Les agressions sexuelles sur mineurs en chiffres
Les agressions sexuelles sur mineurs en chiffres
Les médias mettent sur le devant de la scène les crimes les plus inhumains. Mais au-delà d'une fascination morbide se cachent de très nombreux abus sexuels sur mineurs. Malgré la persistance de non-dits, nous vous proposons un aperçu du problème que représentent ces crimes pédophiles.
Les abus sexuels sur mineurs sont-ils en hausse ? Les agresseurs sont-ils toujours des hommes ? Combien d'enfants sont concernés en France par ce type de maltraitances ?. Nous vous proposons de découvrir toutes les réponses à ces questions.
Quelques définitions
La conférence de consensus de la fédération française de psychiatrie1 proposait de l'agression sexuelle la définition suivante : "une situation de mise sous contrainte non justifiée d'un tiers, par un sujet, ou un groupe de sujets, dans un but évident d'en tirer un bénéfice de type sexuel au seul profit du ou des agresseurs".
L'abus sexuel sur mineur peut être défini comme "la participation d'un mineur à des activités sexuelles qu'il n'est pas en mesure de comprendre, qui sont inappropriées à son âge et à son développement psycho-sexuel, qu'il subit sous la contrainte, par violence ou séduction, et qui transgressent les tabous sociaux".
Mais parlant spécifiquement de pédophilie, on s'aperçoit que la loi française ne connaît pas ce terme. Bien sûr, elle condamne très fortement toutes les agressions sexuelles avec ou sans violence, les viols à l'encontre des moins de 15 ans mais elle ne dispose pas d'une définition particulière. En dessous de cet âge, un enfant n'est jamais consentant aux termes de la loi, mais victime d'un délit ou d'un crime.
Selon l'Organisation mondiale, la pédophilie fait partie de la santé des "troubles de la préférence sexuelle" et est définie comme une préférence pour les enfants généralement pré-pubères ou en début de puberté, quel que soit le sexe. L'adulte (homme ou femme) a pu garder une sexualité hétérosexuelle épisodique ou plus suivie, dans le cadre d'un couple officiel. L'inceste fait donc implicitement partie de la pédophilie. Mais dans ce cas, la spécificité du lien entre l'agresseur et la victime est caractérisée par la notion judiciaire "d'ascendant".
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Les agressions sexuelles sur mineurs en chiffres
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Quelques chiffres concernant les victimes
En France, plusieurs études bien que donnant des résultats parfois disparates permettent de donner une vue d'ensemble du problème des abus sexuels sur mineurs.
Deux sources permettent de mieux cerner les agressions sexuelles commises sur les enfants : l'Observatoire National de l'Enfance en Danger et Service National d'Accueil Téléphonique pour l'Enfance Maltraitée3. Après avoir constaté une baisse des abus sexuels en 1999, les chiffres de 2002 confirme une légère augmentation des mauvais traitements à caractère sexuel d'année en année (+1,5 % depuis 2000). Un constat qui pourrait résulter de la campagne nationale d'information et de prévention des abus sexuels qui a eu lieu en janvier et février 2002. Même si la répartition des mauvais traitements sexuels est relativement constante, on note une augmentation des viols en 2002 (+2 % par rapport à 2001 et 0,9 % par rapport à 2000).
1998 | 1999 | 2000 | 2001 | 2002 | |
---|---|---|---|---|---|
Climat équivoque | 26 % | 27 % | 23,6 % | 25,4 % | 23,5 % |
Attouchement | 49 % | 48 % | 50,3 % | 49,6 % | 49,5 % |
Viol | 25 % | 25 % | 26,1 % | 25 % | 27 % |
Total | 100 % | 100 % | 100 % | 100 % | 100 % |
Répartition des mauvais traitements sexuels (source SNATEM)
Les très jeunes enfants et les bébés peuvent également constituer des victimes potentielles. A Lille, la consultation pédiatrique n'avait constaté en 1980 aucune agression sexuelle sur les 800 admissions de nourrissons. Mais depuis 1988, quatre bébés étaient diagnostiqués comme victimes d'agressions sexuelles et, depuis, ce chiffre ne cesse de croître4. Enfin dans un très faible nombre de cas, les agressions sexuelles d'enfants se terminent par un infanticide5. Concernant l'inceste, ils constituaient, en 1999, 20 % des procès d'Assises, 75 % des situations d'agressions sexuelles sur enfants6 et plus de 57 % des viols sur mineurs7.
Les chiffres issus de l'enquête nationale sur les violences envers les femmes8 sont des plus inattendus : 6 % des femmes auraient subi une agression sexuelle (hors viol) et 3,7 % auraient été victimes d'un viol ou d'une tentative de viol avant 18 ans. C'est donc 9,7 % des françaises qui connaissent avant leur majorité un abus sexuel de quelque nature que ce soit. 4,6 % des hommes auraient connu des abus de ce type avant leur majorité9.
Les agressions sexuelles sur mineurs en chiffres
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Du côté des agresseurs
Les agresseurs sont très majoritairement des hommes (95 % si la victime est de sexe féminin et 80 % si la victime est de sexe masculin)10. Mais la caractéristique principale est que l'agresseur est rarement un inconnu de la victime. Lorsqu'un lien existe, il s'agit dans un tiers des cas, d'une relation d'autorité et dans deux tiers des cas d'un lien de parenté11. En cas de viol, le lien d'intimité se précise et le cadre est souvent familial.
1998 | 1997 | 1996 | ||||
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F | M | F | M | F | M | |
Viols sur mineurs | 783 | 82 | 1 019 | 90 | 980 | 58 |
Intra-familial | 452 | 29 | 606 | 35 | 609 | 30 |
Extra-familial | 331 | 53 | 413 | 55 | 371 | 28 |
Répartition par sexe des viols sur mineur (chiffres CFCV)
En vingt ans, les condamnations pour crime set délits sexuels sur mineurs ont doublé (46 viols et 1 597 attentats à la pudeur en 1984 contre 4 865 agressions sexuelles et 580 viols en 2000).Pas moins de 10 000 personnes sont condamnées chaque année en France pour un délit (8 200) ou un crime à caractère sexuel (1 800). Mais ces chiffres ne permettent pas de déterminer si cette évolution est le résultat d'une réelle augmentation des crimes et délits ou une plus grande dénonciation de ceux-ci.
Après condamnation, la récidive des crimes et délits sexuels sur mineurs est plus rare qu'on ne le pense. Néanmoins évaluée entre 10 à 30 % des cas, elle reste bien supérieure aux récidives de viols d'adultes (évalué entre 2,5 et 4 % en 1997) ou d'incestes.
Pour tenter d'infléchir ces chiffres, la France s'est engagée depuis 1998 peu à peu vers la prévention en mettant en place une injonction de soins pour les délinquants sexuels dès leur sortie de prison. Cette obligation de suivi peut aller jusqu'à dix ans pour des délits et 20 ans pour des crimes.
- David Bême
1 - Les Agressions Sexuelles - Données Épidémiologiques Générales - 5ème Conférence de consensus de la Fédération Française de Psychiatrie - Psychopathologies et traitements actuels des auteurs d'agressions sexuelles - novembre
2 - Pr. Kempe. Fondateur de IPSCAN Société internationale pour la protection des enfants abusés et maltraités.
3 - Rapports d'activité de la SNATEM
4 - L'hôpital face à l'enfance maltraitée - une passerelle entre coups et réparations - Françoise HOCHART et Annick ROUSSEL - Kartala 1997
5 - Med. Sci. Law, Jul., 32 (3), pp. 247-250
6 - SNATEM 1999
7 - Source : Collectif féministe contre le viol - 1999
8 - Revue Population et Sociétés. Bulletin mensuel d'information de l'Institut National d'Etudes Démographiques, n°364, Janvier 2001, pp. 1-4.
9 - Haut Comité de la Santé Publique : rapport annuel, ministère chargé de la santé, Paris (1997)
10 - Finkelhor D, Russel D., Child sexual abuse : new Theory and research,op. cit.1984
11 - Raupps et Eggers 1993, Monatsschr. Kinderheild, Apr.141(4),pp.316-322