L'île d'OUESSANT - Partie 3
Les trois grands moulins survivants « s'essoufflent » à leur tour. Le moulin du Stiff s'arrête en 1899 ; celui de Penarland est désaffecté en 1905 ; enfin celui du Frugulou, appelé aussi « Moulin Buic », du nom de son meunier est le dernier à tenir debout puisqu'il tournera jusqu'en 1918.
La concurrence des petits moulins Ouessantins a eu raison d'eux. Enfin après la première guerre mondiale, la culture de l'ordre décline rapidement. Ille d'Ouessant importe de plus en plus de farine de froment (farine blanche) ; ce sera au tour des petits moulins d'Ouessant de disparaître. Démolis dans les années 1926-1939, il ne subsiste à l'heure actuelle qu'un seul de ces moulins, Gouzoul, sur la route du Creac'h pour nous rappeler une époque pas si lointaine, aujourd'hui disparue.
Les oiseaux
Située à 20 km au large du Conquet, l'île d'Ouessant constitue le meilleur site français pour l'observation automnale des oiseaux sibériens et de nombreuses espèces exotiques.
C'est également une terre d'accueil pour quantité de passereaux nord-américains déviés de leur trajet migratoire par les tempêtes. L'île fait partie du parc naturel régional d'Armorique.
Les principales espèces à observer …
Le pouillot à grands sourcils, trésor traditionnel de l'île, mais aussi le gobe-mouches nain, le bécasseau tacheté, la grive mauvis, le goëland à bec cerclé, le pipit de Richard, le chevalier grivelé, le fou de Bassan et pratiquement tous les alcidés (du type pingouin et macareux).
Les hauts des falaises sont fréquentés par le Traquet motteux, le Crave à bec rouge, une espèce en large déclin dans tout l'Europe, dont seule une trentaine de couples se maintiennent sur l'ensemble de la Bretagne.
Certaines plantes des bas de falaises, telle la Criste marine, la Spergulaire, présentent des adaptations originales qui leur permettent de résister aux vents et aux embruns.
Des plantes rares se développent sur les pelouses rases des hauts de falaise, comme l'Isoete, une petite fougère primitive protégée à l'échelle nationale, la Centaurée maritime ou l'Ophioglosse du Portugual.
Mais ces hauts de falaises se révèlent très fragiles : soumise aux vents violents, aux embruns, la couche de terre réduite est très vulnérable au piétinement.
Les meilleurs périodes de visite …
Pour l'ornithologie : mi-octobre et avril.
A certaines périodes de l'année - printemps et été - le Centre d'étude du Milieu d'Ouessant (C.E.M.O.) et la Maison du Parc Régional d'Armorique (P.N.R.A.) proposent des animations nature, qui permettent de découvrir les milieux naturels d'Ouessant, la faune et la flore de l'île.
Comment s'y rendre ?
Pour observer les oiseaux, il est préférable de louer des vélos et ne pas hésiter à parcourir l'île en tous sens, en scrutant la lande, les vallons et les falaises.
Mais attention au respect de la réglementation de la circulation des vélos.
Afin de préserver ces espaces naturels sensibles, il est recommandé d'emprunter les chemins les plus larges en retrait de la côte, ne pas chercher à longer systématiquement les falaises. Il est préférable de suivre les chemins signalés par un balisage bleu.
Le Centre d'étude du milieu d'Ouessant
propose des hébergements collectifs payants
réservations indispensables.
Ouessant, parc naturel
Située à 20 km au large du Conquet, l'île est intégrée depuis 1969 au Parc Naturel Régional d'Armorique. Depuis 1988 l'archipel de Molène et l'Île d'Ouessant sont classés « réserve de la biosphère de la mer d'Iroise » par l'UNESCO. L'île constitue le meilleur sîte français pour l'observation automnale des oiseaux sibériens et de nombreuses espèces exotiques. L'île présente au visiteur une vaste zone naturelle ; l'extension de l'habitat reste restreinte ; les interventions de l'homme sont limitées aux secteurs habités.
La flore marine a une grande diversité, présente une variété de peuplements d'algues que l'on découvre lors des basses marées - les laminaires [1] et, sur les rochers une petite algue moissonnée en été – pioca – utilisée dans l'industrie alimentaire.
Les troncs arrachés de laminaires – le melkern – s'accumulent sur le haut des grèves ; séchés, ils servaient autrefois de combustible, tout comme le goëmon [2] de rive – le bizin tan – que l'on coupe à la main. Le goëmon déposé par les vagues sur le haut des grèves est utilisé, comme dans le passé, pour fumer les jardins.
La végétation s'adapte aux rudes conditions climatiques de l'île ; s'installe à même la roche (les lichens noirs, gris ou orangés) ou entre les fissures des blocs rocheux (la criste marine ou la cochléaire). Le sommet des falaises est garni d'une pelouse rase (le silène maritime blanc, l'armérie rose, la scille bleue). En s'éloignant des falaises, la pelouse est plus haute, puis fait place à une lande sèche fleurie dès la mi-juillet vers les points d'Arland, de Cadoran et du Stiff (l'ajonc de le Gall, la bruyère cendrée, la callune). On distingue aussi l'ajonc d' Europe cultivé autrefois dans des enclos de murs de pierres sèches, utilisé comme combustible. Ces murs disparaissent de nos jours, envahis par la fougère aigle, les ronces. L'intérieur de l'île est le domaine des prairies naturelles. Quelques zones humides sur un sol tourbeux présentent des roseaux et une grande fougère rare et protégée : l'osmonde royale.
Ouessant est une terre d'accueil pour observer à l'automne les migrations des oiseaux sibériens et de nombreuses espèces exotiques. On y voit passer quantités de passereaux nord-américains déviés de leur trajet migratoire par les tempêtes ; le pouillot à grands sourcil, le gobe-mouche nain, le bécasseau tacheté, la grive mauvis, le goëland à bec cerclé, le pipit de Richard, le chevalier grivelé, les phragmites les joncs, sans compter les millions de rouge-gorge. D'autres oiseaux traversent simplement le ciel d'Ouessant. C'est le cas des traquets-motteux, du grand gravelot, des sternes, des pétrels, des puffins et des fous de bassan. Certaines espèces demeurent une semaine , dix jours. D'autres se contentent d'une courte escale.
Situé près du phare du Creac'h depuis 1984, le Centre d'étude du Milieu d'Ouessant accueille toute l'année les observateurs amateurs et les scientifiques. Mi-octobre et avril constituent les meilleures périodes de visite : les oiseaux y sont partout !
Ce centre d'étude du milieu a été créé pour préserver le patrimoine naturel de l'île et pour faire partager à tous la passion de sa richesse. Le Centre Ornithologique élabore et réalise un programme de recherche destiné à faire l'inventaire du patrimoine insulaire et à définir les priorités de sa préservation ou de sa restauration : défrichage, éloignement de sentiers du bord de la falaise. Toute l'année, ce centre organise des séjours de découverte. Des séjours à thème sont organisés en été.
Mais le plus difficile à contempler reste le macareux moine dont les derniers couples nichent dans les terriers du Youc'h. A découvrir aussi les petits échassiers, tels les huitriers-pie ou les chevaliers.
Les goélands sont partout présents, et étant un peu observateur, on reconnaîtra le goéland marin et le goéland argenté. Le goéland argenté est partout présent sur les côtes rocheuses. Trop affamé, omnivore, ce redoutable prédateur s'attaque aux œufs et aux poussins d'autres oiseaux, notamment aux sternes. Excellent voilier, il n'hésite pas à escorter pendant des heures les bateaux de pêche, profitant ainsi des déchets rejetés à la mer. Dans les falaises du Stiff, on observe la mouette tridactyle et le petrel fulmar. Sur les îlots bas de l'archipel d'Ouessant-Molène, la sterne pierregarin vient nicher chaque année au mois d'avril. Extraordinaire voilier et oiseau migrateur, par excellence, elle repart en août pour un voyage qui la mènera vers les rivages des mers tropicales.
L'ornithologue ne se contente pas de sa passion pour les oiseaux mais scrute les fonds marins pour observer quelques spécimens d'orques, de grands cachalots et des groupes de dauphins. De temps en temps, il voit aussi une tortue-luth et les phoques de Molène qui s'aventurent autour de l'Ile.
La rencontre avec
le phoque gris
est due au simple hasard, dont ne bénéficient que les insulaires et les pêcheurs. Une colonie existe dans les îlots déserts et sauvages qui remonte à des temps assez anciens. Elle est peu importante mais se reproduit suffisamment pour subsister. Bien adapté à la vie marine, le phoque gris possède une épaisse couche de graisse, qui lui permet de longs séjours dans les eaux froides de la côte bretonne.
[1] laminaire nom féminin
(du latin lamina)
Algue brune des côtes rocheuses de l'Atlantique, dont le thalle rubané peut atteindre 3 m de long et qui sert d'engrais et fournit de l'iode, de la soude, de la potasse. (Genre Laminaria ; classe des phéophycées.)
[2] goémon nom masculin
(breton gwemon)
Régional (Bretagne, Normandie). Varech.
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Les marins
Bien qu'au XIXe siècle l'activité économique de l'île d'Ouessant soit axée principalement sur le canotage et la pêche, les retombées économiques ont été et demeurent mineures. Ici, les hommes n'ont pu faire de la pêche leur activité principale comme dans d'autres îles bretonnes - Molène, Sein - car malgré la présence de fonds poissonneux au large, il n'y a à Ouessant ni port naturel pouvant accueillir une flottille, ni les moyens d'écouler l'excédent de production.
Un retour en arrière sur les métiers de marins d'Ouessant s'impose. A la fin du XVIIe siècle, la marine de guerre la Royale, s'établit à Brest qui devient le plus grand port de guerre du royaume. Systématiquement, les hommes de l'île sont réquisitionnés comme marins, et l'Amirauté puise dans cette réserve. Cet engagement forcé éloigne les hommes de l'île de 6 mois à un an, et quelquefois davantage, obligeant les femmes à devenir agricultrices et à s'organiser pour survivre.
Les Ouessantins sont de tous les combats et servent dans les grands vaisseaux de combat tels L'Éveillé - La Duchesse de Lorient – L'Escadre du Sieur Duc d'Anville – Le Courageux - La Licorne – La Malicieuse - La Renommée –L'Aigle – L'Annibal – Le Conquérant – Le Saint-Esprit – Le Griffon -…du fait des batailles livrées au 18ème siècle contre la flotte anglaise lors de campagnes, au large d'Ouessant, en Martinique - Guadeloupe - Saint-Domingue, au Cap de Bonne Espérance.
Sous les règnes de Louis XV et de Louis XVI, les hommes de l'île donnent très souvent leur vie "au service du roi" au Canada, aux Isles, à Quiberon, dans des naufrages, par épidémies dans les hôpitaux du Roy à Brest ou Rochefort, du scorbut au large d'Ouessant, dans les prisons d'Angleterre. Au 19ème siècle, les Ouessantins s'embarquent toujours dans la Marine et participent à l'aventure coloniale. Ils s'engagent aussi dans la marine marchande, où ils sont souvent soutiers [1] ou gabiers [2] sur les grands voiliers de l'époque ou les premiers vapeurs, qui développent à la fin de ce siècle le commerce intercontinental.
Sous les règnes de Louis XV et de Louis XVI, et sur la période qui s'étend de 1734 à 1791, 335 hommes partis d'Ouessant ne reviennent pas. La population de l'île estimée à 1600 âmes à cette époque permet de mesurer le tribut payé au Royaume de France.
Au XIXe siècle, les Ouessantins s'embarquent toujours dans la Marine et participent à l'aventure coloniale. Ils s'engagent aussi dans la marine marchande, où ils sont souvent soutiers ou gabiers sur les grands voiliers de l'époque ou les premiers vapeurs qui développent le commerce intercontinental.
Leur engagement en mer dure souvent une année, quelquefois d'avantage, car au retour d'une longue traversée, au Havre - à Dunkerque ou à Marseille - s'ils trouvent de suite un réembarquement, ils n'hésitent pas à repartir. Ils seront ainsi conduits dans les plus grands ports du monde : San Francisco - Shanghai - Melbourne - Saint-Louis du Sénégal … Certains tenteront même l'aventure de la "ruée vers l'or" en Californie mais sans beaucoup de succès. A la fin du XIXe siècle, presque tous les habitants de l'île sont pêcheurs ; d'autres sont canotiers des bateaux de sauvetage de la S.N.S.M. mis en service depuis 1865. Ils n'hésiteront pas, en maintes circonstances, à mettre leur vie en péril pour braver les flots impétueux du Fromveur et pour sauver des vies humaines.
[1] Matelot qui travaille dans les soutes d'un navire, principalement dans le magasin au charbon
[2] Matelot qui monte dans les hunes et qui est chargé spécialement de manœuvrer les voiles et d'entretenir le gréement
Les naufrages
Des centaines d'écueils rendent la navigation très dangereuse en cet endroit d'autant que les courants du Fromveur sont les plus rapides d'Europe.
Parmi les nombreux naufrages survenus au cours du 18ème et 19ème siècles au large d'Ouessant, il faut citer :
Le 2 décembre 1739 – l'Atlas – en provenance de la Louisiane s'apprête à regagner La Rochelle ; il transporte du goudron, du cacao, du riz, du tabac ; il se brise sur les cotes d'Ouessant, à la suite d'une erreur de navigation.
16 matelots périssent dans le naufrage.
Le 13 janvier 1768, le Triomphant, en provenance de Marseille, échoué dans la nuit, alors qu'il s'apprête à regagner Saint-Valéry S/Somme ; donne lieu à une procédure au sujet de vols commis à bord du navire. Il transporte du coton et du savon.
9 corps sont repêchés et enterrés dans le cimetière de Saint-Guénolé.
En 1775, le Guillaume Marie, navire anglais de 150 tonneaux, en provenance de Cadix, dont la cargaison est composée de sel, citrons, oranges et de 22 000 livres en argent monnayé, talonne les écueils ; un seul survivant – le charpentier Jean Collings. .
11 hommes périssent. Il n'y a qu'un seul survivant, le charpentier Jean Collings.
En 1776, le Paramaïbo, navire hollandais de 400 tonneaux fait naufrage ; le commis-greffier d'Ouessant – Philibert Forjonel – est suspecté d'avoir conservé des effets appartenant aux troupes hollandaises transportées sur le navire, ainsi qu'une cage et deux perroquets trouvés en mer … Forjonel nie détenir les vêtements, mais rendit les perroquets du commandant …
Dans la nuit du 3 au 4 mars 1817, le James, brick anglais qui transporte 41 290 kilos de sel en provenance du Croisic, est démâté par la tempête tout près de la côte sud de l'île. Les quatre bateaux ouessantins envoyés à son secours ne réussissent pas à le remorquer. Le capitaine Smith, commandant du brick, abandonne son bateau chargé. Il s'en suivra une sombre affaire au sujet de la cargaison disparue …
Mars 1818, un navire suédois de 300 tonneaux, l'Hector, s'échoue ; la population use de son droit traditionnel de bris.
Le 17 janvier 1865, un vapeur anglais, le Columbia, fait naufrage dans la tempête sur les écueils de Men Korn. Il disparaît deux heures après son échouage avec tout son équipage.
Le 19 décembre 1869, la Gorgone est pris dans une violente tempête et se fracasse au large d'Ouessant, sur les récifs de la chaussée des Pierres Noires.
Le 16 juin 1896, vers 11 heures du soir, le Drummond Castle, paquebot anglais transporte essentiellement des hommes d'affaires et des familles de planteurs d'Afrique du Sud. Il achève, depuis son départ du Cap de Bonne Espérance, une longue traversée qui doit lui permettre d'atteindre Londres le lendemain. Il heurte dans la brume les Pierres Vertes. Le paquebot sombre en quelques minutes.
248 personnes périssent ; il n'y a que 3 survivants.
En 1903, le Vesper, s'échoue la nuit du 1er au 2 novembre sur les rochers de Pern par une forte brume.
En 1908, le Néréo, navire autrichien chargé de charbon, qui va de Swansea à Trieste, s'échoue à Ouessant. Le chat du commandant est sauvé et il sera à l'origine des chats blancs, roux et noirs que l'on trouve maintenant sur l'île.
En 1918, le naufrage d'un voilier scandinave, le Martin Gust, est resté dans les mémoires. Parti des Antilles pour Bordeaux, il est chargé de rhum. Le 5 février, alors qu'il entre en Gironde, il est attaqué par un sous-marin allemand qui le canonne à bout portant. Sa coque endommagée et ses mâts rasés, il semble prêt à couler. L'équipage met un bateau à la mer et regagne la terre ferme. Le bateau dérive seul pendant 48 heures pour finalement s'échouer à Pern, porté par les vagues en haut de la grève de Porz Kerac'h. Le rhum coule à flot, et tout un chacun cache des barriques qui arrive sur toutes les grèves, avant l'arrivée des gendarmes. Il y a trois décès de personnes qui ont trop bu. Les tonneaux réquisitionnés par les soins de la Royale sont embarqués sur le remorqueur l'Infatigable qui les conduit à Brest.
En 1935, le cargo grec, le Mykonos, heurte des roches et s'échoue à Galgrac'h. Les quelques béliers qu'il transporte sont recueillis dans la ferme voisine du lieu du naufrage. On dit depuis, que les moutons blancs triomphent définitivement des petits moutons noirs d'Ouessant. Dans le quartier de Keranchas et de Kerzoncou, on trouve du mobilier et de la ferraille issus du cargo …
En 1955, un cargo italien, le Volonta, se jette sur les récifs, par une brume intense, une nuit d' avril à 3 ou 4 kilomètres de la pointe de Veilgoz. Il allait de Gênes à Londres.
En 1976, l'Olympic Bravery, pétrolier de 278 000 tonnes s'échoue le 24 janvier sur la côte nord, près de la baie de Yuzin, face à l'île de Keller.
En décembre 1978, un bateau soviétique, le Vostok, chargé de planches, désarrime sa cargaison au large d'Ouessant. Pendant deux semaines les ouessantins remontent ce bois pour des usages divers …
En 1979, un cargo danois, le Peter Siff, tente de se mettre à l'abri en baie de Lampaul . Il sombre vers l'anse de Porz Kored . Tout l'équipage est sauvé par un hélicoptère de la Marine, et le bateau sombre par 30 mètres de fonds. La marée apporte à la côte du bois, des réfrigérateurs rouillés, mais surtout des ballots énormes de vêtements. Des monceaux de linge sont récupérer.
Sources :
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Archives municipales d'Ouessant
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CETE - Palissy Humana Université de Nantes
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Exposition « Histoires sous-marines » juillet 2003 / juin 2005 - Musée des phares et balises - Ile d'Ouessant
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PERON (Françoise) - Ouessant - l'Ile Sentinelle - Le Chasse-Marée - Armen, Douarnenez, 1997
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Exposition « Histoires sous-marines » juillet 2003 / juin 2005 - Musée des phares et balises - Ile d'Ouessant
Drummond-Castle
Le 15 juin 1896, peu avant minuit, le paquebot anglais, Drummond-Castle, vapeur de 111,25 m de long et 13,25 m de large, d'un tonnage de 3 663 Tonnes en provenance de Capetown (Afrique du Sud), fait route vers l'Angleterre. Les phares du Stiff et du Créac'h sont en service. La mer est assez calme ; il y a du crachin et à 21 heures une brume épaisse empêche toute visibilité.
Le Commandant navigue à l'estime. Vers 19 heures 30, il fait sonder. Deux fois le sondage est infructueux. Il fait stopper les machines et la sonde annonce 35 brasses (75 mètres). Il se trouve probablement à l'ouest de Penmarch mais se croit peut-être plus près d'Ouessant. Sa vitesse est d'environ 13 nœuds. Peu après 22 heures, un vapeur britannique, le Werfa, aperçoit le feu blanc de tête de mât et le feu vert d'un bateau qui est certainement le Drummond-Castle. Le Drummond-Castle se déroute pour passer derrière le Werfa qui trouve dangereux le cap du paquebot vers le Nord-Est. Vers 22 h 50 –selon un témoin, on entend du bruit, un déchirement de tôles ; les machines ont stoppé. On ne sait pas alors si le bateau a touché une roche ou heurté un navire. Le Drummond-Castle prend de la gîte sur tribord, puis se redresse et continue sur son erre. Tous les passagers n'ont pas encore regagné leur cabine, certains sont sur le pont.
Le capitaine Pearce fait rassurer les passagers mais pour l'instant il n'y a pas de panique. Il envoie vérifier la fermeture des sabords et des compartiments. Il donne l'ordre de mettre les canots à la mer. Le bateau semble s'enfoncer lentement.
Brusquement à 23 heures 05, le Drummond-Castle pique de l'étrave dans la mer ; son arrière se soulève ; il glisse en avant et s'enfonce dans les remous. Tout est si rapide qu'on ne peut embarquer dans les canots et la plupart de ceux qui sont à bord sont entraînés vers le fond.
Quelques uns se retrouvent à l'eau et munis de gilets de sauvetage parviennent à nager. C'est le cas de Charlie Marcquardt, un commissaire, embarqué comme passager qui appelle dans l'obscurité. Il retrouve Ellis le 3e lieutenant. Ils s'accrochent à une planche et une caillebotis qui flottent à proximité. Le matelot Godbolt –qui s'apprêtait à mettre une baleinière à l'eau- a été projeté à la mer. Le matelot Wood, qui dormait, est monté sur le pont puis s'est retrouvé aspiré dans les remous avant de réussir à remonter à la surface. Tous les deux s'accrochent à un espar.
La catastrophe n'a aucun témoin à terre. Nul n'a donné l'alarme. Le lendemain matin, 17 juin, le vapeur courrier du Conquet à Ouessant - La Louise -, aperçoit du bois et des épaves sur l'eau. Un pêcheur d'Ouessant, Joseph Berthelé , met sa plate à l'eau vers 7 heures du matin ; il découvre le corps d'une petite fille puis deux hommes soutenus par le bois flottant. Il réussit à hisser Marcquardt et fait signe à d'autres pêcheurs qui s'occuperont d'Ellis. Malheureusement, il ne sera pas ranimé.
Venant de Molène, un autre pêcheur, Mathieu Masson, patron de la Couronne de Marie, est dans les parages. Il repêche Godbolt et Wood, frigorifiés mais vivants. Les pêcheurs leurs donnent des vêtements pour tenter de les réchauffer.
Quand on eut ramené les rescapés, on comprit à peu près ce qui s'était passé. Le sémaphore du Créac'h à Ouessant, apprenant que deux rescapés sont à Molène, télégraphie au préfet maritime de Brest « Grand paquebot anglais Drummond-Castle a coulé nuit dernière à minuit sur Pierres Vertes Trois vivants et six cadavres recueillis. Reste supposé perdu ».
Marquardt télégraphie au siège de la compagnie à Londres en disant qu'il est le seul survivant ; il ne sait pas encore que deux autres rescapés sont à Molène.
Les pêcheurs des îles entreprennent de chercher d'autres survivants. Les canots de sauvetage, Amiral Roussin de Molène, Amiral Rigault de Genouilly et Anaïs tous deux d'Ouessant, le premier venant du Stiff, le second de Lampaul, explorent la côte et les rochers ; en vain. On ne retrouve que des cadavres dans les jours qui suivent.
A Molène, 28 tombes de naufragés sont fleuries. Les habitants offrent des draps pour faire des linceuls. Séraphique Cuillandre transforme sa maison en chapelle ardente avant l'inhumation.
A Lampaul, c'est l'abri du canot qui sert de chapelle ardente pour les corps recueillis à Ouessant.
Sur les 243 passagers à bord prisonniers du bateau, on dénombre trois survivants à Molène et un à Ouessant. Pendant plusieurs jours, la mer ramène sur les grèves des deux communes des dizaines de cadavres. Les habitants molénais et ouessantins fournissent aux noyés leur dernier linceul, et -à défaut de bois disponible-, les draps et toiles nécessaires à leur inhumation. Enterrés dans le cimetière jouxtant l'église de Molène, les corps seront pour la plupart ramenés en terre anglaise, sauf 22 qui restent en terre molénaise. Une plaque en pierre apposée sur l'herbe qui a repoussé depuis, détruisant la trace des tombes, témoigne de la catastrophe et de la mort tragique survenue, à l'âge de 31 ans, de Herbert Hinds en terre bretonne.
En reconnaissance au dévouement des habitants des deux îles, la Couronne britannique offre à Molène un calice en vermeil ornés de gemmes et une citerne et à Ouessant la flèche du clocher de l'Eglise Saint-Pol-Aurélien.
la Gorgone
Eugène Mage est né à Paris le 30 juillet 1837. En 1850, à l'âge de 13 ans, il passe les épreuves d'admission à l'Ecole navale et est reçu pour embarquer à bord du navire-école le Borda. A la fin de son apprentissage, deux ans plus tard, il sort avec le grade d'aspirant. Nommé enseigne de vaisseau en 1855, alors qu'il n'a que 18 ans, il entame, sous le commandement du général Faidherbe, une série de missions d'explorations sur la rivière Saloum, au Sénégal, puis dans la région du Tagand, province du Soudan occidental.
En 1862, Mage est affecté au Dépôts des Cartes et Plans à Paris. Il rédige alors un article consacré aux rivières de Siné et Saloum qui paraît dans la Revue Maritime et Coloniale.
En octobre 1863, Mage, qui compte déjà 7 années passées en Afrique, rallie le Haut Niger afin de créer une ligne de postes entre Médine et Bamako, et conclure un traité de coopération avec un ancien chef rebelle résidant à Ségou. Il y restera en semi-captivité pendant plus de 2 ans, au cours desquels il entreprend une étude sur les tribus dont il partage la vie.
A son retour, Mage est affecté au Dépôt des cartes et Plans où il peut mettre au propre sa carte du Soudan occidental et rédiger son récit de voyage. Il paraît d'abord dans la Revue Maritime et Coloniale en 1867-1868, puis dans le Tour du Monde et, enfin, l'éditeur Hachette réalise l'édition complète de cet ouvrage. Cet ouvrage lui permettra d'obtenir la médaille d'or de la Société de Géographie de Paris.
Après la rédaction de son ouvrage, Mage reprend un commandement le 20 novembre 1867. Au retour de sa mission le long des côtes du Portugal, au large d'Ouessant, la corvette à vapeur La Gorgone est pris dans une violente tempête et se fracasse sur les récifs dans la nuit du 18 au 19 décembre 1869. Les 93 hommes qui composaient l'équipage ont tous sans excepter un seul péris dans ce naufrage. Parmi les membres de l'équipage figure un ouessantin : Pierre Marie Floch - matelot de 1ère classe - né le 21 février 1933 à Ouessant, fils de Paul Marie et de Marie Campion.
Le corps de Mage n'a jamais été retrouvé.
Curieusement, dans un coin reculé du cimetière d'Ouessant, se trouve la tombe d'Eugène Mage. Sa découverte a décidé les plongeurs d'Archisub à rechercher l'épave de la Gorgone.
De longues recherches en archives, particulièrement aux services historiques de la Marine à Brest et à Vincennes, leur permettent de connaître les caractéristiques et l'histoire du bâtiment, ainsi que les éléments relatifs à la carrière de son commandant, Eugène Mage.
L'intuition et la chance permettront ensuite à l'équipe d'Archisub de localiser l'épave.
Connaissant le mauvais état du navire, son itinéraire exact et les conditions météorologiques de la nuit du naufrage, les chercheurs d'épaves déduisent, sur une carte marine, l'emplacement des écueils susceptibles d'avoir déchiré les flancs du navire.
En mai 1990, ils partent en plongée explorer systématiquement toutes les roches au sud de la chaussée des Pierres Noires. En fin de journée, transis de froid et de fatigue, ils allaient abandonner leurs recherches lorsque la marée descendante découvre des têtes de roche. L'un d'eux décide de replonger et refait surface avec un large sourire : il avait trouvé l'épave tant convoitée.
Sources :
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Archives municipales d'Ouessant
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CETE - Palissy Humana Université de Nantes
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Exposition « Histoires sous-marines » juillet 2003 / juin 2005 - Musée des phares et balises - Ile d'Ouessant
le Vesper
Dans la nuit du 1er novembre 1903, Le Vesper , un vapeur français s'échoue par temps de brume à la pointe Pern. La station de Lampaul est immédiatement avertie. Le Capitaine Viel, seul officier à bord, est resté douze heures à la passerelle … Il n'a pas entendu la sirène du Phare de Creac'h. Les habitants préviennent la station de LAMPAUL.
Les lames enlèvent à chaque passage des caisses qui partent à la dérive. Tous ces colis entravent sérieusement l'avancée du bateau de sauvetage, l' Anaïs . Fortement incliné sur bâbord, Le Vesper risque de sombrer à tout instant. 14 hommes ont pu partir dans la seule embarcation du bord mise à la mer.
Faisant face aux éléments déchaînés, l' Anaïs réussit à prendre à son bord le reste de l'équipage, soit 21 hommes, ce qui - avec le sien et le patron Le Bris - représente 33 hommes. Tous arrivent à bon port.
Le patron de l' Anaïs repart sur le vapeur des Ponts & Chaussées pour de nouvelles recherches.
A l'autre bout de l'île, une femme, Rose Héré, aperçoit le canot de sauvetage et les 14 hommes qui cherchent à se frayer un passage dans les récifs. Rose descend de la falaise, haute de 15 m et court sur la grève ; elle leur indique le Roch Hir… mais là pas de débarquement possible. Les marins, comprenant qu'elle est là pour les secourir, lui lancent un bout de corde qu'elle accroche solidement au rocher. Elle glisse sur le goémon, tombe mais ne lâche pas le filin. Les matelots la crochent à la gaffe et la hissent à bord. Pendant 2 heures, Rose Héré pilote au milieu des récifs. Les 14 rescapés débarquent à la cale de Pen Ar Roch.
Les journaux en font une héroïne ; lors de l'Assemblée de la Société Centrale de Sauvetage qui se déroule à Paris, Rose Héré reçoit prix et médaille ; même l'Académie de Marseille lui accorde un prix car les 14 marins sauvés sont Marseillais.
A Ouessant, certaines mauvaises langues déclarent que le naufrage fut facile, et la gloire démesurée qui s'en suivit par rapport à l'acte, qui somme toute, était bien naturel. Il n'empêche que l'événement fait grand bruit. Pendant les heures qui suivent le naufrage, toute la population de l'île accourt à Pern pour tenter de repêcher une partie de la cargaison. Malgré les gendarmes venus en hâte du Conquêt, c'est grande liesse, des centaines de barriques de vin sont à la côte, les gens boivent ce breuvage à même le creux des rochers. Les gens pêchent également les milliers de bougies qui flottent sur l'océan, malgré la présence des douaniers.
Jour et nuit, la population va s'approvisionner à bon compte sur les grèves de l'île garnies de pièces de vin, de caisses de savon et de thé.
Rose Héré
Fille de HERE Yves, et de MALGORN Marie Victoire. A sa naissance, ses père et mère sont âgés de 28 ans et 34 ans. Née le vendredi 31 janvier 1862 à Ouessant ; Personnes citées : 1. Témoin - PENNEC Denniel, né en 1813, Cultivateur, Voisin, domicilié à Ouessant ; 2. Témoin : MALGORN Jean Marie, né en 1817, Marin, Voisin, domicilié à Ouessant .
Décédée (p) le sam 13 janvier 1945 à Ouessant à l'âge de 82 ans. Personnes citées : 1. Témoin - CONNAN André, né en 1909, Deuxième maître opticien-télémétriste, domicilié à Ouessant.
Elle épouse à l'âge de 48 ans, (p) le mardi 24 mai 1910 à Ouessant, GÉLÉBART Pierre Marie, fils de GÉLÉBART Yves, et de LAMOUR Marie Jeanne. Né le lundi 14 février 1870 à Ploumoguer (29). Lors de ce mariage, il est âgé de 40 ans. Décédé après 1945. Professions : Cultivateur. Personnes citées : 1. Témoin - GENTIL Jean Marie, né en 1870, Conseiller d'arrondissement, domicilié à Ouessant ; 2. Témoin : GILLET François Marie, né en 1863, Garde champêtre, domicilié à Ouessant ; 3. Témoin : le BRIS Théodore, né en 1848, Pilote en retraite, domicilié à Ouessant ; 4. Témoin : PERREAUX Guénolé, né en 1871, Commerçant, domicilié à Ouessant.
Sources :
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Archives municipales d'Ouessant
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PERON (Françoise) - Ouessant - l'Ile Sentinelle - Le Chasse-Marée - Armen, Douarnenez, 1997
l'Olympic Bravery
Le 24 janvier 1976, le pétrolier libérien, Olympic Bravery de 278 000 tonnes (construit par les Chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire), heureusement à vide, subit une série de pannes de machine. Il dérive vers Ouessant. L'ancre se casse, le remorqueur ne parvient pas à le renflouer et le temps provoque de nombreuses entrées de voies d'eau. Le 13 mars, l'Olympic Bravery se brise déversant 800 tonnes de fuel de ses soutes. Les côtes ouessantines sont polluées sur 4 km. Quatre hommes d'équipage d'un hélicoptère de l'aéronavale perdent la vie lors d'un vol de reconnaissance de la pollution.
Il va sans dire que la nature n'est pas en reste et que les oiseaux de mer trempés et noirs que la mer entraîne sur la grève évoquent le drame de la pollution et la course au profit effréné.
Le renforcement de la prévention maritime fait que de nos jours les accidents majeurs humains se raréfient. En revanche les risques liés aux passages de pétroliers, dans des zones à risques, renfermant dans leurs coques de très grands volumes de produits raffinés lourds, multiplient les cas de déversements accidentels de produits chimiques.
Depuis 1967, il est dénombré 16 naufrages majeurs de pétroliers dont 4 n'épargneront pas les côtes françaises : trois, la côte bretonne, et l'un, Ouessant.
Le CEDRE (Centre de Documentation, de Recherche et d'Expérimentations sur les pollutions accidentelles des Eaux), qui assure une mission de service public en faveur de la lutte contre les pollutions marines et les eaux intérieures, propose dans un cadre contractuel des prestations d'étude, de conseil et de formation. Ces prestations visent à diffuser auprès des responsables de la lutte antipollution des informations concernant une meilleure gestion des accidents.
Par ailleurs, un colloque en mars 2002, organisé par la Communauté Urbaine de Brest auquel prend part le Ministère des transports, traite de manière pluridisciplinaire la question de la sécurité maritime et son évolution à travers lieux, histoire et technique. L'objectif ? Maîtriser le risque, gérer la réponse aux défis techniques, scientifiques face au compromis de normes, organiser la sécurité des personnes et de l'environnement.
Sources :
Le sauvetage
A partir de 1866 des bateaux sauveteurs sont placés dans la baie de Lampaul à Ouessant et à Molène et Sein ; ils sont gréés de telle sorte qu'ils remplacent avec avantage les chaloupes de pilote qui interviennent pour secourir les naufragés et aider les bateaux en difficulté.
La première maison-abri (13,25 m x 6,60 m) peut contenir un canot d'une dizaine de mètres. Le premier canot de sauvetage à Ouessant est l'Anaïs, une petite baleinière à rames de 9,78 m de long, propulsée par 10 avirons, remisée au fond du port de Lampaul, mise à l'eau au moyen d'un chariot.
L'Anaïs est transportée sur tous les lieux de naufrage, mais par tempêtes de sud-ouest, il lui est impossible de sortir de la baie de Lampaul pour intervenir au sud ou à l'est de l'île. En 1884, au Nord-est de l'île est créée au Stiff une seconde station de sauvetage complémentaire à celle de Lampaul orientée à l'Ouest. Les manœuvres au Stiff sont difficiles du fait de la pente à 15 % et de la houle entrant par vent de nord et est. En 1884, un deuxième Anaïs remplace le premier ; il est long de 11,50 m et est armé de 12 avirons ; il pèse 3,3 tonnes. En 1885-1886, il est construit à Lampaul un second abri de 15 m de long jouxtant le premier. Cet hangar servira de chapelle ardente, le 15 juin 1896, après le naufrage du Drummond-Castle où malgré l'intervention en mer des canots Anais (le 2e du nom) de Lampaul , Amiral Rigault de Genouilly du Stiff et Amiral Roussin de Molène, on déplore 243 cadavres.
La carrière de l'Anaïs se termine en 1910. Un autre canot construit chez Augustin Normand lui succède, l'Amiral Rivet, envoyé à Brest en 1922 et remplacé par le Marie Boursin, premier canot à moteur de la station ; enfin l'Amiral Rivet revient motorisé à Lampaul, en 1930.
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