Reconnaître un mauvais psy
Reconnaître un mauvais psy
Mauvais, oui, mais… mauvais en soi, pour soi, selon soi ? Certains psys font plus de mal que de bien, c’est sûr. Psychologies a mené l’enquête. Sans tabou ni parti pris.
Aurore Aimelet
Levons tout de suite l’éventuel malentendu. Trouver qu’un psy est mauvais fait-il de lui un mauvais psy ? Pas si simple. D’abord, « la relation entre un thérapeute et son patient est éminemment subjective », observe Mickael Benyamin, psychologue clinicien et psychothérapeute. Nombreux sont ceux qui n’ont pas aimé tel spécialiste pourtant chaudement recommandé par un ami. « Un patient peut être frustré par le silence d’un thérapeute, quand son voisin trouvera intrusifs les conseils et les paroles d’un autre. » Trouver le bon, c’est avant tout trouver celui avec lequel on se sent bien. Mais la réciproque a ses limites : ne pas avoir le feeling avec l’un n’en fait pas un mauvais professionnel.
Et puis, juger son thérapeute « nul » peut être un prétexte pour ne plus progresser. Car dans toute thérapie il y a danger. « Confier son âme, son intimité, ses maux, ses fantasmes ou sa sexualité, c’est toujours un risque en soi », poursuit Mickael Benyamin. La tentation est forte d’éviter « de revoir des comportements qui, certes, nous faisaient souffrir, mais nous garantissaient une certaine sécurité ». « On parle alors de résistances, précise le psychanalyste Jean-Claude Liaudet, et celles-ci font partie intégrante du travail. Les moments de colère, de déception, le sentiment de ne pas avancer, celui d’avoir été blessé, toutes ces manifestations négatives sont l’occasion d’aller plus loin. Elles sont aussi l’outil de travail du psy. Lequel devrait savoir qu’elles ne lui sont pas directement destinées. » Vigilance donc, quant à nos mécanismes de défense, à nos mauvaises interprétations. Puissantes, ces résistances empêchent même certains de se lancer dans l’aventure : quoi de plus pratique que de trouver tous les spécialistes mauvais pour rester, plus ou moins bien tranquille, chez soi ? Ou pour passer de l’un à l’autre sans jamais s’engager dans un vrai travail…
Pour autant, les professionnels sont-ils tous potentiellement bons ? À les écouter, la planète psy ne serait pas exempte de moutons noirs. Et quand on sait le pouvoir que l’on confère à son thérapeute – nous sommes plus d’un tiers à le qualifier de guide, selon notre sondage effectué sur Psychologies.com, en septembre 2006 –, mieux vaut être entre de bonnes mains. « La relation qui s’instaure entre le patient et son thérapeute est obligatoirement marquée par l’ascendant qu’exerce malgré lui le thérapeute », écrivent les psychiatres Sylvie et Pierre Angel dans leur ouvrage Comment bien choisir son psy. Reste à vérifier qu’il soit bien conscient de ce pouvoir, qu’il sache s’en servir à bon escient et, surtout, qu’il n’en abuse pas. D’autant que, ne manque pas de rappeler Mickael Benyamin, « en dehors des professions de psychiatre et de psychologue, scellées par un diplôme, l’exercice de la psychothérapie et celui de la psychanalyse ne bénéficient toujours pas d’un statut légal ».
Il ne respecte pas de cadre éthique
Si la plaque sur la porte ne nous dit rien, qu’est-ce qui doit nous alerter ? Sans doute, tout ce qui dépasse les bornes. « Comprenez : ce qui sort du cadre indispensable à tout travail thérapeutique », explique Serge Ginger, psychothérapeute et secrétaire général de la Fédération française de psychothérapie et psychanalyse.
Un mauvais thérapeute aura tendance à sortir du cadre éthique. « Un psy, quelle que soit sa pratique, doit respecter un code de déontologie, ajoute-t-il. Il a des devoirs envers son patient. » Citons entre autres celui de réserve, le secret professionnel ou l’interdiction d’avoir des relations sexuelles avec ce dernier. Tout manquement, quand bien même il apparaîtrait bénin, à l’une ou l’autre de ces obligations doit alerter.
Et puis, la méthode possède une structure qui doit être respectée. Les notions de lieu, de temps, mais aussi de tarif y jouent un rôle important. « Les séances se déroulent dans un cabinet, souligne Serge Ginger, pas à l’extérieur, encore moins chez vous. Vous devez avoir un rendez-vous précis et d’une durée préalablement fixée : en règle générale, entre trente minutes et une heure. Le coût, lui aussi, est entendu dès le départ, et il est rare qu’une séance dépasse cent euros. Mais, surtout, vous ne devez rien payer d’autre que la thérapie, qui est le service rendu par le thérapeute. »
La thérapie doit rester à sa place. De même que le psy. Qui n’est pas un ami et ne doit pas chercher à le devenir. « Il n’a donc aucune raison de téléphoner à votre domicile ou de vous raconter son dernier week-end de golf », explique Serge Ginger. Ni de vous inviter où que ce soit…
Enfin, les attitudes inhabituelles, les détails qui sortent du cadre conventionnel, doivent mettre la puce à l’oreille – vêtements évoquant l’univers sectaire, jargon scientifico-ésotérique, invitation à s’asseoir par terre, introduction d’une forme de familiarité comme le tutoiement… Ces pratiques, à la mode dans les années 1970, sont un peu suspectes de nos jours et ne s’accordent pas à toutes les techniques. Car, bien sûr, nous venons de définir le cadre dans ses grandes lignes. Chaque méthode, chaque école, possède ses propres lois. « Si le contact physique, par exemple, est généralement proscrit en cure psychanalytique, il est naturellement envisagé dans une thérapie psychocorporelle », rappelle Serge Ginger. D’où l’importance de s’informer avant de se lancer. De bien s’enquérir des différentes approches thérapeutiques, de leurs conditions et de leurs indications.
Il ne répond pas à vos questions
Il convient donc de se renseigner sur la méthode, mais aussi, une fois devant le psy, sur lui. Nous avons le droit – et devons le prendre – de lui demander quelle a été sa formation, puisqu’elle constitue la première de ses qualités professionnelles. Mais aussi sa spécialisation, son courant de pensée ou son école, s’il est ou non affilié à un organisme disposant d’un code de déontologie, etc. Mickael Benyamin l’assure : « Un psy qui refuse de donner ces renseignements, pour quelque raison que ce soit (pseudo-neutralité, dissymétrie entre le thérapeute et le patient), doit alerter. »
Lors du premier rendez-vous devront être évoqués les aspects pratiques de la méthode, tels que le rythme des séances, leur durée, leur coût. Histoire de vérifier que la thérapie, mais aussi le thérapeute, conviennent bien. Méfiance si le psy n’a rien à proposer en cas d’urgence, ou encore s’il n’a aucune règle concernant le paiement des séances annulées, ou s’il demande de payer pour un retard.
Il ne vous inspire pas confiance
Le reste sera affaire de feeling, puisque « l’essentiel repose en réalité sur des atomes crochus personnels à chacun », estime Serge Ginger. « Je conseille toujours de consulter deux ou trois thérapeutes avant de se décider. On ne choisit pas une robe ou un partenaire sans faire d’essayage au préalable, non ? » Le pire, en effet, serait de faire un mauvais choix par sentiment d’obligation !
Mais à quels signes se fier pour être sûr d’être tombé sur le bon ?
Dans leur livre, Sylvie et Pierre Angel décrivent la bonne impression : « Dans l’idéal, le premier entretien doit vous laisser une sensation de mieux-être. Vous vous sentez rasséréné que (pour une fois…) quelqu’un vous écoute vraiment, essaie de vous comprendre et tente de vous aider. Le cadre, l’accueil, la disponibilité, la ponctualité et même l’apparence physique du psy sont des facteurs qui vous incitent à lui faire confiance. » Mais si vous hésitez encore entre les labels « bon » et « mauvais », alors mieux vaut lui en parler. Qu’il s’agisse des tout premiers entretiens ou bien plus tard au cours de la thérapie, le bon psy accueillera ces doutes et la confiance sera instaurée (ou restaurée). Le mauvais devrait vous culpabiliser ou vous inquiéter. Vous serez vite fixé.
juin 2008