II n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide

 

 

 

LE SUICIDE


« II n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide ». Ainsi Albert Camus ouvrait-il en 1942 Le Mythe de Sisyphe, l'essai qui le rendit fameux. Cette idée, qui alimente tout l’ouvrage, attire entre autre l’attention sur le fait que l’être humain est le seul animal qui peut consciemment mettre fin à ses jours.

Historiquement, le suicide a été longtemps condamné sur le plan civil et religieux jusqu’à l’avènement des thèses psychiatriques du XIXème siècle. Le simple décompte des hypothèses qui ont été faites à partir de ce moment sur le suicide témoigne de la complexité de ce phénomène rattaché très souvent à la dépression.

Outre les philosophes et les psychiatres, les sociologues qui ont abordé la question du suicide ont attiré l’attention sur l'intégration sociale comme variable essentielle pour comprendre ce phénomène. Pour eux, « plus on appartient, moins on se suicide ». Autrement dit, plus le réseau social d’une personne est étendu, plus elle a de chance de trouver une oreille attentive à son désarroi, et moins elle va aller jusqu’au suicide.

Le sociologue français Émile Durkheim avait par exemple constaté qu'à la fin du XIXème siècle, le taux de suicide des célibataires était plus élevé que celui des veufs et nettement supérieur à celui des hommes mariés. L'intégration dans un groupe qu’offre la famille semble donc diminuer les risques de suicide.

Plusieurs études ont par la suite appuyé cette idée que l’incidence du suicide va souvent de pair avec la désintégration de la communauté et avec l'isolement qui en résulte pour l'individu. Cette désintégration sociale est souvent causée par des changements sociaux rapides qui ont pour effet de rendre obsolètes les normes de conduite traditionnelles sans que les nouvelles n’apparaissent encore clairement à l’individu.

Mais le suicide est un phénomène faisant intervenir plusieurs variables, notamment des facteurs biologiques individuels, et Durkheim lui-même, lorsqu’il a tenté d’établir une typologie des suicides, s’est aperçu que des liens sociaux amenant une pression sociale excessive peuvent également précipiter l’individu vers le suicide. Ainsi, à l’intégration sociale défaillante qui est à l'origine du suicide égoïste (la personne âgée esseulée) ou à la dégradation du lien d’un individu avec son réseau à l’origine du suicide anomique (divorce ou perte d’emploi) s’ajoutent deux autres types de suicide résultant d’une intégration sociale excessive : le suicide altruiste (le Kamikaze japonais de la seconde guerre mondiale ou les attentats suicides d’aujourd’hui au Proche-Orient), et le suicide fataliste (l’étudiant qui se suicide suite à l’échec d’un examen crucial).

Des sociétés qui favorisent à l’excès certaines valeurs de performance ou qui entretiennent de véritables cultures de la peur peuvent ainsi contribuer à pousser au suicide certaines personnes voulant trop ou, au contraire, refusant de se conformer à ce mode de vie. Le suicide est alors vu comme une porte de sortie permettant de fuir ce qui provoque le désespoir et les sentiments insoutenables.

Le fait de mettre fin à ses jours soulève des questions éthiques d'autant plus importantes lorsqu'il implique d'autres personnes. C'est toute la problématique de la mort assistée ou euthanasie (du du grec eu, bonne, et thanatos, mort), où des tierces personnes, habituellement des médecins, procurent une "bonne mort", c'est-à-dire une mort douce mais prématurée à une personne en vue d'abréger ses souffrances.

Une personne peut aussi demander à un médecin de lui fournir délibérément les moyens de se suicider. On parle alors d’aide au suicide. Dans cette situation, le patient conserve un pouvoir sur sa vie jusqu’à la fin puisque la participation du médecin demeure indirecte. Partout dans le monde cependant, ces pratiques suscitent des débats enflammés parce qu’elles soulèvent des questions fondamentales sur la dignité et la liberté humaine.

Lien : L'euthanasie Lien : La mort médicalement assistée Lien : Euthanasie légalisée aux Pays-Bas Lien : L'Euthanasie en France Lien : 4 years into prison term, Kevorkian all but forgotten

 

LE SUICIDE


Le suicide est rarement un choix froidement raisonné. C’est la plupart du temps une réaction à des sentiments de solitude, de désespoir, d’inutilité ou d’abandon d’une grande intensité. Bref, des symptômes similaires à ceux de la dépression qui constitue d’ailleurs le principal facteur de risque du suicide.

 

La souffrance psychologique qui en résulte devient ainsi plus grande que les ressources dont dispose l’individu pour y faire face. Le suicide apparaît alors comme le seul échappatoire pour fuir cette douleur intolérable. En ce sens, le suicide encadre deux longs processus : celui qui a mené la personne à dépérir moralement et à avoir des idées suicidaires, et celui qui attend ses proches qui n’ont pas pu lui apporter l’aide nécessaire et qui en est un de deuil particulièrement difficile.

 

Les douleurs et les raisons invoquées par les personnes suicidaires diffèrent grandement. Ce qui peut sembler un bien petit drame pour quelqu’un peut être ressenti comme intolérable pour un autre qui ne partage pas le même système de valeurs. Se retrouver en chômage sera ressenti comme une libération pour certains mais comme une catastrophe pour d’autres. De même, devant le même drame subi par différentes personnes, le point à partir duquel la douleur devient intolérable dépend des ressources que possède chaque individu pour y faire face.



Avoir des idées suicidaires n’implique donc pas de signe de faiblesse morale ou de folie. Elles ne signifient même pas que vous désirez réellement mourir. Elles révèlent simplement que vous avez actuellement plus de souffrances que ce qu’il vous est possible de supporter.

 

 

Il ne suffit donc pas de dire « Allez, souris ! » à une personne qui vous confie ses idées suicidaires. Il faut d’abord prendre le temps de l’écouter, de lui faire voir patiemment une autre façon de considérer les choses, de l’orienter vers des ressources où elle trouvera d’autres oreilles attentives à son désarroi.

 

Comme les personnes suicidaires sont environ une fois sur deux aussi dépressives, les traitements efficaces contre la dépression peuvent aussi s’avérer utiles pour les soulager. Dans l'autre moitié des cas, c'est souvent l'abus de substances psychotropes qui est impliqué. Dans environ 20 % des suicides par exemple, l'alcool est mis en cause.

 

Mais comme l’ont maintes fois répété les philosophes, sociologues, psychologues et psychiatres qui ont réfléchi sur le suicide, il s’agit d’un phénomène multidimensionnel. D’abord pour ce qui est des causes de la souffrance psychique où des facteurs de risques comme la dépression ou l’abus de drogues se conjuguent à des crises personnelles, familiales ou sociales pour prédisposer la personne au suicide. Et ensuite pour le seuil de déclenchement du comportement suicidaire qui varie suivant l’histoire de vie d’un individu, sa personnalité et le support social dont il bénéficie. C’est ce dernier facteur qui est souvent déterminant et qui fait du suicide un phénomène à forte composante sociale.

 

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19/05/2013
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