L'Oeuvre de René Girard - Partie 1
L'œuvre de René Girard est extrêmement controversée. Pour certains, elle n'est rien moins qu'une des plus grandes avancées de la pensée. Pour d'autres, Girard n'est qu'un auteur dépassé, réchauffant une vieille soupe augustinienne pour tenter une ultime et désespérée réhabilitation du christianisme.
C'est un des grands travers des discussions autour de l'œuvre de Girard : n'en retenir que la partie anthropologique, voire le seul réduit de la révélation néo-testamentaire. L'attitude de l'auteur y est bien sûr pour beaucoup, puisqu'il a consacré ces vingt dernières années à ne pratiquement parler que de la spécificité du message chrétien. De fait, l'essentiel des apports actuels sur le Web se résume à des polémiques, assez inintéressantes, sur des questions religieuses.
Beaucoup de lecteurs ont rapidement rejeté René Girard, sous prétexte que celui-ci les obligerait à croire. D'autres se sont réfugiés dans la citadelle girardienne et s'arc-boutent sur un maigre mais inexpugnable butin, à tel point qu'on peut lire, sous une plume américaine, que "Rene Girard has been transformed into something of a sect in America, with disciples, translators, and proselytizers". Un ami sociologue m'a décrit une situation analogue en France et c'est vrai qu'il est assez facile, intellectuellement, d'être absolument pour ou totalement contre.
Moi qui me situe entre les deux, comme l'aurait chanté Brassens, j'estime que tous évacuent, à moindre frais, la richesse et les réelles difficultés de cette pensée. Ces pages tentent donc de rendre plus accessible une oeuvre qui n'a que l'apparence de la clarté et de la simplicité. Les archives de notre groupe de discussion, qui a échangé durant près de 18 mois sur ces thèmes, constituent une autre approche des thèses girardiennes. Vous pourrez les consulter sous le lien correspondant.
En 1961, René Girard publie aux Éditions Grasset Mensonge romantique, vérité romanesque (MRVR). Professeur de littérature comparée, né à Avignon mais vivant et travaillant aux Etats-Unis, il y mène l'analyse de grandes œuvres littéraires dans lesquelles il perçoit une problématique du désir tout à fait différente de celle ayant cours jusqu'alors.
Si nous ne sommes pas trop regardants, c'est bien le sentiment que nous donne notre expérience quotidienne : le désir que j'ai pour cette femme, cette ambition de réussir dans mon métier ou cette nouvelle voiture que j'envisage d'acheter semblent bien procéder de mon libre choix. Cette vision linéaire du désir a pour elle toute sa simplicité, mais elle oblige alors à un certain nombre de contorsions lorsque nous tentons de rendre compte tout aussi simplement de phénomènes totalement liés au désir, comme l'envie ou la jalousie.
A la réflexion (mais nous le reconnaissons assez rarement), nous envions l'être qui possède l'objet, ce dernier n'ayant alors qu'une importance très relative. Et, dans certains cas, nous tirerions plus satisfaction au fait que l'Autre ne possède pas l'objet plutôt que dans sa possession elle-même. D'ailleurs la publicité, cet hymne à la possession d'objets, nous donne d'abord à désirer, non pas un produit dans ce qu'il a d'objectif, mais des gens, des Autres qui désirent ce produit ou qui semblent comblés par sa possession (1).
En analysant les grandes œuvres romanesques (Cervantès, Stendhal, Proust et Dostoïevski), René Girard repère un mécanisme du désir humain tout à fait différent. Celui-ci ne se fixerait pas de façon autonome selon une trajectoire linéaire : sujet - objet, mais par imitation du désir d'un autre selon un schéma triangulaire : sujet - modèle - objet.
Don Quichotte indique clairement consacrer sa vie à l'imitation d'Amadis de Gaule, tel que le chevalier à la Triste Figure imagine qu'il serait. L'Éternel Mari ne peut désirer sa future femme qu'à travers le désir, suscité par lui, de l'amant de sa première épouse, qu'il pourra alors imiter. Et M. de Rênal ne souhaite prendre Julien Sorel comme précepteur que parce qu'il est convaincu que c'est ce que s'apprête à faire Valenod, qui est l'autre personnage important de Verrières.
L'hypothèse girardienne repose donc sur l'existence d'un troisième élément, médiateur du désir, qui est l'Autre. C'est parce que l'être que j'ai pris comme modèle désire un objet (conçu de façon étendue comme toute chose dont l'autre semble pourvu et qui me fait défaut...) que je me mets à désirer celui-ci et l'objet ne possède de valeur que parce qu'il est désiré par un autre. On pourrait penser que l'introduction de ce troisième "sommet" dans l'équation du désir est une complexité supplémentaire purement théorique et arbitraire de la part de René Girard. D'autant que la présence de cet Autre entraîne une remise en cause totale de cet individualisme placé au cœur de la modernité, qui montre l'homme comme une entité libre et autonome et qui trouve son épanouissement littéraire dans le type du héros romantique.
Dans MRVR, Girard ne fait que révéler la présence de l'Autre au cœur du génie romanesque (c'est l'omniprésence de l'Autre dans le désir qui fait la grandeur de Stendhal ou de Dostoïevski contre le mensonge romantique du héros divin ou surhumain, en tous les cas autosuffisant, qui lui illustrerait la trajectoire linéaire du désir) et la présence de l'Autre se révèle toujours être une simplification - ou plutôt une clarification - des situations. Le mensonge romantique que dénonce René Girard n'est que la tentative d'effacement, de dissimulation du modèle dans le schéma du désir...
Le sujet désire, mais il ne sait pas quoi. Dans son errance, il va croiser un être pourvu de quelque chose qui lui fait défaut et qui semble donner à celui-ci une plénitude que lui ne possède pas. Cette apparente plénitude, si proche et si lointaine, va proprement le fasciner. Le désir affamé du sujet semble toujours poser la même question au modèle : "Qu'as-tu de plus que moi ?" (pour paraître si heureux, pour avoir une si jolie femme, pour être le préféré de la direction, etc.).
Fixer son attention admirative sur un modèle, c'est déjà lui reconnaître ou lui accorder un prestige que l'on ne possède pas, ce qui revient à constater sa propre insuffisance d'être. Ce n'est bien évidemment pas une position des plus confortables mais l'homme qui admire, et qui par delà envie l'Autre, est d'abord quelqu'un qui se méprise profondément. Mais si le modèle est si parfait, c'est qu'il doit détenir quelque chose dont le sujet est pour l'instant démuni : objet matériel, attitude, statut, etc. Les variations sont infinies pour un résultat toujours identique : ce qui le différencie de l'Autre justifie, aux yeux du désir du sujet, la réussite et le prestige qu'il lui accorde.
Le désir qu'a le sujet pour l'objet n'est rien d'autre que le désir qu'il a du prestige qu'il prête à celui qui possède l'objet (ou qui s'apprête à désirer en même temps que lui l'objet). C'est ainsi que s'institue la médiation du modèle et une première transfiguration de l'objet. Par exemple, une voiture est plus que cette carcasse d'acier permettant de se déplacer d'un endroit à un autre, sinon n'importe quel modèle ferait l'affaire ; elle est l'instrument qui permettrait au sujet d'être, à l'instar de son modèle, un "tombeur", un cadre supérieur, un chef de bande, etc. Ce que vise le désir n'est bien sûr pas la possession de l'objet-voiture mais ce qu'il croit que cette possession lui donnera, comme à l'Autre, en termes de conquêtes féminines ou d'identification sociale.
Comme le note René Girard, le sujet méconnaîtra toujours cette antériorité du modèle, car ce serait du même coup dévoiler son insuffisance, son infériorité, le fait que son désir est, non pas spontané mais imité. Il aura beau jeu ensuite de dénoncer la présence de l'Autre, médiateur de son désir, comme relevant de la seule envie de ce dernier.
Le modèle n'est pas plus épargné que le sujet. Lui aussi cherche à fixer son désir et il attend qu'on lui désigne quelque chose de désirable. C'est bien ce que fait le sujet de notre triangle qui, de ce point de vue, est bien lui aussi un Autre. Nous savons déjà que ce n'est pas l'objet que va voir à présent le modèle, mais un objet transfiguré par le désir du sujet, qui lui donne une "valeur" tout à fait inattendue.
Le modèle n'a pas un rôle passif dans ce triangle. Il ne se contente pas d'attendre une manifestation du sujet, il fait au contraire tout pour faire naître celle-ci. Comme un objet que personne ne lui disputerait n'aurait aucun intérêt, aucune valeur capable de fixer son propre désir, tout le pousse à exposer au regard des autres sa bonne fortune - qui ne devient avantage en terme d'être que s'il est reconnu comme tel par ces mêmes autres. Le désir du modèle a besoin de sentir d'autres désirs pour pouvoir être conforté. Il tend donc toujours à susciter lui-même la concurrence, c'est-à-dire à provoquer l'émergence d'un rival qu'il lui appartiendra ensuite de supplanter.
L'amoureuse vantant les qualités de son partenaire auprès de ses amies cherche autant à affirmer, vanité ou orgueil, la supériorité de son bonheur qu'à confirmer son propre désir. La meilleure réponse serait que ses amies, envieuses de ce bonheur, se mettent toutes à désirer le-dit partenaire, à l'exclusion de tout autre prétendant. Ceci ne ferait que confirmer l'amoureuse dans sa certitude chancelante qu'elle tient le bon. L'objet n'est déjà plus le petit copain - sans doute très quelconque - de Mlle X., mais il devient peu à peu le garçon quasiment unique que toutes se disputent, c'est-à-dire une illusion née des désirs concurrents. A l'extérieur de cette rivalité, c'est-à-dire à un endroit d'observation non gagné par cette illusion, tous se poseront la question : "Mais qu'est-ce qu'elles lui trouvent ?".
La circularité infernale du désir mimétique est maintenant en place. Aucune recrudescence du désir du modèle pour l'objet n'échappera au sujet, qui y verra la confirmation de son importance et qui redoublera d'efforts pour le posséder. Chacun donc, sujet ou modèle, a contribué à l'émergence de l'autre en tant que rival.
Le désir ne s'arrête jamais au seul constat des différences : il veut devenir l'Autre fascinant, et donc réduire tout ce qui le distingue de son modèle, parce que tout en ce dernier lui dit : fais comme moi.
" Le désir selon l'Autre est toujours le désir d'être un Autre. Il n'y a qu'un seul désir métaphysique mais les désirs particuliers qui concrétisent ce désir primordial varient à l'infini." (MRVR p.101)
C'est bien sûr ce que fait Don Quichotte avec Amadis de Gaule : pour devenir un parfait chevalier, il suffit d'imiter les actes d'un chevalier parfait. C'est aussi ce que vont faire, par exemple, tous les petits enfants dans leur apprentissage des conduites sociales, de la propreté ou du langage. En imitant les adultes, parents ou enseignants, et ce avec une précision redoutable, ils font comme les grands, mieux, ils deviennent grands.
Dans ces deux cas, il n'y a pas de réelle interférence entre les sphères d'intentions et d'actions du sujet et du modèle ; René Girard parlera alors de médiation externe. Quichotte peut bien imiter en tout point ce qu'il pense être le comportement de son héros, ce qui sépare l'un de l'autre reste invariant malgré les exploits du chevalier. Le modèle Amadis ne désigne rien de particulier et les échecs du Quichotte n'emportent aucune conséquence puisqu'il peut aisément passer à autre chose. De même les jeunes enfants imitent au plus près leurs éducateurs, on les y encourage même, mais à l'intérieur d'un cadre pédagogique qui maintient une certaine distance entre sujet et modèle, interdisant la confusion. Si beaucoup de petites filles veulent devenir maîtresses d'école, c'est plus tard, et tout est dans ce "plus tard".
L'éloignement sujet - modèle qui caractérise la médiation externe n'est pas une simple question de distance physique ou temporelle, mais tient également à la nature des différences séparant, à l'origine, l'un et l'autre.
"Bien que l'éloignement géographique puisse en constituer un facteur, la distance entre le médiateur et le sujet est d'abord spirituelle. D.Q. et Sancho sont toujours physiquement proches mais la distance sociale et intellectuelle qui les sépare demeure infranchissable." (MRVR, page 22).
Cependant, sauf à évoluer dans le vide - qui est une des illusions romantiques -, le désir va forcément entrer en contact avec d'autres désirs. Il le fera d'autant plus facilement et rapidement que ceux-ci sont proches, c'est-à-dire s'intéressent aux mêmes objets. Ainsi, rien ne sépare M. de Rênal de Valenod, qui s'affrontent tous les deux pour dominer la vie sociale de Verrières et qui sont donc très attentifs à ce que qu'est et ce que fait l'Autre : Julien Sorel n'est pas le précepteur possible chez l'un où l'autre, il est celui qui permettra à son employeur d'obtenir un avantage dans cette lutte de prestige.
Cette proximité des désirs et la rivalité qu'elle entraîne va caractériser ce que Girard nommera dans un premier temps la médiation interne et qui deviendra par la suite le désir mimétique
L'adoration du sujet se nourrit de cet orgueil qui rend son modèle si désirable : l'élève entend au moins égaler le maître, l'économie nipponne faire aussi bien que l'économie occidentale. Plus le sujet imite le modèle et moins ce qui les sépare devient perceptible, la (les) différence(s) étant proprement absorbée(s) par le premier.
Regardons comment Jean-Marc Reiser avait illustré les rapports entre riches et pauvres (On vit une époque formidable - Editions Albin Michel) :
Je ne peux pas reproduire ici la totalité de la page, mais il est assez intéressant de s'attarder sur le représentation que donne Reiser du modèle, en l'espèce le "riche". Comme on peut le constater, à un moment donné, celui-ci est tellement irrité par la conduite imitative du sujet (le "pauvre") que le partir en vacances va devenir totalement secondaire à ses yeux. S'il est conduit à faire le tour du monde d'abord une fois, puis deux, puis quatre, ce n'est plus pour le visiter mais uniquement pour avoir le dernier mot sur le "pauvre", qui s'acharne à faire comme lui.
Le regard du dernier personnage, qui est celui qui "boucle" le cercle de cette rivalité, est d'ailleurs à présent tourné vers son imitateur. Dans l'image suivante, celui-ci sera présenté de façon quasi identique au modèle et regardant, lui aussi, dans la direction où est censé se trouver son rival. Les deux éléments fondamentaux de l'hypothèse mimétique sont bien là : les différences modèle-sujet ont été abolies, l'objet de la circularité des comportements s'est totalement effacé pour ne laisser place qu'à la rivalité à nue du modèle et du sujet.
Il ne suffit donc pas de réintroduire de la différence dans la relation modèle-sujet. Toute "fuite en avant" ne pourrait durer qu'un temps seulement, car ce que ferait le modèle serait aussitôt imité par le sujet.
Quand l'élève dispose des mêmes connaissances que le maître, il n'y a bien sûr plus ni élève ni maître mais deux personnes possédant le même savoir : la hiérarchie initiale qui permettait de situer l'un et l'autre dans le monde, l'un par rapport à l'autre dans leur relation, est abolie. Le modèle sent le danger que peut présenter pour lui cette confusion, cette indifférenciation qui deviendrait la pire des situations. D'autant qu'existe toujours le risque que l'élève dépasse le maître et que l'original soit bientôt considéré comme la copie. Mais plus les rivaux mimétiques sont proches et tentent de se différencier et plus ils finissent par se ressembler.
La question de la perte des différences est centrale dans l'hypothèse girardienne. Tous les aspects des cultures humaines sont fondés sur la création permanente de différences qui permettent de situer chacun et toutes choses. La phrase archétypale "L'homme est le seul animal qui sait qu'il va mourir" en est une très bonne illustration, qui singularise d'un seul trait l'espèce humaine. Notre besoin de compréhension et d'organisation du monde se réalise grâce à cette création permanente de différences, dans lesquelles nous voyons l'incomparable richesse/diversité de l'humanité.
De fait, nous vivons et pensons dans un système essentiellement différentialiste. Une certaine pensée positive a d'ailleurs consacré le fait que le sens ne pouvait naître que d'une situation de déséquilibre entre deux termes et ceci nous pousse à toujours rechercher ce qui sépare pour comprendre. Devant l'identique, nous éprouvons immédiatement le besoin de distinguer. Pour preuve notre attitude face à des jumeaux : la plupart du temps, nous cherchons à trouver au moins une caractéristique à l'un ou l'autre, qui nous permettraient de savoir qui est qui.
Le désir mimétique conduit à abolir ces différences, donc à rendre confus tous les repères préexistants. Si rien de ce qui me distinguait de mon voisin n'existe plus, qui suis-je en réalité ?
Le modèle dispose d'un moyen radical pour maintenir la distance avec le sujet : celui d'interdire au sujet désirant la possession de l'objet. Au message fais comme moi qui irradiait du modèle s'en ajoute un totalement opposé : ne fais pas comme moi.
D'un seul coup, le modèle se transforme en obstacle et réunit en lui-même deux termes contradictoires : il est à la fois celui qui est adoré (puisqu'il montre au sujet ce qui est désirable) et celui qui est haï (puisque, rival, il lui en interdit la possession).
" Le sujet éprouve donc pour son modèle un sentiment déchirant formé par l'union de deux contraires qui sont la vénération la plus soumise et la rancune la plus intense. C'est là le sentiment que nous appelons haine.
Seul l'être qui nous empêche de satisfaire un désir qu'il nous a lui-même suggéré est vraiment objet de haine. Celui qui hait se hait d'abord lui-même en raison de l'admiration secrète que recèle sa haine. Afin de cacher aux autres, et de se cacher à lui-même, cette admiration éperdue, il ne veut plus voir qu'un obstacle dans son médiateur. Le rôle secondaire de ce médiateur passe donc au premier plan et dissimule le rôle primordial de modèle religieusement imité" (MRVR p.24)
C'est chez Dostoïevski que René Girard trouve l'expression la plus aboutie de cet état, car il n'y a même plus d'objet et le modèle est n'importe qui. Lorsqu'il écrit la lettre à son tourmenteur, l'homme du souterrain passe instantanément de la haine la plus violente à l'amour le plus servile, oscillant en permanence entre les deux pôles nés de son désir d'être celui qui l'a humilié. L'avancée théorique capitale de René Girard est d'avoir extrait du romanesque la vérité de cette circularité : c'est parce qu'il est un modèle que l'Autre est un rival, mais c'est aussi parce qu'il est un rival qu'il est un modèle.
René Girard refuse d'exclure l'un et l'autre termes en deux champs du réel bien distincts et qui réserverait ce double impératif contradictoire (que Gregory Bateson nommait le double bind) aux seuls schizophrènes dûment estampillés (1). Ces deux états engendrés par le désir mimétique coexistent et le sujet oscille en permanence entre eux. Pour le sujet, si le modèle lui refuse l'objet c'est tout simplement qu'il ne le mérite pas (le renvoyant ainsi à son infériorité initiale, à cette indignité). Jamais le sujet ne veut voir un rival dans son modèle (et jamais celui-ci n'admettra qu'il est en rivalité avec le sujet) mais l'obstacle qu'il lui propose à présent fixe les efforts de son désir à le conquérir. Plus l'objet est défendu, plus sa valeur et celle du médiateur augmente et donc plus sa conquête devient indispensable.