|
 |
 |
On distingue souvent deux phases dans un traitement aux antidépresseurs. Durant les 15 premiers jours, l’état dépressif du patient ne s’améliore pas vraiment. À partir de deux à trois semaines cependant, le patient retrouve progressivement le sommeil, l'appétit, un regain d'énergie et des pensées positives. On recommande alors de poursuivre le traitement pendant plusieurs mois pour minimiser le risque des rechutes.
Différentes hypothèses ont été formulées pour expliquer ce délai. On pense qu’au début du traitement, suite à l'inhibition de la recapture de la 5-HT, les autorécepteurs sont rapidement saturés de sorte que c’est l’effet inhibiteur des autorécepteurs qui prédomine ce qui diminue la libération de sérotonine dans la fente synaptique. Puis, dans un deuxième temps, les autorécepteurs finissent par être désensibilisés et les potentiels d’action sont produits plus facilement par le neurone pré-synaptique. La sérotonine n'étant pas recaptée à cause des antidépresseurs, sa concentration extracellulaire augmente, et la transmission sérotoninergique est facilitée.
Une autre hypothèse intéressant concerne moins l’efficacité des connections existante que le développement de neurones complètement nouveaux…
|
L'effet des antidépresseurs peut se rapprocher de celui de l'ecstasy qui provoque le relâchement de grandes quantités de sérotonine aux terminaisons nerveuses des neurones. C'est cet excès de sérotonine que l'on suspecte d'être à l'origine des effets psychiques particuliers de l'ecstasy, dont ceux reliés au sentiment de bien-être. Un effet qui va donc dans le même sens que celui des antidépresseurs.
|
|
|
La mise au point des différentes classes d’antidépresseurs a suivi l’évolution des hypothèses biochimiques concernant la dépression.
Une première hypothèse formulée durant les années 1960 ciblait la noradrénaline comme le neurotransmetteur principal impliqué dans la dépression. Cette hypothèse dites «des catécholamines» proposait que la dépression était due à une déficience en noradrénaline dans certains circuits cérébraux, alors que la manie correspondait à une surabondance du même neurotransmetteur. Bien qu’encore reconnue, cette hypothèse n’explique pas tout, et en particulier pourquoi des fluctuations du taux de noradrénaline n’affecte pas l’humeur de certaines personnes.
Durant les années 1970, l’implication d’un autre neurotransmetteur, la sérotonine, fut postulée dans ce que l’on a appelé l’hypothèse «permissive» de la dépression. Celle-ci propose que la diminution de la quantité de sérotonine à certaines synapses puisse aussi être à l’origine d’une dépression en déclenchant ou en « permettant » une baisse de noradrénaline. Par conséquent, même si l’on reconnaissait toujours un rôle important à la noradrénaline dans la dépression, on pouvait maintenant agir sur la sérotonine pour tenter de soulager la dépression. Une voie thérapeutique exploitée par le Prozac et tous les autres inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) depuis les années 1980.
 Fluoxétine (Prozac)
Un troisième neurotransmetteur d'importance dans la dépression est la dopamine. Cette molécule est aussi impliquée dans la schizophrénie et la maladie de Parkinson. Elle joue un rôle important dans le renforcement positif et la récompense, autrement dit dans la poursuite de l'action gratifiante. L'utilisation de substances dopaminergiques et de stimulants comme antidépresseurs donne d'ailleurs des résultats positifs et rapides chez plusieurs patients, ce qui en fait des compléments intéressants aux autres antidépresseurs qui peuvent prendre plusieurs semaines à agir.
Les médicaments qui agissent directement sur la dopamine sont cependant plus susceptibles de créer des dépendances, ce qui rend leur utilisation plus délicate. Plusieurs drogues comme la cocaïne, les opiacés ou l’alcool augmentent d’ailleurs la production de dopamine ce qui pourrait expliquer pourquoi plusieurs dépressifs les consomment.
Un nombre important de chercheurs croient que l'expression de " déséquilibre chimique " pour parler des causes physiologiques de la dépression n'est plus vraiment adéquate.
Cette hypothèse du " déséquilibre chimique " date des années 1960. Les premiers antidépresseurs découverts furent les tricycliques et les inhibiteurs de la MAO. Ces molécules, en plus d'améliorer les symptômes de la dépression chez nombre de patients, sont reconnues pour augmenter d'une manière ou d'une autre les taux de dopamine, de noradrénaline et de sérotonine. D'où l'hypothèse d'un déséquilibre au niveau de ces neurotransmetteurs. Hypothèse qui fut d'ailleurs plutôt fructueuse au niveau de la recherche des dernières décennies du XXe siècle. De plus, en attirant l'attention sur le fait que les troubles de l'humeur pouvaient être reliés à un dysfonctionnement physiologique et pas seulement à un manque de volonté ou à une faiblesse du caractère, cette hypothèse diminuait le sentiment de culpabilité inutile qui habite souvent les personnes dépressives.
Mais les efforts pour identifier plus précisément le déséquilibre en question ont donné des résultats assez décevants et contradictoires. Les recherches se tournent maintenant davantage vers les récepteurs des neurotransmetteurs plutôt que sur les neurotransmetteurs eux-mêmes, ainsi que sur les événements moléculaires qui participent à la régulation des gènes. Mais encore ici, il y a place à la controverse. En effet, il y a relativement peu de preuves directes de l'altération des récepteurs ou d'anomalies de l'expression génique reliée à ces récepteurs ou d'autres enzymes lors de la dépression. Par ailleurs, le délai thérapeutique de deux à trois semaines (voir l'encadré à gauche) entre l'effet des médicaments antidépresseurs sur les neurotransmetteurs et leurs effets sur l'humeur n'est toujours pas bien compris. En somme, la situation est beaucoup moins simple qu'on le pensait dans les années 1960 quand on a formulé l'hypothèse du " déséquilibre chimique ".
Devant ces difficultés à obtenir des données sans équivoques appuyant cette hypothèse, certains en sont même venus à se demander si l'usage extensif que l'on fait toujours de l'expression "déséquilibre chimique" ne soulevait pas des problèmes éthiques, voire politiques. Aux États-Unis par exemple, où la publicité pour les antidépresseurs est permise dans les grands médias, les compagnies pharmaceutiques n'ont pas toujours fait dans la nuance. Les publicités simplistes affirmant qu'une substance de notre cerveau subit un déséquilibre lors de la dépression et que tel ou tel antidépresseur rétablit comme par magie une situation d'équilibre idéale n'est sans doute pas étranger au succès fulgurant qu'ont connus les antidépresseurs de type ISRS (Prozac, Zoloft, Paxil, etc…). Et aux milliards de profits qu'ils ont générés pour ces compagnies.
|
|