Concepts théoriques de la Thérapie dʼAcceptation et dʼEngagement (ACT)

 

 

Concepts théoriques de la Thérapie dʼAcceptation et dʼEngagement (ACT)

2/04/2013
Auteur : M Trybou

Dictionnaire > Psychiatrie générale

La Thérapie dʼAcceptation et dʼEngagement repose sur lʼidée de la prise de distance.
LʼACT repose sur lʼidée de la prise de distance avec les pensées et émotions qui nous nuisent, en les observant comme des phénomènes survenant dans notre esprit et notre corps, et en tentant ainsi de moins y souscrire.

LʼACT repose sur lʼidée de la prise de distance avec les pensées et émotions qui nous nuisent, en les observant comme des phénomènes survenant dans notre esprit et notre corps, et en tentant ainsi de moins y souscrire.

Les premières mentions des termes « ACT » datent de 1991. Hayes, en 1989, en avait pourtant formulé déjà les fondements.

Là où les thérapies comportementales et cognitives (TCC) visent à prendre en compte et adoucir les automatismes de pensées qui nous font mal et provoquent de mauvaises interprétations (automatismes cognitifs), modifier les gestes pathologiques que nous répétons pour nous apaiser (automatismes comportementaux), et se confronter à ce qui nous fait peur pour sʼy habituer (exposition), lʼACT opte pour considérer différemment nos pensées et émotions quand elles surviennent : cʼest notre relation à nos pensées et émotions qui est modifiée. La lutte contre ce qui nous est désagréable nous épuise plus que leur acceptation. Et cette lutte serait, pour lʼACT, le socle de nos troubles psychologiques.

LʼACT va ajouter un autre ingrédient à cette acceptation et à lʼarrêt de la lutte : la concentration de notre énergie vers ce qui nous tient le plus à cœur (lʼengagement dans la quête de ce qui correspond à nos valeurs les plus fondamentales).

Si on devait expliquer la démarche de lʼACT, on pourrait dire que le premier pas est déjà de comprendre que lʼacceptation nous apportera plus vite un apaisement que la lutte contre ce qui nous hante. Le second pas est de faire cela dans lʼoptique non pas de « guérir » (ce qui ne veut rien dire pour de nombreux patients), mais pour pouvoir se reconnecter à ce qui nous tient à cœur (nos enfants, notre travail, nos amis, lʼépoque où on allait au sport, aller voir son chanteur préféré, …). Le cœur de cette approche va alors reposer, dans la pratique, dans lʼabsence dʼévitement des pensées et émotions désagréables : lutter cʼest éviter. Accepter cʼest laisser couler. Donc si les choses que je ne supporte pas dans mon corps et mon esprit surviennent, je dois les laisser survenir. Ne pas vouloir subir quelque chose revient à en créer une vision dramatique qui met tout le corps en alerte (David Wegner, 1989, Abramowitz, 2001, Koster, 2003). La personne commence ainsi à ne plus avoir un fonctionnement rigide : au lieu dʼagir en termes de « je ne supporte pas = jʼévite même si cela survient quand je fais quelque chose qui me tient à cœur », on transforme en « je nʼaime pas ce que je ressens et pense mais je le laisse courir dans un coin de ma tête et de mon corps plutôt que mʼempêcher de faire ce que jʼaime ». On acquiert ainsi une plus grande flexibilité.

Notre habitude de vouloir lutter et dʼéviter ce qui nous fait souffrir est pourtant, à lʼorigine, du bon sens. Cʼest ce qui nous permet de survivre. Le souci est que cela a de lʼintérêt face à un souci extérieur (agression, feu, …), mais ne nous aide pas quand il sʼagit de processus intérieurs. Lʼidée est que nous sommes encouragés à la lutte par notre éducation et notre culture : ne pas montrer notre tristesse, prendre sur soi, serrer les dents, être un grand. LʼACT propose donc le laisser couler pour les processus intérieurs, dans la mesure où ils sont inhérents à notre condition humaine et sont impossibles à éviter vu quʼils sont naturellement produits par notre corps et ce jusquʼà notre mort.

Si nous avons tant de mal à accepter nos émotions et pensées désagréables, cʼest déjà, parce quʼelles sont (comme leur nom le dit) « désagréables ». Et secondairement car nous avons tous expérimenté que lutter apporte un soulagement à court terme. Cʼest ce soulagement à court terme qui nous pousse à user et abuser de la lutte. LʼACT ne dit pas que ce soulagement à court terme nʼexiste pas, ne le nie pas, mais insiste sur le fait que cela ne règle pas le problème à long terme. Lʼacceptation par absence dʼévitement mise sur être mal à court terme pour briser le système à long terme, et donc ne plus jamais en souffrir dans ce qui nous tient à cœur. Se reconnecter avec ce qui compte le plus pour nous toute notre vie compte plus quʼêtre moins mal juste quelques minutes ou heures.

De nombreuses études ont été menées (une cinquantaine) et lʼACT a montré son utilité pour de nombreuses pathologies comme la psychose (Bach et Hayes, 2002), lʼarrêt du tabac (Gifford, 2004), lʼétat de stress post traumatique (Mulick, Landes, Kanter, 2005), la trichotillomanie (Woods, 2006), les borderline (Gratz et Gunderson 2006), le TAG (Roemer, 2008), la dépression (Moulds et al, 2008), les douleurs chroniques (Wicksell, 2009), lʼobésité (Lilis, 2009), les troubles alimentaires (Juarascio, 2010), les TOC (Twohig, 2010 et 2013). Un site français fournit de nombreuses informations : http://www.lemagazineact.fr/

LʼACT demande à ce que nous prenions conscience de la perte de temps et dʼénergie que nous mettons dans la lutte, et si le résultat obtenu était à la hauteur de nos espérances et sʼil a rempli son rôle : ce que je fais est-il ou non efficace ? Le résultat de ma lutte est-il définitif ? Quʼai je dû sacrifier pour y arriver ? Le patient se rend vite compte que la lutte lʼépuise, que le souci revient constamment, et que cela est au détriment de pans importants de son quotidien. Si lʼACT vise, au final, lʼéradication de la maladie, cʼest avant par le fait de se relancer dans les choses qui nous tiennent à cœur que commence la thérapie. Il est en effet dur dʼaccepter des sensations négatives sans une motivation importante. Cʼest de ces choses importantes que lʼon va tirer la motivation de ne plus lutter, pour préserver ces choses et en jouir. Et de bien garder en tête que si nous mettons autant dʼénergie à accepter que nous en avons mis à lutter, nous y arriverons. Et comme les émotions désagréables surviendront de toute façon, quoi que lʼon fasse, autant que nous vivions la vie que nous voulons en parallèle ! « Que je reste chez moi ou que je sorte avec mon frère, dans tous les cas je suis anxieux et je me sens mal, donc quitte à être mal dans les deux situations, autant aller au cinéma et ne plus rester cloitré ! ». Tout simplement car lʼéradication des émotions est purement impossible par la lutte.

En ce sens, nous ne sommes pas dans la résignation mais la réinscription dans la vie et le quotidien, en lien avec nos aspirations profondes : « Puisque cela va survenir de toute façon, autant que cela soit dans une vie où je fais des choses qui me plaisent. Cʼest prévu, je nʼai aucun contrôle de toute façon, je contrôle du vide. Si lʼacceptation mʼaide à long terme, ma souffrance actuelle sera pour la bonne cause. Je vais dans le sens de la libération et de me reconnecter encore plus, avec les semaines qui passent, à ce que je veux faire dans ma vie ». Ou comme disait une patiente ayant des attaques de panique : « On ne fait pas dʼomelette sans casser dʼœufs. Prendre lʼavion pour voir ma famille que je nʼai pas vue depuis des années, mérite bien que je fasse une attaque de panique. Je serai sur les rotules en descendant de lʼavion, mais je verrai mon fils pendant une semaine complète ! Lʼanxiété ne mʼempêchera pas dʼêtre en accord avec ce qui compte pour moi ».

Concernant les pensées dépressives, la mauvaise estime de soi, on constate que notre cerveau nous matraque de pensées méchantes et abaissantes. LʼACT propose de considérer ces pensées non pas comme des preuves évidentes de ce que nous sommes (« je me sens nul donc je suis nul ») mais comme des phénomènes provoqués par la maladie et le cerveau. Cʼest une pensée typique de la maladie et non pas un argument réaliste qui me définit. On passe donc de la croyance que la pensée est vraie (fusion) à la remise en cause de cette pensée car elle est issue de la maladie et non réelle (défusion). LʼACT soutient lʼidée que se sentir nul ne permet pas de faire ce qui nous tient à cœur. Donc puisque cette pensée de nullité nous éloigne de nos aspirations plutôt quʼelle nous en rapproche, nous allons mettre notre énergie non pas à bloquer ou valider cette pensée de nullité mais à travailler à la concrétisation de notre projet : notre énergie nʼest pas mise à la disposition de la réflexion mais de lʼaction. « Ma pensée ne mʼest pas utile dans le projet que je veux atteindre ». On se reconnecte avec le présent, lʼici et le maintenant, le but étant de concrétiser ce que nous avions décidé. Cʼest une prise de distance avec les pensées négatives, afin dʼen diminuer lʼimpact sur nos actions. « Que je me sente nul ou pas, ce qui prime pour moi est dʼaller au cinéma avec mes amis ».

Afin de se reconnecter avec lʼici et le maintenant, lʼACT va utiliser des techniques proches de la Pleine Conscience (Mindfulness).

Références

  • Monestès et Villatte : La thérapie dʼacceptation et dʼengagement (ACT). Editions Masson, 2011
  • Hayes : Rule governed behavior : cognition, contingencies, and instructional control. New York : Plenum. 1989
  • Wegner : White bears and other unwanted thoughts : suppression, obsession, and the psychology of mental control. London : The Guilford Press. 1989
  • Behav Res Ther. 2008 May;46(5):573-80. The use of safety behaviours to manage intrusive memories in depression. Moulds ML, Kandris E, Williams AD, Lang TJ.
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10/05/2013
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