La dichotomie au sein même de la bipolarité : les arguments

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La dichotomie au sein même de la bipolarité : les arguments

 

1/01/2008
Auteur : Dr Hantouche

Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Concepts / Classification

Que faut-il reconnaître dans la classification de l’EBF au sujet de la dichotomie intrabipolaire ?
Si j’ai à argumenter la classification de l’EBF au sujet de la dichotomie intrabipolaire, je retiendrai les preuves suivantes :
  • Les racines de la bipolarité sont dans les tempéraments qui finalement se présentent en 2 types "stables / hyperthymiques" et les "instables / anxieux / hypersensibles". C’est eux qui imposent le rythme de la maladie, la réactivité du sujet à son environnement, le tableau clinique des épisodes  et là l’argument est physiologique et historique. Un tempérament : on l’a ou on ne l’a pas et quand on l’a, il ne changera jamais. En effet, on a besoin de paramètres "solides" comme les tempéraments.
  • Le mode évolutif ou la "marche" de la maladie est le facteur le plus caractéristique et validant de la bipolarité (depuis Falret) ; donc la vision dynamique au long cours est nécessaire pour comprendre et bien classer la bipolarité : donc aller au-delà des symptômes (ce quʼon conteste dans l’approche des spectres comme celle de Cassano et Franck) ; sur ce point la majorité des experts s’accordent pour dire que la présence d’un épisode ne résume pas la maladie
  • La concordance avec les approches prônées par Koukopoulos et Swann où l’évolution au long cours, la nature des tempéraments et la réactivité aux facteurs endogènes et exogènes sont rassemblés , c’est l’essentiel du travail clinique dans la pratique où le clinicien se doit d’évaluer et comprendre la survenue des épisodes en fonction de l’environnement et des dispositions tempéramentales de la personne.
  • La simplicité par rapport aux classifications complexes et impossibles à appliquer dans la pratique des médecins ; dans le cas où l‘on souhaite améliorer le dépistage et la prise en charge des patients bipolaires ; j’ai rarement rencontré des cliniciens fans du spectre bipolaire ; en revanche, la dichotomie est plus pratique et applicable (mais à condition de savoir où la placer)
  • La précision du spectre de la bipolarité atténuée ou "BP-II" qui n’a fait que changer depuis sa désignation au début des années 70 ; comme si tout le monde est convaincu de la réalité de BP-I et le reste n’est qu’un mélange flou de dépression ou comme disent certains un "foutoir sémiologique". Il y a une potentialité bipolaire ou des indices visibles mais "timides" pour affirmer la nature bipolaire. C’est ce qui traduit l’attitude de la majorité des cliniciens (il est probablement bipolaire ; je me demande s’il est bipolaire ; je n’ai pas vu de vrai épisode maniaque)
  • En fait, la dichotomie proposée s’opère au sein du trouble BP-II où une partie est à ranger du côté des BP-I (épisodiques) et la grande partie à part : une partie qui englobe la majorité de bipolarité atypique ou non classique et de plus les dépressions unipolaires récurrentes que F. Goodwin souhaite les réintégrer dans la maladie maniaco-dépressive.
Cela dit, on a toujours besoin des études basées sur la notion de spectre : elles ne peuvent qu’enrichir la recherche sur la bipolarité. Mais comme on dit : l’important résidu dans l’interprétation des données et non dans les données elles-mêmes. Par exemple, les études de collaboration entre Pise et Pittsburgh procurent pas mal de données intéressantes, mais les interprétations et les conclusions ne sont pas adaptées et influencées par une certaine ignorance "on a l’impression que les auteurs ne savent pas où aller avec leurs données".
De même, les conceptions de Akiskal, bien que pionnières au début des années 80, deviennent de plus en plus complexes et les cliniciens n’arrivent plus de suivre ce cheminement des idées et l’élargissement du spectre bipolaire. Même s’il a raison de dire que la réalité clinique est complexe, on pense que la classification a le devoir en quelque sorte de simplifier cette complexité.

Malgré le cumul de ces arguments, aucun travail de synthèse ou de classification n’est jamais complet. Cette tentative de classification s’est nourrie de l’histoire des concepts cliniques, de la pratique intense auprès des patients bipolaires et de la recherche contemporaine. Il nous manque les arguments "biologiques" ou génétiques. Mais sont-ils vraiment nécessaires ? ou capables de nous aider à améliorer la classification de la bipolarité ?

Je pense que cela sera une tâche assez complexe voire impossible. Car on pense (prévoit) qu’on verra un jour les gènes liés aux tempéraments (ou à un trait tempéramental précis), à la cyclicité, à la switchité (virage d‘un pôle à un autre), à l’instabilité, à la mixité  A ce moment on pourra mieux défendre nos classifications. Mais pour l’instant notre travail en psychiatrie est condamné à rester descriptif (mais c’est toute la beauté de ce travail) et à tenter de valider nos descriptions avec les variables qu’on juge utiles (histoire familiale, mode évolutif, réactivité à l’environnement, recours aux soins, réponse aux traitements, qualité de vie ).
En même temps, les généticiens, malgré leur possession des "gene hunters" (chasseurs de gènes) et leur capacité d’explorer le génome humain dans sa globalité, ont besoin de modèle clinique ou de classification qui les aide et qui oriente leur recherche. Nous soumettons alors notre classification à ce défi !


30/04/2013
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