Concepts théoriques de la Pleine Conscience (Mindfulness)

 

 

Concepts théoriques de la Pleine Conscience (Mindfulness)

2/04/2013
Auteur : M Trybou

Dictionnaire > Psychiatrie générale

Mindfulness : vivre dans le présent est une thérapie efficace dans le traitement des divers troubles dans lʼanxiété, TOC, bipolarité ou dépression.

Mindfulness : vivre dans le présent


Nos habitudes font que lʼon a tendance à ne pas focaliser notre attention sur le temps présent, la réalité du moment. Nous sommes trop habitués à vivre dans lʼempressement, le futur, lʼanticipation, « ce qui vient après ». A peine une action commencée, elle doit être achevée pour commencer la suivante, au détriment au plaisir et à lʼobservation de lʼinstant. Lʼattente fait que lʼon devient extrêmement sensible à la frustration, comme par exemple quand nous allons quelque part, nous sommes agacés par le voyage, alors que celui-ci nʼest pas particulièrement éprouvant. On cultive très vite de lʼagacement à ne pas pouvoir aller aussi vite que lʼon veut, et cet agacement est une perte dʼénergie. Lʼénervement ne faisant pas tourner la terre plus vite, autant profiter de lʼattente pour se reposer.

Le but de la Pleine Conscience (Mindfulness) est de reprendre lʼhabitude de vivre lʼinstant présent. Elle consiste en une hyperfocalisation sur lʼici et le maintenant en redevenant sensible à ce qui nous entoure. Le but final est que lʼesprit ne puisse plus sʼaccrocher aux pensées qui surviennent dans lʼesprit (ruminations et attentes qui favorisent la frustration et lʼanxiété). Les jeunes enfants font de la Pleine Conscience sans sʼen rendre compte car au tout début de leur vie, ils découvrent le monde : ils observent, touchent, écoutent, sʼintéressent au moindre caillou sur le sol, restent ouverts à toute nouvelle chose, toute perception, toute surprise, car ils nʼont pas encore développé des automatismes (marcher, prendre, faire une action) leur permettant de faire quelque chose et en même temps de penser. Ils ne se préoccupent ni du passé ni du futur, trop accaparés par le présent. On retrouve aussi cet état chez les personnes âgées qui quittent lʼaction pour revenir à la contemplation. En se basant sur nos perceptions plutôt que notre réflexion, il est possible dʼarriver à une concentration sur lʼêtre qui observe plutôt qui lʼêtre qui rumine. Il va donc falloir sʼarrêter et regarder ce qui se passe autour de nous.

Abandonner les automatismes ?


Pouvons-nous en conclure que nous sommes trop dépendants de nos automatismes ? Oui et non. Non, car ils sont bien pratiques au jour le jour pour gagner du temps et ne plus avoir à nous concentrer perpétuellement, et oui car cela nous encourage à réfléchir en même temps à autre chose, et malheureusement pas à des choses qui reposent lʼesprit. Secondairement, quand tout est automatisé, on a très vite une impression dʼennui, de manque dʼexcitation. Lʼidée de la Pleine Conscience serait de casser les automatismes et remettre de la concentration, de lʼattention, dans des actes simples, ne plus nous dépêcher, ne plus réfléchir pendant une action, afin de canaliser « lʼénergie mentale » dans des choses neutres, et rompre lʼimpression dʼêtre blasé du quotidien (retrouver de la patience, de la curiosité)

Quand nous regardons les pensées parasites qui nous envahissent quand nous marchons ou que nous faisons une action du quotidien comme manger ou boire, elles ne portent que sur des ruminations du passé, de lʼanticipation du futur, un jugement sur ceci ou cela. Réfléchir est une illusion de contrôle car penser nʼa pas nécessairement un impact sur la chose à laquelle nous pensons. En mettant lʼénergie mentale sur les perceptions, on entre naturellement dans un lâcher prise, on diminue le contrôle.

La technique


La technique la plus simple est de se concentrer sur sa respiration, sentir lʼair qui entre dans le nez, sentir lʼair circuler, sentir son ventre bouger. Cela va nous demander tellement dʼénergie et de concentration que pendant ce temps notre esprit nʼaura pas à travailler sur des pensées négatives ou intrusives. « Que voyez-vous ? Qui y a-t-il autour de vous ? Quʼentendez-vous ? Que sentez-vous ? » Mettez votre énergie sur vos perceptions (œil, ouïe, odorat, goût, tactile) et non sur vos pensées et ressentis viscéraux.

Quand nous avons une pensée (« Zut, jʼai les impôts à payer », « il est tard, dépêche toi, tu as encore du boulot à faire »), nous ne devons pas entrer dedans, mais nous contenter de remarquer que nous avons cette pensée « tiens, une pensée » car cette pensée est non seulement inutile mais en plus elle utilise de lʼénergie pour rien. Et secondairement, ce nʼest pas en nous stressant que nous gérerons mieux nos impôts ou aurons plus dʼargent pour les payer, ou arriverons plus rapidement chez nous.

Il faut faire de même pour nos émotions et nos ressentis : nommons le phénomène plutôt que disserter sur ses tenants et aboutissants. La focalisation sur les pensées et les émotions est une erreur et absorbe une énergie mentale phénoménale. A chaque fois que nous nommons une pensée ou une émotion, nous nous concentrons à nouveau sur notre respiration. Notre but est simple et unique : se concentrer sur les 5 sens afin quʼà terme tout évènement, pensée ou émotion soit équivalent à regarder un nuage dans le ciel (Ken Wilber) : « cʼest un nuage, point, il nʼy a rien à ajouter. »
Reconnaissons une pensée pour ce quʼelle est : une pensée. Et à chaque fois, reconcentrons-nous sur notre respiration pour que notre énergie mentale passe dans cela et non dans lʼextrapolation de cette pensée. Faisons de même pour nos émotions et ressentis. Nous pouvons aussi canaliser cette énergie mentale en détaillant la personne en face de nous, comme si nous étions en train de prendre une photo dʼelle, en détaillant dans notre bouche la texture, le goût, la matière de ce que nous mangeons, du contact de nos pieds sur le sol quand nous marchons (nous nous concentrons sur le fait de marcher et non sur notre destination), du vent sur notre visage, …

Quand nous nous focalisons sur nos ruminations, nous acceptons volontairement de ressentir des émotions négatives. Quand nous nous focalisons sur un bruit, une couleur, notre respiration, nous acceptons dʼêtre sereins et de diminuer la tension dans notre esprit. Ne confondons pas vrai contrôle (apprendre à gérer son esprit et ses émotions) et faux contrôle (entrer dans des ruminations inutiles pour tenter de résoudre un problème).

Quand nous sommes en train de faire une action (écouter, lire, agir, …) et que nous nous déconcentrons, nʼentrons pas dans la pensée intrusive. Nommons le phénomène « je me déconcentre », respirons, et reprenons notre action. Le but est de toujours revenir à ce que nous sommes en train de faire MAINTENANT.

Tirer parti du présent


Enfin, vu que le passé est passé et le futur est incertain, apprenons à tirer notre satisfaction de lʼinstant présent, cʼest la seule chose que nous possédions réellement et on ne sait pas combien de temps cela va durer. On ne sait pas dans combien de temps mourrons nos proches et y réfléchir est une perte de temps comparé au fait que pour le moment ils sont là et quʼil faut profiter de leur présence maintenant.

Réfléchir au passé sʼappelle le dramatiser inutilement car il a déjà été suffisamment douloureux comme cela et cela ne sert à rien dʼavoir pu avancer si cʼest pour remettre le couvert en imagination. Réfléchir au futur est la meilleure façon pour être déçu ou se dissuader de faire quoi que ce soit.

Beaucoup de personnes ont du mal avec ce concept de lâcher prise, de se focaliser sur les perceptions et arrêter de penser car ils ont lʼimpression de se retrouver démunis devant le danger. Mais est-ce du vrai contrôle, nécessaire pour avancer dans la vie et survivre, éviter des catastrophes, ou un contrôle ne contrôlant rien du tout ? Ces personnes ont trop souvent tendance à croire que la Pleine Conscience vise à ne plus penser du tout, ce qui est faux. La Pleine Conscience vise à économiser de lʼénergie et être serein justement quand il nʼy a pas de danger, cʼest-à-dire 99 % du temps. Maintenant une hypervigilance mentale perpétuelle est très coûteux et ne prévient pas les dangers quand ils arrivent.

Posons-nous les questions suivantes afin de dédramatiser un peu ce contrôle. Lisons les tranquillement et regardons si notre contrôle est si vital que cela (Jerry Braza) :
  • En quoi juger, soupeser, décortiquer, mettre à plat vos pensées est-il plus utile que simplement les observer? surtout si ce ne sont que des pensées…
  • En quoi sʼagacer dʼun évènement ou le ruminer vous permet-il de mieux le contrôler ? Nʼest-il pas plus agréable pour vous de le regarder se dérouler ?
  • Est-ce que vouloir à tout prix soulager une tension nʼest pas plus coûteux que laisser la tension disparaître naturellement ?
  • Avez-vous des preuves que réfléchir au passé ou à lʼavenir a eu un quelconque intérêt dans votre quotidien ? Ressasser le passé ou anticiper le futur a-t-il déjà eu une utilité ?
  • Pensez-vous vraiment que passer des heures à ruminer des évènements, des pensées, des émotions est plus efficace que simplement les considérer comme des phénomènes mentaux ?
  • Avez-vous idée de combien de pensées par jour sont utiles ? Les ruminations, les jugements, les critiques ne sont-ils pas de lʼénergie dépensée pour rien ? Nʼest-il pas plus simple de tout simplement les observer ?
  • Comparer le présent au passé a-t-il une véritable utilité à par vous démotiver ou vous faire avoir des regrets ?
  • Au fait, pourquoi êtes vous pressé ? Ca a quel avantage par rapport à prendre son temps ?
  • Avoir des attentes sur le futur vous permet-il de mieux réussir vos projets ? Ou au contraire cela augmente tʼil les déceptions et vous fait-il oublier que le présent est particulièrement agréable ?
  • Quʼest ce qui vous empêche aujourdʼhui dʼéprouver un sentiment de paix ? Est-il utile de les garder dans un coin de votre tête ou êtes vous prêt à certains deuils du passé et à laisser tomber certaines attentes pour être plus serein maintenant ?
  • Etes vous préoccupé par la pensée dʼune personne ou dʼune expérience passée ? Pleurez-vous ou vous mettez-vous facilement en colère quand vous pensez à cette personne ou à cette expérience ? Que faudrait-il faire dʼefficace pour pouvoir être serein ?
  • A quoi pensez-vous quand vous êtes inoccupé ?
  • Si vous dites « si seulement… » quelles sont les pensées qui vous viennent ? Que faudrait-il faire dʼefficace pour pouvoir enfin être tranquille ?
  • Quelles sont les choses que remettez toujours à plus tard ? Quand vous réfléchissez au fait que vous allez bientôt mourir, quelles sont les choses que vous regretteriez de ne pas avoir faites ou réglées avant de partir ?
  • Les « je devrais » et « il faudrait » sont-ils nécessaires ou sont-ils de lʼénergie perdue pour rien ?
  • Quand vous pensez aux gens que vous aimez, quʼest ce que vous aimez le plus en eux, dans leurs attitudes ? Quels enseignements en tirez vous ?
  • Que se passerait-il, que ferais-je, si je nʼavais plus peur des conséquences, des rires, des critiques, des catastrophes ?

« Les ombres du passé sont vagues et le futur encore trop lointain… Le présent est tout ce que je possède. Cʼest la seule chose que lʼon possède tous. » (Judith Garrison).

« Lorsque vous faites la vaisselle, cela doit devenir la chose la plus importante de votre vie. Lorsque vous buvez du thé, faites-en la chose essentielle de votre vie… Il en est ainsi de toutes choses. Couper du bois est méditation. Porter des sceaux dʼeau est méditation … Chaque acte est un rite, une cérémonie. Approcher la tasse de thé de vos lèvres est un rite ». (Thich Nhat Hanh).

Efficacité et indications de la mindfulness


Des études sur la Pleine Conscience ont montré son efficacité dans de nombreuses pathologies comme :
  • la dépression et lʼanxiété (Lang, 2013),
  • lʼanxiété de performance (Harper, Webb, Rayner, 2013),
  • la réduction du stress (Arch et al, 2013),
  • la gestion de maladies graves (Jones et al, 2013),
  • la schizophrénie (Chien, Lee, 2013),
  • les TOC (Hertenstein et al, 2012),
  • la phobie sociale (Schmertz et al, 2012),
  • les somatisations (Fjorback et al, 2013),
  • les troubles bipolaires (Perich et al, 2012),
  • le trouble dʼanxiété généralisée (Roemer et al, 2009).

Références


  • Jerry Braza : « Pleine conscience : vivre dans lʼinstant », éditions Le Souffle dʼOr, 2007.
  • Thich Nhat Hanh : « Le miracle de la pleine conscience. Manuel pratique de méditation », éditions LʼEspace Bleu, 1994
  • Perich T, Manicavasagar V, Mitchell PB, Ball JR, Hadzi-Pavlovic D. A randomized controlled trial of mindfulness-based cognitive therapy for bipolar disorder. Acta Psychiatr Scand. 2012 Dec 9
  • Fjorback LO, Arendt M, Ornbøl E, Walach H, Rehfeld E, Schröder A, Fink P.Mindfulness therapy for somatization disorder and functional somatic syndromes: randomized trial with one-year follow-up. J Psychosom Res. 2013 Jan;74(1):31-40.
  • Schmertz SK, Masuda A, Anderson PL. Cognitive processes mediate the relation between mindfulness and social anxiety within a clinical sample. J Clin Psychol. 2012 Mar;68(3):362-71.
  • Hertenstein E, Rose N, Voderholzer U, Heidenreich T, Nissen C, Thiel N, Herbst N, Külz AK. Mindfulness-based cognitive therapy in obsessive-compulsive disorder - A qualitative study on patientsʼ experiences. BMC Psychiatry. 2012 Oct 31;12:185.
  • Chien WT, Lee IY. The Mindfulness-Based Psychoeducation Program for Chinese Patients With Schizophrenia. Psychiatr Serv. 2013 Feb 15.
  • Jones P, Blunda M, Biegel G, Carlson LE, Biel M, Wiener L Can mindfulness-based interventions help adolescents with cancer? Psychooncology. 2013 Feb 18.
  • Arch JJ, Ayers CR, Baker A, Almklov E, Dean DJ, Craske MG. Randomized clinical trial of adapted mindfulness-based stress reduction versus group cognitive behavioral therapy for heterogeneous anxiety disorders. Behav Res Ther. 2013 Jan 25;51(4-5):185-196.
  • Harper SK, Webb TL, Rayner K. The Effectiveness of Mindfulness-Based Interventions for Supporting People With Intellectual Disabilities: A Narrative Review. Behav Modif. 2013 Feb 17.
  • Lang AJ. What mindfulness brings to psychotherapy for anxiety and depression. Depress Anxiety. 2013 Feb 19.
  • Roemer L, Lee JK, Salters-Pedneault K, Erisman SM, Orsillo SM, Mennin DS. Mindfulness and emotion regulation difficulties in generalized anxiety disorder: preliminary evidence for independent and overlapping contributions. Behav Ther. 2009 Jun;40(2):142-54.


10/05/2013
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