Le DSM-V va-t-il enterrer la cyclothymie ?

 

 

CTAH

 

Le DSM-V va-t-il enterrer la cyclothymie ?

 

1/01/2008

Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Cyclothymie

Que le DSM-V lʼenterre ou non, la cyclothymie prend un sens et surtout une "utilité" pour orienter les choix et les plans thérapeutiques.
J’étais au dernier congrès IRBD (9ème édition) qui s’est tenu à Lisbonne du 6 au 8 mai 2009. C’est un RDV annuel où se rejoignent des experts internationaux des troubles bipolaires pendant 3 jours.
C’est une occasion propice pour les échanges soit à travers les conférences, les présentations des études scientifiques, soit en privé et en petits groupes, des échanges entre collègues comme Angst, Karam, Swann, Perugi, Erfurth, Koukopoulos
Des échanges amicaux, non formels et surtout riches en idées et hypothèses
C’est la partie que j’affectionne le plus dans ces congrès internationaux.

Lors des ces échanges, le Pr Jules ANGST (pas besoin de le présenter) et le Pr Eric YOUNGTRUM (psychologue et expert des troubles bipolaires chez l’enfant) ont signalé une nouvelle qui m’a alerté et qui mérite d’être discutée : comme les psychiatres aux Etats Unis n’utilisent pas le diagnostic de l’Cyclothymie’, cette entité risque de disparaître dans la prochaine édition des DSM, le DSM-V (attendu en 2011-2012) !

Est-ce la fin de la cyclothymie ?
En France, on est avant-gardiste ! Les psychiatres français l’ont enterrée juste après sa naissance (référence à la thèse de Pierre Kahn, 1909).
Côté DSM, tant que le système clinique repose sur le repérage des épisodes, la cyclothymie, dans sa définition comme alternance d’épisodes mineurs de dépression et d’hypomanie, ne verra jamais son succès auprès des psychiatres ou des chercheurs.
Cette définition est vraiment mauvaise.

La cyclothymie est avant tout un tempérament affectif particulier, une constitution psychopathique, presque inséparable de celle des formes frustes ou atténuées de la psychose maniaco-dépressive qui, selon certains experts, n’en sont que le grossissement ou l’amplification.
Selon Hecker (1898), Deny et Khan (1909), et Akiskal (1977), cette constitution cyclothymique est essentiellement caractérisée au point de vue clinique par des variations et des oscillations continuelles du ton affectif ou de l’humeur qui s’expriment par un sentiment général de bien-être ou de mal-être, lequel réagit et retentit â son tour sur tous les modes de l’activité psychique (cognitive, émotionnelle, psychomotrice et interpersonnelle).

Vient la remarque pertinente de Jules ANGST : comment définir la cyclothymie ? quels sont les critères alternatifs au DSM-IV ? quelles sont les mesures pertinentes (score seuil sur le questionnaire TEMPS-A) ?
On sait les difficultés de définir des scores seuil ou de trouver les critères pertinents, déjà pour les "épisodes" dépressifs et hypomaniaques. A ce sujet, ANGST nous a montré que le simple fait d’introduire des changements dans l’évaluation cliniques des épisodes hypomaniaques (comme inclure les cas d’hypomanie associée aux antidépresseurs et mettre l’hyperactivité comme critère principal à la place des symptômes purement thymiques comme l’euphorie ou irritabilité) le pourcentage de la bipolarité est radicalement changé. Le rapport Bipolaire / Unipolaire passe à presque 1/1 ! exactement comme dans les études cliniques montrant qu’environ 40 à 50% des dépressifs sont bipolaires.
Ce changement de la prévalence de la bipolarité a été validé par la comorbidité avec l’abus d’alcool (uniquement corrélée avec le spectre BP et non la dépression), l’histoire familiale de bipolarité, le taux de criminalité et de suicide  Cela a été donc montré dans 3 grandes études épidémiologiques (2 aux USA : NCS-R et NCS-A et une à Munich).

Dans cette discussion, j’ai répondu à Jules ANGST que si la définition de l’épisode hypomaniaque suscite tant de changements et de complexités, celle de la cyclothymie serait encore plus conflictuelle et difficile. En effet, il s’agit de définir un tempérament aux frontières du pathologique, qui commence à un âge jeune et dure sur la vie avec une très forte comorbidité.
Cela dit, les tentatives pour définir la cyclothymie continuent. Pour l’instant, le score seuil sur le questionnaire TEMPS-A (score de 10 ou plus), s’avère utile, fiable et valide.
Dans mon expérience clinique, en plus de ce score, l’histoire "Test de la bipolarité" élaborée avec Marie (forum bipolaire-info) paraît aussi judicieux et utile (score de 25 ou plus sur un total de 50 items).
De plus, la cyclothymie prend toute son importance quand on a la découvre chez des patients venant consulter pour :
-  dépression récurrente et/ou résistante
-  trouble anxieux complexe (TOC, Trouble Panique, Phobie Sociale ) ou résistant
-  trouble boulimique
-  abus d’alcool ou addictions chimiques (cocaïne )
-  trouble du contrôle des impulsions (jeu pathologique, achats pathologiques, kleptomanie )
-  trouble de la personnalité type "Borderline"
Dans ces conditions, la cyclothymie prend un sens et surtout une "utilité" pour orienter les choix et les plans thérapeutiques.
Donc, une idée de considérer la cyclothymie comme une variante de spécification à utiliser face aux troubles dépressifs, anxieux, addictifs et impulsifs.

Il ne s’agit pas d’une entité diagnostique catégorielle mais plutôt dimensionnelle.
Tout comme l’hypomanie, sa définition dimensionnelle se montre de loin plus valide et pertinente que de la mettre dans une "case" catégorielle rigide (certes spécifique mais pas du tout sensible).
Le CTAH est en train de travailler sur ces points méthodologiques et sur la validation de la cyclothymie comme une entité dimensionnelle (qui va du normal au pathologique) transnosologique (qui dépasse de loin le cadre des dépressions majeures).
A suivre


01/05/2013
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