EFFET POSITIF du SPORT sur le BIPOLAIRE
Quand l'exercice monte à la tête
Richard Chevalier
collaboration spéciale, La Presse
On connaît bien les effets de l'exercice sur le coeur, les os, les muscles et certains organes comme le pancréas et le foie. Mais saviez-vous que l'exercice peut aussi vous monter à la tête, plus précisément au cerveau ?
Un exercice aérobique peut augmenter le débit sanguin dans le cerveau de plus de 30 %. Un tel afflux de sang apporte son lot d'oxygène, de nutriments et d'hormones. Le cerveau ne peut qu'en bénéficier comme nous le verrons.
Que penser du regard euphorique du coureur de longue distance après 90 minutes d'exercice ? Après tant d'effort, il devrait grimacer de douleur, non ? Au contraire, on dirait qu'il est "gelé" ! S'il en est ainsi, c'est parce que notre coureur est sous l'effet des endorphines dont la sécrétion a quintuplé au cours de l'exercice. Ces hormones, sécrétées par le cerveau, sont de la même famille biochimique que les opiacées (morphine, héroïne, opium), elles engourdissent la douleur et nous plongent dans un état second tout à fait... légal !
Selon des études récentes, le high du coureur de longue distance pourrait être attribuable à l'action de la dopamine, de la noradrénaline ou encore de la sérotonine, des neurotransmetteurs qui influencent notre humeur et bien d'autres fonctions du cerveau. Mais attention ! l'effort doit être de longue durée - habituellement plus d'une heure - pour ressentir l'effet euphorisant de l'exercice, dont l'intensité varie d'une personne à l'autre. Comme pour un médicament, une dose équivalente n'a pas le même effet chez tous les individus.
Cela dit, il est clair que l'exercice, en plus d'améliorer nos capacités physiques, agit sur notre cerveau pour le plus grand bien de notre esprit. Voici quelques-uns des effets cérébraux de l'exercice.
Plus grande activité des ondes alpha et idées plus claires
En se servant d'un électroencéphalogramme (mesure de l'activité électrique du cerveau), des chercheurs ont pu démontrer que les exercices rythmiques (marche, jogging, natation, patin à roulettes, etc.) augmentaient l'activité des ondes alpha dans le cerveau. Ces ondes sont associées à un état de calme semblable à celui ressenti par ceux qui pratiquent la méditation ou le yoga. Les exercices rythmiques favoriseraient aussi - ce n'est pas certain - la synchronisation des deux hémisphères du cerveau en les activant simultanément. Ainsi, pendant qu'on jogge, marche ou nage, la pensée rationnelle de l'hémisphère gauche se mêlerait à la pensée intuitive et imagée de l'hémisphère droit, ce qui aurait pour effet de nous éclaircir les idées. Souvenez-vous qu'Aristote aimait faire de longues promenades pour réfléchir. Toutefois, cet effet cérébral de l'exercice n'a pas encore été clairement démontré.
De nouvelles cellules nerveuses ?
L'exercice agirait sur la structure même du cerveau en favorisant la formation de nouvelles cellules nerveuses (neurones), ainsi que de nouvelles interconnections entre ces cellules. Telles sont les conclusions d'études sur des souris menées aux États-Unis à l'institut médical Howard Hughes. Les chercheurs ont aussi observé que le cerveau des souris entraînées avait 2,5 fois plus de cellules nerveuses que celui des souris sédentaires. Ces nouvelles cellules sont apparues dans l'hippocampe, une région du cerveau associée à la mémoire à court et à long terme.
Un frein à l'atrophie du cerveau
Si les chercheurs ne peuvent conclure, pour le moment, que l'exercice favorise chez l'être humain la formation de neurones comme on l'a observée chez les souris, ils ont constaté que l'exercice retardait l'atrophie du cerveau associée au vieillissement. Grâce à la résonance magnétique, des chercheurs ont pu étudier, pour la première fois, le cerveau de 55 volontaires âgés de 56 à 79 ans. Leurs conclusions sont stupéfiantes : le cerveau des personnes actives physiquement avait perdu beaucoup moins de matières grise et blanche que celui des personnes qui faisaient peu d'exercice. La matière grise abrite les neurones, des cellules indispensables à l'apprentissage et à la mémoire, tandis que la matière blanche se compare à un gigantesque réseau Internet constitué de milliards d'interconnections (fibres nerveuses) qui transmettent les signaux émis par les neurones au cerveau.
Les régions du cerveau sur lesquelles l'exercice semble avoir le plus d'effet sont les cortex pariétal, frontal et temporal. Ces régions sont associées aux fonctions cognitives (mémoire, apprentissage). L'étude (Aerobic Fitness Reduces Brain Tissue Loss in Aging Humans) a été publiée en février 2003 dans la revue médicale The Journal of Gerontology : Medical Sciences.
Un cerveau mieux oxygéné et plus alerte
Une étude menée auprès de 6000 femmes âgées de plus de 65 ans et suivies pendant huit ans, indique que celles dont les fonctions cognitives étaient les moins altérées étaient les plus actives physiquement. En revanche, les performances intellectuelles des femmes moins actives physiquement avaient diminué passablement.
D'après les auteurs, plus les femmes étaient actives physiquement, moins elles avaient de chances de présenter une détérioration de leurs fonctions cognitives à la fin du suivi. Selon plusieurs chercheurs, cet effet de l'exercice sur les fonctions cognitives pourrait être dû, du moins en partie, à l'augmentation du débit sanguin dans le cerveau, atteignant parfois plus de 30% comme on l'a vu précédemment. Cela a pour effet d'accroître dans le cerveau l'apport en oxygène frais et en éléments nutritifs.
Une étude récente menée sur des chimpanzés adultes révèle qu'après 20 semaines d'exercices de type aérobique, de nouveaux vaisseaux sanguins (capillaires) s'étaient formés dans le cerveau de ces mammifères proches de l'homme. L'injection dans le sang des chimpanzés d'une substance radioactive a permis la découverte de ces nouveaux capillaires.
Plus de dopamine, de sérotonine et d'endorphines
Des recherches ont démontré ces dernières années que la pratique régulière de l'activité physique favorise la synthèse dans le cerveau de la sérotonine, un neurotransmetteur produit par les neurones qui influence les zones cérébrales contrôlant l'humeur. Ainsi, on sait que les personnes déprimées ont un taux anormalement bas de sérotonine. D'ailleurs, il est maintenant scientifiquement établi que l'exercice réduit les symptômes de la dépression au même titre que le ferait un antidépresseur. On sait aussi que les enfants atteints du syndrome du trouble déficitaire de l'attention avec hyper-activité motrice souffriraient d'une déficience en dopamine, que vient combler un médicament comme le Ritalin.
Or, l'exercice a un effet dopaminergique, c'est-à-dire qu'il augmente le taux de dopamine dans le cerveau (j'en ai parlé dans la chronique du 14 septembre 2003). De plus, la sécrétion d'endorphines dans le cerveau augmente substantiellement après une période d'exercice. Cet effet expliquerait pourquoi les femmes souffrant du syndrome prémenstruel qui sont plus actives physiquement, voient leurs symptômes s'atténuer considérablement. Le taux d'endorphines dépend de l'intensité et de la durée de l'exercice. Voilà pourquoi les exercices aérobiques prolongés (jogging, vélo, ski de fond, etc...) sont les plus "endorphinogènes".
En somme, ces effets confirment que l'exercice agit sur le cerveau, à l'instar des psychotropes, en améliorant notre humeur et nos fonctions cognitives. Alors la prochaine fois que vous ferez de l'exercice, laissez-le monter à la tête !
A titre personnel, je confirme les bienfaits d'une activitée sportive régulière sur mon humeur !!!
(en plus d'un thymorégulateur bien sur car ce n'est pas la solution miracle)
je confirme également le high, évoqué plus haut, suite à un effort superieur à 1 heure de jogging: c'est planant, régénérant, exaltant et régulateur.
Mais même ceux qui ne sont pas habitués à des efforts longs, tireront bénéfices sur leur humeur d'un effort sportif régulier quelque soit le sport pratiqué.