'importance du caractère perturbant de tout symptôme; soit, pour l'individu lui-même, soit, pour son entourage. Les difficultés de traitement seront d'autant plus grandes que la symptomatologie est moins bien reconnue par le patient. L'absence d'autocritique diminuera la motivation au traitement.
Les troubles psychopathologiques se manifesteront, soit par des symptômes subjectifs que l'on ne pourra évaluer qu'à travers ce qu'en dit le patient; soit, par des manifestations directement observables par autrui et qui constituent des troubles des conduites.
Dans l'analyse des diverses perturbations du fonctionnement psychique, on fera référence, à titre d'exemple, à des états névrotiques ou à des états psychotiques.
- Etats névrotiques : les difficultés psychologiques -dans lesquelles l'anxiété joue un rôle majeur- nécessitent la mise en place de mécanismes de défense (voir cours de psycho. 2ème candidature) dont l'importance est telle qu'ils s'organisent en une symptomatologie particulière. Suivant les mécanismes de défense impliqués, il s'agira d'une névrose phobique, obsessionnelle ou hystérique. L'individu souffrant de névrose reste cependant en contact avec la réalité, relation qui lui est cependant difficile, douloureuse. Il garde également une autocritique parfaite de ses symptômes qu'il reconnaît comme pathologiques et il souhaite s'en débarrasser. Ici l'adaptation à la réalité reste possible mais au prix d'une souffrance psychologique constituée par l'existence des troubles névrotiques.
- Etats psychotiques : les perturbations psychiques sont ici beaucoup plus profondes et les mécanismes de défense ne suffisent plus pour que le contact avec la réalité soit préservé. Il y a rupture avec le monde extérieur. Celle-ci se manifeste par des symptômes d'isolement (repli sur soi = autisme) et l'apparition d'hallucinations, de délire. Ici, au contraire de la névrose, l'individu vit dans un monde à lui; il y adhère et son autocritique vis-à-vis de l'aspect pathologique de ses troubles est quasi inexistante.
Le processus normal de la pensée consiste à utiliser des éléments de notre psychisme comme, par exemple, des idées, des sentiments, des symboles afin de la traiter de façon réaliste en vue d’aboutir à un but précis. Ce mécanisme peut ainsi être perturbé de manières très diverses.
- La pensée est dite déréaliste lorsqu’elle s’écarte de façon sensible de la réalité habituelle.
On parlera d’autisme lorsque la forme de pensée devient à ce point irréaliste qu’elle perd son caractère de communicabilité. La personne apparaît à ce moment comme vivant dans un monde intérieur très personnel et son fonctionnement de pensée n’est pas corrigé par les preuves de la réalité.
Dans certains cas, les mots eux-mêmes prennent une signification très particulière, hors du sens commun, et n’ont plus de signification précise que pour le sujet lui-même (néologisme).
- Dans la diffluence, les associations d’idées sont tellement nombreuses que l’on n’observe plus une ligne directrice dans le cours de la pensée. Le sujet se perd en détails et devient, à la limite, incompréhensible. Elle se rencontre chez des personnalités excessivement obsessionnelles (névroses) ou dans des déstructurations plus graves (psychoses) où elle devient l’un des aspects du cahot de la pensée.
- Celui-ci peut également se manifester par des blocages qui représentent un arrêt brutal dans les associations d’idées sans que le patient puisse en expliquer la raison.
Le blocage peut avoir une autre origine : le parasitage de la pensée par des préoccupations inconscientes, étrangères au dialogue actuel (névrose).
- Le cours de la pensée peut être particulièrement ralenti : on parle également de ralentissement idéo-verbal (p.ex. : état dépressif) ou particulièrement accéléré, c’est la fuite des idées (p.ex. : manie).
- La pensée est très habituellement contaminée par des mécanismes d’intellectualisation : mécanisme par lequel on donne une explication rationnelle, logique à un phénomène dont l’origine est essentiellement émotionnelle. Ainsi, un toxicomane alléguera très souvent des « raisons » à son abus de drogue ; alors qu’il s’agit, à un niveau émotionnel, d’un accrochage psychologique.
Une bonne part du travail psychologique d’un thérapeute consistera, justement, à apprécier la signification émotionnelle sous-jacente (sens latent) à ce qui est exprimé (sens manifeste).
Des formes normales de pensée peuvent prendre un caractère plus pathologique par l’intensité de leurs manifestations ou la fréquence de leur apparition :
- Le fantasme est une représentation mentale (imaginaire) d’une scène ou d’un événement dont on reconnaît la non réalité.
Le fantasme est habituellement investi d’un désir, d’un souhait, d’une attente. Forme normale de la pensée, il prépare souvent à l’action ultérieure. Il peut cependant devenir le refuge pour des souhaits qui ne peuvent se réaliser. La vie fantasmatique devenant anormalement excessive, elle peut empêcher une bonne adéquation du sujet à la réalité. Ici, la vie intérieure, imaginaire prend le dessus sur la vie sociale.
- La phobie est une peur exagérée et pathologique liée à des situations bien spécifiques ; en dehors de celles-ci, l’anxiété disparaît. On décrit de multiples formes : la peur des grands espaces (agoraphobie), des petits espaces (claustrophobie), de la douleur (algophobie), de la mort (thanatophobie), peur d’être malade (pathophobie), peur d’être empoisonné (toxophobie), etc. ... L’existence de phobies caractérise la névrose phobique.
- L’obsession est l’irruption brutale dans la pensée d’une idée, d’un sentiment ou d’une tendance reconnus cependant comme morbides (son caractère illogique est reconnu) ; cependant, le patient reste obsédé, obnubilé par cette idée. Ce sont les symptômes caractéristiques des névroses obsessionnelles ; ils se rencontrent également dans des états dépressifs et dans certaines formes de psychoses. La compulsion est le sentiment qu’éprouve le sujet lorsqu’il est obsédé. Ainsi, un patient ayant une phobie des microbes, présentera une compulsion à se laver constamment les mains.
Certains mécanismes de pensée sont toujours pathologiques :
- Un sujet présentera des idées de référence lorsqu’il accorde une signification particulière et personnelle à des remarques ou commentaires neutres faits par autrui ; lorsqu’il se sent constamment concernés par ce qui est dit ou fait autour de lui.
Il s’agit habituellement d’un mécanisme de projection (voir psycho 2ème candidature) qui fait que l’on attribue aux autres des idées, des sentiments que l’on a, que l’on éprouve personnellement de façon inconsciente. Un cas particulier est l’attitude paranoïde où il existe une méfiance, une suspicion pathologiques à l’égard d’autrui.
- Le délire est une organisation de la pensée dans laquelle existe l’une ou l’autre croyance fausse à laquelle le sujet adhère complètement en dépit de l’évidence et de la réalité. Une forme particulière en est le délire somatique où le malade est convaincu qu’il a diverses affections physiques. Leur description est toujours excessivement bizarre (il sent son cœur se retourner, sent une boule qui grossit à l’intérieur de son ventre, etc. ...) ce qui n’est pas le cas dans l’hypochondrie qui représente une préoccupation excessive de la santé, accompagnée de consultations fréquentes chez le médecin. A l’inverse, l’anosognosie est la non reconnaissance par le patient d’une affection qu’il a en réalité.
La capacité de jugement peut être perturbée. Dans sa forme normale, elle représente cette faculté qui permet d’évaluer, de comparer plusieurs éventualités dans le cadre de valeurs précises et dans le but de prendre une décision. La capacité de jugement sera évidemment perturbée du fait d’un état intellectuel déficient ; mais aussi, si le sujet se trouve en situation de stress psychologique, si certains aspects de sa personnalité lui font prendre des décisions impulsives basées sur des besoins immédiats de satisfactions. La capacité de jugement sera également très perturbée lorsque l’ensemble des processus psychiques est déstructuré (psychose) ou lorsque le sujet présente une confusion mentale.
De même, l’intelligence qui traduit la capacité d’adaptation que manifeste un sujet face à une situation nouvelle, sera évidemment perturbée dans toutes les pathologies où existe un déficit intellectuel tel l’arriération mentale, les démences. D’autre part, des émotions intenses, le caractère impulsif de la personnalité altèrent également les possibilités d’utilisation de l’intelligence. On a pu montrer dans diverses affections mentales graves, le pronostic largement influencé par le niveau d’intelligence des sujets atteints.
3.6. Troubles du niveau de conscience
Le niveau de conscience représente une qualité de l’état de vigilance, d’éveil qui rend un sujet apte à percevoir adéquatement l’environnement (conscience du monde extérieur) mais également son propre fonctionnement psychique actuel (conscience de soi).
Une baisse de la qualité de la perception du monde extérieur se manifestera par de l’inattention. Celle-ci peut être délibérée et directement liée à l’intérêt que l’on manifeste. Elle peut également être la traduction d’une déstructuration profonde du psychisme (psychose, parasitage du fonctionnement psychique par la pensée fantasmatique). Une baisse du niveau de l’humeur (dépression) affaiblit les capacités d’attention ; il en va de même pour l’anxiété. L’inattention peut être sélectivement liée à certains événements bien particuliers, il s’agit en général de situations dont la prise de conscience est pénible pour le sujet, l’inattention favorise le passage dans l’inconscient (refoulement).
La baisse de conscience de son propre fonctionnement psychique conduit à la dépersonnalisation, on ne se reconnaît plus, on se trouve bizarre, etc. ...
La baisse du niveau de conscience induit également une plus grande suggestibilité chez le sujet. Par suggestibilité, on entend la capacité que montre un individu à répondre plus ou moins facilement, plus ou moins rapidement à des idées, des sentiments qu’il n’avait pas au départ.
Certaines thérapeutiques de suggestion sont ainsi favorisées par une baisse du niveau de conscience que l’on peut obtenir par l’utilisation de médicaments (narco-analyse), par des techniques d’hypnose ou de relaxation musculaire profonde (sophrologie). Des épisodes de baisse du niveau de conscience, en dehors de toute étiologie neurologique, se rencontrent également dans des états névrotiques particuliers, tel l’hystérie. Ici, le sujet perçoit mal, à la fois, le monde extérieur ; mais, également, soi-même. Il a le sentiment de vivre comme sur un nuage, de ne plus totalement se reconnaître, etc. ... Une des formes de « crise d’hystérie » est ainsi, la perte de conscience (syncope hystérique) dont il y aura lieu d’établir le diagnostic différentiel avec la crise épileptique : contrairement à ce qui se passe dans ce dernier cas, la perte de conscience de type hystérique n’est pas totale, le sujet se souviendra quelque peu de ce qui s’est passé autour de lui pendant sa crise. La cyanose de la crise d’épilepsie est, dans l’hystérie, remplacée par un faciès, au contraire, relativement rouge. La crise d’hystérie s’accompagne, par ailleurs, tant avant la crise qu’après, de troubles émotionnels habituellement fort importants. Une baisse du niveau de conscience peut donner lieu à des troubles des perceptions (illusions, hallucinations). On peut observer ces phénomènes chez le sujet normal pendant la phase d’endormissement (phénomène hypnagogique) ou pendant la phase de transition entre le sommeil et le réveil (phénomène hypnopompique).
3.7. Troubles de l’orientation
L’orientation est la capacité de reconnaître son environnement (orientation dans l’espace), de situer adéquatement les événements vécus (orientation dans le temps) mais, également, de se reconnaître par rapport aux autres (identité de soi). En dehors des causes organiques, divers états psychologiques particuliers (anxiété, troubles de l’humeur, états névrotiques et psychotiques) peuvent perturber l’orientation.
Une perte d’identité de soi peut constituer une crise de l’existence. C’est le cas pour l’adolescent en transition entre une identité infantile et celle des adultes. La confusion mentale représente la forme grave de la désorientation.
Des troubles de la mémoire peuvent être causés par des difficultés à l’enregistrement du matériel, à sa conservation ou à son évocation. Les troubles de mémoire sont favorisés par l’âge, le désintérêt, la fatigue. Ils peuvent être causés par des atteintes organiques du système nerveux central, comme dans les démences ou à l’occasion de diverses intoxications, en particulier, dans l’alcoolisme.
Des oublis relatifs à certains événements spécifiques sont dus, par ailleurs, à des mécanismes psychologiques. Certains souvenirs liés à des désirs ou des pulsions, inacceptables sur le plan conscient pour le sujet, sont refoulés ; ce matériel peut cependant réapparaître dans le rêve ou au travers de ce que l’on dit (lapsus) ou ce que l’on fait (acte manqué), alors que l’on voulait consciemment dire ou faire autre chose. La perte de certains souvenirs se voit également dans les suites d’un stress psychologique important. Dans l’amnésie
d’identité, le sujet ne sait plus du tout qui il est, quel est son nom, ce qu’il fait, etc. ...
Dans certains états (confusion mentale, hystérie, épilepsie temporale) il y a émergence de souvenirs anciens mais qui sont convertis en expérience actuelle (ecmnésie). Un état de stress psychologique peut conduire à une libération brutale d’une quantité importante de matériel mnésique ancien. On décrit ainsi la vision panoramique de l’existence chez le sujet mourant. Certaines personnes, peu douées par ailleurs, présentent des capacités d’hypermnésie impressionnante, souvent sélective (mémorisation de pages entières de chiffres ou de noms de l’annuaire téléphonique, etc. ...).
La prise de connaissance de notre environnement se fait au départ de la stimulation des organes des sens périphériques à travers des voies nerveuses et donne lieu à une sensation. A celle-ci chacun de nous donne une signification particulière, en fonction de nos expériences passées et de notre état psychologique du moment. Ce vécu spécifique est à l’origine de la perception. On comprend dès lors qu’en plus de facteurs somatiques (lésions nerveuses), des facteurs psychologiques vont largement influencer la qualité de la perception.
- La perception peut être affaiblie ou, à la limite, disparaître si les capacités d’attention du sujet baissent (dépression, état d’excitation) et, plus généralement, là où il y a une baisse du niveau de conscience. Certains sujets peuvent, par entraînement et en utilisant des techniques de relaxation musculaire profonde (sophrologie) ou psychique (yoga mental), devenir progressivement insensibles à certains types de stimuli. On voit également des phénomènes d’hypoesthésie et, soit même, d’anesthésie lorsque existent des blocages psychologiques à la prise de conscience des sensations ; ici interviennent des mécanismes de défense de type hystérique lorsque la perception est psychologiquement et de façon inconsciente inacceptable pour le sujet. Entrent dans ce cadre, certaines formes de frigidité chez la femme, lorsqu’il existe une angoisse ou un interdit lié au plaisir sexuel.
A l’inverse, lorsque le champ de conscience d’un individu est particulièrement orienté vers certains types de perception, l’intensité de celle-ci peut augmenter. C’est le cas dans l’hypochondrie où existe une préoccupation morbide de l’état de santé. Un haut niveau d’anxiété peut être inconsciemment réduit (mécanisme de défense) par une perception douloureuse que le sujet localise au niveau de l’un ou l’autre endroit de son corps (somatisation), il s’agira d’une hyperalgie lorsque la perception douloureuse paraît objectivement excessive mais qu’il existe une « épine irritative » somatique à la douleur.
Au cas contraire, on parlera de douleur psychogène.
- Le statut psychologique peut également perturber l’organisation normale de la perception, l’illusion est ainsi une déformation de la réalité au départ cependant de stimuli externes réels.
Il s’y ajoute habituellement une interprétation de la part du sujet : une main que l’on serre et qui est perçue comme excessivement moite signifiera qu’on ne lui veut pas de bien...
Enfin, une perception très organisée peut exister en l’absence de tout stimulus extérieur, c’est l’hallucination ou perception sans objet. Les lésions organiques cérébrales, des toxiques particuliers (alcool, drogues hallucinogènes comme le LSD), les états de sevrage à ces mêmes toxiques, peuvent engendrer des hallucinations.
Celles-ci sont également typiques des états psychotiques.
Cependant, des sujets dont la personnalité est excessivement orientée vers l’imaginaire (hystérie) peuvent également présenter des phénomènes proches de l’hallucination.
Le malade pourra vouloir donner une signification particulière et très personnelle à ces phénomènes hallucinatoires qu’il subit (dits aussi phénomènes psychosensoriels) : cette élaboration est le délire. L’examen du contenu des hallucinations et du délire révèle fréquemment les événements angoissants traumatisants qu’a vécu le patient ou des désirs refoulés qui n’ont pas pu se manifester dans sa vie réelle.
La notion d'affect désigne des états de sensation globale caractérisés par leur nature agréable ou désagréable (cela va du plaisir à la douleur psychologique). Dans l'évaluation psychologique d'un patient, il est particulièrement important de se faire une idée de deux paramètres :
- le niveau d'anxiété
- le niveau de l'humeur
L'anxiété est à différencier de la peur qui est un sentiment réactionnel à un danger réel ou devant réellement se produire. L'anxiété est un état émotionnel désagréable, faisant craindre un danger imminent et constitué de craintes, d'appréhensions, de tensions. Ces derniers symptômes constituent l'anxiété psychique; à côté de ceux-ci on décrit des symptômes physiques d'accompagnement qui sont, en fait, des signes de dérèglements neurovégétatifs et qui constituent l'anxiété physique (parfois appelée angoisse) : les troubles du rythme respiratoire et de la fréquence cardiaque, pâleur ou rougeur des téguments, sécheresse de la bouche, tremblements, etc. ... L'anxiété s'accompagne habituellement de troubles des fonctions digestives (perte d'appétit, anorexie ou, à l'inverse, boulimie). L'asthénie est habituelle.
Il s'agira de distinguer ici :
- Si l'anxiété est réactionnelle à une situation particulière que vit le patient, que ce soit son état de maladie ou tout autre problème (anxiété situationnelle).
- S'il s'agit d'un trait de sa personnalité (anxiété trait).
- S'il s'agit d'un symptôme, d'un état psychopathologique déjà structuré, tel une névrose ou une psychose.
Dans l'évaluation du niveau d'humeur (niveau thymique) il faudra également distinguer :
- S'il s'agit d'une tristesse normale, réactionnelle dont l'intensité paraît en rapport avec la qualité de l'élément déclenchant et qui a une évolution limitée dans le temps, grâce au "travail de deuil" qu'accomplit le patient.
- L'humeur dépressive caractérisant un type de personnalité.
- Le symptôme majeur de l'une ou l'autre forme de dépression qui représente un état pathologique par l'ampleur des réactions dépressives et par les perturbations souvent importantes d'autres fonctions psychologiques qui y sont associées : un ralentissement psychologique et moteur, une diminution de l'ensemble des pulsions alimentaires ou sexuelles, une perte d'intérêt social, une incapacité à utiliser sa volonté, l'apparition d'idées morbides (auto-accusation, culpabilité, réaction hypochondriaque, etc.). Des fonctions physiologiques peuvent également être perturbées (ralentissement du transit intestinal et constipation, troubles du sommeil).
En dehors des dépressions dites "endogènes" dont le caractère génétique est actuellement bien démontré et celles "réactionnelles" à la prise de certains médicaments (réserpine, corticostéroïdes), les dépressions de nature psychogène représentent habituellement la réaction à une perte d'objet (au sens psychanalytique du terme : rupture de relation avec une personne ou une situation affectivement importante) : tel est le cas lorsqu'il y a perte d'un être cher, perte d'un emploi, perte de sa santé ou changement d'une situation qui contribuait à maintenir un équilibre névrotique chez un individu. Tel est le cas pour la dépression de promotion dans laquelle on voit s'installer un état dépressif chez un patient qui, du fait d'une promotion professionnelle qui, à première vue, devrait le satisfaire, ne bénéficie plus d'une dépendance hiérarchique indispensable à son bon fonctionnement psychologique.
Dans certains cas, seule la réaction secondaire à la dépression est manifeste et se caractérise, à l'inverse, par un état d'exaltation pathologique de l'humeur et d'excitation psychomotrice qui constituent la manie. Dépression et manie sont deux aspects d'une même pathologie fondamentale que représente la perturbation de l'humeur.
3.11. Troubles du comportement
On décrira à l’examen psychologique, la manière dont se comporte habituellement le sujet dans ce qui est directement observable, c’est-à-dire, au niveau des actions qui se déroulent au départ d’une pulsion, d’un désir.
Dans l’agitation on observe une hyperactivité motrice et verbale dont l’étiologie peut être diverse :
- réaction émotionnelle intense (crise d’anxiété aiguë, crise d’hystérie, agitation de l’obsessionnel due à ses rituels et compulsions),
- état maniaque (cfr. précédemment),
- agitation suite à des troubles du niveau de conscience (agitation du vieillard ou de l’enfant hyperkinétique chez qui l’agitation est une réaction secondaire suite à des troubles de l’attention, de la concentration),
- agitation du psychotique suite à des expériences hallucinatoires ou délirantes.
Dans le ralentissement c’est l’inverse : ralentissement au niveau moteur et idéo-verbal. On le voit en particulier dans :
- les états dépressifs,
- les états de détérioration mentale (sénilité)
- des états d’inhibition névrotique (en particulier dans des états de conversion hystérique comme l’hypotonie musculaire, l’aphonie, l’inhibition motrice sexuelle de l’impuissance, etc. ...),
- le ralentissement chez le psychotique (immobilité motrice du schizophrène = catatonie).
Les perturbations psychologiques peuvent également se manifester par l’un ou l’autre comportement qui prend un caractère excessif, comme dans l’alcoolisme et les toxicomanies, l’hyperphagie, le vol compulsif (kleptomanie), la mise à feu compulsive (pyromanie), les comportements sexuels excessifs (nymphomanie, satyrisme).
On y classe aussi les tics qui sont des contractions spastiques répétées de groupes de muscles sans qu’intervienne une stimulation externe.
3.12. Troubles de la personnalité
La personnalité représente une organisation dynamique des différentes caractéristiques psychologiques d’un individu qui lui confèrent un aspect de cohérence et de permanence. L’une ou l’autre de ces caractéristiques peuvent être à l’avant-plan (traits de personnalité). Normalement, la personnalité possède des capacités d’adaptation en fonction des différentes situations dans lesquelles se trouve l’individu. Cela peut ne pas être le cas et l’une ou l’autre des caractéristiques de la personnalité peut être particulièrement apparente, quelles que soient les circonstances. On parlera de troubles de la personnalité qui peuvent être de type paranoïde (méfiance, agressivité), cyclothymique (changements brusques et fréquents de l’humeur), schizoïde (renfermé sur lui-même, peu de contact avec les autres), explosive (impulsivité, irritabilité), antisociale (difficulté à s’adapter aux normes du comportement social).
3.13. Troubles des relations à autrui
L’examen psychologique comportera nécessairement une évaluation des relations à autrui qu’entretient la personne investiguée. Deux domaines sont particulièrement intéressants à prendre en considération : les relations avec la famille et avec le milieu socio-professionnel.
Au sein de la famille, des difficultés relationnelles entre les différents membres vont pouvoir se focaliser sur l’une ou l’autre personne de cette famille qui développera, elle, des troubles (« patient désigné »). Il est ainsi particulièrement intéressant de se faire une idée des diverses relations qui existent au sein d’une famille (approche familiale ou « systémique »).
Exemple : un mari qui est excessivement absent du milieu familial, absorbé par son travail, peut déclencher des réactions d’agressivité inconscientes chez son épouse qui se manifesteront par de la frigidité à l’occasion de rapports sexuels. Cette situation peut, dans certains cas, contribuer à une diminution de l’estime de soi du mari qui développera lui-même des réactions dépressives. Dans ce contexte, un enfant peut réagir par des troubles psychosomatiques ou par une baisse du rendement scolaire, etc. ...
Les conditions de travail sont également une source d’investissement et de gratification pour la plupart des individus.
Un investissement mal accordé aux possibilités psychologiques profondes du sujet sera de nature à déclencher des troubles psychosomatiques (particulièrement dans la sphère cardiaque lors de compétitions excessives), diverses toxicomanies (alcoolisme, drogues, abus médicamenteux), des réactions dépressives et suicidaires. La spécialisation dans le travail peut conduire à un isolement des relations humaines et être également la source de difficultés.
Pour des raisons inhérentes à leur personnalité (inhibition), certaines personnes ont des résultats professionnels nettement en deçà de leurs potentialités. Les échecs peuvent être le résultat de tendances pathologiques telles que des besoins d’autodestruction, la crainte du succès, le besoin de se plaindre, de se rebeller, etc. ...
Lorsque les conditions de travail sont particulièrement peu valorisantes, on rencontre davantage d’accidents du travail ainsi que des revendications juridiques par la suite (névrose post-traumatique).