Evolution de la bipolarité sur le long terme
Evolution de la bipolarité sur le long terme |
Evoquer le cours évolutif du trouble bipolaire est difficile, tant cette maladie est multiforme, comme vous allez le découvrir dans l'article et comme, si vous êtes vous même bipolaire, vous le savez peut-être déjà. Cet article, synthèse de nombreux travaux cités en annexe, fournie par le Centre des troubles anxieux et de l'humeur (CTAH) couvre deux aspects de l'évolution de la bipolarité : individuelle et collective. En effet, il semblerait que la maladie se transforme non seulement au fil du temps pour un individu mais aussi qu'il est possible que des modifications génétiques soient survenues de générations en générations expliquant pourquoi le trouble semble devenir plus précoce et plus sévère. Nous vous invitons à lire aussi, dans le forum "La bipolarité au quotidien", les réponses de bipolaires à un questionnaire fourni par le CTAH en même temps que cette synthèse, fil ouvert le 2 novembre 2008 sous le titre "CTAH : questionnaire evolution bipolarité). Bipolarité : maladie capricieuseIl y a des personnes ayant expérimenté un seul épisode au cours de leur vie ou présenté après une phase active de la maladie bipolaire, un intervalle libre (sans épisodes) sur plusieurs années. D’autres patients ont vécu avec des épisodes chroniques ou récurrents (un épisode ou plus par an). C’est dire à quel degré la maladie bipolaire est capricieuse. Cela dit, les premiers cas de figure existent certes, mais ne sont pas le prototype évolutif de la bipolarité. Ils ne sont pas ceux qui remplissent nos cabinets ou ne sont pas inclus dans les études cliniques. Au début de l’ère du lithium, presque 100% des cas bipolaires étaient sensibles aux effets positifs de ce traitement. Actuellement, on assiste au phénomène inverse : la majorité des bipolaires présente un trouble récurrent et/ou chronique (avec des manifestations persistantes). Typiquement, un trouble bipolaire ne se limite pas à un seul épisode,En effet, les études montrent que :
Les études prospectives ayant exploré le devenir des bipolairesEn 1975, Winokur, un des grands noms de la psychiatrie américaine, pensait que la maladie bipolaire avait tendance à s’affaiblir avec le temps. Malheureusement, ce mythe n’a pas longtemps duré. Les études de suivi plus récentes montrent une autre réalité. En appliquant des méthodes statistiques plus adaptées (comme les analyses des courbes de survie et l’évolution intra individuelle), Lavori (1996) et Solomon (2000) ont prouvé que le risque évolutif dans les troubles de l’humeur, surtout bipolaires, est caractérisé par un degré de récurrence assez élevé. L’étude de Zurich (Angst, 2003) est probablement la plus démonstrative par sa méthodologie, la comparaison entre BP-I, BP-II et unipolaires, et la durée de suivi (plus de 20 ans). Elle a globalement montré que le risque de récurrence (présenter un nouvel épisode après rémission) demeure constant avec l’âge, même après l’âge de 70 ans. Donc la maladie bipolaire ne s’affaiblit pas avec le temps ! De plus, le risque de récurrence est plus important chez les bipolaires (en moyenne 0,4 épisode / an) versus 0,20 épisode / an chez les dépressifs unipolaires. Et dans le trouble BP-II, le risque est un peu plus important que dans BP-I. Enfin, le risque est équivalent chez les hommes et les femmes. Une seule limite concernant ces études : dans leur majorité, elles ont inclus des patients initialement hospitalisés en psychiatrie (ce qui facilite l’inclusion). Donc, peu de choses sont connues sur les bipolaires suivis en ambulatoire.
Mais il n’y a pas que de mauvaises nouvellesD’autres résultats dérivent de ces études de suivi. Par exemple, on retient que
Pour quelles raisons une maladie si bien définie et théoriquement de bon pronostic aurait-elle une telle destinée ?
Vers une bipolarité plus précoce, compliquée et résistante ?Apparemment, tout est là pour expliquer une telle évolution. Les facteurs listés dans la colonne de gauche (tableau) montrent ou prédisent que :
Mais, cette réalité n’est pas une fatalitéNous pensons que cette réalité est susceptible de changer et il est urgent que ça change. Nos moyens disponibles :
Donc un tas d’idées et de recettes pour contrôler la bipolarité et la vivre convenablement.
Un bipolaire « bien » traité aura sur le long terme :
Ces messages doivent être diffusés pour casser les mythes autour des médicaments psychiatriques et faire adhérer les patients au traitement, mais à condition que ceux-ci soient les mieux choisis et prescrits de manière appropriée
Références : Bourgeois ML.: Manie et dépression : comprendre et soigner les troubles bipolaires. Odile Jacob, 2007. Hantouche E, Houyvet B. : Cyclothymie : troubles bipolaires des enfants et adolescents au quotidien. J Lyon, 2007. Angst J, Gamma A, Sellaro R.:Recurrence of bipolar disorders and major depression : A life-long perspective. Eur Arch Psychiatry Clin Neurosci 2003 ; 253 : 236-40. Angst J et al.:Does long-term medication with lithium, clozapine or antidepressants prevent or attenuate dementia in bipolar and depressive patients ? Int J Psychiatry in Clin Practice 2007 ; 11 : 2-8. Angst J et al :Suicide in 406 mood-disorder patients with or without long-term medication: a 40 to 44 year’s follow-up. Arch Suicide Research 2005; 9: 279-300. Lavori PW et al.: Analysis of course of psychopathology : transitions among states of health and illness. Int J Meth Psychiatry Res 1996 ; 6 : 321-34. Solomon DA et al.:Multiple recurrences of major depressive episode. Am J Psychiatry 2000 ; 157 : 229-33. Birmaher B, Axelson D. : Course and outcome of bipolar spectrum disorder in children and adolescents: a review of the existing literature. Dev Psychopathol. 2006; 18(4):1023-35 Salvatore P, Tohen M, Khalsa HM, Baethge C, Tondo L, Baldessarini RJ. : Longitudinal research on bipolar disorders. Epidemiol Psichiatr Soc. 2007 ; 16(2):109-17. Huxley N, Baldessarini RJ : Disability and its treatment in bipolar disorder patients. Bipolar Disord. 2007; 9(1-2):183-96. Agren H, Backlund L. : Bipolar disorder: balancing mood states early in course of illness effects long-term prognosis. Physiol Behav. 2007; 92(1-2):199-202. Judd LL, Akiskal HS, Schettler PJ et al.: Psychosocial disability in the course of BP I and II disorders : a prospective, comparative, longitudinal study. Arch Gen Psychiatry 2005 ; 62 : 1322-30.
Deux documents en PDF à télécharger pour aller plus loin :
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