Mieux prendre en charge les troubles bipolaires
Mieux prendre en charge les troubles bipolaires
Quelque chose est en train de profondément changer dans l'approche des troubles bipolaires, nom actuel de la psychose maniaco-dépressive. D'abord, cette maladie est de mieux en mieux connue, ce qui permet d'envisager un suivi et des traitements personnalisés, avec à la clé une meilleure qualité de vie. Surtout, une organisation inédite en réseaux spécialisés, les centres experts, se met en place en France. Huit de ces plates-formes, qui fonctionnent sur le modèle des hôpitaux de jour, ont déjà été créées par la fondation FondaMental (*). Et elles viennent de recevoir un financement de 2,4 millions d'euros sur cinq ans du ministère de la Santé.
Améliorer le diagnostic et le suivi des patients bipolaires est un enjeu majeur de santé publique. Cette maladie classiquement décrite comme un trouble cyclique, avec des épisodes aigus de dépression et de phase maniaque, concernerait 1 à 4% de la population, soit environ 600.000 adultes en France. Et la prise en charge jusqu'à présent restait inadaptée au regard des progrès médicaux. «Le retard au diagnostic est marqué, de l'ordre de dix ans», estime le Pr Chantal Henry, responsable du réseau des centres experts FondaMental. La psychiatre relève aussi «une faible adéquation entre les recommandations internationales et les traitements reçus par les malades» et «une mauvaise coordination entre les acteurs de soin». Les centres experts, hébergés dans des services hospitaliers, devraient répondre point par point à ces carences.
Une prise en charge adaptée
«En pratique, les patients sont adressés par leur généraliste ou leur psychiatre pour un avis diagnostic ou thérapeutique. Un bilan complet est réalisé sur deux jours par une équipe multidisciplinaire. Il comprend une évaluation neuropsychiatrique mais aussi somatique, continue Chantal Henry. Ce bilan permet de confirmer ou d'infirmer le diagnostic, et de proposer au médecin des stratégies thérapeutiques personnalisées.» Un nouveau check-up est réalisé au bout de six mois, puis un an. Les centres experts proposent aussi des thérapies spécialisées, comme la psychoéducation ou la gestion du stress, et sont par ailleurs des plates-formes de recherche. Pour le Dr Alain Gérard, psychiatre libéral, c'est un outil utile, pas une concurrence. «Le rôle de ces centres est fondamental pour permettre aux patients d'intérioriser l'idée que le diagnostic est totalement validé », insiste-t-il, en expliquant que certains bipolaires, quand ils vont bien, trouvent «insupportables» ce diagnostic et les médicaments qui vont avec. En outre, poursuit le praticien, «ces malades ne s'occupent pas bien d'eux, et en libéral il est difficile de coordonner des rendez-vous spécialisés ».
La prise en charge médicale adaptée change la vie des patients. Elle repose, entre autres, sur les médicaments thymorégulateurs, et en particulier le lithium efficace pour la majorité des patients, mais qui nécessite cependant une surveillance régulière du fait des effets secondaires sur le rein.
Quant aux principaux intéressés, ils semblent adhérer au principe de ces réseaux spécialisés. «Le diagnostic de troubles bipolaires est parfois annoncé à la légère, parfois même rien n'est dit, témoigne Annie Labbé, présidente de l'association de patients Argos 2001, chez qui la maladie a été diagnostiquée après vingt ans d'errance thérapeutique. Cette annonce, il faut la faire bien, prendre du temps. Cela nous rassure et nous permet de mieux accepter la maladie.» Les huit centres déjà ouverts (Créteil, Paris, Versailles, Bordeaux, Nancy, Montpellier, Grenoble et Marseille) ne sont qu'une première étape.
«Nous sommes en discussion avec les agences régionales de santé pour envisager un centre expert par région», précise le Pr Marion Leboyer, directrice de FondaMental. Des centres experts se développent aussi pour la schizophrénie et le syndrome d'Asperger, une forme d'autisme.
(*) Réseau de coopération scientifique en santé mentale, www.fondation-fondamental.org