Conte - Partie 1

 

Conte

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Le conte est un genre littéraire narratif.

À l'origine issu de l'oralité, il est depuis la Renaissance l'objet de réécritures qui en ont fait un genre écrit à part entière. On peut ainsi distinguer deux pratiques du genre littéraire du conte : orale et écrite. Ces deux pratiques diffèrent tant dans leur fonctionnement que dans leur contenu, ce qui oblige à les considérer de manière séparée.

L'usage[1] veut que l'on appelle le conte oral le conte populaire, et le conte de tradition écrite et lettrée le conte littéraire. Ce qui ne présume en rien du caractère littéraire du conte de tradition orale, mais constitue simplement une désignation conventionnelle.

Le terme de conte désigne par ailleurs, par extension avec le premier sens du conte oral, l'activité de raconter une histoire à l'oral, quelle qu'elle soit (épopée, légende, conte…). Le conte est alors l'art du conteur.

Sommaire

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Le conte populaire [modifier]

Définition [modifier]

Le conte fait partie de la grande famille de la littérature orale, dans laquelle on retrouve l'épopée, la saga, le mythe, la devinette, le cas, la légende, le proverbe, la comptine, le mémorat, la fable, etc. Le conte est un genre narratif, contrairement à la devinette, au proverbe ou à la comptine, et il est délibérément fictif, contrairement à la légende, la saga et le mémorat, qui se présentent comme véridiques. Contrairement au mythe, le conte oral, autrement appelé conte populaire, a pour principal cadre narratif le monde des hommes, même si celui-ci, notamment dans le cas des contes merveilleux, est souvent en contact avec l'autre monde des morts, des esprits, du petit peuple ou des dieux.

De manière plus contemporaine, le conte peut être rapproché en tant qu'art de la parole lié aux arts du spectacle, du spoken word, du chant, de la palabre et du boniment.

La transmission des contes [modifier]

Le caractère oral de la transmission, qui se fait de bouche à oreille et traverse ainsi les siècles par l'intermédiaire de la mémoire des hommes, plutôt que par celle des livres, a pour conséquence qu'un conte diffère selon les époques et les pays. Une même histoire possède ainsi un nombre important de variantes. On arrive à distinguer l'unité d'une histoire, derrière la multiplicité de ses variantes, par l'intermédiaire de la notion ethnographique de conte-type, qui définit une trame narrative par rapport à son contenu et à sa structure.

Cette trame narrative est ensuite soumise aux aléas de l'histoire de sa transmission, qui passe par la mémoire et l'imagination des conteurs. Ces derniers peuvent privilégier certains épisodes, en transformer d'autres, rajouter des détails descriptifs en fonction du public, de l’heure et du lieu. Souvent, le répertoire est connu de l'auditoire, et ses réactions exercent une influence sur le cours du récit. La connaissance de l'intrigue ne nuit néanmoins pas à la fascination exercée par le récit. Le conte est avant tout la rencontre d'un conteur, d'un auditoire, d'une histoire, d'un lieu et d'un moment. On pourrait ainsi presque dire qu'il y a autant de versions d'un même conte-type que de séances de contes. En ceci, le conte peut être compris comme une sorte de performance, d'évènement unique qui ne saurait se renouveler deux fois de la même manière.

Hérité de la tradition orale, un conte ne se transmet pas de manière immuable, et est souvent sujet à de nombreuses modifications, permettant la naissance de nouveaux contes, mais provoquant également la disparition d'anciens récits qui tombent dans l'oubli. Un conte disparait quand les conteurs se sont trop éloignés de la trame narrative commune, et que celle-ci est oubliée. A l'inverse, si un conteur modifie tant une histoire qu'elle en devient méconnaissable, on peut alors dire qu'un nouveau conte est né. Sa vie est parfois de courte durée, l'intérêt pris pour le récit étant conditionné par les réactions de l'auditoire, et les "mauvaises" histoires étant rapidement oubliées. Au fil des siècles, la mémoire des hommes opère ainsi une longue décantation du répertoire commun, ce qui explique que l'on retrouve souvent les mêmes récits, considérés comme les meilleurs par la communauté qui les véhicule.

De nos jours, le conte est moins issu d'une transmission orale que d'une tradition écrite. Il est donc plus souvent le fruit d'une création individuelle que d'une tradition collective.

Histoire des contes [modifier]

Illustration pour les Contes de Cantorbery de Geoffrey Chaucer
Illustration pour les Contes de Cantorbery de Geoffrey Chaucer

Histoire des textes [modifier]

L'histoire des contes oraux peut être entendue de plusieurs manières différentes : il peut s'agir de l'histoire des différentes versions des contes oraux à travers les siècles. Cette histoire est rendue possible par les traces écrites que laisse la tradition orale dans la sphère littéraire, notamment à travers les premières collectes de contes à partir de la Renaissance, la littérature de colportage (en France la Bibliothèque Bleue), mais également les traces de motifs de contes oraux dans la littérature savante (les Lais de Marie de France, Gargantua de François Rabelais, etc.). Cette histoire, qu'essaye de mener notamment Catherine Velay-Vallantin, n'en est qu'à ses balbutiements, et a en général pour objet de faire l'histoire d'un conte en particulier (Barbe-Bleue, Le Petit Chaperon rouge, etc.) à travers ses multiples occurrences écrites, ses évolutions sémantiques en fonction de l'histoire générale (famines, migrations de population, évolution du costume, des mœurs, etc.).

Histoire des collectes [modifier]

Une autre manière d'aborder l'histoire des contes serait d'envisager celle de leur collecte, c'est à dire le fait de les fixer sur un support, quel qu'il soit, afin de les sauver de l'oubli ou de les étudier.

Certaines versions orales font très tôt l'objet d'une captation écrite. Soit que des auteurs aient choisi de les "réécrire", soit que des folkloristes aient opéré des retranscriptions fidèles. La plus ancienne trace écrite de récit oral connue à ce jour est l'Épopée de Gilgamesh, rédigée dans la Babylonie des XVIIIe et XVIIe siècles av. J.-C. Pour la première fois, un récit transmis oralement se voit figé sous une forme écrite, signant ainsi l'acte de naissance de la littérature. Néanmoins, l'histoire de Gilgamesh est de même que L'Iliade et L'Odyssée d'Homère une épopée, et non un conte.

Bien que des traces de la tradition orale soient décelables dans beaucoup d'oeuvres médiévales (Les Lais de Marie de France, Gargantua de François Rabelais, le Decameron de Boccace, les Contes de Cantorbéry de Geoffrey Chaucer, etc.), les premières réécritures de contes oraux apparaissent dans l'Italie de la Renaissance, avec les Nuits Facétieuses (Piacevoli notti) de Giovanni Francesco Straparola (deux volumes, 1550 et 1555).

Ensuite, c'est au tour de certains écrivains français de la fin du 17e siècle de donner leurs lettres de noblesse aux contes, en offrant une réécriture toujours précieuse, souvent moralisatrice des contes populaires. Le recueil le plus connu de cet âge d'or du conte de fées français est celui de Charles Perrault, intitulé Histoires ou Contes du Temps Passé (autrement appelé Les Contes de ma mère l'Oie), et publié en 1697. On lui doit de célèbres versions écrites de Le Petit Chaperon rouge, de La Barbe Bleue, de Cendrillon, de La Belle au bois dormant, de Le Chat botté, de Riquet à la houppe, de Le Petit Poucet et de Peau d'Âne. Mais les recueils de Madame Marie-Jeanne l'Héritier de Villandon, Madame Gabrielle-Suzanne de Villeneuve, Madame Marie-Catherine d'Aulnoy et plus tard de Madame Jeanne Marie Leprince de Beaumont, populariseront d'autres contes comme Le Nain jaune, La chatte blanche ou La Belle et la Bête. Au début du 18e siècle se propage la mode littéraire du conte de fées, qui autorise Antoine Galland, entre 1704 et 1717, à traduire et publier pour la première fois en Occident les Mille et Une Nuits.

L'histoire de la collecte, et non plus seulement de la réécriture des contes, commence véritablement avec les frères Grimm, qui publient leurs Contes de l'enfance et du Foyer (Kinder- und Hausmärchen) au début du XIXe siècle (7 éditions de 1812 à 1857). Bien que Wilhelm Grimm réécrive en grande partie les contes, son souci reste constant d'une absence de travestissement du conte populaire : on voit disparaître la préciosité et la moralisation qui habillaient les contes de fées français. Par ailleurs, le personnage de la fée, fréquemment rajouté dans les réécritures françaises, disparaît presque totalement des 211 contes qui comprennent la première version écrite de Blanche-Neige, ainsi que la version du Petit Chaperon rouge où le chasseur intervient à la fin du récit. Enfin, les Grimm conservent la structure du conte populaire, et n'y ajoutent rien sinon des compléments de description destinés à étoffer et à préciser les événements du récit. Bien que ceci soit encore sujet à de nombreux débats, les contes de Grimm s'apparentent ainsi davantage à une collecte imparfaite qu'à une réécriture libre du conte oral.

Leur collecte inspire en tout cas de nombreux folkloristes du dix-neuvième siècle, qui se mettent à rassembler les histoires de la tradition orale : c'est Émile Souvestre en France, Alexandre Affanassiev en Russie, Jon Arnason en Islande, Hylten et Cavallius en Suède, etc.

Cette première vague de collecte du XIXe siècle, souvent entachée de nombreuses réécritures, laisse place au XXe siècle à des travaux plus aboutis scientifiquement. Ils sont la conséquence d'un souci anthropologique de rigueur et de fidélité dans la collecte des documents ethnographiques. En France, ceci aboutit entre autres aux travaux de Geneviève Massignon, Paul Delarue et Marie-Louise Ténèze.

Célèbres collecteurs francophones de contes [modifier]
Alsace-Lorraine : Erckmann-Chatrian
Auvergne : Henri Pourrat, Marie-Aimée Méraville
Berry : George Sand
Bretagne : François-Marie Luzel, Anatole Le Braz, Émile Souvestre, Paul et Paul-Yves Sébillot, abbé François Cadic, Jean-Marie Déguignet, Yves Le Diberder, Job Jaffré, Marcel Divanach, Pierre-Jakez Hélias, Jean-Marie Le Scraigne, Mikael Madeg
Gascogne : Jean-François Bladé, Antonin Perbosc, Léopold Dardy, Félix Arnaudin (Landes)
Pays basque : Julien Vinson, Jean-François Cerquand, Jean Barbier
Guadeloupe: Benzo
Nièvre : Achille Millien
Provence : Alphonse Daudet
Sologne : Claude Seignolle

Histoire de l’art du conte, renouveau du conte [modifier]

Mais l'histoire du conte oral ne saurait se réduire à l'histoire des collectes ayant pour fonction la conservation du patrimoine oral. Quand on considère l'histoire du conte en tant qu'art oratoire, force est de constater que le conteur traditionnel disparaît au fur et à mesure que l'industrialisation s'impose à toutes les couches de la société, si bien qu'elle a quasiment disparu au 20e siècle dans les sociétés de l'ouest de l'Europe.

A sa place, on trouve à partir des années 1970 un renouveau du conte, qui s'approprie le résultat des recherches ethnographiques en matière de collecte des contes pour rénover l'art de raconter les histoires, souvent simplement en récitant telles quelles les versions écrites, mais parfois en apportant une touche personnelle, à la manière des conteurs traditionnels. Petit à petit cette pratique est devenue un art de la scène, aux côtés du théâtre, de la danse, du one man show, voire de l'art performance. Avec ce renouveau, le conte est redevenu un art du spectacle à part entière. De plus en plus de manifestations sont désormais dédiées au conte oral.

Article détaillé : Liste des festivals de conte.

En France, pratiquement toutes ces manifestations sont subventionnées ou quelquefois organisées par des collectivités locales, (communes ou départements). Elles sont souvent gérées par des associations créées pour la circonstance et liées à des réseaux importants (bibliothèques, foyers ruraux, F0L, MJC, offices du tourisme etc.). Une grande majorité (75%) ont des financements du ministère de la Culture par le biais des DRAC et sont soutenues quelquefois par le ministère de la Jeunesse et des Sports. Les spectacles en direction de publics scolaires ou de jeunes publics sont fréquents.

En parallèle des festivals, des stages de formation, des rencontres de conteurs amateurs, des expositions et des débats autour de thèmes liés à la littérature orale sont souvent programmés, souvent dans les bibliothèques, mais aussi dans d'autres institutions culturelles.

Théories sur les contes populaires [modifier]

Typologie Aarne Thompson [modifier]

La typologie la plus connue est la Typolologie dite "Aarne-Thomson".

Les collectes des histoires s'étant accumulées au fur et à mesure du XIXe siècle, les folkloristes ont éprouvés au début du XXe siècle le besoin de classifier tous ces récits, et d'opérer de manière empirique des recoupements entre différentes versions. L'objectif poursuivi était de mettre en valeur les éléments qui permettent de caractériser un même récit. Le finnois Annti Aarne, et son collègue américain Stith Thompson, aboutirent ainsi à la notion de conte-type, et à une classification des contes connue désormais sous le nom de classification Aarne-Thompson. Cette classification typologique (et non générique), comprend quatre grandes catégories:

  • le conte d'animaux
  • le conte proprement dit (subdivisé en conte merveilleux, conte religieux, conte-nouvelle et conte de l'ogre stupide)
  • le conte facétieux
  • le conte à formule (ou [randonnée)

Structure [modifier]

Articles détaillés : schéma quinaire et schéma actantiel.

Dans La Morphologie du conte (1928), Vladimir Propp analyse un corpus de contes russes qu'il réduit à une série de 31 fonctions portées par des personnages réductibles à sept caractères principaux[2]. Il considère ainsi le conte comme une structure narrative, dans laquelle les motifs sont interchangeables : on peut remplacer l'ogre par un dragon sans que le sens du récit soit modifié. Gianni Rodari proposera de réaliser un jeu de cartes basées sur les fonctions de Propp.


Claude Lévi-Strauss formulera des critiques à l'égard de la théorie de Propp (La structure et la forme, 1960) : il montrera par exemple que les contes se prêtent moins bien à l'analyse structurale que les mythes car ils sont de fonctionnement plus libre. Il affirmera aussi qu'en étudiant les contes en dehors de tout contexte ethnographique, l'analyse structurale conduit à des incohérences et à un excès d'abstraction.

Antoine Faivre considèrera à son tour que là où l'école finlandaise (Aarne et Thompson) péchait en ne voyant dans les contes que leur contenu, Vladimir Propp était critiquable par son ultra-formalisme, qui ne considère plus le contenu des contes, mais seulement leur structure[3].

Style [modifier]

Max Lüthi aborde le conte populaire d'un point de vue stylistique et littéraire, ce qui lui permet de le distinguer notamment de la légende. Il met notamment en valeur la platitude (Flächenhaftigkeit, littéralement la "désincarnation") et l'unidimensionnalité (Eindimensionalität) des personnages et des récits.

Les personnages n'ont pas d'histoire personnelle, ils se résument à leur action, et si leurs émotions sont évoquées, elles ne vont jamais jusqu'au cas de conscience. Un héros de conte populaire ne se pose que rarement des questions, et il n'hésite jamais. Le conte populaire ne connaît pas l'introspection. Ce en quoi ses personnages sont « plats », sans relief. L'unidimensionnalité du conte consiste en ce que l'univers dans lequel le récit prend place est continu. Il n'y a pas de rupture entre le monde normal et l'autre monde dans le conte, en conséquence de quoi le héros n'est jamais étonné ni même effrayé de rencontrer des créatures merveilleuses. L'autre monde n'est pas pour autant distinct du monde à partir duquel le récit prend place : il est éloigné spatialement du monde ordinaire, mais il n'en est pas éloigné ontologiquement. Le héros doit ainsi voyager très longuement avant d'arriver dans l'autre monde, ou bien passer un seuil, comme celui de la forêt, d'un château, d'un puits, etc.



11/11/2007
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