Ethnopsychiatrie
Ethnopsychiatrie
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Georges Devereux a toujours affirmé que ce n’était pas lui, mais Louis Mars, un psychiatre haïtien qui sintéressait tant au Vaudou qu'à la décolonisation, qui a créé le mot « ethnopsychiatrie ». Louis Mars est devenu diplomate, longtemps d'ambassadeur d’Haïti[1], mais, lorsqu’il était psychiatre, il préconisait de faire de « l’ethnopsychiatrie » plutôt que de la psychiatrie .
Marqué par la décolonisation, « l'ethnopsychiatrie » comme bien d’autres disciplines à préfixe « ethno » (ethnobotanique, ethnomathématiques) admet comme prémisses que des peuples n'ayant pas de tradition écrite possèdent tout de même des savoirs. Malgré leur caractère populaire, ces ethnosciences, constituent de vrais savoirs qui, en tant que tels, concernent l'humanité entière. « Ethnopsychiatrie » implique par conséquent que ce que nous nommons « psychiatrie » possède son équivalent dans chaque culture humaine. C’est ainsi que Devereux a pu écrire qu'il n'existait pas de peuple sans « ethnopsychiatrie » — c'est-à-dire de peuple qui ne possède un système de repérage et de prise en charge d'un certain type de négativité. L’ethnopsychiatrie postule que ces ethnosciences, savoirs réels, techniques efficaces, méritent d'être étudiés pour eux mêmes et non comme des coutumes ou des traditions.
Parmi ces nombreux champs de recherche, l'ethnopsychiatrie étudie tous les systèmes nosologiques, à travers les cultures, ainsi que les thérapeutiques qui leur correspondent. Cette étude systématique, à l'écoute des systèmes les plus singuliers, a conduit certains chercheurs à se débarrasser du privilège ethnocentrique habituellement accordé à la psychiatrie occidentale, alors envisagée, en toute logique, comme une ethnopsychiatrie parmi d'autres. Une telle position est néanmoins rejetée par ceux qui continuent à soutenir l'universalité de la psychiatrie ou de la psychanalyse. Cette position n'est cependant plus si facile à tenir, en une ère de mondialisation, et ses tenants doivent désormais expliciter leurs raisons.
L'intérêt de l'ethnopsychiatrie pour les systèmes thérapeutiques des autres mondes l'a conduite à développer des analyses fines de types d'intelligibilité ou de causalité populaires tels que : l'infraction d'un tabou, l'envoûtement, l'action des génies, des esprits des morts et bien d'autres entités.
L'un des premiers praticiens à s'être penché sur ce type de phénomènes est l'anthropologue et psychanalyste hongrois Géza Róheim.
En France, l'histoire de l'ethnopsychiatrie est indissociablement liée à deux noms, celui de l'anthropologue et psychanalyste Georges Devereux, précurseur de l'ethnopsychiatrie contemporaine, et celui de son disciple, Tobie Nathan, qui a entièrement renouvelé le champ (trans-)disciplinaire de l'ethnopsychiatrie tout en s'éloignant de la conceptualisation psychanalytique.
C'est surtout comme l'inventeur d'un dispositif clinique exceptionnel (Bobigny 1979), destiné à la prise en charge des patients migrants, que Tobie Nathan est connu. La consultation d'ethnopsychiatrie, réunissant un groupe de professionnels polyglotte autour d'une famille, a été reprise sous diverses formes par toutes les autres tentatives de clinique ethnopsychiatrique.
Aujourd'hui, dans un monde globalisé, aux migrations multiples et répétées, l'ethnopsychiatrie souligne l'importance d'autres identités telles les groupes d'usagers (Mediagora — groupes de patients souffrant de phobie —, Autisme France — parents d'enfants atteints d'autisme infantile —, AFTOC — Association de patients souffrant de Troubles obsessifs et compulsifs — etc...) Les thérapeutes devraient collaborer davantage avec ces associations qui pourraient leur permettre d'affiner leurs méthodes et de les évaluer. Une série de textes rendant compte de cette démarche novatrice : La psychothérapie à l'épreuve de ses usagers
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Bibliographie indicative [modifier]
Ouvrages [modifier]
- Géza Róheim L'animisme, la magie et le roi divin, Paris, Payot, 2000.
- Georges Devereux Essais d'ethnopsychiatrie générale Paris, Gallimard, 1971.
- Tobie Nathan La folie des autres. Paris, Dunod 1986
- Tobie Nathan *L'influence qui guérit
- Tobie Nathan Nous ne sommes pas seuls au monde
- Rébeca Grinberg, Leon Grinberg : Psychanalyse du migrant et de l'exilé, Ed.: Cesura, 1987 , ISBN 2905709022
- Philippe Carrer : L'envers du décor - Ethnopsychiatrie en Bretagne et autres terres celtes
- Nathalie Zajde : Enfants de survivants, 1993, réédition, Paris, Ed. Odile Jacob, 2005 — 218 pages.
- Françoise Sironi : Bourreaux et victimes. Psychologie de la torture. Paris, Odile Jacob, 1999.
- Marie Rose Moro : Enfants d'ici venus d'ailleurs (Hachette, 2000)
- Catherine Grandsard : Juifs d'un côté. Portraits de descendants de mariages mixtes entre juifs et chrétiens. Paris, Le Seuil/ Les empêcheurs de penser en rond, 2005.
- Dr Alhssane Chérif : L'Importance de la Parole chez les Manding de Guinée (Editions L'Harmattan 2005)
Revues [modifier]
- Ethnopsy/Les mondes contemporains de la guérison
- L'autre, Cliniques, Cultures et Sociétés
- Nouvelle Revue d'Ethnopsychiatrie
- Ethnopsychiatrica
Voir aussi [modifier]
Liens externes [modifier]
- Le site du Centre Georges Devereux. Centre universitaire (Paris VIII) de clinique, recherche et enseignement dans le domaine de l'ethnopsychiatrie fondé par Tobie Nathan.
- Site de l'Association Internationale d'EthnoPsychanalyse (Textes, recherches ensignements) dirigé par Marie Rose Moro
- Association Géza Róheim
- Le site de l'association AMSK, association Médiation Culturelle et Familiale / Aide Psychologique aux familles migrantes. Animé par le Dr Alhssane Chérif Ethnopsychanalyste auteur de « L'Importance de la Parole chez les Manding de Guinée » (éditions Harmattan 2005)