De psychiatre en psychiatre ou de l’obscurité à la lumière

 

 

 

 

De psychiatre en psychiatre ou de l’obscurité à la lumière

1/01/2008

Témoignages > Information-Psychoéducation-Découverte du diagnostic

Le message que j’espère véhiculer à travers mon témoignage consiste à vous dire d’être vraiment très vigilant quant à la relation que vous entretenez avec votre psychiatre.
J’ai 39 an et demi et voici mon témoignage

Entre mon père et ma mère


Mon histoire personnelle remonte à loin mais ma première confrontation avec l’univers psychiatrique date de dix ans et demi. J’allais à l’époque sur mes 29 ans. Depuis ma naissance, je suis en butte à la tyrannie de mon père qui n’a pas pu accepter le fait de ne pas avoir de fils. Sa misogynie viscérale s’est traduite par une négation totale de mes aspirations, une dévalorisation systématique de ma personnalité, une éducation basée sur la peur, et tutti quanti…J’ai, par contre, hérité d’une mère adorable, mais qui s’est, elle aussi, insidieusement laissée broyer par mon père car une Italienne catholique ça ne divorçait pas…Bref, depuis toute petite, j’ai développé une hypersensibilité sans cesse heurtée par l’influence dévastatrice paternelle. Ainsi, je n’ai pas pu m’épanouir normalement, faire le métier artistique que je désirais, et un tas d’autres choses pourtant bien naturelles. Je ne me suis jamais rebellée car il me faisait littéralement peur et je cherchais constamment, mais en vain, une reconnaissance de sa part, de la tendresse tout simplement. Ce n’est que maintenant que j’ose l’affronter ! Dans ces circonstances, il y a longtemps que j’aurais eu besoin de l’aide d’un psychiatre mais pour lui, côtoyer un psychiatre c’était fréquenter un fou, et il me l’avait formellement interdit. J’étais souvent triste et sujette à des obsessions.

Bouffées délirantes


C’est à la suite d’un surmenage intellectuel sur fonds de dépression avec maigreur et à cause de son harcèlement moral permanent que je me suis retrouvée à l’hôpital psychiatrique en janvier 1998. J’étais alors sur le point de retourner chez moi après avoir passé les fêtes de fin d’année chez mes parents où j’étais restée trop confinée. J’avais besoin, en effet, de retrouver ma liberté. J’ai donc été victime de ce que l’on appelle des « bouffées délirantes », c’est-à-dire des épisodes de délire qui surviennent brusquement : une rupture soudaine et brutale avec la réalité, un état pathologique avec des pensées irrationnelles accompagné d’une excitation psychomotrice. C’était tout nouveau pour moi. Je précise que je n’avais absorbé aucune substance pouvant déclencher un tel état. Transférée aux urgences où l’on n’a rien trouvé de mieux à faire que de m’attacher les poignets et les chevilles aux barreaux du lit, le psychiatre de garde ne s’étant même pas déplacé, j’ai ensuite atterri dans un hôpital psychiatrique où l’on m’a annoncé que je souffrais de névrose obsessionnelle, autrement dit en langage psy moderne de TOCs. Un traitement à base de SOLIAN (neuroleptique) avec adjonction d’EQUANIL (anxiolytique) a d’abord été instauré. Le psychiatre n’a pas pensé une seconde que ces bouffées délirantes pouvaient être le signe de troubles bipolaires. Quelque temps après, toujours dépressive, j’ai commencé à développer des TOCs. J’ai été mise sous NEULEPTIL (neuroleptique) et MOCLAMINE (antidépresseur IMAO) : aucun résultat probant, mon état empirait même. Des TOCs sévères m’envahissaient de plus en plus. Ce n’est que fin mai, qu’un traitement efficace a été mis en place : l’ANAFRANIL (antidépresseur imipraminique) à visée anti-TOCs, avec continuité du NEULEPTIL. L’amélioration ne s’est, cependant, faite ressentir qu’au bout de plusieurs mois. Le NEULEPTIL a été arrêté en octobre. Je pensais que l’ANAFRANIL (à dose maximale fin 1998) était vraiment le traitement miracle.

Hypomanie


Mais l’ANAFRANIL avait un effet progressivement pernicieux sous des allures de bien-être. Je devenais de jour en jour « mieux que bien ». J’étais débarrassée des TOCs et mon moral était au beau fixe. Ma personnalité se modifiait. D’introvertie, j’étais devenue extravertie. Tout était excessif : sentiments et actions. Je ne me reconnaissais plus mais je trouvais cet état exaltant. En fait, ce psychiatre praticien hospitalier, officiant tranquillement en Centre Médico-Psychologique, habitué à sa routine, ne s’était pas rendu compte que je développais une hypomanie (forme atténuée d’état maniaque). Il y avait eu sous ANAFRANIL ce qu’on appelle un virage thymique, que l’on classe comme trouble bipolaire type III. Ce psychiatre a donc été complètement aveugle jusqu’à son départ à l’été 2001. Me sentant alors « guérie », absence de TOCs et de dépression majeure, j’ai confié mon suivi à ma généraliste. Nous avons convenu de diminuer progressivement les doses d’ANAFRANIL et j’ai même totalement arrêté le traitement au printemps 2003. Grave erreur car deux mois plus tard, je m’écroulais : pleurs incessantes, manque de confiance en moi, régression, etc… J’ai d’ailleurs dû annuler le projet de vie que je m’étais fixé en période hypomaniaque, à savoir partir travailler en Angleterre. J’ai de nouveau consulté un psychiatre à partir de l’été. Je lui ai fait mon historique mais rien dans mon récit ne l’a alerté sur une possible suspicion de troubles bipolaires. Il m’a mise sous ZOLOFT (antidépresseur IRS à fonction anti-TOCs), mais sans stabilisateur de l’humeur.

Valse des médicaments


Au début, ça allait à peu près, puis mon état se dégradant, dépression sévère et regain des TOCs (aggravation significative sous ZOLOFT à dose maximale), la «valse » des psychotropes a pu commencer. J’avais l’impression d’être un vulgaire cobaye : près d’une vingtaine de psychotropes m’ont été successivement administrés jusqu’au printemps 2006. La liste est édifiante. Mes TOCs étaient en fait réfractaires, c’est-à-dire résistants aux traitements. L’ANAFRANIL, qui avait de nouveau été prescrit ne me faisait plus aucun effet : aucune réponse au traitement. Là encore, le psychiatre n’a pas pensé que je pouvais être bipolaire. Il m’a faite hospitaliser deux fois mais cela n’a servi à rien. Mes TOCSs étaient devenus totalement invalidants. Je n’étais bien sûr pas en état de travailler. Je suivais, néanmoins, une TCC (Thérapie Cognitive et Comportementale) en CMP avec une jeune psychologue en partie d’origine italienne comme moi. On s’entendait très bien. Cela m’apportait un réconfort. Mon psychiatre était impuissant à me soigner. Il envisageait des électrochocs, ce que je refusai catégoriquement. Je m’imaginais finir internée à vie en asile psy. Je ne m’occupais plus du tout de mon apparence physique...

Rencontre avec un expert


C’est alors que ma psychologue, fort ennuyée de me voir ainsi, a parlé de mon cas à son chef de service, qui a suggéré que j’aille consulter un expert des TOCs Difficiles. J’ai donc pris contact avec ce nouveau médecin et je l’ai rencontré pour la première fois le 23 mai 2006. C’est une date clé dans ma vie, qui restera à jamais gravée dans ma mémoire. Cette rencontre de la dernière chance s’est avérée être miraculeuse pour moi. En effet, cet expert a, en deux temps trois mouvements, diagnostiqué une bipolarité atténuée sous-jacente appelée cyclothymie ou trouble BP II ½. Il avait décelé chez moi un cas de comorbidité : troubles anxieux et troubles de l’humeur.

Il a alors arrêté le traitement en cours, qui s’apparentait à un vrai cocktail, et a prescrit une combinaison de deux antiépileptiques (NEURONTIN et DEPAKINE), qui devaient dans un premier temps me réguler l’humeur. Ce n’est que trois mois plus tard qu’il a réintroduit l’ANAFRANIL pour lutter contre les TOCs. Et là, ça a marché de nouveau ! Le NEURONTIN a été stoppé. L’avantage avec la DEPAKINE, thymorégulateur par excellence, c’est que je ne peux pas virer hypomaniaque en étant sous ANAFRANIL, comme ce fut le cas auparavant. Ce médecin est tout simplement génial. Il sait être à l’écoute du patient et il travaille « avec » son patient. C’est en quelque sorte un partenariat. Mais, ce qui m’a profondément choquée, c’est l’attitude de mon psychiatre suite à cette visite. En effet, l’expert avait fait une lettre explicative de son diagnostic, et à la lecture de ce courrier, mon psychiatre a fait une moue complètement désapprobatrice. Pour lui, il était inconcevable que je sois bipolaire. Il a, cependant, fait à contre coeur l’ordonnance préconisée. Il était obtus, pas du tout flexible et avait un abord de porte de prison. Par la suite, il a continué à faire preuve d’incrédulité face à l’amélioration progressive que je présentais. Il ne paraissait pas se réjouir de mon mieux-être. Peut-être une jalousie envers ce confrère expert, qui avait su voir clair là où il avait échoué ? Ce n’est en tout cas pas très déontologique…

Début 2007, je me suis décidée à le quitter. J’habite à un peu moins de 100 kms de Paris mais je tiens absolument à rencontrer l’expert une fois par mois. Il me ressource quand c’est nécessaire. Outre sa grande compétence médicale incontestable, c’est un homme formidable, très humain et agréable. Nos échanges sont toujours enrichissants.

Aujourdʼhui


Aujourd’hui, je vais bien. Mon traitement est léger et tout à fait bien supporté. Les TOCs ont quasiment disparu, du moins je gère, et ma cyclothymie est bien cadrée. Ma sensibilité est toujours là. Ma créativité n’est pas altérée. Je suis de nouveau capable de travailler et j’envisage l’avenir sous un angle positif. On pourrait presque dire qu’en dix ans, je suis passée de l’Enfer au Paradis. En l’espace de deux an, une sorte de métamorphose s’est opérée. C’est la « vraie » moi qui est apparue. Enfin, à l’heure actuelle, à 39 ans et demi, j’ai l’intime conviction que le meilleur reste à venir...

Message


Les médecins ont la mission de délivrer aux patients les soins basés sur l’évidence et les preuves scientifiques. Mais la meilleure évidence est l’amélioration et la satisfaction du patient. Face à cela, le médecin doit respecter cette évidence et se réjouir quand son patient "va mieux", même si les soins et les traitements ne sont pas congruents avec son approche clinique ou sa philosophie. Un peu d’humilité ne fait pas de mal à personne!


08/05/2013
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