Sélection naturelle - Partie 1

Sélection naturelle

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Les mécanismes de
l'évolution biologique

A l'échelle des populations :
sélection (écologique, sexuelle)
dérive génétique

A l'échelle des individus :
mutation génétique, recombinaison

Evolution des espèces :
spéciation, adaptation, extinction

"Rien en biologie n'a de sens,
si ce n'est à la lumière de l'évolution
"
Theodosius Dobzhansky, 1973

En biologie, la sélection naturelle est l'un des mécanismes qui guident l'évolution des espèces. Ce mécanisme est particulièrement important du fait qu'il explique l'adaptation des espèces à leur milieu. La théorie de la sélection naturelle permet d'expliquer comment l'environnement influe sur l'évolution des populations en sélectionnant les individus les plus adaptés et constitue donc un aspect fondamental de la théorie de l'évolution.

La séléction naturelle désigne le fait que les traits de caractères héréditaires qui favorisent la survie et la reproduction, voient leur fréquence s'accroître d'une génération à l'autre. Cela découle logiquement du fait que les porteurs de ces traits ont plus de descendants, et que ces derniers portent aussi ces traits (puisqu'ils sont héréditaires).

C'est Charles Darwin (1809-1882) qui a décrit en premier ce mécanisme de l'évolution , qu'on désigne aussi sous le terme de darwinisme ou sélection darwinienne. Le terme "sélection naturelle" a été imaginé par Darwin par analogie avec la sélection artificielle pratiquée par les humains depuis des millénaires : les agriculteurs ou éleveurs choisissent à chaque génération les individus présentant les meilleurs caractéristiques pour les faire se reproduire. Le mécanisme de sélection darwinienne permet donc d'expliquer de façon naturaliste la complexité adaptative des êtres vivants, sans avoir recours au finalisme ni à une intervention supernaturelle, d'origine divine, par exemple.

Sommaire

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Principes de la sélection naturelle [modifier]

Charles Darwin

La théorie de la sélection naturelle telle qu'elle a été initialement décrite par Charles Darwin (photo), repose sur trois principes[1]:

  1. le principe de variation
  2. le principe d'adaptation
  3. le principe d'hérédité

Principe 1 : Les individus diffèrent les uns des autres [modifier]

En générale, dans une population d'individus d'une même espèce, il existe des différences plus ou moins importantes entre ces individus. En biologie, on appelle caractère, tout ce qui est visible et peut varier d'un individu à l'autre. On dit qu'il existe plusieurs traits pour un même caractère. Par exemple, chez l'être humain, la couleur de la peau, la couleur des yeux sont des caractères pour lesquels il existe de multiples variations ou traits. La variation d'un caractère chez un individu donné constitue son phénotype. C'est là, la première condition pour qu'il y ait sélection naturelle : au sein d'une population , certains caractères doivent présenter des variations, c'est le principe de variation.

Principe 2 : Les individus les plus adaptés au milieu survivent et se reproduisent davantage [modifier]

Certains individus portent des variations qui leur permettent de se reproduire davantage que les autres, dans un environnement précis. On dit qu'ils disposent d'un avantage sélectif sur leurs congénères:

  • La première possibilité est, par exemple, qu'en échappant mieux aux prédateurs, en étant moins malades, en accédant plus facilement à la nourriture, ces individus atteignent plus facilement l'âge adulte, pour être apte à la reproduction. Ceux qui ont une meilleure capacité de survie pourront donc se reproduire davantage.
  • Dans le cas particulier de la reproduction sexuée, les individus ayant survécu peuvent être porteurs d'un caractère particulièrement attirant pour les partenaires de sexe opposé. Ceux-là seront capables d'engendrer une plus grande descendance en copulant davantage.

Dans les deux cas, l'augmentation de la capacité à survivre et à se reproduire se traduit par une augmentation du taux de reproduction et donc par une descendance plus nombreuse, pour les individus porteurs de ces caractéristiques. On dit alors que ce trait de caractère donné offrent un avantage sélectif, par rapport à d'autres. C'est dans ce principe d'adaptation uniquement, qu'intervient le milieu de vie.

Principe 3 : Les caractéristiques avantageuses doivent être héréditaires [modifier]

La troisième condition pour qu'il y ait sélection naturelle est que les caractéristiques des individus doivent être héréditaires, c'est-à-dire qu'elles puissent être transmises à leur descendance. En effet certains caractères , comme le bronzage ou la culture, ne dépendent pas du génotype, c'est-à-dire l'ensemble des gènes de l'individu. Lors de la reproduction, ce sont donc les gènes qui, transmis aux descendants, entraineront la passage de certains caractères d'une génération à l'autre. C'est le principe d'hérédité.

Ces trois premiers principes entraînent donc que les variations héréditaires qui confèrent un avantage sélectif seront davantage transmises à la génération suivante que les variations moins avantageuses. En effet les individus qui portent les variations avantageuses se reproduisent plus. Au fil des générations, on verra donc la fréquence des gènes désavantageux diminuer jusqu'à éventuellement disparaître, tandis que les variations avantageuses se répandront dans la population, jusqu'à éventuellement être partagées par tous les membres de la population ou de l'espèce. Par exemple, dans la population humaine, la bipédie est un caractère commun à tous les êtres humains modernes.

La sélection naturelle explique l'adaptation des espèces à leur milieu [modifier]

Les girafes vivent en milieu sec
Les girafes vivent en milieu sec

Lorsqu'on observe des espèces dans leur milieu de vie, elles semblent toutes être profondément adaptées à chacun de leur milieu : le long cou , les longues pattes de la girafe sont en effet bien adaptés pour attraper des feuilles hautes les acacias des savanes africaines. On pourrait tout aussi bien dire que c'est les organismes non adaptés qui n'ont pas survécu dans ce milieu.

En outre, certaines variations avantageuses dans un environnement donné peuvent devenir néfastes sous d'autres conditions. Par exemple, dans un milieu enneigé, une fourrure blanche permet de ne pas être vu par ses futures proies ou ses prédateurs, mais si le milieu devient forestier et plus sombre, il n'y aura plus de camouflage, et les individus porteurs de fourrure blanche perdent leur avantage sélectif . La conséquence de ce phénomène est donc qu'au fil des générations, par la sélection naturelle, les caractères observés dans une population seront plus ou moins adaptés aux évolutions de son écosystème.

Autres exemples, chez les humains la couleur de la peau est une adaptation dûe à la sélection naturelle, et non à un bronzage qui se serait « fixé » à tout jamais dans certaines populations. En zones ensoleillées les individus à la peau claire ont plus de risque de développer un cancer de la peau à cause des rayons UV, ils sont donc désavantagés car leur espérance de vie est moindre. En zones moins ensoleillées ces individus seraient avantagés car la lumière du soleil permet au corps de produire de la vitamine D, et de plus le corps économise de l'énergie et des nutriments en fabricant moins de mélanine, le pigment de la peau.

Répartion de l'énergie solaire reçue Répartion de l'intensité de la couleur de la
peau humaine.

Les facteurs de l'environnement qui peuvent donc entraîner une sélection naturelle peuvent être:

Adaptations convergentes [modifier]

Article détaillé : convergence évolutive.

L'adaptation des espèces à leur niche écologique peut parfois conduire deux espèces qui occupent un milieu similaire, à acquérir des ressemblances qui ne sont alors pas dues à leur éventuelle parenté. On parle dans ce cas d'évolution convergente. Ce phénomène s'interpète comme le fait que les mêmes contraintes du milieu mènent aux mêmes « solutions adaptatives ».

Les yeux des vertébrés et des céphalopodes constituent l'un des exemples les plus frappant de convergence car alors même que l'ancêtre commun de ces deux taxons ne possèdait pas d'yeux complexes, ces deux lignées ont évoluée vers un système optique qui présente une très forte similarité.

De tels cas de convergence évolutive sont souvent mis en avant pour argumenter en faveur d'une conception adaptationniste de l'évolution par sélection naturelle selon laquelle l'essentiel des caractéristiques observées dans les espèces vivantes ne sont pas dues au hasard mais sont le résultats de diverses pressions de sélection au cours de l'histoire évolutive des espèces.

Origine des variations héréditaires dans une population [modifier]

L'information génétique portée par l'ADN est relativement instable [modifier]

Les mutations préexistent à la Sélection naturelle
Les mutations préexistent à la Sélection naturelle

Pour qu'il y ait sélection, encore faut-il que plusieurs variations d'un même caractère soient présentes dans la population afin que la plus adaptée l'« emporte » sur les autres. En effet, dans l'exemple ci-dessus, si la totalité des individus sont identiques et porteurs de la variation phénotypique « fourrure blanche », en cas de réchauffement climatique aucun individu ne pourra survivre, et l'espèce s'éteindra. En cas de modification de l'environnement, pour qu'une espèce survive il faut qu'elle s'adapte par la sélection naturelle. Il est donc indispensable, qu'avant le changement du milieu elle présente en son sein une diversité génétique importante.

Cette diversité génétique a pour origine des modifications de l'information génétique dans l'ADN des cellules. Il s'agit:

  1. de mutations ponctuelles dans la séquence d'ADN des gènes ; ou de mutations plus importantes comme des réarrangements chromosomiques ;
  2. de recombinaisons génétiques qui se produisent lors des transferts d'ADN des bactéries et lors de la reproduction sexuée des eucaryotes.

On peut ajouter aux modifications du génome citées plus haut, une autre source de diversité génétique sont les migrations par lesquelles le stock génétique dans une population donnée se voit renouvelé par l'arrivée d'autres membres de l'espèces porteurs d'un pool génétique différent.

Il est important de noter que les modifications génétiques sont aléatoires : ce n'est pas l'environnement qui « dicte » quel gène doit muter, mais bien le hasard. C'est pour cela qu'on observe dans les populations beaucoup de variations inadaptées au milieu de vie (par exemple, les maladies génétiques rares). Une erreur courante consiste à croire que les modifications génétiques sont une conséquence de la sélection naturelle. En revanche la sélection naturelle a bien le pouvoir de cumuler les innovations adaptées, ce qui aboutit à des adaptations complexes.

La sélection naturelle agit après les modifications de l'information génétique [modifier]

C'est donc parmi la grande diversité génétique des individus, que vont ensuite être sélectionnés les phénotypes et les gènes les plus adaptés à l'environnement. Pour en faire la démonstration on pourrait simplement montrer que les phénotypes nouveaux étaient présents avant le changement du milieu. Ceci n'est pas toujours évident et quand bien même ce serait le cas , un mécanisme d'induction d'une mutation donnée par l'environnement n'est pas à exclure. C'est grâce à une astuce mathématique que Luria et Delbrück montrent que ce sont bien les mutations pré-existantes dans une population de bactéries qui sont sélectionnées quand on ajoute un virus.

Article détaillé : Expérience de Luria et Delbrück.

L'hypothèse des caractères acquis [modifier]

Sans aucune connaissance en génétique, Darwin n'avait aucune idée sur les mécanismes moléculaires à l'origine des nouveaux caractères. Sa théorie de la sélection naturelle n'excluait pas alors l'hypothèse des caractères acquis.

Dans la théorie initiale de Darwin telle qu'il l'expose dans L'Origine des espèces, ces variations entre les individus trouvent leur origine dans le fait que les individus vont acquérir des caractéristiques différentes au cours de leur vie. Ces caractères acquis seraient alors transmis à leur descendance et cela expliquerait les variations observées et l'évolution des caractéristique de l'espèce. Cette théorie dite de l'hérédité des caractères acquis que Darwin ne fait qu'utiliser mais n'a pas inventée, est appelée lamarckisme en référence au naturaliste Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829) considéré comme son père fondateur. Pour prendre un exemple courant, le lamarckisme expliquerait ainsi que les girafes ont un long cou car les individus tendent le cou pour atteindre les plus hautes feuilles des arbres et finiraient par avoir un cou très légèrement allongé, par conséquent leur descendants hériteraient d'un cou allongé. Les descendants eux-mêmes allongeraient leur cou de leur vivant et transmettraient un cou encore allongé à leur progéniture.

La théorie de l'hérédité des caractères acquis a été invalidée par les découvertes de la biologie dès la fin du XIXe siècle. Il a en effet été montré que les caractères acquis ne sont en général pas transmis. Cependant, les caractères innés sont bel et bien transmis au cours de la reproduction mais avec des variations qui suivent les lois de l'hérédité mendélienne, du nom de leur découvreur, Gregor Mendel (1822-1884) dont les travaux sur les lignées de pois ne furent redécouverts qu'au début du XXe siècle.

La sélection naturelle est compatible avec la génétique des populations [modifier]

La convergence entre la théorie darwinienne et la théorie de l'hérédité donnera alors naissance au cours des années 1930 à la génétique des populations, en particulier grâce aux travaux théoriques de Ronald Fisher. A la même période, grâce aux expériences de Thomas Morgan et Theodosius Dobzhansky sur les mouches drosophiles, les mécanismes moléculaires responsable des phénomènes d'hérédité génétiques commenceront à être identifiés. L'une des découverte majeure de la biologie sera alors de montrer que la diversité génétique qui garantit la variété des phénotypes est due à des modifications aléatoires du génotype (mutations, recombinaisons génétiques,...) en particulier lors de sa transmission d'une génération à l'autre, au moment de la reproduction.

Même si ce n'est pas le mécanisme qui avait été envisagé par Darwin dans sa théorie de la sélection naturelle, il n'en reste pas moins que ces processus permettent de rendre parfaitement compte de la sélection naturelle dans le cadre de ce qui est considéré comme la théorie centrale de la biologie moderne, la théorie synthétique de l'évolution ou synthèse néo-darwinnienne qui fait le lien entre les mécanismes aux niveaux de la génétique moléculaire et les phénomènes d'évolution à l'échelle des populations.

Ainsi la sélection naturelle peut se "mesurer" grâce à des calculs statistiques .

Article détaillé : génétique des populations.
Articles détaillés : valeur sélective et fitness.

Cas de sélection naturelle scientifiquement démontrés [modifier]

Il apparait aujourd'hui évident que tout organe ayant une fonction défini, par exemple la nageoire du poisson, est une adaptation à un milieu et le résultat d'une sélection naturelle. Cependant la démonstration scientifique doit, elle, passer par la mise en evidence d'une corrélation chiffrée entre les variations d'un caractère héréditaire et et celles d'un paramètre précis de l'environnement. Parmi les exemples les plus célèbres, on peut citer :

Les deux morphes du phalène du bouleau : le clair (à gauche) et le sombre (à droite). Les deux morphes du phalène du bouleau : le clair (à gauche) et le sombre (à droite).
Les deux morphes du phalène du bouleau :
le clair (à gauche) et le sombre (à droite).
  • Le mélanisme industriel de la phalène du bouleau en Angleterre: dans cette espèce de papillons, la proportion d'individus clairs a diminué du fait de la pollution qui noirçissait les surfaces des troncs d'arbre sur lesquels ils se posaient. En effet il étaient plus visibles pour leurs prédateurs. Les phalènes sombres qui existaient avant la pollution sont devenues majoritaires. Et puis le phénomène s'est inversé lorsque les industries polluantes ont progressivement disparu.
  • Les pinsons des Galapagos : les épisodes de sécheresse furent suivis par une raréfaction des graines molles et donc par une augmentation de la taille du bec des pinsons leur permettant de briser la coquille des graines restantes, plus dures.
  • La sélection naturelle chez les bactéries de résistances aux virus bactériophages a été mise en évidence par l'expérience de Luria et Delbrück. Ils ont en effet démontré pour la première fois que les mutations pré-existent à la selection et qu'elles sont bien aléatoires.

Sélection naturelle dans l'espèce humaine [modifier]

La sélection naturelle produit aussi ses effets dans l'espèce humaine :

  • La capacité chez l'adulte à digérer le lactose du lait a été sélectionnée dans les populations humaines originaires d'Europe du Nord où on élève du bétail pour son lait, mais pas dans d'autres populations où cet aliment est absent[2].
  • La persistance d'une maladie génétique comme la drépanocytose est due au fait que l'allèle responsable de la maladie confère aussi un avantage sélectif en augmentant aussi la résistance au parasite responsable du paludisme.

Relation entre sélection naturelle et les activités humaines [modifier]

L'homme peut aussi exercer involontairement une pression de sélection sur certains organismes dont l'évolution, en retour, peut être néfaste pour l'économie ou la santé humaine :



11/08/2007
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