Rythmes circadiens et bipolarité

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Rythmes circadiens et bipolarité

1/01/2009

Bipo / Cyclo > Bipolarité adulte > Rythmes

Comment les rythmes circadiens peuvent-ils entrer dans le traitement de la bipolarité et de la cyclothymie ?
Post rédigé par le Dr Vanessa MILHIET
(récemment en activité de consultante au CTAH - en collaboration avec le Dr Hantouche


Qu’en est-il des rythmes circadiens dans le spectre du trouble bipolaire


Les mécanismes qui sous-tendent l’association entre les altérations des rythmes circadiens et les trouble de l’humeur restent encore peu clairs. Les études scientifiques actuelles donnent des pistes de réflexion et de compréhension :
  • Le trouble du sommeil est le plus commun prodrome (symptôme annonçant la maladie) de manie et un des six plus communs de dépression dans le trouble bipolaire (Jackson et al., 2003)
  • Entre les épisodes thymiques, le cycle veille/sommeil reste perturbé a minima chez les patients bipolaires avec un endormissement plus difficile, des réveils nocturnes plus fréquents (Millar et al., 2004 ; Jones et al., 2005)
  • Les sujets bipolaires présentent un chronotype (profil de sommeil) significativement plus vespéral que les sujets témoins, c’est à dire que les bipolaires ont davantage un rythme veille-sommeil du type "coucher tardif et difficultés à se lever tôt" (Mansour, Wood et al.,2005) par rapport à des sujets contrôles
  • Les zeitstorers peuvent induire des épisodes maniaques : privation de sommeil (Wehr et al., 1987), voyages transméridiens (Jauhar et al., 1982), perturbations des rythmes sociaux (Malkoff-Schwartz et al., 1998)
  • Les sujets bipolaires auraient une hypersensibilité à la lumière, ce qui impliquerait des taux plasmatiques nocturnes de mélatonine plus bas (Nurnberger et al ., 2000)
  • Certains neurotransmetteurs impliqués dans la régulation de l’humeur (sérotonine, dopamine, noradrénaline ) et l’expression de leurs récepteurs sont contrôlés par un cycle circadien (Mc Clung, 2005)
  • La privation de sommeil (patient que l’on empêche de dormir, en situation très contrôlée) peut faire passer un patient bipolaire déprimé en phase hypomane (6% des cas) voire en phase maniaque (5% des cas) (Colombo et al., 1999)
  • Au contraire, un traitement par l’obscurité ("dark therapy") peut améliorer significativement les symptômes maniaques (Barbini et al., 2005)
  • Un traitement par sels de lithium (régulateur de l’humeur) pourrait avoir des effets sur les rythmes circadiens. Il inhiberait l’expression du gène GSK-3β (glycogen synthase kinase 3 béta), gène impliqué dans l’horloge biologique cérébrale (Gould et al., 2005). Ces résultats méritent d’être confirmés et répliqués.
  • Plusieurs études d’association génétique suggèrent que certains polymorphismes (variation de l’ADN) de gènes horloge sont plus fréquents dans le trouble bipolaire que dans la population générale (Kato et al., 2007)

Les gènes clock pourraient donc constituer des facteurs de vulnérabilité génétique au trouble bipolaire (McClung 2007). Ces résultats nécessitent d’être répliqués et des équipes en France et dans le monde s’y impliquent.

Reste à clarifier quelle part des troubles du rythme circadien a une signification étiologique et quelle part de ces troubles est une conséquence du comportement altéré.

Le sommeil des enfants-adolescents atteints de troubles bipolaires (études américaines) paraît également très perturbé : environ 40% rapportent des troubles du sommeil, en particulier un retard de l’endormissement (Geller 2003 ; Faedda 2004 ; Lofthouse 2007).

Quelles sont les applications thérapeutiques dans le trouble bipolaire à l’heure actuelle


Les nouvelles connaissances sur les troubles circadiens dans les troubles du spectre bipolaire permettent de nouvelles approches, ceci en complément des traitements pharmacologiques (thymorégulateurs et traitements adjuvants) :

La psychoéducation, réalisée en groupe de patients, s’est particulièrement développée en France, même si son accessibilité reste inégale sur le territoire. Basée sur l’information du patients sur la maladie, elle a prouvé son efficacité en diminuant le risque de récidive et de rechute et en améliorant la qualité de vie. Certaines séances sont particulièrement ciblées sur les signes précoces devant alerter sur une possible rechute thymique et sur l’importance de la stabilité du sommeil.

  • IPSRT (Interpersonal and Social Rythm Therapy) développée par le Docteur
Ellen Frank 2005 (Université de Pittsburgh, Etats-Unis) :
Il s’agit de l’association d’une thérapie interpersonnelle (individuelle) associée à une thérapie basée sur les rythmes sociaux. L’IPSRT pourrait se révéler efficace comme stratégie de stabilisation de l’humeur au long cours si elle est appliquée en phase stable mais aussi en phase dépressive (Swartz,2009). Ces premiers résultats encouragent très fortement une évaluation à plus grande échelle et son développement en France.

  • Conseils de resynchronisation en entretiens psychiatrique ou psychologique :
se lever tous les jours à la même heure, éviter les siestes prolongées, établir un calendrier de sommeil

  • Luminothérapie : doit être appliquée par un professionnel. Très développée
dans les dépressions de la femme enceinte et les dépressions saisonnières, le risque d’un virage de l’humeur chez les patients bipolaires ne doit pas être négligé et nécessite un suivi rapproché si l’indication est posée.

  • Mélatonine exogène (délivrée en préparation magistrale en France) n’est pas validée comme traitement du trouble bipolaire en l’état actuel des connaissances.

  • Privation de sommeil utilisée dans certaines études (en condition de laboratoire) ne suggère en aucun cas que la privation de sommeil est conseillée pour guérir de la dépression bipolaire ! L’amélioration est souvent transitoire et peut s’accompagner d’un virage de l’humeur. Cependant des études tentent actuellement d’évaluer, pour certaines indications et dans certaines conditions, des protocoles de privation partielle et d’avance de sommeil avec luminothérapie chez des patients bipolaires sous lithium (Wu et al., 2009).

  • A l’heure de l’AMM européenne (autorisation de mise sur le marché) dans l’indication des épisodes dépressifs majeurs de l’agomélatine, nouvel antidépresseur à double mécanisme d’action novateur (antidépresseur mélatoninergique et antagoniste des récepteurs sérotoninergiques 5-HT2c), se pose la question de l’utilisation de cet antidépresseur lors de phases dépressives résistantes chez des patients bipolaires ou cyclothymiques, ceci en traitement adjuvant d’un thymorégulateur. Ainsi l’étude de Calabrese (2007) suggère l’intérêt de l’agomélatine en traitement complémentaire d’une dépression chez des patients bipolaires de type I sous thymorégulateurs (sels de lithium ou valproate de sodium), sans exclure le risque de virage hypomane ou maniaque. Des études sur de plus grandes cohortes avec des profils divers du spectre de l’humeur sont indispensables


10/05/2013
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