Efficaces les thérapies à distance ?

 

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Efficaces les thérapies à distance ?

Téléphone, chat, e-mail, webcam… Courantes outre-Atlantique, les consultations sans fauteuil ni divan commencent à faire des émules en France. Mais, pour soigner les maux de l'âme, peut-on se contenter de rencontres virtuelles ? Enquête au cœur d'un univers encore méconnu.

Isabelle Taubes

«Ma séance est un moment unique, elle a lieu le soir, chez moi. Je la prépare en m'efforçant de mettre de côté mon stress professionnel et mes soucis quotidiens. Je m'installe confortablement sur mon canapé. C'est ce que j'appelle créer mon ambiance rendez-vous », confie Isabelle, 45 ans, cadre commerciale dans une petite ville de l'est de la France. Elle fait partie de ces patients – dont le nombre est inconnu, faute de statistiques –, qui ont choisi d'entreprendre une psychothérapie à distance, pendant laquelle le thérapeute et son patient ne partagent pas le même espace. C'est par le biais de la ligne du téléphone qu'Isabelle, sans jamais l'avoir rencontrée, communique pendant cinquante minutes une fois par semaine avec sa thérapeute, choisie à la fois pour sa spécialisation et ses horaires.

Où, quand, comment ?

« Après trois tentatives de thérapie classique, dont la plus longue a duré neuf mois, je me suis dit qu'il me fallait trouver une méthode plus compatible avec mon emploi du temps, explique François, un informaticien de 39 ans. De toute façon, en ce moment et avec mon travail, je ne pourrais plus du tout consulter en cabinet. J'aime les nouvelles technologies, donc pour moi, la psy par téléphone, c'est très bien. J'aime par-dessus tout faire ma séance et raconter mes rêves de là où je les ai conçus : sur mon lit. Mais je suis souvent obligé d'organiser des rendez-vous de mon bureau, ou à partir de mon mobile. » Certains patients appellent leur thérapeute d'une cabine… Le grand boom des nouvelles technologies se répercute aujourd'hui sur le monde de la thérapie.

D'ailleurs, à côté de la psychothérapie par téléphone – l'aînée des thérapies à distance –, coexistent des techniques plus spécialement réservées aux possesseurs d'ordinateur. D'abord, la psychothérapie par visioconférence, avec webcam, pour des séances en direct au cours desquelles le psy et son patient peuvent se voir et s'entendre. Ensuite, la thérapie par chat, pour dialoguer par écrit, en direct. Enfin, la thérapie par e-mail, où le patient envoie un courrier électronique, auquel le psy répond le jour de la séance. Les séances durent généralement de trente à cinquante minutes – la durée moyenne des séances en cabinet – et s'étendent sur un laps de temps allant de quelques mois à trois ou quatre ans – la durée moyenne des thérapies en cabinet…

Faut-il en avoir peur ?

Si ces techniques foisonnent aux Etats-Unis et au Canada, où elles sont depuis une dizaine d'années reconnues comme des psychothérapies à part entière et sont l'objet d'évaluations (lire Assessing a Person's Suitability for Online Psychotherapy - Mythes et Réalités sur le travail thérapeutique en ligne , un rapport de l'International Society for Mental Health Online. Consultable en ligne, et en anglais, sur http://www.ismho.org/casestudy/myths.htm), en France, elles font encore figure d'ovnis. Patients et psychothérapeutes tendent à s'en méfier : par méconnaissance de l'outil informatique, et également par une sorte de fidélité à la tradition psychothérapeutique, qui martèle qu'une thérapie requiert un divan bien rembourré ou un bon fauteuil.

Scepticisme identique concernant, généralement, le téléphone : « Beaucoup de collègues ne comprennent pas et me critiquent, témoigne Olivier Plataroti, psychologue clinicien, qui pratique via le réseau téléphonique depuis deux ans, tout en poursuivant ses consultations en cabinet et dans un centre de santé mentale. D'ailleurs, j'ai moi aussi été sceptique. L'intérêt de cette approche ne m'est apparu que progressivement, en l'expérimentant. »

A qui s’adressent-elles ?

Les motifs de consultation à distance sont identiques à ceux qui poussent à consulter en cabinet : problèmes affectifs, difficultés relationnelles, manque de confiance en soi, état dépressif, anxiété, deuil… Loin du regard et du corps du thérapeute, les anciennes victimes d’inceste ou d’abus sexuels parviennent plus facilement à évoquer les ravages subis. « Au cours de mes trois ans d’analyse, je n’avais jamais pu parler des violences dont j’avais souffert enfant dans ma famille, puis dans mon premier couple, confie Félicie, une infirmière de 39 ans. Impossible de dire ça face à un thérapeute en chair et en os. Trop d’émotions, trop de honte. Pour la première fois, j’ai osé et je me suis sentie comprise. Il faut dire que ma psy est spécialiste de ces problèmes. Sur Internet, les psys font figurer leur CV… »

« J’ai dans ma clientèle un haut gradé de l’armée et un ermite, jamais ces gens n’accepteraient de mettre les pieds dans mon cabinet », affirme Jean-Pierre Bègue, l’un des pionniers en France des cyberthérapies (thérapies par le biais de l’ordinateur). Mais il y a aussi les agoraphobes qui ne sortent plus de chez eux, les individus qui se sentent en danger face au regard de l’autre.

« J’avais l’impression que ma première psy essayait d’établir un rapport de séduction : insupportable !, se souvient Alain, 40 ans, journaliste. Avec mon deuxième thérapeute, nous sommes entrés dans des rapports de compétition, et j’ai dû arrêter. Avec ma thérapie par téléphone, rien de ce genre. Ça me convient dix fois mieux. »

D’autant plus qu’Alain fait partie de tous ces gens frustrés ou angoissés par le cadre strict imposé par la psychothérapie traditionnelle. « Finies les contraintes horaires et les cavalcades dans les transports pour être à l’heure à mes séances. Et si je déménage, je pourrai quand même garder mon psy ! »

Parmi les bénéficiaires des thérapies à distance, n’oublions pas les handicapés physiques incapables de se déplacer seuls, les expatriés, ou simplement les habitants des petites villes soucieux de consulter, sans que tout le monde le sache. « J’ai décidé d’entreprendre une thérapie à distance dès que j’ai su que c’était possible, confirme Audrey, esthéticienne, 28 ans, qui habite une petite ville de province. J’avais d’abord pris des rendez-vous avec le psychiatre et psychothérapeute qui reçoit dans la rue principale. Dès le deuxième, tous mes proches étaient au courant. J’ai envie de parler à un psy sans que la boulangère me demande si ça me fait du bien. »

Un même travail qu’en cabinet ?

« La psychothérapie par téléphone présente des avantages incontestables, affirme Olivier Plataroti. En particulier dès les premiers entretiens, grâce à l’absence du regard du thérapeute, une liberté de parole qui survient bien plus tard dans le cadre du cabinet. » Mais dans les thérapies à distance, s’agit-il exactement du même travail qu’en face à face ? Ce serait mentir. Entre des mots d’amour déposés sur la messagerie vocale de l’être aimé et une étreinte torride, chacun peut comprendre qu’il y a une différence. D’ailleurs, la plupart des psychothérapeutes qui travaillent à distance invitent leurs patients à les rencontrer, ne serait-ce qu’une fois.

Malgré tout, au téléphone ou via Internet, comme dans l’intimité du cabinet, « ce qui guérit, c’est le transfert, ce lien particulier qui se noue entre le patient et le thérapeute », rappelle le psychanalyste Jean-Pierre Bègue. C’est presque un automatisme, dès qu’un patient est confronté au dispositif thérapeutique, il attribue au thérapeute un savoir sur ses difficultés. Cette idéalisation temporaire permet au patient de progresser, et disparaît quand sa question principale trouve sa solution.

Plus d’interrogations, en revanche, concernant la nature du travail intérieur envisageable avec les cyberthérapies, par le biais de l’écriture, par chat, et surtout par courrier. « La psychothérapie passe par un objet sensoriel : la voix, et par cette réalité symbolique que sont les mots, insiste Olivier Plataroti. Avec l’écrit, nous ne sommes pas dans du vivant. » « Certains patients qui ont des difficultés à s’exprimer oralement, ou qui ont vécu des événements dont ils n’osent pas parler, réalisent grâce à l’écrit un travail intérieur dont ils seraient incapables autrement », objecte Jean-Pierre Bègue. Ce dernier le reconnaît toutefois, cette technique constitue surtout un complément.

Des techniques limitées mais utiles

Les utilisateurs l’assurent : « Ces thérapies ne sont pas bidon ! » Pour certains, elles ont permis un mieux- être, qu’ils n’avaient pas obtenu en face à face ou sur le divan ! Mais peut-on en attendre une transformation personnelle aussi profonde qu’en cabinet ? « Non ! Même si c’est incomparablement mieux qu’être réduit au silence faute de psy à proximité », affirme Laurence Sauvignon, psychanalyste. Après quatre ans d’expérience dans la pratique des cyberthérapies, elle a un peu perdu l’enthousiasme des débuts. Côté patients, Nathalie, 34 ans, expatriée aux Etats-Unis pour des raisons professionnelles, est du même avis : « Si je compare avec ma thérapie classique, qui avait duré trois ans, c’est plus du soutien qu’une vraie psychothérapie. » « Je pourrais tout à fait recommander la psy à distance à un ami. Mais s’il a un réel désir de changement et la possibilité de consulter un bon psy près de chez lui, je lui conseillerais plutôt d’y aller », déclare Noémie, 32 ans, restauratrice dans un village des Pyrénées.

Pour Olivier Plataroti, cependant, opposer face-à-face et techniques à distance ne mène à rien d’intéressant. « Bien sûr que ces approches sont limitées, mais selon moi, c’est justement pour leurs limites que des patients qui pourraient facilement consulter en cabinet les choisissent. » Elles sont particulièrement adaptées aux personnes qui refusent d’affronter les inévitables moments régressifs, pénibles, angoissants qui accompagnent les psychothérapies en profondeur. Ainsi Julia, 33 ans, décoratrice : « J’ai quitté mon thérapeute, car je ne supportais pas les longs silences qui s’éternisaient. Avec Skype (logiciel permettant de dialoguer par Internet), les silences ne durent jamais très longtemps. »

En outre, « ces techniques protègent des débordements émotionnels, constate Olivier Plataroti. Le psy étant à distance, elles apportent la certitude “que l’on ne se touchera pas”, perspective insupportable pour certains patients ». Grâce à la distance encore, le thérapeute risque moins de se métamorphoser en personnage dangereux, séducteur, en rival écrasant, en juge… Le transfert est plus léger, la sensation de dépendance, corollaire presque incontournable des thérapies en face à face est nettement moins intense, voire inexistante. Alors bien sûr, « ça » va moins loin qu’une psychothérapie en cabinet, mais aller loin n’est justement pas la demande de tous les patients !

Un paiement uniquement par carte bancaire

Payer en liquide fait partie, traditionnellement, de la psychanalyse. Avec les thérapies à distance, le paiement se fait par carte bancaire ou, exceptionnellement, par chèque, les séances étant généralement payables d’avance. Ce mode de règlement peut rabaisser la thérapie au rang de service comme un autre, et certains patients le déplorent. Toutefois, demeure cette constante : pas question d’être en dette.

« Les patients à qui leur thérapeute a fait crédit, en raison de problèmes financiers, payent dès qu’ils le peuvent, parfois deux ou trois ans après la fin de la thérapie, affirme Alain Siciliano, coordinateur de Psytel. Depuis l’ouverture, il n’y a jamais eu de problèmes de séances non réglées. »

Adresses et tarifs

Un psychothérapeute sérieux vous proposera toujours trois ou quatre entretiens préalables. Le temps pour lui de savoir s’il peut entendre votre problématique, et pour vous, d’évaluer votre ressenti. Posez-lui des questions concrètes sur sa formation, son parcours, son orientation théorique, assurez-vous qu’il travaille par ailleurs en cabinet et qu’il vous répond de ce lieu, et non d’un bar…

http://www.monpsychanalyste.com
Psychothérapie par écrit, en interactif, par e-mail, compter 30 euros la séance. Psychothérapie avec webcam, compter 40 euros

http://www.psytel.net
Séances par téléphone, de 60 à 70 euros

http://www.mon-psy.com
Psychothérapies de soutien par téléphone ou avec webcam, 39 euros la séance.

http://www.monpsychanalyste.com

décembre 2007

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03/06/2013
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