Lesbophobie
Lesbophobie
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La lesbophobie est, pour les organisations LGBT, une discrimination homophobe et sexiste visant les lesbiennes. C'est une discrimination du fait de l’orientation sexuelle de celles-ci.
Le terme « lesbophobie » est de plus en plus utilisé à la place de « homophobie » pour définir l'ensemble des discriminations et violences subies par les lesbiennes.
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Origines de la lesbophobie [modifier]
Parce que les lesbiennes sont sexuellement et en partie économiquement indépendantes des hommes, les lesbophobes et les sexistes estiment qu’elles « transgressent » la loi patriarcale. Il est à noter que si le Lévitique interdit expressément l'homosexualité masculine (Lv 18:22 : « Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme. C'est une abomination »), il ne parle nullement de l'homosexualité féminine, laquelle se retrouve cependant réprouvée par certaines religions : ainsi l'œuvre de la poétesse Sappho, originaire de Lesbos, connue pour son homosexualité, fut-elle détruite par l'Eglise catholique romaine.
Selon Marie-Jo Bonnet, la lesbophobie est une agression sociale de type phallocratique visant les femmes qui désirent des femmes. Elle peut être passive par la négation de la femme en tant que sujet de ses désirs. Elle peut être active par le rejet, la marginalisation ou la stigmatisation de l’eros lesbien. Elle est phallocratique en ce qu’elle est fondée sur la croyance en la toute puissance symbolique du phallus comme motif organisateur des lois de la Cité. La lesbophobie est la résistance du patriarcat à reconnaître l’amour entre femmes.
Selon Daniel Welzer-Lang, sociologue français, l'ignorance et la peur sont à l'origine des manifestations d'exclusion et de rejet des homosexuels. C'est aussi la stigmatisation ou la négation des rapports entre femmes qui ne correspondent pas à une définition traditionnelle de la féminité. L'homosexualité féminine est considérée par certains comme une menace pour les hommes qui refusent que les femmes puissent s'affirmer libre de toutes contraintes, vivre sans les hommes. L'homophobie tend alors à dénier l'existence de formes de sexualité autres qu’hétérosexuelles. Les lesbiennes sont alors frappées d'une certaine « invisibilisation » : « la femme est sexe pour l'homme ou n'existe pas ».
Conséquences de la lesbophobie [modifier]
« La prévalence, dans la société en général, d’attitudes sexistes et homophobes engendre un climat de violence qui met particulièrement en danger les lesbiennes, aussi bien sur leur lieu de vie ou de travail qu’au domicile. Les jeunes lesbiennes qui révèlent leurs préférences sexuelles sont parfois contraintes par leur famille au mariage ou à d’autres relations sexuelles avec des hommes. Ces relations ou mariages forcés, qui impliquent des rapports sexuels fréquents sans consentement (viols), sont non seulement discriminatoires mais peuvent être assimilés à de la torture ou à de l’esclavage sexuel. Par des tests de virginité ou des grossesses forcées, les lesbiennes sont parfois exposées à des mauvais traitements autres que ceux que subissent les gays et les hommes bisexuels. Étant donné qu’il est plus facile pour la famille et l’entourage de surveiller la sexualité des femmes, les lesbiennes doivent faire face à toute une série d’obstacles pour éviter d’être victimes de mauvais traitements ou obtenir réparation. Dans les sociétés où on les accuse de jeter l’opprobre sur la famille ou la communauté, les femmes qui sont attirées par d’autres femmes, qu’elles se définissent elles-mêmes comme lesbiennes ou non, risquent tout particulièrement d’être maltraitées. » (Amnesty international. Torture. Identité sexuelle et persécutions. Londres : juin 2001)
SOS Homophobie a lancé en France une grande enquête sur la lesbophobie de novembre 2003 à janvier 2004, au cours de laquelle près de 1800 femmes se sont exprimées. Selon cette étude, 57% des lesbiennes ayant répondu ont indiqué avoir été victimes de lesbophobie.
Discriminations à l'égard des lesbiennes comme groupe social [modifier]
Cette forme de sexisme nie l'homosexualité féminine[1] comme sexualité complète et assumée, - telles de nombreuses idées préconçues, notamment celle selon laquelle une lesbienne « bien traitée au lit » par un homme pourrait « redevenir » hétérosexuelle -, rejette le mode de vie lesbien dans son ensemble et conduit à l'occulter sur les plans politique, culturel, médiatique et dans tous les domaines de la vie sociale.
Durant la Seconde Guerre mondiale et bien que le lesbianisme n'entrât jamais dans le cadre du paragraphe 175, les lesbiennes furent victimes, tout comme les homosexuels masculins, de persécutions de la part du régime nazi. De nombreuses lesbiennes furent arrêtées, emprisonnées ou envoyées en camps de concentration. Dans les camps, elles devaient porter le triangle noir, comme toutes les personnes qui étaient considérées par les nazis comme « socialement inadaptées ». Un grand nombre de lesbiennes seront contraintes à la prostitution et victimes de viols et d'autres mauvais traitements.
De nos jours, dans de nombreux pays ou régions, notamment l'Afghanistan, l'Arabie saoudite, le Bahreïn, l'Iran, la Mauritanie, le Qatar, le Soudan, la Tchétchénie et le Pakistan, une relation amoureuse et sexuelle entre deux femmes est passible d'un châtiment allant de la flagellation à la peine de mort. Au Pakistan une lesbienne est passible de cent coups de fouet et d'emprisonnement à vie.
Violences physiques et psychologiques [modifier]
« Les violences et discriminations dont sont victimes les lesbiennes sont soumises à la loi du silence, parce que, bien souvent, ces femmes n’ont pas les moyens d’attirer l’attention sur les mauvais traitements et l’exclusion dont elles font l’objet et n’osent pas alerter l’opinion de peur d’être mises au ban de la société et par crainte de représailles. Il est ainsi difficile de repérer, dénoncer et donc de punir la répression lesbophobes » (Dossier sur la lesbophobie en France de la Coordination lesbienne en France).
Les lesbiennes sont souvent victimes de railleries, d'injures et de menaces de la part de parents (elles sont parfois même rejetées du cercle familial)[2], de voisins ou collègues de travail (ou de lycée pour les adolescentes) lesbophobes, et dans les cas les plus extrêmes, victimes de coups, d'agressions sexuelles et même de « viols punitifs ». La romancière, Léa Duffy, dans son livre Féminin féminin, raconte par exemple comment elle fut la victime d'un viol pendant son adolescence, précisément parce que lesbienne.
« Il existe de nombreux cas de jeunes lesbiennes battues, violées et agressées par des membres de leur famille qui souhaitent ainsi les punir, les briser moralement et leur signifier clairement qu’elles ne disposent pas comme elles l’entendent de leur corps et de leur esprit. Les conséquences que peuvent avoir des actes de torture et des mauvais traitements sur des jeunes et leur répercutions sur leur développement social et affectif sont particulièrement dramatiques. » (Amnesty international. Torture. Identité sexuelle et persécutions. Londres : juin 2001)
Discriminations à l'égard des lesbiennes comme individus [modifier]
Il arrive aussi qu'elles puissent être victimes de discriminations dans la recherche d’un emploi ou d’un logement, mais aussi pour le mariage (mariage homosexuel)[3] et l’adoption (homoparentalité). Certaines lesbiennes, pour éviter toutes ces discriminations, cachent leur orientation sexuelle en se mariant. La contrainte à l'hétérosexualité est une des manifestations des violences psychologiques à l'égard des lesbiennes.
Mais la lesbophobie est la conséquence d’une double discrimination, d'une part comme lesbiennes (lesbophobie), y compris de la part de certaines femmes et d'autre part comme femmes (sexisme), y compris de la part de certains homosexuels[4]. C’est pour cela que pour beaucoup d’entre elles, le féminisme et la lutte contre la lesbophobie sont souvent étroitement liés.
Caricatures dépréciatives [modifier]
La sexualité lesbienne est souvent considérée comme secondaire, accessoire, car privée de la référence majeure au phallus. De plus, elle est utilisée de manière réductrice et caricaturale dans la pornographie comme objet de fantasme et de voyeurisme.
Il existe aussi de nombreuses idées préconçues, par exemple celle selon laquelle si une femme est lesbienne, c'est parce qu'elle est « déçue des hommes » ou qu'elle a été victime de violences de la part de ceux-ci (elles sont victimes d'agressions et d'insultes, parce qu'elles sont lesbiennes et non le contraire), ou alors qui consistent à la faire passer pour un « garçon manqué ».
Lutte contre la lesbophobie [modifier]
En France, les propos homophobes ne sont pas illégaux par leur nature homophobe ou lesbophobe, mais seulement par leur caractère injurieux. Cette protection ne satisfait pas les milieux anti-homophobes, qui demande une législation spécifique comparable à celle déjà mise en place pour la répression des injures racistes (cela pourrait aussi se faire dans le cadre d'une loi anti-sexiste). Il pourrait y avoir aussi l’inscription du libre choix de la sexualité parmi les principes fondamentaux de la République (Code civil français).
La proposition de loi « relative à la lutte contre l'homophobie, la lesbophobie et la transphobie » présentée le 26 mars 2003 par Martine Billard, Yves Cochet et Noël Mamère indiquait :
- « La question de la lesbophobie, à savoir la haine particulière rencontrée par les femmes homosexuelles, mérite une mention particulière dans cet exposé des motifs. En effet, le lesbianisme n'étant qu'une forme d'homosexualité, la condamnation de la lesbophobie découle de l'appareil juridique prévu pour la condamnation de l'homophobie. Toutefois, parce que ne répondant pas à l'image dominante, masculine, de l'homosexualité, et parce que réputées plus discrètes dans leur distanciation avec le modèle social hétérosexiste que les homosexuels, les lesbiennes sont absentes des représentations usuelles de l'homophobie. Elles sont néanmoins toutes autant victimes des injures et de la stigmatisation que les hommes homosexuels, même si les agressions verbales sont elles aussi souvent "plus discrètes" ».
Le soutien moral des victimes se fait avec des lignes d'écoute telles que celle d'SOS Homophobie (le numéro azur est : 0 810 108 135) et l'appui aux actions en justice qu'elles peuvent intenter (contre injures, agression sexuelle, viol, discrimination à l'embauche, etc.).
La lutte contre la lesbophobie est organisée aujourd'hui par la communauté lesbienne elle-même et passe notamment par l'activisme politique d’organisations non mixtes, comme la Coordination lesbienne mais aussi par des manifestations comme la « marche des fiertés lesbienne ».
Notes [modifier]
- ↑ Il y a les lesbiennes, c’est-à-dire qu’elles n’ont de relations sexuelles, amoureuses et sentimentales, qu’avec des femmes et les bisexuelles qui ont des relations avec des partenaires des deux sexes.
- ↑ Les lesbiennes se retrouvant au chômage ou avec de très faibles revenus (temps partiel imposé notamment) sont souvent plus pauvres que les hétérosexuelles qui peuvent bénéficier de la solidarité familiale. Cette solidarité peut ne plus exister pour les lesbiennes rejetées par leur famille. L’orientation sexuelle devenant alors une discrimination supplémentaire, aggravant une situation précaire.
- ↑ Quelques pays autorisent les mariages homosexuels : le Canada, l'Espagne, la Belgique, les Pays-Bas, etc.
- ↑ (fr) « Mimétisme gay et misogynie »
Voir aussi [modifier]
Liens internes [modifier]
Liens externes [modifier]
- (fr) Coordination lesbienne
- (fr) mix-cite.org
- (fr) GaisetLesbiennes.com
- (fr) inter-lgbt.org
- (fr) penelopes.org
- (fr) Témoignages d'actes lesbophobes Chapitre 5, Rapport 2004 de SOS homophobie [pdf]
- (fr) Amnesty international. Torture. Identité sexuelle et persécutions. Londres : juin 2001 [pdf]
- (fr) tassedethe.com