L’esprit zen du jardin : Ecoute attentive, patience, silence, retour sur soi

 

L’esprit zen du jardin

 

Ecoute attentive, patience, silence, retour sur soi… Jardiner est peut-être le meilleur moyen d’entendre ce que le mot zen veut dire ? La preuve avec quatre « pratiquants » détendus !

Erik Pigani

Mon jardin

«Mon jardin, c’est mon refuge. J’y vais quand j’ai plein de problèmes dans la tête, après je me sens beaucoup mieux. » « Lorsque je jardine, j’ai l’impression de mettre mes soucis en terre. » « En arrachant les mauvaises herbes, j’ai le sentiment de me débarrasser de mes pensées négatives. » « Jardiner m’apaise, je suis calme, je ne pense à rien. Je dirais même que lorsque je m’occupe de mon petit carré de terre, je fais ma thérapie ! »
« Refuge », « havre de paix », « lieu de ressourcement et de rencontre avec soi »… Etonnant comme les qualificatifs employés par les quelques dizaines d’internautes qui ont répondu à notre appel à témoins sur « l’esprit du jardin » ont été les mêmes. Tout comme ceux utilisés pour décrire les effets du jardinage : « sérénité », « apaisement », « calme de l’esprit », « plénitude », « équilibre intérieur »…

L’esprit du jardin serait-il « naturellement » zen ? Oui, parce que, sans le savoir, les jardiniers amateurs ou professionnels détiennent l’une des clés de cette philosophie : ils ne jardinent pas « pour eux-mêmes » mais « pour le jardin ». Ils font en direct l’expérience de l’effacement de l’ego et de la conscience de l’« ici et maintenant » chers au zen. Cette activité, qui demande parfois des efforts physiques importants, surtout au printemps – où il faut nettoyer, couper, tailler, biner, sarcler, désherber… –, n’invite pourtant pas, en apparence, à la sérénité. On pourrait en effet croire que le « faire » est à l’opposé de l’idée zen du calme intérieur. Bien au contraire : avoir conscience de chacun de ses gestes en se laissant guider par le flux de la vie suffit pour transformer une action, même aussi physique, en expérience zen.

Absorbé par l’instant présent, passé et futur s’effacent pour laisser place à un temps immobile, où l’on devient l’action, et non plus celui qui agit. Un état d’esprit qui peut même être thérapeutique : « quand je suis en colère, je prends un sécateur et je taille les rosiers, nous dit une internaute. Lorsque j’ai des soucis, je plante de nouvelles fleurs. Et quand je suis au fond de ma déprime, j’attaque un travail plus pénible de binage et de nettoyage, qui devient salvateur. »

Jardiner serait donc un véritable état d’esprit, étonnamment proche de ce que le zen appelle la conscience hishiryo : une conscience ouverte, dans laquelle notre vie prend sa véritable dimension, sans séparation entre le corps et l’esprit, sans séparation entre soi et la nature.

Béatrice

Béatrice, 42 ans, professeure d’arts plastiques :
« C’est un prolongement de la maison, et non un espace placé à côté d’elle »

« Architecte de formation, j’ai dessiné moi-même mon jardin. Comme je suis attirée par le bouddhisme depuis très longtemps, il est délibérément d’inspiration zen : un bassin triangulaire avec des poissons, une fontaine en bambou, des galets… Il représente les trois éléments : la terre, l’eau et l’air – plus le ciel qui se reflète dans l’eau. Ce jardin est, comme le veut l’esprit zen, un prolongement de la maison, et non un espace placé à côté d’elle. L’énergie circule librement de l’intérieur vers l’extérieur et de l’extérieur vers l’intérieur – c’est la raison pour laquelle je ne mets pas de rideaux.

Mon jardin, c’est mon lieu de ressourcement, un endroit où je peux être vraiment en contact avec la réalité. Nous vivons de plus en plus dans le virtuel et l’”informatisé”, donc de plus en plus dans le mental, et cela nous éloigne de nous-même, de notre unité corps-esprit. Pouvoir toucher la terre un peu tous les jours me permet d’entrer, justement, en contact avec moi-même. Suite à une maladie, j’ai été en convalescence chez moi pendant un an et obligée en quelque sorte de pratiquer le zen en contemplant mon cerisier du Japon pendant des heures… J’ai ainsi passé beaucoup de temps à observer la nature, la façon dont les bourgeons naissent et se développent, dont les fleurs apparaissent. Je fais d’ailleurs pousser peu de fleurs, pour ne pas avoir trop de touches de couleur : plus le temps passe, plus je recherche la simplicité. »

Nathalie

A lire

Le Grand Guide du jardin feng shui d’Olivia Moogk et Barbara Sörries-Herrnkind.
Comment créer son jardin en tenant compte du qi, le principe chinois de l’énergie (Rustica, 2006).

Le Petit Zen du jardin d’Erik Pigani.
Cent trente principes et conseils pour expérimenter l’esprit zen dans son jardin, par notre collaborateur et auteur de cet article (Presses du Châtelet, 2006).

Nathalie, 43 ans, formatrice en feng shui :
« Je voulais répondre à ses demandes, et non le faire répondre à mes désirs »

« Quand je me suis installée dans cette maison, il y a une vingtaine d’années, j’ai commencé à m’occuper de mon jardin de manière intuitive. Je me suis toujours sentie en contact avec la nature, comme si j’étais capable de “communiquer” avec elle. J’ai ensuite appris les bases du jardinage à l’association des Jardiniers de France, tout en continuant à me fier à mon intuition pour faire vivre mon jardin. Je voulais répondre à ses demandes, et non le faire répondre à mes désirs. Un jour, mon mari m’a offert un livre sur le feng shui en me disant : “Regarde, c’est exactement ce que tu fais !”

J’ai découvert cette tradition, qui est à la base de tout jardin zen, comme si je la connaissais depuis toujours. Puis j’ai eu un grave accident de voiture. Au lieu de me morfondre, j’ai suivi une formation de feng shui. Aujourd’hui, je le pratique de façon professionnelle. L’un des grands principes du zen est de laisser l’harmonie s’installer entre soi et la nature pour en ressentir l’énergie. J’ai remarqué que, spontanément, beaucoup de gens en sont capables. Mais ils ont peur de leurs sensations, de leurs intuitions. Il ne faut pas ! Toucher la terre pour ressentir, coller son oreille contre un arbre pour “écouter”, prendre de longs moments pour observer sont des gestes simples qui apprennent ce qu’est l’état d’esprit zen. C’est dans mon jardin que je me recharge. Chaque matin, j’y pratique l’“avant toute chose”, un exercice qui consiste à centrer ses énergies. Après, je peux travailler des heures sans être fatiguée. »

 

Jean-Claude

Jean-Claude, 63 ans, retraité :
« J’observe beaucoup, et je laisse les choses se faire »

« C’est mon père qui m’a transmis la base de ce que je sais en matière de jardinage, comme cela se faisait beaucoup il y a cinquante ans, surtout dans les milieux ouvriers. Pourtant, ce n’était qu’une base car, avec le temps, j’ai pris conscience qu’un jardin est une véritable école de l’humilité : non seulement tout ce que l’on croit savoir n’est qu’une infime partie de ce qu’il “faudrait” savoir, mais il y a tant de facteurs qui interviennent que l’on ne peut pas tout contrôler. La nature est bien plus complexe que ce que l’on en dit dans les livres ! C’est cette humilité qu’enseigne le zen : il ne faut pas chercher à tout comprendre, mais plutôt aborder le jardin avec sagesse, en étant en accord avec lui, en le respectant et, surtout, en l’observant.

Pour moi, cela passe d’abord par le respect de la richesse du sol, de sa diversité. Non seulement pour les plantes mais aussi pour les animaux : je mets de la paille pour les hérissons et j’ai une locataire assez inhabituelle, qui affole un peu ma voisine, mais qui a sa place et son utilité… une couleuvre. Ensuite, j’observe beaucoup et je laisse les choses se faire. Je ne cherche ni à le maîtriser ni à l’aseptiser pour qu’il soit plus “beau”. Ce n’est pas un jardin du “paraître” mais un jardin de l’“être”. Et je suis intimement convaincu qu’un jardin est toujours à l’image de la personne qui le fait. J’y vais et j’y travaille à peu près tous les jours, tout en essayant de sentir ce qui se passe, ce dont il a besoin. C’est une sorte de dialogue intérieur, et une complicité. »

Jean-François

Adresses

Association des Jardiniers de France.
Fondée en 1876, reconnue d’utilité publique en 1992, c’est la référence pour les jardiniers amateurs.
T. : 03 27 46 37 50, http://www.jardiniersdefrance.com 

aujardin.info.
L’un des plus importants portails francophones sur le jardinage, qui regroupe des milliers d’informations sur tous les aspects de cet art.
http://www.aujardin.info

Jean-François, 66 ans, journaliste :
« Lorsque j’ai apporté quelque chose à mon jardin,je m’endors dans un état de plénitude »

« On dit que les jardiniers sont les gens les plus “zen” sur terre. Je veux bien le croire : jardiner, c’est mon Prozac ! Dès que je m’y mets, mon esprit se vide, comme s’il était “happé” par le jardin. Cela me pose parfois des problèmes, parce que je suis capable d’oublier un rendez-vous ou un travail important. J’ai même une sorte d’obsession, qui ressemble à un rituel : tous les jours, je dois faire un geste pour mon jardin. Hiver ou été, qu’il pleuve, neige, vente ou même lorsque la nuit est tombée, il faut que je fasse un petit travail, ne serait-ce que tailler une branche. Et lorsque j’ai pu apporter quelque chose à mon jardin, je m’endors dans une sorte d’état de plénitude.

Mon jardin est essentiellement floral et, depuis vingt-cinq ans, je me sens comme un peintre qui travaillerait sur un tableau unique. Je change les plantes d’emplacement, je les repique ailleurs, je recommence. Mais le jardinier propose et le jardin dispose ! La nature a toujours le dernier mot… Pour moi, l’esprit zen passe par l’écoute réelle et attentive de la nature, et c’est cette écoute qui permet de s’oublier soi-même et de faire le vide dans sa tête. Mon jardin est plus qu’un lieu de ressourcement : il est consolant. C’est un refuge contre notre monde, devenu si dur, et contre l’agressivité des rapports humains. Quelque chose m’a toujours surpris : jardiner est un plaisir solitaire. Même quand on le pratique en couple, chacun a son territoire ! Ce sont les résultats, fleurs, fruits et légumes, que l’on a ensuite un plaisir incroyable à partager. »

 



16/05/2013
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