Cas clinique : Découverte d‘un site sur la cyclothymie
CTAH
01: Découverte d‘un site sur la cyclothymie
1/01/2009
Témoignages > Cyclothymie > Moi, ma cyclothymie...Moi ?
Ce témoignage nous a été transmis par Régis BLAIN et publié avec l’accord de l’auteur, Stépahnie
Je m’appelle Stéphanie, j’ai trente ans dans deux semaines.
J’ai découvert le blog (Cyclothymie & Vérité de Régis BLAIN) il n’y a pas très longtemps, en cherchant des informations sur ma maladie, diagnostiquée depuis, mais que j’ai découverte seule.
Je tenais â vous écrire pour vous remercier de votre travail qui m’aide souvent, et puis également pour apporter mon témoignage. Je ne sais plus qui a dit cette phrase mais la souffrance de quelqu’un est inutile si elle n’aide pas les autres â s’en sortir. Ainsi, en espérant que les suivants ne souffriront pas â leur tour dix ans d’errance médicale, et que mon histoire est intéressante pour un cyclothymique ou quelque travail? la voici :
J’ai très peu de souvenirs, et dans ma mémoire, les années, les visages et les évènements se mélangent dans le tourbillon permanent et infernal de mes pensées. Il est donc très difficile pour moi de raconter mon histoire, car je ne sais rien situer dans le temps avec précision.
Sur mon passé le plus lointain, je pourrais dire que je me souviens avoir été une enfant très solitaire. Longtemps j’ai cru que cela avait été lié â mon statut d’enfant unique. Aujourd’hui je ne sais pas, mais je sais que depuis toujours je me sens différente, comme venue d’un autre monde, et que mon approche des autres en a toujours été affectée.
Quand j’étais petite, je croyais que je venais d’une autre planète. J’étais entourée d’amour, et ce n’était nullement pour remettre en question mon appartenance â ma famille. Mais il a toujours été évident pour moi, même petite fille, que les gens autour de moi ne ? fonctionnaient ? pas comme moi : il n’y avait donc pas d’autre explication â mes yeux.
Le plus flagrant, était sur les émotions. Je voyais très bien que personne ne ressentait les choses comme moi, n’aimait comme moi, n’avait peur comme moi. Je me sentais extraterrestre, terriblement incomprise, et le monde, ne formant qu’un, contre ma personne, n’était qu’injustice et fatalité.
Je pourrais dire aussi que depuis toujours, je suis plus éveillée, plus attentive, plus sensible. Et la créativité, je dirais même l’obsession de la création, a toujours été lâ .
Je ne sais pas pour les autres, mais il est évident pour moi que je suis cyclothymique depuis toujours. J’ai été une enfant cyclothymique, et la maladie n’a pas attendu l’âge adulte pour se déclarer.
Mes premières terreurs se sont manifestées â l’âge de quatre/cinq ans. J’avais déjâ peur de la mort, il m’arrivait d’y réfléchir de manière obsessionnelle, et j’avais (â l’inverse ?) des nuits sans sommeil? Mon esprit encombré par des réflexions fulgurantes sur l’univers, Dieu, le sens de la vie. Je me souviens que je le trouvais parfois, et que le lendemain, je n’en avais plus aucun souvenir.
Tout cela semble terriblement sérieux â lire, mais pour moi c’était du délire d’enfant, et tout comme je passais mon temps â inventer des histoires, j’ai uniquement cru que j’avais une imagination débordante.
Il faut dire que j’étais une enfant très heureuse, épanouie, précoce. La ? maladie ? n’en était donc pas vraiment une. Je me sentais incomprise et rejetée, mais l’amour de mes parents et l’existence fusionnelle que j’ai eue avec eux m’ont suffi.
Jusqu’â l’adolescence?
C’est le début des idées noires, du sentiment qu’il n’y a pas de place pour moi, que je suis trop différente pour ce monde.
C’est aussi la période de tous mes excès : mon intolérance infernale des gens qui ne pensent pas comme moi, n’agissent pas comme moi. Mes amis n’ont pas intérêt â s’écarter du chemin que je trace pour nous, sinon je les expulse sans procès, persuadée d’être la détentrice de ce qui est bien et de ce qui ne l’est pas, et qu’on doit mesurer les choses â mon aulne. Je dis comment il faut se comporter, ce qu’on doit faire et ne pas faire. J’ai un avis sur tout, et je sais que c’est le bon.
Je suis jalouse et possessive. Je ne tolère même pas que mes amis aient d’autres amis. â?a me rend malade, j’ai l’impression qu’on m’abandonne. Si on aime quelqu’un d’autre c’est qu’on ne m’aime pas, car on doit m’aimer absolument et totalement, n’aimer que moi. S’il reste de la place dans leur coeur, c’est qu’ils ne me le donnent pas tout entier, â moi, alors je n’en veux pas.
Rien ne va assez vite : le temps, le rythme des cours, l’apprentissage. Les gens ne sont pas assez passionnés, engagés, révoltés. Je les trouve nuls, je trouve tout nul, en dessous de tout.
Alors je finis par m’enfermer. Au même moment, coâ?ncidence ou pas, je découvre le cinéma. Je deviens cinéphile, hyper cinéphile, obsédée par le cinéma. Je ne pense plus qu’â une seule chose : voir des films et en faire. J’écris des histoires depuis toujours, le cinéma devient ma vocation et plus rien d’autre n’a d’importance.
Je passe, plusieurs années, enfermée dans le noir de ma chambre, par toute saison, â visionner des milliers de films. Je n’en sors que pour manger et aller au lycée.
Je crois que mes parents ne disent rien car les autres ont de gros problèmes avec leurs ados, alors que moi je suis sage, gentille, obéissante, excellente élève, je ne sors pas le samedi soir et je ne fréquente pas les garçons. Je reste â la maison, je ne fais pas de bruit, j’aime mes parents et je ne me dispute pas avec eux. J’ai aussi des amis que je vois le mercredi. Parfois ça finit en drame (voir les causes plus haut) mais cela n’a pas l’air très différent des autres histoires adolescentes.
Alors la maladie passe encore inaperçue.
Mais quelle maladie ?
ps : en gras, des signes évocateurs de cyclothymie juvénile (par Dr H.)
02: Ma cyclothymie devient un -trouble-
1/01/2009
Témoignages > Cyclothymie > Moi, ma cyclothymie...Moi ?
La séparation avec mes parents ne me marque pas : je suis trop passionnée par ce que je fais, par la nouveauté, par le destin en marche. Je suis avec ma meilleure amie, je ne suis donc pas seule. J’ai appris que je dois me tenir éloignée des autres avec qui je ne m’entends jamais. Tout va bien. Je contrôle. Je suis solitaire et secrète, sûrement effacée aux yeux du reste du monde, mais je m’en fous.
En deuxième année je rencontre mon mari.
Je n’ai eu que très peu d’histoires d’amour jusque-là, car comme dans tout, je ne souhaite que l’absolu, l’extrême, le ? comme je l’ai imaginé ?. Je me sépare vite des garçons car ils ne sont pas assez bien, et ils ne m’aiment pas comme je les aime (j’aurais dit à l’époque : comme on doit aimer) infiniment, romantiquement, avec folie.
Mon mari est plus âgé. Il a treize ans de plus que moi. Je le rencontre alors qu’il reprend des études. Au milieu du reste de l’université, il est mille fois plus cultivé, intelligent, passionné, mâture. Il est le premier (et restera le seul) à être à la hauteur de moi. C’est prétentieux, mais c’est ce que je ressens. Il est intègre, engagé, compréhensif, sensible. Il a une vision des choses et du monde, alors que pour moi, les autres ont les yeux fermés, pas volontairement mais comme s’il leur manquait un des sens que j’ai moi.
Il devient ma passion, et peu à peu, je laisse cet amour prendre toute la place. J’oublie mes ambitions : je ne veux plus que vivre avec lui, me marier, avoir une maison, être une femme au foyer.
Quand une chose suscite mon intérêt, je m’y consacre totalement. Je m’appelle "la jusqu’au-boutiste".
Il n’y a jamais ni d’à peu près, ni de demi-mesure avec moi. Je ne sais jamais m’arrêter, mais je devrais plutôt dire : "je ne m’arrête pas", car c’est volontaire. Pour moi il faut toujours aller jusqu’au bout, se consacrer totalement. La demi-mesure est une faiblesse à mes yeux, un manque de caractère (à l’inverse je peux changer de passion du jour au lendemain, et laisser tomber ce qui m’intéressait à la folie auparavant sans remord - mais moi j’ai le droit.
Je donne donc à cet amour toute la place, toute ma vie, et brusquement, je bascule dans une dépression terrible, et j’ai l’impression de me réveiller dans la peau de quelqu’un d’autre.
J’ai entre vingt et vingt-trois ans, mais toute cette époque est déjà très floue dans mon esprit. J’ai passé plus d’un an à écrire un roman (le cinéma étant désormais un rêve inaccessible, laissé de côté car il n’est plus question de "monter à Paris" depuis que je vis avec mon mari). J’ai donc forcément eu une phase hyper-créative, agitée, passionnée.
A l’inverse et brutalement, quelque temps plus tard, je me retrouve hyper-anxieuse, négative, épuisée, et d’une tristesse infinie, absolue, que je n’ai jamais connue et que je ne comprends alors pas, car elle n’a aucune raison d’être.
Je suis obsédée par l’idée que mes parents ou mon mari vont mourir très bientôt, et brutalement. J’en imagine toutes les causes possibles, je suis morte d’angoisse au moindre de leur déplacement, et cette peur paralyse tout. Je fais des crises d’angoisse pendant lesquelles je suis persuadée que je vais mourir moi-même. Je l’ignore, mais c’est de la spasmophilie. C’est donc bien connu, mais je pense alors que je suis la seule à éprouver cela, car je n’ai jamais été confrontée à la dépression, ni aux troubles anxieux, je ne fais donc pas le lien avec ce que je vis.
Je consulte un médecin. J’en ai déjà vu un, il y a un an ou deux : j’ai déjà eu une première phase dépressive, moindre, pendant laquelle j’ai beaucoup grossi, et eu le sentiment "d’être quelqu’un d’autre". Mais tout est passé inaperçu : en deux mois, je saute de 47 à 54 kilos, mais c’est parce que "vous devenez une femme". Je ne suis pas comme d’habitude, bizarre, mais je l’explique moi-même par la pilule, que je prends depuis plusieurs moi. "Hé bien on va l’arrêter !" sourit-il. "Vous savez, j’ai tout entendu sur la pilule...". Le diagnostic n’ira pas plus loin. C’est sa faute et la mienne.
Cette fois, je ne vais vraiment pas bien. Mais je n’arrive pas à m’exprimer. J’ai honte, j’ai peur, je n’ai pas été écoutée la dernière fois. Pire : j’ai beaucoup de mal avec les docteurs depuis que mon médecin de famille, chéri adoré, qui m’a vu naître, en qui j’ai confiance, est décédé brutalement. J’ai peur des médicaments, de l’engrenage que cela pourrait impliquer. J’explique cependant que je suis angoissée, que je dors mal, je sors alors avec une prescription. Il se trouve que mon mari a eu une crise d’épilepsie il y a peu de temps : tout le monde pense, et à juste titre sûrement, que c’est pour cela que je ne vais pas bien. Je dois avoir du mal à m’en remettre... La pharmacienne m’explique que "le Spasmine n’est pas bien méchant. C’est un truc aux plantes". Je le prends donc sans rechigner.
"Du mal à s’en remettre ?"
C’est ce qui arrive aux gens "normaux". Moi je suis cyclothymique : le moindre événement est donc susceptible d’avoir des répercussions dangereuses sur ma santé.
Mais je l’ignore. Je prends le Spasmine, tout passe, et je crois que cela n’arrivera plus jamais.
03: Humeur, poids, énergie, sommeil... quels liens ?
1/01/2009
Témoignages > Cyclothymie > Moi, ma cyclothymie...Moi ?
Avec mon mari, nous déménageons, et nous nous rapprochons de ma ville natale, de mes parents. Je change de travail (je trouve d’ailleurs mon premier vrai travail) : je suis seule â m’occuper d’un vidéo-club, en tant que salariée. C’est formidable pour quelqu’un de très jeune et qui aime les films.
Mon roman n’a pas été publié car malgré les encouragements d’une prestigieuse maison d’édition, je n’ai pas trouvé (eu, en fait) l’inspiration pour le retravailler. Cependant j’ambitionne dorénavant d’en faire un scénario de film.
Je dois sûrement me retrouver â nouveau dans une phase créative et exaltée. J’écris tout en trois mois, puis je replonge dans une fatigue terrible, et vois ressurgir mes peurs paralysantes.
J’ai pris â nouveau du poids : je suis dorénavant â 57 kilos, alors que je jure que je n’étais encore qu’â 54, la semaine d’avant. Je suis â nouveau négative, désespérée. Je pleure tout le temps, pour un rien. Je ne comprends pas.
Je me dis alors, pour la première fois, qu’il y a ? quelque chose qui cloche ?.
C’est un jour décisif dans ma vie, le jour où je me suis dit cela.
C’est seulement â l’âge de vingt-huit ans que j’ai envisagé la possibilité qu’il puisse y avoir en moi quelque chose de biologique, d’involontaire, qui me nuise.
C’est la première fois où je me suis rendue compte que ce que je ressentais dépassait le simple trait de caractère, la simple façon de penser, de voir les choses.
Je me suis dit : tu es peut-être malade. Tu dois forcément avoir quelque chose, car tu ne contrôles plus rien, tu as perdu la maîtrise de tout, de tes pensées, de tes émotions, de ton corps. Ce n’est pas normal.
Alors j’ai cherché sur Internet. Je n’ai pas eu de chance : la première fois, je me suis gourée de piste.
J’ai imaginé un problème hormonal. Je me suis dit, connement, que l’humeur, le poids, l’énergie, le sommeil? c’était une question d’hormones. J’ai lu des descriptifs assez ressemblants. Je me suis reconnue (mais pas entièrement) dans les problèmes féminins de thyroâ?de.
Alors je vais chez le médecin. J’ai de la chance : depuis mon déménagement j’ai retrouvé quelqu’un que je connais depuis longtemps, en qui j’ai confiance, et avec qui je suis â l’aise. Je lui raconte tout ce que je ressens alors, surtout l’angoisse, et ce que j’ai vu sur internet. Il m’ausculte. Il est très sceptique. Il dit : ? J’en ai vu des dérèglements hormonaux? ?. Dans mon cas, on dirait bien que ce n’est pas cela.
Pourtant ma mère a des problèmes de thyroâ?de, nous faisons donc des examens dans ce sens (plusieurs prises de sang éloignées, et même une échographie) : rien. Dans le même temps il m’a prescrit du Buspar, un anxiolytique léger. Je ne sais pas s’il fonctionne ou si la roue de la cyclothymie tourne une fois de plus, mais les troubles disparaissent? et une nouvelle page s’ouvre â moi.
Je passe quelque temps tranquille. Quelques mois seulement, car la santé de mon père se dégrade brutalement. En décembre 2007 nous apprenons qu’il a une leucémie, et il en mourra très rapidement en février de l’année suivante, â soixante-neuf ans.
Ce qui reste très clair â mes yeux, c’est que de décembre â mai, je me suis comportée ? normalement ? et j’ai éprouvé ? des choses normales ?. J’ai eu peur, j’ai eu mal, j’ai eu un chagrin terrible? mais normal. J’ai eu une période de deuil normale.
Et puis tout a explosé.
J’ai fait, involontairement du point de vue de la maladie, mais volontairement du point de vue de mes actes, de ma vie un désastre. Je ne sais pas si c’est la mort de mon père, la cyclothymie â un point culminant ou bien les deux, mais une onde de choc a soudain traversé mon existence, et ma vie toute entière, moi toute entière, sommes devenues un cataclysme.
En mai de l’année dernière j’ai brusquement eu l’envie de tout changer. J’ai voulu commencer par devenir quelqu’un d’autre, une autre femme. Curieusement, enfin une femme : car j’ai toujours eu du mal avec ma féminité. Je me suis toujours considérée comme un garçon manqué, quelqu’un de très énergique, un peu exubérant, très libre, sûrement pas femme.
Hé bien tout â coup je suis devenue une femme fatale. J’ai pris une assurance que je n’avais jamais eue : j’ai su tout â coup comment séduire les hommes et j’y suis arrivée, au-delâ de toutes mes espérances. C’était un jeu et finalement? finalement?
04: Amoureuse de deux hommes
1/01/2009
Témoignages > Cyclothymie > Moi, ma cyclothymie...Moi ?
Finalement j’aime à présent un autre homme, en plus de mon mari.
J’insiste sur le "en plus". Un deuxième homme. Je ne l’aime pas à la place : je les aime tous les deux.
Il se trouve que j’ai un nouvel emploi depuis le mois de janvier 2008. Bien sûr j’ai remarqué ce garçon, mais je ne suis encore que ce que je suis normalement : une jeune fille réservée, gentille. Il me plaît, mais il n’y a jamais eu que mon mari dans mon coeur, dans ma vie, dans mes pensées, dans mon sang. Je n’ai jamais regardé les autres hommes. Je continue de les trouver bien fades à côté du mien.
Et puis tout à coup ma vie m’ennuie. Je m’ennuie. Tout m’ennuie. J’ai perdu mon père et je sens en moi bouillir une soif d’expérience et de révolte contre le sort et la connerie des évènements. Puisqu’il n’arrive jamais de soi-même que des catastrophes, je veux tout à coup m’employer à créer "de belles opportunités".
"De belles opportunités"
C’est que créent les gens "normaux".
Quelqu’un de normal, l’homme dont je suis tombée amoureuse.
Il vit avec son amie depuis plus de dix ans, il a deux enfants. Il s’ennuie, mais il s’ennuie "normalement", comme tout le monde peut s’ennuyer dans des existences similaires. Il s’ennuie un peu comme tous les hommes, c’est-à-dire qu’il ne s’ennuyait peut-être pas vraiment, mais bon il y a une jeune femme de vingt-neuf ans qui le drague ouvertement, alors?
Alors voilà. Je me suis laissée aller à l’aimer totalement, follement, sans aucune limite. Sans me poser de question. Sans culpabilité aucune.
Dans la première phase (la bonne, celle dont on ne voudrait jamais sortir), j’ai même considéré que c’était normal, que c’était mon dû. Cette putain de vie avait été dégueulasse alors je me servais au rayon des gourmandises. Et je le faisais à volonté, puisque depuis toujours j’avais été sage, obéissante, gentille, prévenante, sérieuse, responsable? et que je n’étais pas récompensée. Au contraire, on m’en mettait plein la gueule. Je ne sais pas qui, mais quelqu’un. Forcément. Et injustement.
Je trompe mon mari pour laver l’affront, l’injustice, le manque de bol. Cela n’a pas de rapport, mais, l’année dernière, tout cela était pourtant très clair dans mon esprit.
Cela fait un an maintenant, et il ne reste que la désillusion. Le réveil.
Très vite je me suis effondrée à nouveau. Mon histoire amoureuse a commencé en mai 2008. Fin juin, j’allais déjà très mal.
J’ai sombré dans une dépression terrible. J’avais déjà été triste, malheureuse. J’avais déjà pleuré pour un rien. Mais là je me suis noyée, jusqu’au soir où j’ai dit à mon mari que mon cas était désespéré, que j’étais irrécupérable, qu’on ne pouvait rien faire de moi et qu’il valait mieux en finir.
Mon mari a toujours su pour cette histoire.
Dès le début, je lui ai dit, car je ne supporte pas le mensonge. Je suis obsédée par la vérité et par ce qui est juste, depuis toujours, je n’ai donc pas failli à ma réputation d’intransigeante. De plus j’aime trop mon mari pour lui cacher quoi que ce soit, et notre amour est trop absolu pour que l’on se cache quoi que ce soit. Les choses ne valent pas le coup d’être vécues si je ne les raconte pas à mon mari : je ne pouvais donc pas aimer un autre homme sans lui en parler, sans le partager avec lui.
Tout a été très dur pour mon pauvre chéri. En peu de temps, on lui a changé sa femme : il avait épousé une fille qui voulait être la femme d’un seul homme, qui prônait la fidélité, qui n’avait d’yeux que pour lui, et du jour au lendemain il s’est retrouvé avec une séductrice délurée, à l’appétit sexuel décuplé, qui ne prônait plus que la liberté et les joies des nouvelles expériences?
Je ne sais pas comment il fait pour s’y retrouver dans tout cela. Comment il fait pour me retrouver moi, au milieu de cette superposition de personnalités, dont je ne sais pas moi-même reconnaître la vraie.
Il est toujours là en tout cas. C’est un miracle et la chance de ma vie. Il reste ma seule voie de guérison, le seul moyen de m’en sortir.
Si je m’étais réveillée de tout cela sans lui, avec lui parti par ma faute, mon comportement? je ne sais pas si je serais encore là pour témoigner.
05: Suspicion de bipolarité = antidépresseur seul !
1/01/2009
Témoignages > Cyclothymie > Moi, ma cyclothymie...Moi ?
En novembre 2008,
après cinq mois de dépression très grave, je me décide â consulter â nouveau mon médecin.
Par vanité, il faut encore que j’aille sur Internet essayer de comprendre ce qu’il m’arrive. Par un concours de circonstances (un article dans la presse + un personnage vu dans un film qui me ressemble + un début de recherche qui mène tout de suite â la bonne piste) le grand mystère de moi se révèle enfin : je découvre les troubles bipolaires.
C’est la révélation de ma vie.
Je n’ai pas de mots pour décrire ce que je ressens â la lecture des descriptions, des témoignages. C’est un mélange de plein de choses, tout comme tous les sentiments se sont toujours mélangés furieusement en moi : la tragédie d’apprendre que l’on est malade, et sérieusement malade, le soulagement de pouvoir enfin y mettre un nom, un diagnostic, l’exaltation de voir enfin que l’on n’est pas tout seul, que l’on est des milliers, la peur de ce qu’il va se passer ensuite?
Ensuite?
Il faut d’abord parler avec le médecin. Il ne va pas me croire, et puis je ne vais pas arriver â expliquer. Il va dire que je ne peux pas m’auto-diagnostiquer, que c’est n’importe quoi. Peut-être qu’il va être en colère.
Mais je commence â parler, â dire que voilâ , cela fait deux fois déjâ en ce qui nous concerne (je ne compte pas les autres médecins) et puis ça s’en va tout seul, comme ça, mais ça revient, c’est revenu, c’est horrible, et puis j’ai fait n’importe quoi juste avant (je ne veux pas raconter quoi). Il dit : ? Alors? c’est très clair ?.
Et depuis, il y a une lumière au bout du tunnel.
Je suis encore loin d’en sortir, malheureusement. Mais je la vois. J’étais dans le noir avant. â?a change tout.
Je croyais que mon cas était désespéré. J’en étais persuadée. Cela ne me dérangeait même pas d’en mourir. Je trouvais que c’était dans l’ordre des choses. La suite logique.
Il me prescrit d’urgence un antidépresseur, â prendre uniquement après confirmation auprès d’un psychiatre. Il aimerait que je voie un confrère, un ami, mais ce n’est pas possible pour l’instant. Alors, je suis orientée vers quelqu’un d’autre.
C’est un gentil psychiatre, très gentil. Je suis très heureuse du déroulement de la séance, car j’ai déjâ essayé d’aller voir une psychologue une fois où j’allais mal, et je suis tombée sur quelqu’un qui ne m’a pas parlé pendant une heure, et ce silence m’avait terrifiée, je n’y étais pas retournée.
Lâ , on me pose plein de questions. Je voudrais même pouvoir parler un peu plus ! Le diagnostic est bien évident : je souffre de troubles bipolaires. J’accepte de prendre l’antidépresseur (Seroplex) je suis même très contente de commencer. Pour un régulateur de l’humeur on verra plus tard.
Le psychiatre me propose de commencer également une psychothérapie. J’accepte sans hésiter, car je traîne trop de choses derrière moi. Nous avons des débuts de pistes : spécialiste de l’enfance et de l’adolescence, il s’est évertué â me questionner sur mon passé, et je lui ai parlé de la lourde opération cardiaque que j’ai subie â l’âge de quatre ans et demi. Il lui semble que j’ai dû être en partie traumatisée par ces évènements (dont je ne me souviens pas du tout). C’est possible, je suis d’accord pour aller plus loin.
Nous n’irons nulle part tous les deux.
Au bout d’une semaine je me sens mieux, Seroplex ou autre raison. Pour la première fois depuis des mois je me réveille en ayant passé une nuit réparatrice. J’ai l’impression flagrante que mon cerveau a été ? reconfiguré ? pendant la nuit*.
Je me souviendrai â jamais de cette sensation.
* commentaire EH: typiquement les virages de la dépression vers l‘hypomanie se font au cours du sommeil - que ce soit un virage naturel, spontané ou induit par un antidépresseur - Déjâ en 1854, Baillarger signalait que les changements de polarité se font dans le sommeil (â l‘époque, il désignait la bipolarité de "Folie â Double Forme")
06: Mon état se détériore malgré le traitement
1/01/2009
Témoignages > Cyclothymie > Moi, ma cyclothymie...Moi ?
Au fil des semaines,
je pleure moins, je suis moins fatiguée, même si cela ne change rien aux évènements. Je ne sais pas pour les autres, mais moi, c’est par pallier.
L’évolution est flagrante après certaines nuits. Je me souviendrai également â jamais d’un jour où je me suis rendue compte que je chantais une chanson en faisant le ménage, et que je me suis rendue compte également que cela n’était pas arrivé depuis des mois.
Par contre, avec le psychiatre, rien.
Très étrange. Nous n’avons jamais réellement discuté de moi, de ma vie. Il ne me reçoit que dix minutes la deuxième fois, puis vingt, puis dix â nouveau. Il ne pose plus de questions. Au départ j’ai cru qu’il fallait que je commence, que je lance quelque chose, alors j’ai essayé, mais cela n’a mené â rien : quand je commence â raconter il finit par parler plus que moi, et dériver sur le fait que j’ai l’air d’aller bien, et de m’en sortir. Il me reçoit comme un généraliste, pas comme un thérapeute. La fois suivante, il se trompe dans le jour de notre rendez-vous : je ne rappellerai pas pour en prendre un nouveau.
Je lis tous les livres qui me tombent sous la main sur les troubles bipolaires et la dépression. Je fouille les sites Internet, et c’est comme cela que j’ai trouvé le blog ? Cyclothymie et Vérité ?. J’ai été très envieuse du groupe de travail que vous aviez créé, car je donnerais n’importe quoi pour rencontrer quelqu’un ? comme moi ?.
Je ne me suis pas reconnue dans les livres sur la maniaco-dépression, les troubles bipolaires sévères, car mes phases sont beaucoup moins marquées, et plus rapides. Aujourd’hui c’est même plus flagrant qu’avant : la cyclothymie me poursuit tous les jours. Tous les jours j’ai au moins une variation sinon trois, et jusqu’â six. Des états mixtes, aussi.
Actuellement je lis le livre du Docteur Hantouche et de Vincent Trybou ("Soigner sa Cyclothymie"): j’ai commencé un tableau où je note tout, rigoureusement comme ils y invitent, et mes variations d’humeur sont lâ , sous mes yeux maintenant. La maladie, ou la différence, est partout. Je la vois alors qu’avant je me demandais pourquoi j’agissais comme cela, pourquoi je ressentais tout cela.
Me voilâ sous antidépresseur depuis novembre 2008. Je dirais que j’allais bien, avec des hauts et des bas, avec du ras-le-bol parfois de ces montagnes russes, avec des crises de larmes quand même, mais bien.
Seulement il est en train de se passer quelque chose : depuis deux semaines, je me trouve â nouveau dépressive. Je ne contrôle â nouveau plus ma douleur. Je souffre en permanence. Les sensations physiques de l’angoisse sont revenues.
Et encore, je pourrais tolérer mon état (car j’ai entrepris un gros travail d’acceptation de ma nature) mais je ne supporte plus les effets de mes troubles sur mon entourage, et mon travail.
Je culpabilise vis-â -vis de mon mari, qui vit avec une femme malheureuse la moitié du temps, et â qui je demande également, â l’inverse, de me partager avec un autre homme.
Je culpabilise vis-â -vis de mon deuxième homme, qui vit un enfer â cause de moi, car le manque de temps pour nous deux (lui cache tout â sa femme) ma jalousie et mes doutes éternels, font qu’il doit régulièrement faire face â de grosses crises de ma part.
Je culpabilise par rapport â mon travail, car ce n’est pas évident non plus pour mes collègues de comprendre quoi que ce soit â mes états d’âme, et encore moins â mes histoires d’amour. Sans parler des jours où je vais trop mal pour travailler correctement.
Je suis inquiète pour l’avenir, c’est pour cela que j’ai écrit tout cela.
Demain je retourne voir mon généraliste, que je n’ai pas vu depuis un moment. Je vais lui demander de me prendre un rendez-vous avec son ami qui est psychiatre et que je devais voir au début. Mais je me demande si un médecin qui n’est pas spécialiste de ce que j’ai, saura mieux comment s’y prendre avec moi.
Je suis inquiète également car je ne sais pas si je dois prendre un autre traitement, un régulateur de l’humeur. Dans l’absolu je ne voudrais pas. Je voudrais enfin arriver â me débrouiller avec ce que je suis. J’ai l’impression qu’il n’en faut pas beaucoup, mais qu’il faut qu’on m’aide â y voir clair.
Car je suis inquiète, pour finir, de ne pas savoir qui je suis en réalité, et ce qui relève des troubles.
J’ai trente ans dans deux semaines, et alors que je devrais me sentir jeune, heureuse et épanouie par tout l’amour que je reçois, tout me fait mal, rien n’est suffisant, rien ne me va jamais.
Si je peux aider en quoi que ce soit quelqu’un par mon témoignage, alors au moins, les trente années qui viennent de s’écouler n’auront pas été inutiles.
07: Besoin d‘être aimée, une addiction ?
1/01/2009
Témoignages > Cyclothymie > Moi, ma cyclothymie...Moi ?
Voilà, mon anniversaire vient de passer. J’ai trente ans maintenant. Super.
C’est surtout deux semaines affreuses qui viennent de passer, alors qu’au départ, les choses allaient plutôt en s’améliorant.
D’abord il y a eu Régis.
Quand j’ai envoyé mon témoignage, bien sûr j’attendais qu’il me réponde le lendemain. Mais je me connais, maintenant, je sais comment je suis. Je sais que j’attends trop des gens, comme s’ils n’avaient que moi à qui se consacrer, que je veux tout tout de suite, que je cherche toujours l’absolu. Alors j’avais mis de l’eau dans mon Beaujolais (comme je disais avant, quand j’habitais à Villefranche-sur-Saône). Je m’étais dit que peut-être, je n’aurais jamais plus de nouvelles, et que la vie est comme cela, je le vois bien : jamais comme mon cerveau l’a anticipé, quand bien même en cinq minutes il a déjà imaginé cent façon pour un évènement de finir.
Régis a répondu le soir-même. Et pas quatre lignes sans saveur : quatre lignes que j’aurais pu écrire moi. En fait, ce que j’aurais répondu, moi, à moi-même.
Et depuis, quand je lui envoie quelque chose, il répond souvent dans les heures qui suivent. Je ne sais pas pourquoi il répond toujours deux fois (à chaque fois je pense au Facteur sonne toujours deux fois). Il a toujours oublié quelque chose, ou bien alors il s’est relu et il n’est jamais satisfait. Je ne sais pas pourquoi il fait ça, mais ce que je sais, ce que je vois, ce que je sens, c’est qu’il est comme moi.
Il m’a donné son numéro pour que je l’appelle. Bien sûr que j’aimerais, mais je ne suis pas capable de faire ce genre de choses. Si on me demandait : "Et votre relation avec les autres ?", je répondrais : "Non merci? j’ai arrêté".
Les autres ? C’est chronique d’un désastre annoncé.
Annoncé, parce qu’avec les cartes que j’ai en main, jamais personne ne s’avancerait au poker. C’est joué d’avance avec les autres, avec toute personne que je rencontre. Il y en a une parfaite description dans le livre du Docteur Hantouche.
Quand je rencontre quelqu’un je veux qu’il m’adore. Qu’il me trouve sympa et amicale n’est absolument pas suffisant. Je veux marquer son esprit à jamais, devenir le numéro un de son coeur. Et si c’est un garçon, qu’il m’aime.
Pour cela, je transforme souvent ce que je suis, comment je suis. C’est très facile. C’est devenu facile avec le temps et de l’entraînement. Je deviens flamboyante, lumineuse, sulfureuse (les garçons adorent) ou alors ? trop chou ? si c’est pour une fille. C’est un peu comme ces oiseaux qui se parent de mille couleurs au printemps.
Je me déteste quand je fais ça. C’est un double signe : d’abord cela montre bien que c’est une mauvaise idée, et ensuite, cela provoque exactement l’inverse de l’effet voulu. Quelque temps plus tard, très vite, je me rends compte que du coup, on m’a remarqué pour des traits qui ne sont pas véritablement dans mon caractère, et qu’on ignore donc tout de ce que je suis. A partir de là , c’est la panique : je vois bien que quand on va découvrir que je ne suis pas rigolote mais sombre et dépressive, le charme va s’envoler.
C’est la douche froide pour les gens, "les autres". Comment leur en vouloir ? Comment finir par être malheureuse qu’ils ne comprennent rien à moi, et qu’ils laissent tomber ?
Alors voilà, les autres, j’ai arrêté. C’était comme la cigarette pour moi (enfin je suppose) : une addiction, tellement j’ai besoin d’être aimée, tellement je recherche la compagnie, l’attachement.
08: Quelle est la part de la génétique dans tout cela ?
1/01/2009
Témoignages > Cyclothymie > Moi, ma cyclothymie...Moi ?
Lorsque mes relations ? foiraient ?, je trouvais cela injuste. J’en voulais â mes amis de ne pas arriver â me suivre, de ne pas me ressembler, de ne pas faire la part des choses entre mes apparences, et ce que je suis. Pour moi, ils devaient m’aimer tellement qu’ils devaient presque arriver â lire dans mes pensées, â tout deviner, â anticiper mes désirs. J’ai toujours fini par les haïr de ne pas y arriver, comme si c’était de la haute trahison, dès lors que je sentais qu’ils s’éloignaient.
Je trouve que le cyclothymique ressemble beaucoup â un enfant gâté. Je continue de ne pas être sure, d’ailleurs, que tout ce que je suis ne relève pas uniquement de cela. Longtemps mes parents ont tout fait pour moi. Quand j’étais petite ma mère ne travaillait pas, et j’étais tout le temps avec elle. Parfois j’ai l’impression que toute la maladie a découlé de lâ : je passe mon temps, vainement et par vanité, â lui chercher un(e) remplaçant(e), pour ma vie d’adulte. Où serait la génétique dans tout cela ?)
Depuis que j’ai grandi, mûri, appris, j’ai donc mis de l’eau dans mon vin. Je sais maintenant que quand je rencontre quelqu’un, quand j’arrive dans un groupe, il faut que je fasse attention â comment je réagis, comment je me comporte.
Mais â l’heure actuelle, cela ne change pas grand chose. Maintenant je n’essaye plus de jouer avec mes cartes, car je sais que ma main n’est pas bonne. Du coup, je suis seule aussi. Où est le progrès ?
Quand je regarde le numéro de téléphone de quelqu’un, mon cerveau a déjâ écrit la suite de l’histoire : tu vas appeler, tu ne vas pas savoir quoi dire et du coup ce sera nul, ou bien tu vas dire n’importe quoi et du coup il(elle) ne t’aimera pas, ou bien tout va bien se passer et du coup tu voudras être sa meilleure amie.
Dans tous les cas, c’est décevant, c’est dur, c’est douloureux, alors je n’essaye plus rien. Mon plus grand rêve est d’être comme mon mari : ne pas avoir besoin de la compagnie des autres, ne pas avoir peur d’être seule (aimer être seule !). Dans ce cas-lâ , arriver â rien ne me ferait pas de peine.
Heureusement, il y a l’écriture.
Plus le temps passe, et plus j’aime écrire. Mieux : alors qu’au départ c’est pour moi que je le fais, alors que je ne me pose aucune question sur ce qui va advenir, tout ce que j’écris touche les autres, et ils me comprennent? enfin.
Alors que je déguise constamment mes paroles, mes émotions, mes réactions, tout ce que j’écris est toujours cent pour cent honnête et juste. Il n’y a qu’en me lisant qu’on peut savoir qui je suis.
Dans ma vie, il y a donc du nouveau : parce que j’ai cette façon de me livrer j’ai réussi â trouver des personnes qui savent ? comment je fonctionne ?.
Il y a, bien sûr, mon second amour, â qui j’écris chaque soir et qui me répond (quand il peut) de longues lettres enflammées. Et puis M., mon amie, ma collègue â quelques bureaux de moi, mais avec qui j’échange de longs messages désespérés sur la hiérarchie, la vie, les garçons. On s’écrit chaque soir également, sans qu’elle ne se soit jamais lassée de ces échanges avec une gamine de vingt ans de moins qu’elle, alors que cela demande beaucoup de temps, de patience, d’énergie, d’investissement? d’amour, tout ce que j’exigeais auparavant sans l’obtenir.
Et puis Régis a bien fait les choses : il a fait circuler mon témoignage, et aujourd’hui tout ce que je raconte (ce que je continue d’appeler ? mes élucubrations littéraires égocentriques ?) sert peut-être â quelque chose, ou quelqu’un.
Je peux même correspondre avec d’autres personnes qui sont cyclothymiques, comme moi. Je peux lire d’autres témoignages, sur le site du CTAH.
Je raconterai plus tard la suite des évènements, ces nouvelles rencontres. Tout allait mieux, sauf qu’il a fallu que j’aie envie d’organiser ma soirée d’anniversaire?
09: Je me sens la seule excentrique au milieu de normalité !
1/01/2009
Témoignages > Cyclothymie > Moi, ma cyclothymie...Moi ?
Pour résumer, j’ai essayé d’organiser une soirée sympa pour mes trente ans avec mes collègues. Si vous avez déjà essayé de planifier un événement ou quoi que ce soit pour un groupe, vous savez dans quelle galère je me suis jetée. Hé bien imaginez le truc pour une cyclo comme moi, obsédée par la perfection et en attente d’une soirée hors du commun et remplie d’amour ? Une catastrophe sentimentale !
Pour choisir la date il a fallu une semaine, en changeant à chaque fois pour un tel ou un tel. Et puis finalement c’est tombé sur vendredi dernier, le vendredi où toutes les écoles de France et de Navarre organisaient leur kermesse. Mes collègues ayant tous des enfants, ils se sont désistés les uns après les autres, jusqu’à ce qu’il n’en reste que huit sur quarante. Puis sur les huit, trois sont venus.
J’ai donc "fêté" mon anniversaire à quatre. D’accord on a bien rigolé, mais de retour chez moi, mon humeur a changé, et j’ai sombré dans la déception et le tragique.
Cette semaine, pour la première fois, je suis en arrêt maladie. Je n’ai jamais voulu arrêter mon travail : je voulais toujours arriver à faire la part des choses, à séparer mes problèmes personnels d’humeur, et mon boulot. Mais là j’ai atteint mes limites.
Je n’ai pas voulu retrouver tout le monde lundi, alors que personne n’est venu à mon anniversaire. Et puis il y a cette histoire de prime. Nos chefs nous ont attribué (ou pas, en ce qui me concerne) des parts d’après nos résultats. Les miens sont bons, sauf que ?
C’est la première fois qu’on me reproche ouvertement mon caractère. Cet entretien avec mes responsables a été un cauchemard. Je n’avais jamais imaginé que ma cyclothymie pourrait poser problème "professionnellement". Hé bien voilà, nous y sommes. J’y suis.
Voilà que maintenant, j’ouvre trop ma gueule, il m’arrive d’être négative, trop critique. J’ai des résultats en dents de scie, je suis irrégulière. Normalement on peut compter sur moi, mais il y a des périodes où je ne travaille plus, où je ne fais plus rien. Et puis j’ai trop d’histoires personnelles. Çà se voit, je discute trop avec certains, j’oublie que je suis là pour travailler.
Je ne sais pas quoi dire pour ma défense. Je me demande comment on peut résumer trente ans de parcours cyclothymique à son employeur, comment on peut parler d’une maladie que personne ne connaît. On ne peut pas. Alors je ne dis rien.
Me voilà avec un problème de plus. J’ai donc demandé une semaine de calme à mon médecin. Bientôt je vois l’autre psychiatre. Lundi prochain est un autre jour.
Pour moi, chaque matin est un autre jour, où tout est possible, bon, mauvais, imprévisible. Avant, je trouvais le monde injuste et contre moi. Aujourd’hui je ne sais plus si c’est moi qui doit faire des efforts, les autres, les deux, personne. Je ne sais plus rien.
C’est dur, parce que je suis partagée. Il y a une partie de moi qui dit : "Grandis, ma fille. Grandis, ça suffit, maintenant. Tu es trop. Voilà , oui, c’est le mot : trop. Trop sensible, trop exigeante, trop sévère, trop possessive, trop rêveuse. Trop, c’est trop."
Et puis : "Et puis pourquoi ? Hein ? Pourquoi ? Je suis ce que je suis. Personne ne fait l’effort de changer, personne ne se remet en question. Pourquoi moi ? Pourquoi c’est à moi de m’adapter ? De me calmer ? De faire dans la demi-mesure ? Est-ce que le reste du monde a déjà fait un effort pour moi en retour ?"
A ces questions, pour l’instant on ne fait que me répondre : "Parce que tu en souffres. Parce que tu es malheureuse." Oui, c’est vrai. Je suis malheureuse. Contrairement aux autres, c’est une chose qui m’arrive. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi on n’accepte pas cela, alors qu’on accepte que je sois éblouissante, drôle, sulfureuse. On prend toujours le bon de moi, et jamais le mauvais. On accepte toujours que je sois délurée à une soirée et que j’entraîne tout le monde vers la déconne, mais jamais que je crie : "Vous n’êtes qu’une bande de dégueulasses ! Vous n’êtes pas venus à mon anniversaire et je vous déteste pour toujours !"
Je ne sais plus comment me comporter, ce que je dois dire, taire, modérer, changer, expliquer, faire accepter. Avant je maudissais le monde entier de ne rien comprendre à ma personne, et même, je trouvais les autres moins bien que moi. Mine de rien, je n’étais pas malheureuse comme cela. Je préfère l’époque où j’étais en colère. Aujourd’hui je vois que je suis malade, que tout me déçoit tout le temps mais que c’est surtout moi qui suis décevante, que cela vient de moi, que c’est moi qui ai un problème, que je suis seule excentrique au milieu de normalité.
Je suis fatiguée de moi-même.
Le nouveau blog de Régis s’appelle : J’aime ma cyclothymie parce que Il voudrait que j’écrive un texte et le mettre en ligne.
Je dirais que le jour où j’arrive à l’écrire, ce sera la fin de ma dépression ou la partie négative de ma cyclothymie.