Renaissance des Tempéraments Affectifs
Renaissance des Tempéraments Affectifs
1/01/2010
Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Tempéraments
La théorie des tempéraments a faibli depuis la Révolution française et a été ternie par la connexion avec l’atavisme.
Mais en matière des troubles de l’humeur, nous verrons que cette théorie a continué d’évoluer grâce â des auteurs comme Kretschmer, Schneider et puis Akiskal au début des années 80.
En 1921, Kretschner publia son travail de référence sur le physique et le caractère en relation avec la schizophrénie et le trouble bipolaire. Krestschner suivit le concept unitaire de Kraepelin sur la maladie maniaco-dépressive, mais l’étendit à la cyclothymie pour y inclure les changements d’humeur dépressifs, hypomaniques et hyperthymiques. Il pensait que les psychoses ne sont plus que l’accentuation de sous-types normaux de tempérament.
Kretschner a développé deux continuum (continua en anglais ) depuis les sous-types de personnalité jusqu’aux sous-types psychotiques, l’un appliqué au MDI (cyclothymique-cycloïde-maniaco-dépressif) et l’autre à la schizophrénie (schizothymique-schizoïde-schizophrénique). Se référant explicitement au travail d’Hoffman de 1921, il insista sur le fait que les sous-types de tempéraments sont observés chez les membres proches de la famille plutôt que chez les patients. Cette notion est actuellement incluse dans les études génétiques.
Parmi les patients maniaco-dépressifs, on trouvait fréquemment trois sous-types de tempéraments :
Kretschner a défini la constitution en tant que résultat de tous les traits individuels hérités, le caractère en tant que somme totale des manières de réagir développées par une personne tout au long de sa vie à travers les interactions entre l’acquis et l’inné.
Hofmann a publié une grande monographie détaillant les résultats de ses études sur ses patients bipolaires. Il a observé chez les parents de ses patients non seulement de cas secondaires de psychopathies dépressives, maniaques ou cycloïdes mais aussi des stades préliminaires de la maladie bipolaire. E, d’autres termes, les proches des patients bipolaires présentaient des tempéraments hypomaniques, dépressifs et cyclothymique. Hofmann a conclu que tous partageaient la même disposition génétique à la bipolarité. Sur cette base, il a également posé la question de savoir si la MDI ne pouvait pas être hétérogène, un grand spectre où l’on peut distinguer les dépressions, le trouble bipolaire (trouble circulaire, constitution cycloïde) et le tempérament cyclothymique .
Cependant ses doutes n’ont pas eu un impact immédiat.
Au cours des trois quarts du 20ème siècle, la recherche sur les personnalités pré-morbides était fondée sur la séparation entre la psychose maniaco-dépressive et la schizophrénie. Si on acceptait ces deux entités comme distinctes, le but était alors de trouver une structure de personnalité pré-morbide homogène pour chacun de ses deux troubles.
Ainsi Kretschner a décrit la personnalité de patients bipolaires comme cyclothymique et selon Bleuler (1922) comme syntonique. Cette théorie de continuum entre personnalité cyclothymique et bipolarité n’a pas été convaincante. Von Zerssen pensait qu’elle était fausse et l’erreur de Kretschner a été d’appliquer le concept unitaire de la bipolarité et donc ne pas tenir compte des sous-types de troubles thymiques.
A cette époque, Jung faisait référence, dans ses premiers écrits, à un état sub-maniaque stable qui se développe à bas âge et évolue pendant une longe période sans rémission. Jung a constaté que des exacerbations de cet état basique se produisent et peuvent induire des troubles comme l’agitation, les problèmes sociaux, l’alcoolisme, la délinquance et ce qu’il appela l’insanité morale ("moral insanity"). Cet état décrit par Jung correspond au tempérament hyperthymique ou la personnalité hypomaniaque selon le vocabulaire d’aujourd’hui.
La remise en question de la position de Kraepelin et le retour à la folie circulaire de Falret (trouble bipolaire) s’est fait progressivement sur plusieurs décennies. Parmi ceux qui ont contribué à ce processus, notons le rôle de l’école de Wernicke avec Kleist et Leonhard. Wernicke avec ses fortes convictions (1906) a contredit l’approche unitaire de la PMD. Son élève Kleist a décrit des sous-types de psychose cycloïde et il a créé en 1953 le concept de psychoses unipolaires (manie pure récurrente, dépression pure récurrente), en maintenant que les psychoses bipolaires avaient pour origine une affinité entre deux psychoses unipolaires, ce qui expliquait qu’elles se déclarent en même temps.
En 1930, Kleist avait déjà postulé pour un lien entre trois groupes polaires de tempéraments et psychoses polaires correspondantes :
L’élève de Kleist, Leonhard et ses collègues (1962) ont appliqué avec succès ce modèle nosologique pour mener des recherches sur les tempéraments et sur les familles. Les auteurs ont émis l’hypothèse que si la PMD peut aussi prendre une forme monopolaire (le terme utilisé par Leonhard), donc les tempéraments correspondants doivent prévaloir dans les familles, c’est à dire que les tempéraments dépressifs doivent être trouvés dans des familles de cas (probands) monopolaires dépressifs, un tempérament hypomanique dans les familles de cas monopolaires maniaques et euphoriques et un tempérament cyclothymique dans les familles de cas maniaco-dépressifs.
Parmi les fratries et les parents de personnes bipolaires, ils ont trouvé une prépondérance de tempéraments hypomaniaques et cyclothymiques et des psychopathies et dans les familles de dépressifs et mélancoliques, des sous-tempéraments dépressifs et des psychopathies ont prédominé. Ils ont interprété leurs résultats comme une confirmation de la dichotomie monopolaire-bipolaire et ils ont cru que ces tempéraments affectifs pouvaient de manière non spécifique influencer la manifestation du trouble. Ils ont conclu que parmi les membres de la famille, la cyclothymie pouvait se manifester au lieu du trouble bipolaire au même titre qu’un tempérament dépressif au lieu d’une dépression majeure ou une mélancolie.
Malgré ce lien intrafamilial entre les troubles et les tempéraments, Leonhard et al (1962 et 1963) ont rejeté l’idée que les tempéraments affectifs puissent être une expression d’un trouble endogène. Cependant Leonhard a admis qu’ils pourraient représenter partiellement leurs formes latentes. Il pensait qu’une psychose phasique se déclenche seulement si elle coïncide avec l’un de ces tempéraments affectifs.
Les travaux de Von Zerssen sur les développements modernes dans le domaine de la personnalité et des troubles affectifs font autorité. Nous devons mettre en avant le fait que le problème méthodologique majeur dans les études modernes de la personnalité pré-morbide des patients bipolaires est la rareté de données prospectives.
La plupart des études ont été rétrospectives et ont impliqué des patients traités dans les services des universités. Cela dit, ces mesures pré-morbides peuvent être valides si les patients ont pour instruction de décrire leur état avant le début de leur maladie. Mais, comment situer le début de la maladie et en plus écarter ses effets sur le tempérament ? On sait que le début des troubles de l’humeur est souvent difficile à dater, et les données rétrospectives sur les débuts ne sont pas fiables. Les états cliniques ont une influence marquée sur les échelles de personnalité même si les patients ont eu pour instruction de répondre aux questions en fonction de leur "moi habituel".
En 1921, Kretschner publia son travail de référence sur le physique et le caractère en relation avec la schizophrénie et le trouble bipolaire. Krestschner suivit le concept unitaire de Kraepelin sur la maladie maniaco-dépressive, mais l’étendit à la cyclothymie pour y inclure les changements d’humeur dépressifs, hypomaniques et hyperthymiques. Il pensait que les psychoses ne sont plus que l’accentuation de sous-types normaux de tempérament.
Kretschner a développé deux continuum (continua en anglais ) depuis les sous-types de personnalité jusqu’aux sous-types psychotiques, l’un appliqué au MDI (cyclothymique-cycloïde-maniaco-dépressif) et l’autre à la schizophrénie (schizothymique-schizoïde-schizophrénique). Se référant explicitement au travail d’Hoffman de 1921, il insista sur le fait que les sous-types de tempéraments sont observés chez les membres proches de la famille plutôt que chez les patients. Cette notion est actuellement incluse dans les études génétiques.
Parmi les patients maniaco-dépressifs, on trouvait fréquemment trois sous-types de tempéraments :
- 1- Sociable, amical, gentil et avec un bon coeur : cyclothymique-cycloïde
- 2- Chaleureux, fougueux, vivant et plein d’humour : hypomaniaque
- 3- Calme, silencieux, prenant les choses à coeur et avec tendresse : dépressif
Kretschner a défini la constitution en tant que résultat de tous les traits individuels hérités, le caractère en tant que somme totale des manières de réagir développées par une personne tout au long de sa vie à travers les interactions entre l’acquis et l’inné.
Hofmann a publié une grande monographie détaillant les résultats de ses études sur ses patients bipolaires. Il a observé chez les parents de ses patients non seulement de cas secondaires de psychopathies dépressives, maniaques ou cycloïdes mais aussi des stades préliminaires de la maladie bipolaire. E, d’autres termes, les proches des patients bipolaires présentaient des tempéraments hypomaniques, dépressifs et cyclothymique. Hofmann a conclu que tous partageaient la même disposition génétique à la bipolarité. Sur cette base, il a également posé la question de savoir si la MDI ne pouvait pas être hétérogène, un grand spectre où l’on peut distinguer les dépressions, le trouble bipolaire (trouble circulaire, constitution cycloïde) et le tempérament cyclothymique .
Cependant ses doutes n’ont pas eu un impact immédiat.
Au cours des trois quarts du 20ème siècle, la recherche sur les personnalités pré-morbides était fondée sur la séparation entre la psychose maniaco-dépressive et la schizophrénie. Si on acceptait ces deux entités comme distinctes, le but était alors de trouver une structure de personnalité pré-morbide homogène pour chacun de ses deux troubles.
Ainsi Kretschner a décrit la personnalité de patients bipolaires comme cyclothymique et selon Bleuler (1922) comme syntonique. Cette théorie de continuum entre personnalité cyclothymique et bipolarité n’a pas été convaincante. Von Zerssen pensait qu’elle était fausse et l’erreur de Kretschner a été d’appliquer le concept unitaire de la bipolarité et donc ne pas tenir compte des sous-types de troubles thymiques.
A cette époque, Jung faisait référence, dans ses premiers écrits, à un état sub-maniaque stable qui se développe à bas âge et évolue pendant une longe période sans rémission. Jung a constaté que des exacerbations de cet état basique se produisent et peuvent induire des troubles comme l’agitation, les problèmes sociaux, l’alcoolisme, la délinquance et ce qu’il appela l’insanité morale ("moral insanity"). Cet état décrit par Jung correspond au tempérament hyperthymique ou la personnalité hypomaniaque selon le vocabulaire d’aujourd’hui.
La remise en question de la position de Kraepelin et le retour à la folie circulaire de Falret (trouble bipolaire) s’est fait progressivement sur plusieurs décennies. Parmi ceux qui ont contribué à ce processus, notons le rôle de l’école de Wernicke avec Kleist et Leonhard. Wernicke avec ses fortes convictions (1906) a contredit l’approche unitaire de la PMD. Son élève Kleist a décrit des sous-types de psychose cycloïde et il a créé en 1953 le concept de psychoses unipolaires (manie pure récurrente, dépression pure récurrente), en maintenant que les psychoses bipolaires avaient pour origine une affinité entre deux psychoses unipolaires, ce qui expliquait qu’elles se déclarent en même temps.
En 1930, Kleist avait déjà postulé pour un lien entre trois groupes polaires de tempéraments et psychoses polaires correspondantes :
- 1- Tempéraments hypomaniaque (sanguin) et dépressif (mélancolique) qui correspondaient respectivement à la manie et à la dépression.
- 2- Tempéraments motiles, le vif (colérique) et l’apathique, en correlation avec les psychoses hyperkinétique et akinétique
- 3- Tempéraments à pensée alerte ou lente en correlation avec les deux psychoses polaires de confusion (confusion agitée et stupeur).
L’élève de Kleist, Leonhard et ses collègues (1962) ont appliqué avec succès ce modèle nosologique pour mener des recherches sur les tempéraments et sur les familles. Les auteurs ont émis l’hypothèse que si la PMD peut aussi prendre une forme monopolaire (le terme utilisé par Leonhard), donc les tempéraments correspondants doivent prévaloir dans les familles, c’est à dire que les tempéraments dépressifs doivent être trouvés dans des familles de cas (probands) monopolaires dépressifs, un tempérament hypomanique dans les familles de cas monopolaires maniaques et euphoriques et un tempérament cyclothymique dans les familles de cas maniaco-dépressifs.
Parmi les fratries et les parents de personnes bipolaires, ils ont trouvé une prépondérance de tempéraments hypomaniaques et cyclothymiques et des psychopathies et dans les familles de dépressifs et mélancoliques, des sous-tempéraments dépressifs et des psychopathies ont prédominé. Ils ont interprété leurs résultats comme une confirmation de la dichotomie monopolaire-bipolaire et ils ont cru que ces tempéraments affectifs pouvaient de manière non spécifique influencer la manifestation du trouble. Ils ont conclu que parmi les membres de la famille, la cyclothymie pouvait se manifester au lieu du trouble bipolaire au même titre qu’un tempérament dépressif au lieu d’une dépression majeure ou une mélancolie.
Malgré ce lien intrafamilial entre les troubles et les tempéraments, Leonhard et al (1962 et 1963) ont rejeté l’idée que les tempéraments affectifs puissent être une expression d’un trouble endogène. Cependant Leonhard a admis qu’ils pourraient représenter partiellement leurs formes latentes. Il pensait qu’une psychose phasique se déclenche seulement si elle coïncide avec l’un de ces tempéraments affectifs.
Les travaux de Von Zerssen sur les développements modernes dans le domaine de la personnalité et des troubles affectifs font autorité. Nous devons mettre en avant le fait que le problème méthodologique majeur dans les études modernes de la personnalité pré-morbide des patients bipolaires est la rareté de données prospectives.
La plupart des études ont été rétrospectives et ont impliqué des patients traités dans les services des universités. Cela dit, ces mesures pré-morbides peuvent être valides si les patients ont pour instruction de décrire leur état avant le début de leur maladie. Mais, comment situer le début de la maladie et en plus écarter ses effets sur le tempérament ? On sait que le début des troubles de l’humeur est souvent difficile à dater, et les données rétrospectives sur les débuts ne sont pas fiables. Les états cliniques ont une influence marquée sur les échelles de personnalité même si les patients ont eu pour instruction de répondre aux questions en fonction de leur "moi habituel".