Alimentation

 

 

Alimentation

L’alimentation est une fonction vitale qui apporte les éléments nutritionnels indispensables à une bonne santé physique, psychologique, affective et sociale. Des facteurs psychologiques, le contexte familial, la vulnérabilité génétique ou encore le poids de la société peuvent générer des troubles du comportement alimentaire (anorexie et boulimie).

L’alimentation est aussi une pratique sociale, familiale et culturelle qui permet à la personne de prendre une place dans son environnement familial et social. Tout ceci explique :

  • La diversité des facteurs à l’origine des troubles des conduites alimentaires,
  • La continuité entre des préoccupations alimentaires sans lendemain et des troubles pathologiques, dont l’enjeu peut devenir vital,
  • La variété des modes d’expression d’une souffrance psychologique dans des conduites très diverses, notamment celles touchant les besoins fondamentaux (alimentation, sommeil …).

Cependant, les travaux récents montrent que ces troubles des comportements alimentaires pourraient être liés pour une part à des processus biologiques ou à une vulnérabilité d’origine génétique. C’est pourquoi on tend à les rapprocher des conduites addictives (toxicomanie par exemple). Enfin si le taux d’incidence de l’anorexie mentale de l’adolescent et du jeune adulte reste stable, on constate une augmentation des conduites anorexiques chez l’enfant, parallèlement à des pratiques alimentaires chaotiques et une montée préoccupante de l’obésité dans notre pays.

La classification des troubles psychiques

Il existe plusieurs façons de décrire les troubles psychiques, correspondant à différents courants de l’histoire de la psychiatrie. A l’heure actuelle, deux classifications internationales des diagnostics psychiatriques sont principalement utilisées par les psychiatres :

  • la Classification internationale des maladies de l’Organisation Mondiale de la santé, dixième version (CIM10),
  • le Diagnostic Statistical Manual, quatrième version (DSMIV), développé par l’Association américaine de psychiatrie.

Ces deux classifications internationales, assez identiques, proposent une description clinique de syndromes (ensemble de symptômes). Elles ne tiennent pas compte de l’origine des symptômes, ni de la personnalité qui les accompagne. Pour les troubles des conduites alimentaires, les principaux syndromes décrits sont l’anorexie mentale et la boulimie. De nombreux pédopsychiatres en France utilisent la Classification Française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent, seule ou en association avec la CIM-10. Celle-ci inclut dans l’approche clinique la prise en compte de l’organisation psychique interne d’un point de vue psychopathologique et l’influence de facteurs
d’environnement associés.

L'anorexie mentale

L’anorexie mentale est une perturbation de la relation à l’alimentation, qui survient habituellement chez une adolescente ou une jeune femme, mais peut aussi survenir chez un adolescent ou un jeune homme (environ 1 garçon pour 10 filles), ou chez un enfant proche de la puberté. Troisième maladie chronique chez l’adolescente aux États-Unis (après l’obésité et l’asthme), sa prévalence vie entière est estimée à 0,5 %. Son taux d’incidence est faible (1 à 2 ‰) chez les femmes et n’augmente pas.
Les symptômes sont les suivants (CIM-10):

  • Perte de poids intentionnelle, induite et maintenue par le patient, associée à la peur de grossir et d’avoir un corps flasque.
  • Maintien d’un poids faible, en dessous des normes pour l’âge et la taille.
  • Dénutrition de gravité variable, s’accompagnant de modifications endocriniennes et métaboliques secondaires et de perturbations des fonctions physiologiques, notamment aménorrhée (arrêt des règles).
  • Restriction des choix alimentaires,
  • Pratique excessive d’exercices physiques,
  • Vomissements provoqués et utilisation de laxatifs,coupe-faims et diurétiques.

À partir de quand faut-il s’inquiéter ?

  • La perte de poids se poursuit au-delà d’un poids de référence minimum.
  • Les préoccupations autour de la nourriture et/ou la forme du corps envahissent l’ensemble du fonctionnement psychique et des relations sociales.
  • Des signes secondaires apparaissent : disparition des règles, hyperpilosité…
  • Les préoccupations autour de la nourriture sont l’occasion, de conflits systématiques et violents avec l’entourage.
  • Des vomissements provoqués apparaissent.

L’anorexie peut apparaître seule ou accompagnée d’épisodes de boulimie, associés à une horrible sensation de perte de contrôle, de profond sentiment de culpabilité, de dépression et d’angoisses, suivis d’une purge des calories absorbées (vomissements, abus de laxatifs et de diurétiques).

L’anorexie survient souvent comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, à la suite d’une déception scolaire ou sentimentale, d’un deuil ou d’un régime amaigrissant commencé suite à une remarque «vexante» sur le physique de la personne. Mais un début plus progressif est également possible. Pendant un moment, ces symptômes passent inaperçus de l’entourage, qui a pu encourager le régime au début. Puis, les conflits entre la personne et son entourage deviennent majeurs, celle-ci est décrite comme tyrannique, imposant ses volontés à sa famille, et elle-même décrit sa famille comme ne la laissant pas tranquille, l’épiant et ne pensant qu’à la faire manger.

L’anorexie mentale, ce n’est pas :

  • Un caprice alimentaire (engouement ou rejet de tel ou tel aliment),
  • Un manque d’appétit au cours d’une maladie ou suite à une contrariété,
  • Une dépression,
  • La caractéristique d’un « petit mangeur »,
  • Un régime normal, dicté par un désir de changement, où l’objectif est raisonnable et où le poids perdu amène satisfaction,
  • Une phobie de déglutition, c’est-à-dire la peur d’avaler, après un événement traumatique (fausse route, exploration fonctionnelle), qui s’accompagne de manifestations d’angoisse,
  • D’autres phobies alimentaires, en fonction de la couleur des aliments, de la peur de maladies, où une anxiété est toujours présente,
  • Un trouble obsessionnel compulsif, où la diminution de la prise d’aliments est liée à un besoin de contrôle permanent,
  • Un syndrome d'alimentaion élective, où tout changement amène une angoisse importante et conduit à une vie sociale rétrécie.

La boulimie

Elle est fréquente dans les pays les plus développés, sa prévalence serait de 1,5% de la population féminine (3-4 filles pour 1 garçon) et entre 1 et 3% de prévalence vie entière (Garfinkel et coll., 1995). En France dans une pré-enquête sur 3500 élèves menée dans la Haute-Marne, les préoccupations corporelles concernaient un tiers des jeunes filles ; 20% avaient des conduites de restriction alimentaire, 3% avaient des vomissements et près de 10% une crise de boulimie hebdomadaire.

Selon l’OMS (CIM-10), la boulimie est un syndrome caractérisé par :

  • Des accès répétés d’hyperphagie (absorption de grandes quantités de nourriture en peu de temps)
  • Une préoccupation excessive du contrôle du poids corporel, conduisant à une alternance d’hyperphagie et de vomissements ou d’utilisation de laxatifs.

Ce trouble comporte de nombreuses caractéristiques de l’anorexie mentale, par exemple une préoccupation excessive par les formes corporelles et le poids. Les vomissements répétés peuvent provoquer des perturbations électrolytiques et des complications somatiques. Dans les antécédents, on retrouve souvent, mais pas toujours, un épisode d’anorexie mentale, survenu quelques mois ou plusieurs années plus tôt.

Les conséquences des troubles des comportements alimentaires

La dangerosité de l’anorexie mentale est souvent sous-estimée, voire niée. Des sites Internet, des sectes et des personnes vantant les médecines parallèles valorisent même l’extrême minceur.

Les conséquences immédiates

Elles sont liées à l’accumulation de carences. L’état général de la personne se détériore, tous les organes sont touchés, les muscles fondent, la température du corps baisse, une déshydratation, des troubles hormonaux et une constipation résistante peuvent apparaîtrent. Le retentissement sur le système cardio-vasculaire est grave, voire mortel (hypotension, troubles du rythme cardiaque) ; des anomalies cérébrales peuvent survenir, parfois incomplètement réversibles après renutrition.

Les conséquences à plus long terme

Elles peuvent être importantes au niveau somatique : retard de puberté, problème de fertilité, fausses couches, prématurité, enfant dysmature, retard ou blocage de croissance, atteinte osseuse, ostéopénie exposant au risque d’ostéoporose. Mais aussi au niveau psychologique : dépression, anxiété, trouble obsessionnel compulsif. Et au niveau social : restriction progressive des sorties, des contacts, des échanges et des activités. Au total l’enfant ou l’adolescent anorexique est en danger, parfois pour sa vie et toujours pour sa croissance et son devenir d’homme ou de femme.

L'origine des troubles

 Il n’y a pas de cause unique aux troubles des comportements alimentaires. Il existe des facteurs physiques, psychologiques, familiaux et socioculturels. Sans culpabilité ni reproches inutiles et nuisibles, il convient de se poser les bonnes questions, pour tenter de voir si certains événements ont pu avoir un écho. Il faut réfléchir aux changements possibles dans l’accompagnement des soins de l’enfant ou de l’adolescent. Des facteurs psychologiques et individuels peuvent s’exprimer dans une préoccupation particulière autour de la nourriture, l’aspect physique, les identités sexuelles. Le contexte familial joue aussi un rôle important : mode de relation interpersonnelle, place de chacun dans la famille, accès à l’autonomie, règles éducatives… Une vulnérabilité génétique a été prouvée par des études de jumeaux et des études familiales. La société et la culture ont un poids important dans les idéaux de minceur qu’elles présentent, dans les conduites à risque qu’elles valorisent et la course aux performances qu’elles encouragent. Si le pourcentage d’anorexie à l’adolescence reste stable, on constate aujourd’hui une augmentation chez les enfants, en particulier chez ces enfants trop seuls, trop responsables et soumis aux préoccupations des adultes.

Peut-on éviter les troubles des comportements alimentaires ?
Quelques conseils simples peuvent aider à prévenir ces troubles :

  • Retrouver le plaisir des courses pour des repas variés,
  • Valoriser les repas, vrais moments de rencontre et d’échange, sans se focaliser sur la nourriture prise par l’enfant,
  • Éviter de proposer aux enfants des idéaux de réussite impossibles à atteindre, ou des contraintes éducatives excessives « pour leur bien ». Les aider à assouplir leurs exigences vis-à-vis d’eux-mêmes,
  • Se méfier des idées reçues sur le plan alimentaire,
  • Éviter d’encombrer les enfants avec les difficultés alimentaires ou de poids des adultes,
  • Respecter les désirs et les choix des enfants, pour les aider plus efficacement, en favorisant leur autonomie,
  • Favoriser pour l’enfant les loisirs et plaisirs partagés avec des enfants de son âge, l’aider à ne pas s’isoler,
  • Etre positif dans les exigences parentales, plutôt que d'assomer les enfants de critiques.

Comment traiter les troubles du comportement alimentaire?

Il faut en premier lieu consulter le médecin traitant habituel (généraliste ou pédiatre) qui fera le premier diagnostic, prescrira les examens nécessaires et conseillera sur le choix d’un confrère ou d’une équipe hospitalière. Il sera également le médecin de référence pour assurer le suivi.

Différents niveaux d'intervention

Le traitement associe idéalement cinq types d’intervention :

Le suivi médical : surveillance du poids, de l’état général physique, prescription des examens complémentaires nécessaires, mise en place des traitements adjuvants éventuels (vitamines, fer…).

Le suivi psychiatrique : évaluation de l’état psychique, recherche d’autres troubles psychopathologiques associés, évaluation de la reconnaissance du trouble et d’un besoin d’aide, afin d’établir une alliance thérapeutique.

Le suivi nutritionnel : vise à mettre en place un programme de réalimentation progressive. Celui-ci fait l’objet de négociations afin d’aboutir à un contrat décrivant les différentes étapes pour le retour à une vie normale. Il y associe les parents.

La prise en charge familiale. Les familles sont en souffrance, elles doivent être aidées et impliquées dans les soins prodigués. Les entretiens familiaux cherchent dans un premier temps à construire une alliance avec la famille, à lui apporter soutien et écoute, puis à apprécier l’impact du trouble dans la famille et les dysfonctionnements qui participent au maintien du trouble alimentaire.

La psychothérapie de l’enfant ou adolescent. Tout ce qui est mis en place dans le traitement a un effet psychothérapeutique. Cependant en fonction de la personne, de son âge, de la gravité du trouble et de sa reconnaissance ou pas du trouble, une psychothérapie peut être proposée. Elle peut être réalisée en groupe ou en individuel, de type psychanalytique ou cognitivo-comportementaliste. Elle est pratiquée par un praticien expérimenté.

L'organisation des soins

Ils peuvent être réalisés en ambulatoire (hors de l’hôpital), cela demande alors beaucoup de disponibilité pour assurer la coordination des soins. Cette prise en charge ambulatoire peut dans certains cas s’appuyer sur des hospitalisations à la journée, à un rythme dépendant de la gravité médicale et psychologique. Son intérêt est de fournir une unité de lieu et de coordination, sans couper le jeune de son insertion familiale, sociale et scolaire. Cependant l’hospitalisation peut être indispensable, dans les cas suivants :

  • Complications médicales (trouble cardiaque, déshydratation), ou psychologiques (dépression sévère, idées de mort, refus de soins..),
  • Dénutrition trop sévère et qui met la vie en jeu,
  • La famille est débordée et épuisée et doit être relayée,
  • Le traitement ambulatoire ou en hôpital de jour a échoué et la personne continue de perdre du poids,
  • Ou la coordination des soins ne peut se mettre en place de manière suffisante, compte tenu du contexte familial ou de la situation géographique.

Moment difficile, confirmant la gravité de la situation, l’hospitalisation doit s’appuyer sur une décision claire des parents, aidés par le médecin. Idéalement, elle doit se réaliser dans un service ayant une compétence dans le traitement de ces troubles, afin d’apporter l’ensemble des suivis nécessaires (cf. plus haut).

Le contrat de soins, négocié avec la personne, engage aussi l’équipe soignante et les parents : c’est le fil conducteur des soins. Il fixe des repères, en particulier sur le poids à atteindre. Le soutien de l’ensemble de l’équipe, les diverses activités proposées (thérapeutiques, éducatives et scolaires), constituent un cadre aidant et dynamisant.

Dans certains cas il est nécessaire de recourir à une assistance nutritionnelle médicale par sonde, parce que la personne est en danger, ou parce que l’alimentation par voie naturelle s’avère trop difficile. Malgré son inconfort, ce mode d’alimentation apporte souvent un soulagement, tant les moments des repas peuvent être difficiles. L’alimentation par voie naturelle peut être progressivement réintroduite.

Si la surveillance médicale et infirmière doit être étroite dans les moments les plus difficiles d’opposition et d’angoisse, la coopération est toujours recherchée, des explications claires sont données à la personne et aux parents. Après une hospitalisation, le retour à la vie normale se fait par étape, les retours à la maison sont progressifs. L’accompagnement en ambulatoire doit être suffisamment prolongé et solide, pour prévenir les rechutes et donner à tous, la sécurité nécessaire pour aborder avec confiance une vie nouvelle.

Où trouver de l'aide?

  • Le médecin traitant : il est conseillé de demander l'avis de son médecin traitant habituel (généraliste, pédiatre) à la première inquiétude. Celui-ci peut, le cas échéant orienter vers un spécialiste ou une consultation spécialisée, qui poursuivra l’évaluation, mettra en place la prise en charge ou orientera vers un service spécialisé, en fonction de la gravité de la situation. Dans tous les cas, une bonne coordination est nécessaire pour un accompagnement de qualité de la personne et de sa famille.
  • Les centres médico-psychologiques (CMP) et les consultations spécialisées. Les services de psychiatrie publique proposent des consultations et des prises en charge pour tous les troubles psychiques. Les consultations sont prises en charge par la sécurité sociale. Se renseigner auprès du CMP le plus proche du domicile (voir adresses). Certains hôpitaux proposent des services spécialisés dans la prise en charge de ce type de troubles.
  • Les associations de patients et proches et les groupes d'entraide mutuelle (GEM)
  • Fédération nationale des associations TCA: site internet
  • Les associations de psychothérapeutes professionnels peuvent renseigner sur les psychothérapies, la formation de leurs membres et fournir les adresses des consultations privées.
  • Les brochures et guides du Psycom

 

Bibliographie utile

  • Anorexie, boulimie : les paradoxes de l’adolescence , Philippe Jeammet, Eds Hachette Pluriel, 2009
  • Anorexie, boulimie , Daniel Rigaud, Milan Eds, Essentiels, numéro 209, 2002
  • Anorexie et boulimie, surmonter un problème alimentaire , Barbara Moe, Collection Ados, Eds Logiques, 2002
  • Faire face à la boulimie : Comment traiter son trouble par soi-même ? Alain Perroud, Eds Retz (Faire Face), 2006.
  • Votre enfant est anorexique : comment l’aider ? Yves Simon et Isabelle Simon-Baïssas, Eds Odile Jacob, 2009
  • Comment vivre avec une anorexique , Gilles Agman et Annie Gorgé Eds Josette de Lyon, 2004
  • Le guide pratique des psychothérapies , Edmond Marc, Eds Retz. 2008
  • Guide de l’aide psychologique de l’enfant – de la naissance à l’adolescence , Michel David et Jocelyne Jérémie, Eds Odile Jacob, 1999


14/04/2013
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