Sommes-nous sexe-aequo ?

 

Sommes-nous sexe-aequo ?

Sexe-aequo ? Oui… Mais identiques ?  Non, alors même que revendiquer la différence des sexes à une époque où l'esprit unisexe domine est très mal vu. Pourtant le psychiatre Jean-Paul Mialet est formel : les différences entre hommes et femmes ne sont pas de simples artéfacts culturels. L'esprit comme le corps sont sexués. L'admettre pourrait résoudre bien des malentendus.

Doctissimo : Dans votre cabinet, les plaintes que vous avez retenues tournent principalement autour des appétits sexuels des hommes et du sentiment d'incompréhension des femmes. Pouvez-vous préciser ?

Sexe-aequo Jean-Paul Mialet : Les hommes se plaignent que les femmes n'ont pas les mêmes appétits sexuels. Ils sont volontiers "en manque" et ont sans cesse l'impression de quémander. Les femmes, elles, se plaignent de l'excès de leur demande. Elles semblent avoir besoin du désir de l'homme, plus que de la jouissance. Et elles ont l'impression que l'homme les ignore. L'orgasme, au final, n'est pas leur préoccupation majeure !

Doctissimo : Vous écrivez "qu'habiter un corps sexué façonne un style d'attentions différent selon le sexe".  Quel sont ces différents styles, dans les grandes lignes bien sûr ?

Jean-Paul Mialet : L'homme possède un corps doté d'un bel organe apparent, avec lequel il prend très tôt beaucoup de plaisir à jouer. L'érotisme est pour lui un jeu dans lequel il fait entrer son sexe et sa partenaire, une femme. Pour la femme, ce n'est pas seulement son sexe qui est concerné mais la totalité de son corps. Elle ne s'amuse pas avec le sexe, elle s'offre tout entière. Les déclencheurs du désir témoignent de cette profonde différence de l'univers érotique selon le sexe : pour lui, ils sont visuels, alors que pour elle, ils ne se rencontrent que dans l'intimité : ce sont les odeurs, le contact, les caresses....

Doctissimo : Les désirs de l'homme et de la femme sont-ils vraiment si différents ?

Jean-Paul Mialet : Oui, car l'érotisme à base visuelle favorise chez l'homme, une sexualité distanciée. Il se prête à des scénarios, à des films érotiques, bref, à un monde de fantasmes. La femme, elle, peut s'enflammer par la seule présence de l'homme, à condition qu'il se montre ardent et désirant. L'érotisme de l'homme est volontiers auto-érotique, alors que celui de la femme est hétéro érotique, elle a besoin du contexte de l'autre. "Il" est visuel et distancié, elle est sensuelle et en relation. Le malentendu vient du fait qu'elle se sent plus "objetisée" que désirée dans le cadre d'une relation.

Doctissimo : Selon vous l'esprit unisexe serait donc une imposture, même du point de vue de l'amour ?

Jean-Paul Mialet : Rappelons qu'il existe deux composantes bien distinctes qui nous constituent et qui sont inscrites en nous dès la naissance. L'une est érotique, et l'autre affective. Le besoin érotique est un besoin sexuel qui répond aux besoins de reproduction. Le besoin affectif est ce qui agrippe le nourrisson à sa mere : il se manifeste par un besoin de contact et de tendresse. L'amour est ce sentiment que l'on ressent quand on pense avoir trouvé le partenaire qui comble ces deux composantes distinctes de la quête d'autrui. Toutefois, le mélange du désir érotique et des besoins affectifs est délicat. Et les hommes ont plus de mal à réaliser ce mélange,  alors que les femmes conçoivent difficilement l'érotisme sans l'affectif. Dans l'amour, les hommes se sentent volontiers prisonniers des femmes, et les femmes menacées par les désirs des hommes. Cela  vient de ce que les femmes en sont restées à l'érotisme mêlé d'affection tendre des premiers mois de la vie dans les bras de maman, tandis que les hommes ont appris à prendre en main leur plaisir, et à s'agripper à leur "instrument" en dissociant la volupté de la sollicitude maternelle.

Doctissimo : La crise actuelle entre les deux sexes pourrait-elle provenir de ce leurre autour de notre égalité ?

Jean-Paul Mialet : Au nom de l'égalité nous voudrions gommer les différences, comme si nous étions identiques... Cela ne fait qu'engendrer de la confusion. Nous croyons que le comportement sexuel résulte de déterminants sociaux qui cloisonnent arbitrairement les deux sexes. C'est une vision très abstraite qui ne tient pas compte des dispositions différentes des hommes et des femmes que je viens d'exposer. Nier nos spécificités rend la situation critique. D'autant plus que notre époque exacerbe la sexualité des hommes en flattant leurs goûts pour les fantasmes visuels, dans la pub, les magazines le cinéma ou sur Internet. Cette sexualité est présentée comme la norme, alors qu'en réalité, elle est établie selon des normes essentiellement masculines auxquelles les femmes font semblant de se plier.

Doctissimo : Est-il possible néanmoins de s'accorder ?

Jean-Paul Mialet : En reconnaissant nos différences, plus qu'en les niant, pour commencer ! Puis l'homme devrait se rendre compte que ces désirs s'adressent à des leurres, s'ils ne sont pas soutenus par un partenariat d'ordre affectif. Il n'est pas toujours conscient de l'importance d'être satisfait dans ce domaine et doit répondre davantage à la demande de la femme d'être, plus encore qu'un objet de désir, un sujet d'attentions. Quant à la femme, souvent égarée dans des fictions romantiques, elle doit reconnaître l'importance de la connivence érotique pour se sentir unis. Le couple est une histoire qui se crée ensemble, et propose de produire à deux, quelque chose qui est au-dessus de chacun des partenaires, quelque chose que l'on n'aurait pas pu faire seul. "Nous" prend alors la priorité sur "Moi", sans l'effacer mais en l'enrichissant. Au nom du "Nous", hommes et femmes prêtent attention l'un à l'autre et cherchent à se comprendre.

Catherine Maillard

Créé le 23 mars 2011

Sex aequo. Le quiproquo des sexes. Jean-Paul Mialet. Editions Albin Michel.



03/06/2013
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