On sait que la bipolarité a une origine familiale et génétique mais cette vulnérabilité réside également dans le tempérament
On sait que la bipolarité a une origine familiale et génétique mais cette vulnérabilité réside également dans le tempérament (fig)
«La Bipolarité a une Enfance souvent Négligée:Tempéraments et Schémas de Vie»
Il est préférable de lire l'article sur ce Pdf : Clic ici :
http://www.bicycle-asso.org/informations/Conf2010-12-16-la-bipolarite-a-une-enfance-negligee.pdf
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Conférence Argos 2001 du 16/12/2010 au FIAP (30 rue Cabanis - 75014 Paris)
LA BIPOLARITE A UNE ENFANCE SOUVENT NEGLIGEE :
TEMPERAMENTS ET SCHEMAS DE VIE
Dr E. HANTOUCHE ET C. MAJDALANI
CTAH (Centre des Troubles Anxieux et de l’Humeur, Paris)
Et avec la participation d’A. Clermont de l’association Bicycle
«La Bipolarité a une Enfance souvent Négligée:Tempéraments et Schémas de Vie»
Conférence Dr Hantouche, C Majdalani (CTAH) & l’Association BicycleARGOS -16 Décembre 2010
INTRODUCTION
:
Le Dr Hantouche présente sa collaboratrice, Caline Majdalani, psychologue dans le CTAH et l’association Bicycle : association regroupant les parents de jeunes bipolaires.
Parler de l’enfance de la maladie bipolaire, c’est reconnaitre qu’il existe des enfants bipolaires. C’est une donnée qui n’est pas encore bien acceptée en France où l’on voit encore beaucoup de jeunes soignés en pédopsychiatrie sans être reconnus comme bipolaires.
Un des problèmes majeurs, dans cette maladie, est sa propre définition qui se limite aux épisodes bipolaires (hypo)maniaques. Ainsi la majorité des médecins attendent la survenue d’un épisode maniaque ou hypomaniaque « typique » pour faire le diagnostic alors que ce dernier ne devrait être considéré que comme un accident de parcours d’une vie bipolaire. De plus, l’ensemble des manifestations antérieures (épisodes dépressifs, traits cyclothymiques, comorbidité anxieuse…) est en fait le début de la bipolarité.
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Plus précisément, la plupart du temps, le diagnostic est fait quand la manie ou l’hypomanie survient chez un malade sous antidépresseur. Cela est probablement dû au caractère très visible d’un virage de l’humeur. Le plus souvent, cela arrive entre 30 et 40 ans.
Or, lorsque l’on fait un bilan avec ces mêmes malades, on se rend compte que la bipolarité s’est bel et bien exprimée vers l’âge de 10-12 ans. Ce n’est pas obligatoirement à 30 ans que la maladie a commencé chez ces patients. Il faut regarder (d’où la loupe du schéma) ce qui se passe entre 10 et 20 ans. Le tempérament peut être la clef pour comprendre leur pathologie, fournir des indications plus précises que les épisodes maniaques ou dépressifs
Maladie Bipolaire :
Les épisodes ne racontent pas tout !
Dépression : tableau clinique le plus fréquent et dominantHypomanie : la plus visible sous traitement AD1020304050ans
Dépression
On sait que la bipolarité a une origine familiale et génétique mais cette vulnérabilité réside également dans le tempérament (fig)
Pour moi, il existe deux variables fondamentales : l’âge de début et les tempéraments affectifs (figure). En croisant ces 2 variables, on constate que l’âge du début de la maladie est variable d’une personne à l’autre. Certains ne souffrent de dépression que tardivement, vers 40-45 ans (c’est le cas des tempéraments hyperthymiques), d’autres font essentiellement des dépressions avec uniquement de petits virages sous médicament (hypomanies sporadiques induites par les antidépresseurs) : c’est le cas des tempéraments dépressifs.
(Hypo)manie
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Facteurs génétiquesVulnérabilité neurobiologique
TempéramentPremiers épisodesbipolairesEvénements de vie stressantsRépétition des épisodesSéquelles, complications, perte d’emploi, isolement…Rupture des rythmes de vieEnfance de la Bipolarité
Age402010CyclothymiqueHyperthymique
Tempéraments Affectifs & Bipolarité60Dépressif
Mais, une majorité des bipolaires débute dans la maladie avant l’âge de 18-20 ans. C’est le cas des personnes avec un tempérament cyclothymique. La comparaison par rapport aux autres bipolaires de tempérament hyperthymique ou dépressif, montre qu’il s’agit d’une forme distincte. Les cas cyclothymiques évoluent vers une forme
« circulaire » de la maladie, dans laquelle il n’y a pas de
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vrais intervalles libres. Ils souffrent constamment de hauts et de bas et, de temps en temps, d’épisodes majeurs, soit dépressifs, soit hypomaniaques (souvent épisodes d’excitation brève mais récurrente) et plus rarement d’épisodes maniaques (la plupart du temps induits par une longue exposition aux antidépresseurs ou par un abus de toxiques ou drogues stimulantes).
Qu’est ce qu’un tempérament cyclothymique
?
Voici les items les plus typiques :
Tempérament Cyclothymique
•J’ai des changements brutaux d’humeur et d’énergie•Mon humeur change souvent sans raison•Ma capacité de penser varie beaucoup•Mes sentiments ou mon énergie sont «trop hauts» ou «trop bas», rarement entre les deux•Parfois je me sens bouillonnant d’énergie et à d’autres moments très paresseux•Je me sens souvent fatigué sans raison•J’ai l’habitude de commencer des choses puis de m’en désintéresser complètement•J’ai souvent des envies de comportements scandaleux ou risqués•Ma confiance en moi-même varie d’un extrême à l’autre•Je ressens les émotions de façon particulièrement intense
Il est important de préciser que les changements ne touchent pas uniquement l’humeur (tristesse, euphorie) mais également le niveau d’énergie, d’activité (physique et psychique), la concentration, les rapports avec les autres… L’accentuation de ce tempérament définit le trouble cyclothymique ou trouble BP type « II1/2 » (quand des dépressions s’ajoutent au tempérament)
On distingue donc 2 catégories de patients : les bipolaires typiques avec des crises maniaques suivies de dépression et ceux qui sont radicalement instables. C’est cette forme de bipolarité que l’on retrouve chez les enfants.
Ainsi parler de l’enfance de la bipolarité, c’est s’intéresser à ce qui se passe avant les épisodes, plus précisément, à ce que représente la vulnérabilité génétique.
Au-delà du tempérament affectif,
Les experts de la psychologie infantile ont travaillé sur les tempéraments de base, càd celui qu’on observe chez les bébés. La référence mondiale en la matière est l’américaine Mary Rothbart : elle a suivi des enfants jusqu’à l’âge adulte en développant à chaque stade de la vie des versions adaptées du questionnaire pour évaluer le tempérament de base.
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Pour Rothbart et Bates (1998), les différences entre les individus sont fondées sur la « constitution » et les « styles comportementaux ». Donc, un tempérament désigne la partie biologiquement déterminée de la personnalité : réactivités émotionnelle, motrice et attentionnelle, et les capacités d’autorégulation et de contrôle. Cette définition est importante car elle influe la sélection des variables à explorer. L’accent est ainsi mis sur « émotivité, « réactivité, « intensité », « énergie », « sociabilité », des dispositions qui sont présentes de façon précoce (bébés, enfants), influencées essentiellement par la biologie et secondairement par l’environnement et la maturation, et relativement constantes à travers les âges. En d’autres termes, un « tempérament » est notre mode de réactivité endogène à l’environnement. Selon Watson, le tempérament émerge comme une prédisposition générale qui détermine des traits émotionnels et affectifs variés à côté d’autres caractéristiques cognitives et comportementales associées. Par exemple, un enfant actif, énergétique, sociable a un tempérament différent d’un enfant sensible, réactif, anxieux, en retrait. Selon Kagan, la biologie, base du tempérament, exerce un rôle de contrainte plutôt qu’une force déterminante. Elle n’explique pas tout, mais on doit faire avec. L’enfant avec son tempérament « fort, énergétique et sociable » est disposé d’un bagage biologique qui aura une influence sur sa façon d’agir et de réagir à son environnement
Projet CTAH sur les tempéraments et les schémas de vie
Au CTAH, on a utilisé la version adulte de ce questionnaire (« ATQ : Adult Temperament Questionnaire ») chez les malades bipolaires. On a observé que les 4 dimensions explorées par le tempérament : « affects négatifs », « extraversion », « sensibilité d’orientation » (« la sensibilité générale perceptive » désignant la sensibilité aux bruits, odeurs, lumière) et « contrôle exigeant de l’effort » étaient élevées. Probablement, c’est une des caractéristiques fondamentales de la cyclothymie, celle de combiner les dimensions basiques du tempérament, même celles qui sont supposées être opposées (comme extraversion et affects négatifs).
Questionnaire Tempérament Adulte :chez les BP cyclothymiques
Affects Négatifs +++Extraversion ++
PeursociabilitéTristessePlaisir élevéMalaise -InconfortAffects positifsFrustrationSensibilité d’Orientation +++Contrôle exigeant de l’effort +++
Sensibilité générale perceptiveContrôle inhibiteurSensibilité générale émotionnelleContrôle d’activationSensibilité associativeAttention
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Normalement, dans le tempérament d’un individu lambda, on retrouve une opposition de 2 dimensions. Une personne se caractérise soit par la prédominance de l’extraversion, soit par celle des affects négatifs :
Modèle à 2 facteurs du Tempérament de l’adulte
F1F2
ExtraversionAffects PositifsSensibilitéAffects NégatifsversusContrôle exigeant de l’effortEvans & Rothbart, 2009.* Cyclothymie
*
Chez les cyclothymiques, il existe un va et vient entre le côté positif, marqué par la sociabilité, la sensibilité, et le côté négatif avec les affects négatifs (tristesse, malaise, anxiété, frustration, colère…) et un manque de contrôle (qui se traduit par une autodiscipline insuffisante, faible niveau de détermination et de constance des conduites)
Cette dernière caractéristique est très importante chez les bipolaires. Elle ne les affecte pas seulement au cours des épisodes, mais aussi de manière constante, dans ce que l’on appelle « les schémas de vie ».
Schémas de vie ou « pièges de vie » (« life traps »
) :
La notion de schéma de vie a été développée par l’américain Jeffrey Young dans 2 ouvrages
:
(le premier destiné aux thérapeutes, le deuxième, plus grand public, montrant justement comment chacun peut changer ses schémas ou scénarios de vie)
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Tout à chacun a un scénario et le répète tout on long de sa vie (« on improvise rarement dans sa vie »). Le schéma devient un « piège » quand il est maladaptatif ou dysfonctionnel (excessif ou source de problèmes dans la vie de la personne)
•Représentation de toute la connaissance du sujet•Mélange de souvenirs, sensations, émotions & cognitions•Concernant soi-même et les rapports avec autrui•Développé au cours de l’enfance ou adolescence puis élaboré sur la vie•Dysfonctionnel à un degré significatif
Schéma de vie maladaptatif = Piège de vie
Un schéma se développe tôt et a tendance à se répéter parce qu’il est confortable et familier. Même si le sujet sait que son schéma est destructeur et mauvais pour sa santé, il le répète car cela lui donne un sentiment de sécurité. L’abandonner est difficile car ce schéma est perçu comme faisant partie de soi, de sa personnalité :
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Mode négatif / péjoratifDébut précoce dans l’enfanceTendance à se répéterConfortable et familierLutte de survieMême destructeur, il assure un sentiment de sécurité et de prévisibilitéRéticence naturelle à son abandon (noyau central de l’identité)
Schéma ou Piège de vie ?
Il existe 5 domaines basiques concernés par les schémas :
La séparation, la sensibilité à l’abandon
Le manque d’autonomie
Le manque de limites (face à soi comme aux autres)
L’orientation vers les autres
L’anxiété, l’inhibition, la survigilance
Selon Young, le schéma se développe en fonction du :
tempérament (un enfant, selon qu’il est dominant ou passif, n’aura pas le même schéma ; de même selon qu’il est peu ou trop réactif ou sensible…
des besoins affectifs
et des expériences de vie précoces :
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Tempérament de base
Besoins affectifs fondamentauxExpériences de vie précocesRéactivité, dominance, sensibilité, passivité, stabilité, intensité…écurité, autonomie, liberté d’expression, limites, autocontrôle, spontanéitéTrauma, frustration des besoins, excès des besoins, identification sélective à un proche importantSCHÉMAS DE VIE(5 domaines)1-Séparation / rejet, 2-Manque d’autonomie,3-Manque de limites,4-Orientation vers autrui,5-Survigilance –inhibition
Effet du tempérament : logique de «style» et non de «contenu»
Cette approche est-elle importante et utile chez les bipolaires ?
Beaucoup de personnes se demandent si leur bipolarité a un rapport avec des expériences vécues pendant l’enfance. Ces événements sont certes significatifs mais ne sont pas la cause de la maladie à eux seuls. Le tempérament, càd la façon de réagir aux événements, intervient. Deux enfants, selon leur tempérament, ne vont pas se comporter de la même manière face à problème comme une séparation, un abandon, un deuil.
Parmi les expériences importantes, on trouve les traumatismes précoces mais aussi la frustration des besoins ou l’inverse : l’excès des besoins (un enfant surprotégé, un enfant roi) et l’identification à un parent ou à un proches.
Autre point important : quand on parle de tempérament, il s’agit d’une logique de « style »,
pas de contenu. Souvent, les malades, lorsqu’ils parlent d’eux, racontent les événements qu’ils ont vécus et sont piégés dans le contenu des événements vécus. Or une façon d’aborder ces souvenirs ou traumatismes est de se focaliser sur le « style émotionnel » et non sur le contenu. Cette approche aide la personne à mieux comprendre l’impact et la signification de l’événement. En effet, il est plus utile de travailler sur notre propre réactivité émotionnelle que sur les événements. Ce travail est d’autant plus efficace car la personne garde toujours son tempérament qui influence, pas seulement le vécu des événements du passé mais celui des événements actuels et futurs.
La diapositive suivante montre plus en détail les 5 domaines et leurs schémas
.
(Chaque année, J. Young révise les listes ; celle la plus utilisée demeure cette version à 18 items)
Ce sont des schémas de vie qui parlent à chacun :
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J Young, Thérapie des Schémas, 2005.
Séparation/ RejetManque d’autonomie et de performanceManque de limitesOrientation vers les autresSurvigilance et inhibitionAbandon –InstabilitéMéfiance –AbusManque affectifImperfection -HonteIsolement socialDépendance –IncompétencePeu du danger et maladieFusionnement Personnalité atrophiéeEchecDroits exagérés (grandeur)Contrôle de soi autodiscipline insuffisantsAssujettisementAbnégationRecherche approbation et reconnaissanceNégativité –PessimismeSurcontrôle émotionnelIdéaux exigeants –Critique excessivePunition
Domaines des Schémas de vie
Voici les 5 caractéristiques (en rouge) qui ressortent le plus fréquemment lorsque l’on évalue les schémas de vie chez les patients bipolaires (travail réalisé au CTAH avec Caline Majdalani)
Séparation/ RejetManque d’autonomie et de performanceManque de limitesOrientation vers les autresSurvigilance et inhibitionAbandon –Instabilité
Méfiance –AbusManque affectifImperfection -HonteIsolement socialDépendance –IncompétencePeu du danger et maladieFusionnement Personnalité atrophiéeEchecDroits exagérés (grandeur)Contrôle de soi autodiscipline insuffisantsAssujettisementAbnégationRecherche approbation et reconnaissanceNégativité –PessimismeSurcontrôle émotionnelIdéaux exigeants –Critique excessivePunitionSchémas de vie chez les bipolaires cyclothymiques : "CTAH Project"
Hantouche, 10th IRBD, Budapest 2010.
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•bandon / Instabilité (domaine «
rejet»)•épendance / Incompétence («autonomie»)•acrifice / Abnégation («orientation vers autrui»)•déaux exigeants / Hypercritique («sur-vigilance / inhibition»)•ontrôle de soi et autodiscipline insuffisants («manque de limites»)Schémas de vie chez les bipolaires cyclothymiques : "CTAH Project"
Hantouche, 10th IRBD, Budapest 2010.Données préliminaires chez 45 patients cyclothymiques.
Regardons plus en détail ces 5 schémas de vie
, avec, en premier :
Le schéma d’ « Abandon / Instabilité »
•erception de manque de stabilité •réoccupation par la mort des proches•endance à s’accrocher aux autres•rainte de l’abandon, de finir seul•esoin des autres•nxiété de séparation•alousie•esoin de protection
Schémas de vie chez les BP cyclothymiques : "Abandon / Instabilité"
Hantouche, Conf ARGOS, 16 Dec 2010.
La plupart des bipolaires savent dès l’enfance qu’ils ne sont pas stables, même sans avoir expérimenté la manie ou l’hypomanie. Mais souvent ce sentiment est projeté sur les autres, n’est pas admis : les bipolaires pensent que ce sont les autres qui sont instables vis-à-vis d’eux, qu’ils vont aimer quelqu’un d’autre et les rejeter ou les abandonner. Ou encore, les enfants bipolaires s’imaginent que leurs proches vont tomber malades, mourir, disparaitre, d’où cette tendance à s’accrocher aux autres.
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Le schéma de « Dépendance / Incompétence » :
•ncapacité de se débrouiller seul•esoin d’aide pour s’en sortir•épendance dans le fonctionnement au quotidien•mpression de gâcher des choses•eu de confiance à son propre jugement•e sentir plus enfant qu’adulte•endance à la passivité ou manque d’initiative
Schémas de vie chez les BP cyclothymiques : "Dépendance / Incompétence"
Hantouche, Conf ARGOS, 16 Dec 2010.
On retrouve ce sentiment de dépendance lors de la prise en charge de malades. Une fois que l’on a soigné la dépression ou la manie, au fur et à mesure des visites, on les voit poser beaucoup de questions. Ils sont très anxieux, très sensibles dans leur vie quotidienne, probablement à cause de leur manque d’estime de soi, de ce sentiment d’être dépendant des autres ou encore de leur tendance à accorder trop d’importance à autrui :
Le schéma de « Sacrifice / Abnégation » :
•assez en premier les besoins des autres•ulpabilité de laisser tomber les autres•onner plus que recevoir, prendre soins des autres•ifficulté de refuser quand on aime•olontaire pour faire des tâches (au travail)•eureux seulement quand les autres le sont•onner plus qu’il n’en faut•
Hypersensibilité aux souffrances des autresSchémas de vie chez les BP cyclothymiques : "Sacrifice / Abnégation"
Hantouche, Conf ARGOS, 16 Dec 2010.
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On retrouve cette notion d’être trop sensibles aux souffrances des autres même chez des malades qui ont eu une vie difficile (abandon, abus sexuels, rejet, divorce, licenciement… : cela ne les empêche pas d’être préoccupés par les autres, de chercher à les aider.
De même, la tendance à faire passer les besoins des autres en premier, à prendre leur défense ou à se sentir coupables de les abandonner : c’est une constante chez les patients bipolaires qui, par ailleurs sont dans leur vie, instables et peuvent agir n’importe comment.
Le schéma « Idéaux exigeants » :
•ègles rigides, perfectionnisme•ontrainte d’être le meilleur•ffort constant de garder un ordre parfait•esoin d’apparaître sous son meilleur jour•nsatisfaction, Intolérance aux erreurs•ression permanente pour réussir ou terminer•réoccupation constante du temps et de l’efficacité•acrifier bonheur ou santé pour atteindre les idéaux
Schémas de vie chez les BP cyclothymiques : "Idéaux exigeants"
Hantouche, Conf ARGOS, 16 Dec 2010.
La moitié des bipolaires sont perfectionnistes, vivent dans la contrainte (et non dans le plaisir) d’être le meilleur. Ils peuvent osciller entre le besoin, les efforts permanents pour que tout soit en ordre et des périodes d’inactivité où ils ne peuvent plus faire face à cette exigence.
Autre caractéristique : la forte préoccupation du temps et de l’efficacité. Elle peut aboutir, chez certains, au développement de TOC ou obsessions. Ces TOC étant handicapants, ils sont un motif pour consulter un médecin, la maladie bipolaire peut être diagnostiquée à cette occasion.
On retrouve cette idée de défense dans le sur-contrôle permanent, le perfectionnisme : c’est un schéma de vie excessif pour vivre avec la bipolarité, pour combattre la tendance au manque de contrôle et d’autodiscipline :
Le schéma de « Contrôle de soi et autodiscipline insuffisants » :
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•ncapacité de terminer les tâches de routine•aisser aller aux impulsions (mais regrets plus tard)•ensibilité aux contraintes ou difficultés•anquer de persévérance face à la difficulté•erdre son calme face à la plus petite offense•ncapacité de tenir ses résolutions•viter ce qui est pénible (souffrances, conflits, confrontations, responsabilités, efforts…
Schémas de vie chez les BP cyclothymiques : "Contrôle de soi et autodiscipline insuffisants"
Hantouche, Conf ARGOS, 16 Dec 2010.
Le tableau suivant montre les différentes stratégies qui peuvent être mises en place dans le cadre des 5 schémas que nous avons vus :
J Young, Thérapie des Schémas, 2005.
SchémaSoumissionÉvitementCompensationAbandonInstabilitéChoix d’un partenaire qui ne peut pas s’engagerÉvite les relations intimes ; alcool quand seulReste collé à son partenaire ; scènes violentesDépendanceIncompétenceLaisse aux autres les décisions financièresFuit les nouveaux défis (ex. permis de conduire)«Contre dépendance» (ne demande rien aux autres)AbnégationDonne beaucoup aux autres sans rien au retourÉvite les situations qui impliquent de donner ou recevoirDonne aussi peu que possible aux autresIdéaux exigeantsCritique excessivePasse beaucoup de temps à être parfaitProcrastine les tâches où l’on juge sa performanceNe se préoccupe d’aucune normeContrôle de soi et autodiscipline insuffisants
Abandonne facilement les tâches de routineN’exerce ou n’accepte pas les responsabilitésExcessivement autocontrôlé ou discipliné
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Cyclothymie ou Personnalité Borderline ?
Pourquoi est-il important d’aborder les schémas de vie chez les cyclothymiques ? En fait, la cyclothymie en soi n’est pas la plus visible. Les patients souffrent de ses conséquences et des schémas de vie qui en découlent. Par exemple, le motif de consultation le plus fréquent chez les cyclothymiques est représenté par les frictions interpersonnelles ou les conflits permanents et récurrents dans leur vie amoureuse ou professionnelle. Quand la cyclothymie n’est pas explorée, ce mode de vie instable et dysfonctionnel sera considéré comme le témoin d’une personnalité pathologique et spécialement, le témoin d’une personnalité Borderline ou « Etat Limite » !
Tout cela fait penser à une personnalité borderline ou pathologique
. Les critères de la personnalité borderline : notion d’abandon, instabilité, contrôle insuffisant…correspondent aux 5 domaines des schémas de vie typiques des bipolaires. D’où de fréquentes confusions, erreurs diagnostiques, surtout lorsque les patients mettent en avant leurs problèmes de personnalité et de vie relationnelle ou lorsque les indices de bipolarité ne sont pas dépistés de manière systématique. A la différence des BP I, dont les manies sont caractéristiques, la plupart des bipolaires cyclothymiques ou de type II sont classés borderline.
L’approche conjointe des tempéraments et des schémas de vie permet de faire la différence ::
SENSIBILITÉ INTERPERSONNELLERÉACTIVITÉ ÉMOTIONNELLE
TEMPÉRAMENT CYCLOTHYMIQUEHantouche, Rome Meeting, March 2010Efforts constants d’éviter un abandon réel ou imaginaireRelations interpersonnelles intenses et instablesTrouble de l’identitéImpulsivitéComportement suicidaire récurrent / AutomutilationsInstabilité affective, réactivité thymique excessiveColère intense inappropriée; difficulté de maîtrise de la colèrePERSONNALITÉ "BORDERLINE"
RÉPÉTITION DES SCHÉMAS DE VIE MALADAPTATIFS (surconnexion, déconnexion, sacrifice, perfectionnisme, absence de limites, indiscipline…
Différence que vient souligner une étude récente faite au Danemark
. Les chercheurs ont évalué les tempéraments affectifs (questionnaire TEMPS-A) et les schémas de vie, dans trois groupes de personnes : les borderline (tels que définis par le DSM IV), les bipolaires type I en rémission et un groupe de témoins :
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Borderline
Bipolaire en rémissionTémoinTempérament Cyclothymique
9,343,961,21Tempérament Dépressif4,141,260,45Tempérament Irritable3,381,911,10Tempérament Anxieux1,970,480,59Tempérament Hyperthymique2,794,264,83Schémas de vieBL > BP = TémoinAutocontrôle insuffisantBP > Témoin
AK Kahr Nilsson 2010, Univ Danemark
Les tempéraments cyclothymiques, dépressifs, irritables et anxieux sont nettement plus élevés chez les borderline que chez les bipolaires en rémission qui, curieusement, ne se distinguent que peu du groupe des témoins. Seule la notion de contrôle insuffisant permet de faire la différence entre le groupe des bipolaires et le groupe des témoins.
Les auteurs danois concluent que ces différences sont en faveur de la séparation entre bipolarité et borderline. Ils ont raison quand on retient seulement les BP-I en rémission, et on exclut les autres formes de bipolarité (type II et cyclothymie)
Pour moi, cette étude est la preuve ultime que la cyclothymie est différente de la bipolarité type I et synonyme de Borderline (comme définie actuellement dans le DSM-IV).
De plus, le profil tempéramental des patients borderline (dans cette étude) est exactement identique à celui des patients cyclothymiques qui consultent au CTAH
Dans la pratique
Cette approche n’est pas simplement du registre de la recherche psychologique mais elle est fondamentalement orientée pour la pratique. Elle est ainsi utile à intégrer dans la psychoéducation des patients cyclothymiques – étape initiale importante qui aide le patient à savoir de quoi il souffre et surtout faire le lien entre les pièges de sa vie et le trouble de l’humeur. Nous avons l’expérience de la « cyclo-éducation » au CTAH depuis 2005 – Cette expérience a fait l’objet de deux livres
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En effet, la cyclothymie est un trouble, un tempérament, qui a commencé dans l’enfance. Elle est cyclique et marquée par l’insécurité, la réactivité…
Cyclothymie:
Tempérament complexe
Circularité, Cyclicité, Intensité, Insécurité, Réactivité, Sensorialité…
Cette réactivité excessive est le reflet de la vulnérabilité génétique du trouble bipolaire
. Tout le reste, à savoir la peur de la séparation, l’hypersensibilité interpersonnelle n’est qu’une conséquence de l’hyperréactivité émotionnelle, de l’intensité des affects et leur instabilité. Cela va permettre la mise en place et l’amplification des schémas dysfonctionnels :
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Les racines des souffrances psychologiques et relationnelles dans la BP cyclothymique
Tempérament cyclothymiqueFacteurs génétiques et neurobiologiquesAnxiété de séparationHypersensibilité interpersonnellePièges de vieHyperréactivité émotionnelleIntensité affective élevéeInstabilité / Affects négatifs
-Sensibilité extrême au rejet-Souci obsédant de plaire-Problèmes d’estime de soi-Tester les limites-Dépendance affective / Jalousie-Hypercontrôle-Absence de projection dans le futur
Hantouche, Conf ARGOS, 16 Dec 2010.
La réactivité émotionnelle constitue ce qu’il y a de plus basique dans le tempérament et en même elle représente la cible du traitement chimique (thymorégulateurs)
L’Hyperréactivité émotionnelle
Notre travail sur les tempéraments continue vers un affinement de l’évaluation clinique. Ainsi, on développe actuellement un questionnaire spécifique pour explorer les dimensions basiques telles l’Intensité, la Réactivité, la Polarité des affects et l’Instabilité. Ces 4 dimensions élémentaires existent chez tout le monde mais leur exagération sera le substratum de la cyclothymie.
Questionnaire "RIPoSt"
R
éactivité Emotionnelle(15 items, notes de 1 -6)Score0 -90Intensité Emotionnelle(15 items, notes de 1 -6)Score0 -90Polarité Emotionnelle(15 items, notes de 1 -6)Score0 -90Stabilité Emotionnelle(15 items, notes de 1 -6)Score0 -90
Développé par Hantouche, CTAH, 2010
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La figure qui suit illustre une réaction émotionnelle « normale » : Au départ, il y a un stimulus, par ex, le fait de se faire critiquer ou insulter. Après un petit délai de déclenchement, la réaction se déclenche. Elle atteint son maximum avant un retour à la normale.
Chez un bipolaire (cf
2ème courbe), le seuil de déclenchement est très rapide, le délai entre le déclenchement et la réaction maximale est raccourci, l’amplitude est plus importante et, surtout, on remarque une persistance émotionnelle càd que le délai avant le retour à la normale est allongé. Ces réactions sont surtout observées chez les enfants bipolaires sans qu’il y ait d’éléments typiques de bipolarité. Ces enfants, au lieu de se calmer en quelques minutes, mettent des heures, restent
inconsolables ou encore supportent mal les refus.
Réaction émotionnelle: Caractéristiques basiques
Latence entre le déclenchement de la réponse et son intensité maximale (pic)Délai de retour à l’état normalAmplitude de la réactionSeuil de déclenchementHantouche, Conf ARGOS, 16 Dec 2010.
Hyper-Réactivité Émotionnelle
Latence raccourcie entre le déclenchement de la réponse et son intensité maximale (pic)Long délai de retour à l’état normal ou PersistanceAmplitude augmentéede la réactionRéactivité excessive: Déclenchement rapideHantouche, Conf ARGOS, 16 Dec 2010.
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Critères de la BP Juvénile
Nous avons vu que cette composante d’hyperréactivité émotionnelle est déjà présente chez les enfants, et plus largement, en étudiant les schémas de vie, que, parler de l’enfance de la maladie bipolaire c’est reconnaitre qu’il existe des enfants cyclothymiques bipolaires :
Enfance de la bipolarité =Enfant Bipolaire / Cyclothymique ?
Hantouche, Conf ARGOS, 16 Dec 2010.
La diapositive suivante reprend les critères énoncés par le docteur Hantouche et Mme Barbara Houyvet dans leur ouvrage de 2007. On retrouve comme dénominateur commun de ces divers symptômes la réactivité émotionnelle, l’importance de la mémoire et intensité affective :
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Pour aborder la bipolarité juvénile, le docteur Hantouche laisse la parole à Mme Amélie Clermont. Elle est la présidente et la fondatrice de l’association Bicycle. Enfant Bipolaire / Cyclothymique ? |
Le logo est un vélo stylisé. En effet, la maladie bipolaire s’apparente à un vélo : pour vivre avec, il faut être stable, sinon, on tombe ! Il ne faut pas jeter le vélo mais apprendre à pédaler… |