Diagnostiquée par Mickael Crichton et Kerry Weaver
Diagnostiquée par Mickael Crichton et Kerry Weaver
1/01/2009
Témoignages > Information-Psychoéducation-Découverte du diagnostic
Je suis née bipolaire; c’est ce que je sais maintenant, â 59 ans.
Jusqu’â 54 ans, je croyais que mes parents m’avaient rendue dépressive, voire folle, dans ma petite enfance. Pauvres parents. Quand mon frère s’est suicidé, quelques jours avant mes quarante ans, c’était bien sûr de leur faute. Ils m’avaient dit qu’il était schizophrène mais moi, je n’en croyais rien. De leur faute, je vous dis, on me le disait, responsables, mais pas coupables, tension, hein ! Dieu ou qui que ce soit merci, je n’ai jamais osé le leur reprocher. C’était déjâ bien assez tendu comme ça entre nous. Je leur ai mené la vie dure, très dure.
La mienne l’était tout autant, il faut dire. De dépressions en dépressions, d’envies de mourir en envies en mourir, ne me sentant bien qu’en début d’histoires amoureuses (évidemment, je les accumulais, voire les cumulais), je ne tenais qu’au fil de mes séances de Pip (psychothérapies d’inspiration analytique), accrochée â la vie par la barbe du gourou viennois. Je jouais au ? je te tiens, tu me tiens, par la barbichette ? tantôt assise, tantôt allongée (ça, je n’aimais pas du tout mais je me forçais, désireuse de bien travailler pour enfin aller mieux).
Et puis oh, miracle, vers 41 ans, tout s’apaise pour moi. Pendant dix ans, plus une seule dépression. Je reste fragile, j’ai encore des attaques de panique parfois, je suis toujours mal â l’aise avec les gens MAIS je sais enfin ce qu’est être bien. Je me réveille enfin sans me dire : quelle horreur, encore une journée â vivre. D’ailleurs, les premiers mois, quand je me réveille, je me demande quelle est cette sensation bizarre que je ressens. Et puis je la reconnais : le plaisir. Le plaisir de vivre, tout simple, tout simplement. Ayé, j’avais bien travaillé finalement, je récolte, je suis guérie.
En l’an 2000, il n’y a pas eu les grands bugs annoncés... sauf pour moi. La nouvelle responsable du service communication m’éjecte, alors que j’adorais mon travail et je me retrouve dans un placard. Deux mois plus tard mon compagnon, plus jeune que moi, m’annonce qu’il a envie d’avoir des enfants, ce qui, selon notre contrat moral, signifie notre séparation. Je me retrouve comme des manches de veste avec personne dedans. Dans un réflexe vieux comme mon monde, je fonce chez un psychiatre pour me faire re-psychothérapiser, au cas où. Il me prescrit des antidépresseurs, au cas où. Et je demande un soutien deux fois par semaine, la force de l’habitude
Pendant deux ans, je vais être dans un état étrange, inconnu. Plusieurs personnes vont me décrire comme ? pleine de joie de vivre ? ou ? une boule d’énergie ?. Quand â mon futur ex, il va même me demander si je l’avais vraiment aimé. Si j’ai, au début, subi des états d’anxiété très intenses, avec difficultés respiratoires, attaques de panique, sudation des mains et des pieds inhabituelle chez moi, c’est vrai qu’ensuite je suis partie â la chasse au nouveau compagnon la fleur au fusil. Au travail, j’ai utilisé mon temps malencontreusement libéré pour développer une activité syndicale ,tout en découvrant les possibilités de recherche de l’âme soeur via internet. J’ai fait des tas de rencontres, j’ai eu des tas de flops qui ont brisé mon p’tit c?ur rose... pour au moins 24h et puis hop, je repartais comme si rien ne s’était passé. Méconnaissable.
L’été 2002, j’ai rencontré Thierry grâce â un site internet de rencontre sérieux. Nous nous sommes testés puis lus et approuvés. J’ai résilié mon bail pour en signer un avec lui. A reconduire explicitement par les deux parties aussi longtemps que nous le souhaiterions.
Un joli dimanche de juillet, je me suis endormie pour une sieste. Quand je me suis réveillée, c’est lui qui dormait, enfin non, ses yeux étaient ouverts... pour toujours. Je n’ai pas pleuré. Oh, de temps en temps j’interrompais ce que je faisais parce que je revoyais ses yeux vides et je hurlais comme un coyote tourné vers la lune. Sinon, j’étais la plus heureuse du monde et je n’avais jamais eu autant d’énergie. Je parlais avec n’importe qui, j’allais vers les autres qu’ils le veuillent où non :)), toute timidité, toute crainte avait disparu. Heu-reu-se, je vous dit.
Ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort. Je n’ai jamais, comme mon père, cru â ces dictons populaires. En l’occurrence, c’est toutes ces années de psy qui m’avaient rendue indestructible, c’est sûr. Loué soit Freud ! Et sa disciple Monique.
Quand il est rentré de vacances, mon psychiatre n’avait pas l’air aussi enthousiaste que moi. Il n’arrêtait pas de me demander si je dormais, si je mangeais, ce que je faisais de mes journées. Moi, je lui disais que je n’avais plus besoin de venir le voir et lui, il voulais me voir plus souvent. Il m’énervait, celui-lâ . Il disait que je ne dormais pas assez. Il disait qu’il s’attendait â me trouver effondrée et qu’au contraire... Il disait que ce manque de sommeil et toute cette énergie c’était dangereux. Mais comme je lui faisais confiance, je lui ai répondu que OK, c’était lui le médecin, j’allais prendre des somnifères, effectivement je me sentais très fatiguée et pourtant, c’est vrai, je n’arrivais pas â dormir plus d’une heure par jour.
Quelques temps après, il m’a prescrit un médicament, du Tégrétol. Il m’a dit que c’était pour réguler mon humeur. Je n’ai pas posé de questions. Je me sentais effectivement un peu sous pression, je ne supportais pas d’attendre, ça me mettait en rage. Je ne compte pas le nombre de vendeurs ou de caissières qui ont fait les frais de mon état â cette époque. Comme les héritiers de Thierry m’ont harcelée pour que je quitte très vite sa maison, j’ai dû me réinstaller très vite ailleurs et racheter pas mal de choses, tous les Ikéa de la région parisienne doivent se souvenir de moi
Sous Tégrétol, en quarante-huit heures, le soufflé a fait pschit, j’ai dormi pendant deux jours et ensuite ce furent les larmes et la dépression. Pendant plusieurs mois. Une méchante, comme autrefois, avec envie de mort et toute la panoplie. J’ai relié mon état au Tégrétol, que j’ai arrêté. J’en ai informé mon psychiatre. Il n’a pas battu un cil. J’ai peu â peu retrouvé de l’énergie. Re état cocotte minute, re Tégrétol, re dépression, re arrêt du Tégrétol.
Un jour que je légumais devant le poste, rediffusion d’un épisode d’Urgences. Voilâ le résumé des séquences qui se rapportent â mon propos : Saison 7, épisode 6 "La visite"
Alors qu’ils attendent une ambulance, Luka et Chuny sont approchés par une femme excentrique qui cherche l’entrée des urgences. Elle finit par s’installer en salle de repos, où elle distribue des gâteaux â tout le monde. Frank et Malik sont ravis mais Kerry doit lui demander de partir. L’intruse se présente alors sous le nom de Maggie Wichensky. Il s’agit de la mère d’Abby?
Frank apprend â Abby que sa mère veut la voir. Abby la pensait en Floride et elle est surprise de la voir discuter avec ses collègues et distribuer du jus d’orange â tout le monde. Maggie Wichensky refuse de partir et continue de faire connaissance avec le personnel des urgences. Maggie appelle Abby en criant dans tout l’hôpital et s’énerve contre tout le monde...
Kerry demande â Abby : depuis quand votre mère est-elle bipolaire ? Abby répond qu’elle l’est depuis toujours mais qu’elle a décidé d’arrêter son traitement?
Autour d’un café, Abby raconte â Carter son enfance difficile. Elle pense que sa mère aime ses états maniaques
Maggie refuse l’aide d’un psy. Elle a interrompu son traitement seulement parce qu’elle a horreur du lithium, qui éteint sa créativité. Elle prend du Prozac en attendant, et promet de changer de traitement. Elle finit par s’effondrer en larmes devant Abby.
Autant vous dire que cet épisode a eu toute mon attention. En voyant le manège de Maggie avec l’équipe des urgences, sa volubilité, son insistance â faire accepter â tous soda et petits gâteaux, je me suis reconnue. Dans son refus de prendre le médicament qu’on lui avait prescrit, je me suis reconnue face au Tégrétol. Le mot bipolaire, je ne l’avais jamais entendu de ma vie, en tout cas pour nommer une maladie. J’ai saisi un papier et un crayon et je l’ai noté. Dès l’épisode fini ça a été ? vous pouvez éteindre la télé et reprendre une activité normale ?. Je ne vous dis pas comme le Gogol a chauffé. J’ai béni le haut débit comme jamais. Le premier site que j’ai consulté, c’est très heureusement le très bien fait www.bipolaire.org. C’était CA ! J’ai cherché Tégrétol, aussi. J’ai trouvé des notices plus détaillées qui reliaient ce médicament la bipolarité. J’ai fait part de ma découverte â Stéphane, mon compagnon, pour avoir un regard extérieur. Et il a confirmé. â?a y ressemblait fichtrement. Je collais dans le tableau clinique. Je n’ai pas quitté Gogol Ier pendant deux jours.
Restait â convaincre mon psychiatre*. On s’est longuement préparés pour le rendez-vous suivant. Il fallait absolument qu’il entérine le diagnostic, on y est allés â deux. Je suis entrée dans son cabinet, l’ai salué très vite et ai attaqué :
- Et si je vous dis ? bipolaire ? ?
− Je vous répondrai que ça y ressemble
- Mince, c’était si facile que ça ? Mais alors... Et vous le savez depuis quand ?
Il se trouble un peu, hésite...
- Depuis quelques temps. A cause de vos dépressions qui sont hors de proportion avec la réalité.
Mais alors, il doit le savoir depuis le début au presque...
− Et vous ne m’avez rien dit ?
Silence...
Quelques rendez-vous plus tard, je le quittais, découvrant qu’il ne savait pas qu’un thymorégulateur se prend â vie. C’était un bon diagnostiqueur, il avait découvert une bipo type II, â partir de dépressions presque sans objet, savait de surcroit que j’étais mixte, mais il ignorait le b. a. ba du traitement et avait manqué â son devoir d’information du patient.
Ensuite, j’ai consulté chez un autre psychiatre, que je connaissais un peu, plus empathique, ce dont j’avais besoin, â qui j’avais demandé au téléphone s’il connaissait la bipolarité et s’il suivait des patients bipolaires. J’étais toujours en quête de psychothérapie. Car bien qu’ayant découvert que je souffrais en fait d’une maladie organique et génétique, je n’avais pas encore fait les liaisons nécessaires â savoir couper le cordon du freudisme puisqu’â maladie organique pas d’explication psychanalytique, n’est-il point ? Difficile de perdre 34 ans de mauvaises habitudes.
Lors de mes recherches sur internet, j’avais découvert un forum français pour malades bipolaires, que je me mis â fréquenter assidument. J’y appris pas mal de choses et entre autres que la maladie n’était pas si simple â soigner que mes premières lectures le laissaient entendre et qu’il valait mieux consulter un psychiatre spécialisé. Deux noms seulement circulaient. Mon psychiatre refusa de me laisser aller chez l’un des deux mais son ?il brilla â l’évocation de l’autre.
C’est ainsi qu’un mois de février 2005 je devins la patiente du docteur Hantouche, qui venait d’ouvrir son premier cabinet.
(*â venir : ? le diagnostic, c’est fantastique ?, où j’expliquerai pourquoi cette découverte a été si positive pour moi)
La mienne l’était tout autant, il faut dire. De dépressions en dépressions, d’envies de mourir en envies en mourir, ne me sentant bien qu’en début d’histoires amoureuses (évidemment, je les accumulais, voire les cumulais), je ne tenais qu’au fil de mes séances de Pip (psychothérapies d’inspiration analytique), accrochée â la vie par la barbe du gourou viennois. Je jouais au ? je te tiens, tu me tiens, par la barbichette ? tantôt assise, tantôt allongée (ça, je n’aimais pas du tout mais je me forçais, désireuse de bien travailler pour enfin aller mieux).
Et puis oh, miracle, vers 41 ans, tout s’apaise pour moi. Pendant dix ans, plus une seule dépression. Je reste fragile, j’ai encore des attaques de panique parfois, je suis toujours mal â l’aise avec les gens MAIS je sais enfin ce qu’est être bien. Je me réveille enfin sans me dire : quelle horreur, encore une journée â vivre. D’ailleurs, les premiers mois, quand je me réveille, je me demande quelle est cette sensation bizarre que je ressens. Et puis je la reconnais : le plaisir. Le plaisir de vivre, tout simple, tout simplement. Ayé, j’avais bien travaillé finalement, je récolte, je suis guérie.
En l’an 2000, il n’y a pas eu les grands bugs annoncés... sauf pour moi. La nouvelle responsable du service communication m’éjecte, alors que j’adorais mon travail et je me retrouve dans un placard. Deux mois plus tard mon compagnon, plus jeune que moi, m’annonce qu’il a envie d’avoir des enfants, ce qui, selon notre contrat moral, signifie notre séparation. Je me retrouve comme des manches de veste avec personne dedans. Dans un réflexe vieux comme mon monde, je fonce chez un psychiatre pour me faire re-psychothérapiser, au cas où. Il me prescrit des antidépresseurs, au cas où. Et je demande un soutien deux fois par semaine, la force de l’habitude
Pendant deux ans, je vais être dans un état étrange, inconnu. Plusieurs personnes vont me décrire comme ? pleine de joie de vivre ? ou ? une boule d’énergie ?. Quand â mon futur ex, il va même me demander si je l’avais vraiment aimé. Si j’ai, au début, subi des états d’anxiété très intenses, avec difficultés respiratoires, attaques de panique, sudation des mains et des pieds inhabituelle chez moi, c’est vrai qu’ensuite je suis partie â la chasse au nouveau compagnon la fleur au fusil. Au travail, j’ai utilisé mon temps malencontreusement libéré pour développer une activité syndicale ,tout en découvrant les possibilités de recherche de l’âme soeur via internet. J’ai fait des tas de rencontres, j’ai eu des tas de flops qui ont brisé mon p’tit c?ur rose... pour au moins 24h et puis hop, je repartais comme si rien ne s’était passé. Méconnaissable.
L’été 2002, j’ai rencontré Thierry grâce â un site internet de rencontre sérieux. Nous nous sommes testés puis lus et approuvés. J’ai résilié mon bail pour en signer un avec lui. A reconduire explicitement par les deux parties aussi longtemps que nous le souhaiterions.
Un joli dimanche de juillet, je me suis endormie pour une sieste. Quand je me suis réveillée, c’est lui qui dormait, enfin non, ses yeux étaient ouverts... pour toujours. Je n’ai pas pleuré. Oh, de temps en temps j’interrompais ce que je faisais parce que je revoyais ses yeux vides et je hurlais comme un coyote tourné vers la lune. Sinon, j’étais la plus heureuse du monde et je n’avais jamais eu autant d’énergie. Je parlais avec n’importe qui, j’allais vers les autres qu’ils le veuillent où non :)), toute timidité, toute crainte avait disparu. Heu-reu-se, je vous dit.
Ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort. Je n’ai jamais, comme mon père, cru â ces dictons populaires. En l’occurrence, c’est toutes ces années de psy qui m’avaient rendue indestructible, c’est sûr. Loué soit Freud ! Et sa disciple Monique.
Quand il est rentré de vacances, mon psychiatre n’avait pas l’air aussi enthousiaste que moi. Il n’arrêtait pas de me demander si je dormais, si je mangeais, ce que je faisais de mes journées. Moi, je lui disais que je n’avais plus besoin de venir le voir et lui, il voulais me voir plus souvent. Il m’énervait, celui-lâ . Il disait que je ne dormais pas assez. Il disait qu’il s’attendait â me trouver effondrée et qu’au contraire... Il disait que ce manque de sommeil et toute cette énergie c’était dangereux. Mais comme je lui faisais confiance, je lui ai répondu que OK, c’était lui le médecin, j’allais prendre des somnifères, effectivement je me sentais très fatiguée et pourtant, c’est vrai, je n’arrivais pas â dormir plus d’une heure par jour.
Quelques temps après, il m’a prescrit un médicament, du Tégrétol. Il m’a dit que c’était pour réguler mon humeur. Je n’ai pas posé de questions. Je me sentais effectivement un peu sous pression, je ne supportais pas d’attendre, ça me mettait en rage. Je ne compte pas le nombre de vendeurs ou de caissières qui ont fait les frais de mon état â cette époque. Comme les héritiers de Thierry m’ont harcelée pour que je quitte très vite sa maison, j’ai dû me réinstaller très vite ailleurs et racheter pas mal de choses, tous les Ikéa de la région parisienne doivent se souvenir de moi
Sous Tégrétol, en quarante-huit heures, le soufflé a fait pschit, j’ai dormi pendant deux jours et ensuite ce furent les larmes et la dépression. Pendant plusieurs mois. Une méchante, comme autrefois, avec envie de mort et toute la panoplie. J’ai relié mon état au Tégrétol, que j’ai arrêté. J’en ai informé mon psychiatre. Il n’a pas battu un cil. J’ai peu â peu retrouvé de l’énergie. Re état cocotte minute, re Tégrétol, re dépression, re arrêt du Tégrétol.
Un jour que je légumais devant le poste, rediffusion d’un épisode d’Urgences. Voilâ le résumé des séquences qui se rapportent â mon propos : Saison 7, épisode 6 "La visite"
Alors qu’ils attendent une ambulance, Luka et Chuny sont approchés par une femme excentrique qui cherche l’entrée des urgences. Elle finit par s’installer en salle de repos, où elle distribue des gâteaux â tout le monde. Frank et Malik sont ravis mais Kerry doit lui demander de partir. L’intruse se présente alors sous le nom de Maggie Wichensky. Il s’agit de la mère d’Abby?
Frank apprend â Abby que sa mère veut la voir. Abby la pensait en Floride et elle est surprise de la voir discuter avec ses collègues et distribuer du jus d’orange â tout le monde. Maggie Wichensky refuse de partir et continue de faire connaissance avec le personnel des urgences. Maggie appelle Abby en criant dans tout l’hôpital et s’énerve contre tout le monde...
Kerry demande â Abby : depuis quand votre mère est-elle bipolaire ? Abby répond qu’elle l’est depuis toujours mais qu’elle a décidé d’arrêter son traitement?
Autour d’un café, Abby raconte â Carter son enfance difficile. Elle pense que sa mère aime ses états maniaques
Maggie refuse l’aide d’un psy. Elle a interrompu son traitement seulement parce qu’elle a horreur du lithium, qui éteint sa créativité. Elle prend du Prozac en attendant, et promet de changer de traitement. Elle finit par s’effondrer en larmes devant Abby.
Autant vous dire que cet épisode a eu toute mon attention. En voyant le manège de Maggie avec l’équipe des urgences, sa volubilité, son insistance â faire accepter â tous soda et petits gâteaux, je me suis reconnue. Dans son refus de prendre le médicament qu’on lui avait prescrit, je me suis reconnue face au Tégrétol. Le mot bipolaire, je ne l’avais jamais entendu de ma vie, en tout cas pour nommer une maladie. J’ai saisi un papier et un crayon et je l’ai noté. Dès l’épisode fini ça a été ? vous pouvez éteindre la télé et reprendre une activité normale ?. Je ne vous dis pas comme le Gogol a chauffé. J’ai béni le haut débit comme jamais. Le premier site que j’ai consulté, c’est très heureusement le très bien fait www.bipolaire.org. C’était CA ! J’ai cherché Tégrétol, aussi. J’ai trouvé des notices plus détaillées qui reliaient ce médicament la bipolarité. J’ai fait part de ma découverte â Stéphane, mon compagnon, pour avoir un regard extérieur. Et il a confirmé. â?a y ressemblait fichtrement. Je collais dans le tableau clinique. Je n’ai pas quitté Gogol Ier pendant deux jours.
Restait â convaincre mon psychiatre*. On s’est longuement préparés pour le rendez-vous suivant. Il fallait absolument qu’il entérine le diagnostic, on y est allés â deux. Je suis entrée dans son cabinet, l’ai salué très vite et ai attaqué :
- Et si je vous dis ? bipolaire ? ?
− Je vous répondrai que ça y ressemble
- Mince, c’était si facile que ça ? Mais alors... Et vous le savez depuis quand ?
Il se trouble un peu, hésite...
- Depuis quelques temps. A cause de vos dépressions qui sont hors de proportion avec la réalité.
Mais alors, il doit le savoir depuis le début au presque...
− Et vous ne m’avez rien dit ?
Silence...
Quelques rendez-vous plus tard, je le quittais, découvrant qu’il ne savait pas qu’un thymorégulateur se prend â vie. C’était un bon diagnostiqueur, il avait découvert une bipo type II, â partir de dépressions presque sans objet, savait de surcroit que j’étais mixte, mais il ignorait le b. a. ba du traitement et avait manqué â son devoir d’information du patient.
Ensuite, j’ai consulté chez un autre psychiatre, que je connaissais un peu, plus empathique, ce dont j’avais besoin, â qui j’avais demandé au téléphone s’il connaissait la bipolarité et s’il suivait des patients bipolaires. J’étais toujours en quête de psychothérapie. Car bien qu’ayant découvert que je souffrais en fait d’une maladie organique et génétique, je n’avais pas encore fait les liaisons nécessaires â savoir couper le cordon du freudisme puisqu’â maladie organique pas d’explication psychanalytique, n’est-il point ? Difficile de perdre 34 ans de mauvaises habitudes.
Lors de mes recherches sur internet, j’avais découvert un forum français pour malades bipolaires, que je me mis â fréquenter assidument. J’y appris pas mal de choses et entre autres que la maladie n’était pas si simple â soigner que mes premières lectures le laissaient entendre et qu’il valait mieux consulter un psychiatre spécialisé. Deux noms seulement circulaient. Mon psychiatre refusa de me laisser aller chez l’un des deux mais son ?il brilla â l’évocation de l’autre.
C’est ainsi qu’un mois de février 2005 je devins la patiente du docteur Hantouche, qui venait d’ouvrir son premier cabinet.
(*â venir : ? le diagnostic, c’est fantastique ?, où j’expliquerai pourquoi cette découverte a été si positive pour moi)