Ces rêves dont on a honte

 

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Ces rêves dont on a honte

Rêves de zoophilie, de viol, d’inceste… Certains songes mettent en scène des scénarios auxquels nous n’oserions pas penser éveillés. Dérangeants, ils nous interpellent : sommes-nous plus pervers que nous le pensons ? Décryptage avec Jacques Montangero, psychothérapeute.

Capucine Junguenet

Ils nous réveillent en sursaut, dans le plaisir et parfois la gêne, et nous poursuivent le reste de la journée. Pourquoi avons-nous rêvé que nous faisions l’amour avec notre patronne ou le meilleur ami de notre mari que nous ne trouvons pourtant pas attirants ? Nous mentons-nous ?

Nicole Gratton, directrice de l’Ecole internationale de rêves, au Québec, rassure : « Nos rêves, aussi troublants soient-ils, nous veulent du bien. Sexuels ou pas, ils servent d’abord à mieux nous connaître. Ils portent un message pour nous aider et, parfois, lorsqu’ils sont violents, peuvent nous prévenir d’un danger. » Pour le psychothérapeute Jacques Montangero, « les rêves érotiques sont, comme les autres, en rapport avec des aspirations ou des préoccupations qui, le plus souvent, n’ont pas été assez considérées pendant le jour. Ils peuvent attirer l’attention sur un comportement problématique, mettre en relief une manière de penser ou d’agir qu’il vaudrait mieux corriger, suggérer une autre vision des choses ou apporter un message réconfortant en soulignant les ressources de la personne ». Pourquoi alors le rêve emprunte-t-il la voie du sexe ?

« Parce que la sexualité est ce qui existe de plus intime, elle nous fait jouir et nous porte à notre épanouissement, explique Christiane Riedel(1), psychanalyste. Rêver de l’union sexuelle charnelle nous parle de l’harmonisation entre les facettes masculine et féminine à l’intérieur de nous-même. De cette union psychique intérieure, réussie ou problématique, dépend notre plénitude. »Pour nous aider à mieux comprendre les scénarios qui dérangent notre conscience, Jacques Montangero a accepté de décrypter certains de ces rêves troublants. Il a cependant insisté pour rappeler que la signification d’un songe ne peut être trouvée que par le rêveur : il n’existe pas, en matière d’interprétation, de vérité générale. Juste quelques pistes.

Le rêve de zoophilie

1. Spécialiste de l’interprétation des rêves, fondatrice de l’Académie pour l’interprétation et l’intégration des rêves dans la vie quotidienne (AIIRVQ).

Mary : « Je suis allongée par terre aux côtés d’un jeune homme, je ressens une immense sensation de sérénité et de tendresse. Ma tête posée sur son épaule, je plonge mon regard dans ses grands yeux de faon timide, sentant une infinie tendresse serrer mon cœur. A ce moment-là surgit une bête : mi-animal, mi-femme, un monstre au visage hideux avec des cheveux de sorcière. Sautant sur lui, ce monstre s’excite sauvagement sur sa jambe, en se frottant à lui. La connotation sexuelle est largement présente. Je suis terrifiée. »

Jacques Montangero : « Ce contenu onirique ne met pas en scène une relation sexuelle de la rêveuse avec un animal. Il présente d’abord une relation amoureuse merveilleusement émouvante, un lien fusionnel plein de tendresse. Une créature inquiétante vient interrompre cette plénitude et cette sérénité. Cet être mi-femme mi-animal pourrait bien figurer l’aspect animal de la femme, conçu dans ce rêve comme une lubricité débridée et un potentiel agressif. Un tel contenu devrait pousser la personne qui a fait ce rêve à se demander pourquoi la sexualité y est figurée de manière si inquiétante et incompatible avec la tendresse. »

Le rêve de viol

Mathilde : « Mon rêve commence dans une rue sombre. Soudain deux hommes m’attrapent et me jettent dans une camionnette. J’ai les yeux bandés, je ne crie pas, je ne me débats pas. J’ai peur, mais je garde mon sang-froid ! Pendant le trajet, je les entends parler d’une voix rauque, rire. L’un me touche les jambes en articulant des phrases obscènes, je sens ses grosses mains monter vers ma poitrine qu’il malaxe. Puis la porte de la camionnette s’ouvre et on me tire vers l’extérieur. J’ai toujours les yeux bandés, mais je sais que l’on entre dans une maison où la pièce est grande et nue puisque j’entends l’écho de leurs voix. L’un me jette sur un matelas et m’enlève mon bandeau. Je suis sur un lit à baldaquin. Les deux hommes se déshabillent, le sourire aux lèvres, le rire gras… L’un se jette sur moi et m’ôte mes vêtements violemment. Cette situation, dans mon rêve, m’excite. »

Jacques Montangero : « Certaines femmes se plaisent à s’imaginer être l’objet d’un viol, alors qu’elles éprouveraient une répugnance extrême et un grave choc psychologique à être violées. Ce rêve pourrait être de même nature que ces fantasmes. Comme la plupart des rêves, il n’est pas à prendre au pied de la lettre, car il traite d’un thème de manière exagérée et crue. Ce thème, c’est l’aspiration à être l’objet d’un désir puissant et de trouver chez le partenaire une virilité affirmée. »

Le rêve de masturbation

Sébastien : « Je suis sur une plage. Derrière moi se trouve un immense escalier, vétuste, sombre et bordé d’un petit rebord en pierre qui mène à la ville. En colimaçon, il n’inspire que moyennement confiance. Alors que d’assez nombreuses personnes vont et viennent sur cet escalier, je suis nu et caresse ouvertement mon sexe, ce qui me procure beaucoup de plaisir. Doté de la capacité de lévitation, je peux me mettre à la hauteur de n’importe quelle marche, tout en continuant à me masturber. Personne ne semble me voir et je ne suis absolument pas gêné de faire cela en public. »

Jacques Montangero : « Un tel rêve n’a peut-être rien à voir avec un thème sexuel. La masturbation est choisie parce qu’elle permet d’illustrer avec force la signification que tous les éléments du rêve concourent à exprimer : la libération des contraintes. La personne qui fait ce rêve ne se voit plus soumise à l’interdiction de certains comportements en public, ni à la gêne que procure le regard “jugeant” d’autrui, ni même aux lois de la pesanteur. S’il est vrai qu’un rêve apparaît comme une sorte de rébus, celui-ci pourrait signifier : “Je suis libéré des contraintes, plein de satisfaction et parfaitement à la hauteur.” Voilà un message bienfaisant pour l’estime de soi et simultanément l’expression d’un désir de briser les contraintes. »

Le rêve d’inceste

Delphine : « Je suis dans une maison que je ne connais pas, avec beaucoup d’escaliers, de portes et de vastes corridors. La maison étant très sombre, je ne discerne pas le visage de l’homme avec lequel je suis en train de faire l’amour, debout, contre un mur. La situation est très excitante car je crains que quelqu’un surgisse d’une de ces nombreuses portes et nous surprenne. Au moment même de l’orgasme, je découvre que cet homme est mon père. Et je suis tellement choquée que cela me réveille. »

Jacques Montangero : « A mon avis, le contenu n’est pas essentiellement en rapport avec l’inceste. C’est une mise en scène du thème de se faire plaisir là où c’est interdit, et par là même excitant. Ce double caractère tient au fait que la scène prend place dans un lieu de passage – idée soulignée par de nombreux éléments : escaliers, portes, corridors. Lorsque l’idée d’inceste apparaît, le rêve cesse, prend la tournure d’un cauchemar. Se faire plaisir en cachette rappelle-t-il à cette personne des souvenirs d’enfance, d’où l’apparition du père comme figure qui pose des interdits ? Avec son entrée en scène, il ne s’agit plus de l’interdit excitant, mais de l’interdit qui rend honteux. D’une manière générale, certaines scènes gênantes d’un rêve peuvent avoir le même statut que les pensées intrusives que tout le monde peut avoir, mais qui perturbent beaucoup certaines personnes anxieuses. Ces pensées font naître chez elles la peur de perdre le contrôle. S’agit-il d’une préoccupation de la personne qui a fait ce rêve ? »

Le rêve d’homosexualité

A LIRE

Comprendre ses rêves pour mieux se connaître de Jacques Montangero. Nos rêves nous envoient des messages. Bien décryptés, ils peuvent devenir des outils de développement personnel efficaces (Odile Jacob, 2007).
Amour et sexe dans vos rêves de Christiane Riedel. Tout en interprétant nombre de rêves, l’auteure explique comment les songes parlent de sexualité et de quelle manière ils nous guident vers une connaissance de nous-même (Trajectoire, 2006).

Judith : « Je suis dans une sorte d’hôtel-restaurant. Une femme est attirée par moi, essaye de capter mon attention, mais elle ne m’intéresse pas. Quelques jours après, je suis victime d’un coup de foudre pour une femme de type espagnol. Elle dégage une lumière intense tant elle rayonne de beauté. J’ai envie de l’empoigner, de sentir ses seins contre ma peau, de toucher son corps dénudé… Puis je me retrouve sur le sol avec elle, réalisant mes fantasmes. Ceux qui nous entouraient ont disparu. Une seule personne demeure, et nous regarde du coin de l’œil, l’air très déçu, c’est cette première femme qui m’aimait. »

Jacques Montangero : « Il n’est pas seulement ici question de relation homosexuelle, mais aussi du choix et du rejet de la femme en tant qu’être désirable. C’est peut-être sur ce thème que la personne ayant fait le rêve devrait porter sa réflexion. En l’absence d’autres détails fondamentaux, on peut postuler que nous avons affaire à un scénario sur le thème de la femme que la rêveuse voudrait être ou pense devoir être afin de vivre pleinement sa sexualité. Notons que faire l’amour symbolise parfois non pas un thème sexuel, mais le type de relation que l’on a : relation forcée ou non, lien avec une personne que l’on trouve trop intrusive… »

 



05/06/2013
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