Expérience de Milgram

Expérience de Milgram

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L'expérience de Milgram vise à estimer à quel niveau d'obéissance peut aller un individu dirigé par une autorité qu'il juge comme légitime et le processus qui mène à et maintient cette obéissance, notamment quand cette obéissance induit des actions qui posent des problèmes de conscience au sujet.

C'est de 1960 à 1963 que le psychologue américain Stanley Milgram mène une série d'expériences, avec plusieurs variantes, permettant d'estimer à quel point un individu peut se plier aux ordres d'une autorité qu'il accepte, même quand cela entre en contradiction avec son système de valeurs morales et éthiques. Ses résultats ont suscité beaucoup de commentaires dans l'opinion publique, mais la méthode utilisée a fait naître critiques et controverses chez les psychologues et les philosophes des sciences.

Sommaire

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Déroulement de l'expérience [modifier]

L'objectif réel de l'expérience est de mesurer le niveau d'obéissance à un ordre même contraire à la morale de celui qui l'exécute. Des individus sont amenés à participer de leur plein gré, mais sous l'influence d'une autorité, à des actes cruels envers des personnes innocentes.

Fac-similé de l'annonce
Fac-similé de l'annonce

L'université Yale à New Haven faisait paraître des annonces dans un journal local pour recruter les sujets d'une expérience sur l'apprentissage. La participation devait durer une heure et était rémunérée 4 $, plus 0,5 $ pour les frais de déplacement, ce qui représentait à l'époque une bonne opportunité (revenu hebdomadaire moyen en 1960: 25 $). L'expérience était présentée comme l'étude scientifique de l'efficacité de la punition (ici, par des décharges électriques) sur la mémorisation.

La majorité des variantes de l'expérience ont eu lieu dans les locaux de l'université Yale. Les participants étaient des hommes de 20 à 50 ans de tous milieux et de différents niveaux d'éducation.

L’expérimentateur (E) amène le sujet (S) à infliger des chocs électriques à un autre participant, l’apprenant (A), qui est en fait un acteur. La majorité des participants continuent à infliger les chocs jusqu'au maximum prévu (450V) en dépit des plaintes de l'acteur.
L’expérimentateur (E) amène le sujet (S) à infliger des chocs électriques à un autre participant, l’apprenant (A), qui est en fait un acteur. La majorité des participants continuent à infliger les chocs jusqu'au maximum prévu (450V) en dépit des plaintes de l'acteur.

La majorité des variantes comporte trois personnages :

  • l’Apprenant ou élève (learner), qui devra s'efforcer de mémoriser des listes de mots et recevra une décharge électrique, de plus en plus forte, en cas d'erreur;
  • l'Enseignant (teacher), qui dicte les mots à l'Apprenant et vérifie les réponses. En cas d'erreur, il enverra une décharge électrique destinée à faire souffrir l'apprenant;
  • l’Expérimentateur (experimenter), représentant officiel de l'autorité, vêtu de la blouse grise du technicien, de maintien ferme et sûr de lui.

L'Expérimentateur et l'Apprenant sont en réalité des comédiens, et les chocs électriques fictifs.

Dans le cadre de l'expérience simulée (apprentisage par la punition), Apprenant et Enseignant sont tous deux désignés comme Sujet (subject). Dans le cadre de l'expérience réelle, seul l'Enseignant sera désigné comme Sujet.

Au début de l'expérience simulée le futur Enseignant est présenté à l'Expérimentateur et au futur Apprenant, on lui décrit les conditions de cette expérience, on l'informe qu'après tirage au sort il sera l'Apprenant ou l'Enseignant, puis on le soumet à un léger choc électrique (réel celui-là) de (45 volts) pour lui montrer un échantillon de ce qu'il va infliger à son élève et pour renforcer sa confiance sur la véracité de l'expérience. Une fois qu'il a accepté le protocole un tirage au sort truqué est fait, qui le désigne systématiquement comme Enseignant.

L'Apprenant est ensuite placé dans une pièce distincte, séparée par une fine cloison, et attaché sur une chaise électrique. Le sujet cherche à lui faire mémoriser des listes de mots et l'interroge sur celles-ci. Il est installé devant un pupitre où une rangée de manettes est censée envoyer des décharges électriques à l'Apprenant. En cas d'erreur, le sujet enclenche une nouvelle manette et croit qu'ainsi l'apprenant reçoit un choc électrique de puissance croissante (15 volts supplémentaires à chaque décharge). Le sujet est prié d'annoncer le voltage correspondant avant de l'appliquer.

Les réactions aux chocs sont simulées par l'Apprenant. Sa souffrance apparente évolue au cours de la séance: à partir de 75 V il gémit, à 120 V il se plaint à l'expérimentateur qu'il souffre, à 135 V il hurle, à 150 V il supplie qu'on le libère, à 270 V il lance un cri violent, à 300 V il annonce qu'il ne répondra plus. Lorsque l'Apprenant ne répond plus, l'Expérimentateur indique qu'une absence de réponse est considérée comme une erreur. Au stade de 150 volts, la majorité des Sujets manifestent des doutes et interrogent l'Expérimentateur qui est à leur côté. Celui-ci est chargé de les rassurer en leur affirmant qu'ils ne seront pas tenus responsables des conséquences. Si un Sujet hésite, l'Expérimentateur lui demande d'agir. Si un Sujet exprime le désir d'arrêter l'expérience, l'Expérimentateur lui adresse, dans l'ordre, ces réponses :

  1. « Veuillez continuer s'il vous plaît. »
  2. « L'expérience exige que vous continuiez. »
  3. « Il est absolument indispensable que vous continuiez. »
  4. « Vous n'avez pas le choix, vous devez continuer. »

Si le Sujet souhaite toujours s'arrêter après ces quatre interventions, l'expérience est interrompue. Sinon, elle prend fin quand le Sujet a administré trois décharges maximales (450 volts) à l'aide des manettes intitulées XXX situées après celles faisant mention de Attention, choc dangereux.

À l'issue de chaque expérience, un questionnaire et un entretien avec le Sujet permettait de recueillir ses sentiments et d'écouter les explications qu'il donnait de son comportement. Cet entretien visait aussi à le réconforter en lui affirmant qu'aucune décharge électrique n'avait été appliquée, en le réconciliant avec l'apprenant et en lui disant que son comportement n'avait rien de sadique et était tout à fait normal.

Un an après l'expérience, il recevait un nouveau questionnaire sur son impression au sujet de l'expérience, ainsi qu'un compte rendu détaillé des résultats de cette expérience.

Variantes [modifier]

Au total, dix-neuf variantes de l'expérience avec 636 sujets furent réalisées, permettant ainsi en modifiant la situation, de définir les véritables éléments poussant une personne à obéir à une autorité qu'elle respecte et à maintenir cette obéissance.

Ces variantes modifient des paramètres comme la distance séparant le sujet de l'élève, celle entre le sujet et l'expérimentateur, la cohérence de la hiérarchie où la présence de deux expérimentateurs donnant des ordres contradictoires ou encore l'intégration du sujet au sein d'un groupe qui refuse d'obéir à l'expérimentateur.

Pour une description complète de ces variantes, consulter l'article détaillé. Voici un tableau synthétique de ces variantes, classées par types, et de leurs résultats:

Résultats sur la proximité de l'élève
Feedback à distance Feedback vocal Proximité Contact
Nombre de sujets 40 40 40 40
Choc maximal moyen 405 V 367,95 V 312 V 268,2 V
Pourcentage d'obéissance 65 % 62,5 % 40 % 30 %
Résultats sur l'importance de l'autorité
Nouvel
environnement
Changement
de personnel
Absence de
l'expérimentateur
Immeuble de bureaux
à Bridgeport
Nombre de sujets 40 40 40 40
Choc maximal moyen 368,25 V 333 V 272,25 V 314,25 V
Pourcentage d'obéissance 65 % 50 % 20,5 % 47,5 %
Résultats sur les sujets féminins
Sujets féminins
Nombre de sujets 40
Choc maximal moyen 370,95 V
Pourcentage d'obéissance 65 %
Résultat sur le rôle du groupe
Deux pairs se rebellent Un pair administre les chocs
Nombre de sujets 40 40
Choc maximal moyen 396,75 V 399,75 V
Pourcentage d'obéissance 10 % 92,5 %
Résultats sur la limitation de l'élève et la personnalité du sujet
Conditions préalables
à la participation
Le sujet choisit
le niveau de choc
Nombre de sujets 40 40
Choc maximal moyen 321 V 82,5 V
Pourcentage d'obéissance 40 % 2,5 %
Résultat sur le changement de statut
L'élève demande
à recevoir les chocs
Un individu ordinaire
donne les ordres
Le sujet est spectateur L'autorité dans le rôle
de la victime
Nombre de sujets 20 20 16 20
Choc maximal moyen 150 V 243,75 V 373,5 V 150 V
Pourcentage d'obéissance 0 % 20 % 68,75 % 0 %
Résultats sur les troubles au sein de l'autorité
Deux autorités
ordres contradictoires
Deux autorités
une dans le rôle de la victime
Nombre de sujets 20 20
Choc maximal moyen 150 V 352.5 V
Pourcentage d'obéissance 0 % 65 %

Résultats [modifier]

Lors des premières expériences menées par Stanley Milgram, 62,5% (25 sur 40) des sujets menèrent l'expérience à terme en infligeant à trois reprises les électrochocs de 450 volts. Tous les participants acceptèrent le principe annoncé et, éventuellement après encouragement, atteignirent les 135 volts. La moyenne des chocs maximaux (niveaux auxquels s'arrêtèrent les sujets) fut de 360 volts. Toutefois, chaque participant s'était à un moment ou à un autre interrompu pour questionner le professeur. Beaucoup présentaient des signes patents de nervosité extrême et de réticence lors des derniers stades (protestations verbales, rires nerveux, etc.).

D'autres expériences à travers le monde ont validé les résultats obtenus par Milgram. Les taux d'obéissance obtenus se sont même généralement avérés plus élevés que dans la situation originale. On peut ainsi citer les réalisations de David Rosenhan [1], et de David Mantell [2] en Allemagne. Des travaux ultérieurs, en particulier par Thomas Blass, ont montré que le pourcentage de personnes acceptant, dans des conditions expérimentales similaires, d'infliger des décharges très importantes était à peu près constant, entre 61 % et 66 %, quels que soient le lieu et l'époque où le test était mené.

Milgram a qualifié à l'époque ces résultats « d’inattendus et inquiétants ». Des enquêtes préalables menées auprès de collègues psychologues et d'adultes des classes moyennes avaient établi une prévision d'un taux d'obéissance de 0% et un niveau moyen des chocs atteints situé entre 120 V et 140 V. Aucune des personnes interrogées n'avaient envisagé des tensions dépassant les 300 V.

Analyse de Milgram [modifier]

En plus des nombreuses variantes expérimentales qui permettent de mettre en valeur des facteurs de la soumission, Stanley Milgram propose dans son livre paru en 1974 une analyse détaillée du phénomène. Il se place dans un cadre évolutionniste et conjecture que l'obéissance est un comportement inhérent à la vie en société et que l'intégration d'un individu dans une hiérarchie implique que son propre fonctionnement en soit modifié : l'être humain passe alors du mode autonome au mode systématique où il devient l'agent de l'autorité. À partir de ce modèle, il recherche les facteurs intervenant à chacun des trois stades :

  1. les conditions préalables de l'obéissance : elles vont de la famille (l'éducation repose sur une autorité dans la famille) à l'idéologie dominante (la conviction que la cause est juste, c'est-à-dire ici la légitimité de l'expérimentation scientifique).
  2. l'état d'obéissance (ou état agentique) : les manifestations les plus importantes sont la syntonisation (réceptivité augmentée face à l'autorité et diminuée pour toute manifestation extérieure) et la perte du sens de la responsabilité. Il constate aussi une redéfinition de la situation en ce sens que l'individu soumis « est enclin à accepter les définitions de l'action fournies par l'autorité légitime ».
  3. les causes maintenant en obéissance : le phénomène le plus intéressant parmi ceux relevés est l'anxiété, qui joue le rôle de soupape de sécurité ; elle permet à l'individu de se prouver à lui-même par des manifestations émotionnelles qu'il est en désaccord avec l'ordre exécuté.

A contrario, Stanley Milgram s'oppose fortement aux interprétations qui voudraient expliquer les résultats expérimentaux par l'agressivité interne des sujets. Une variante met d'ailleurs en évidence cela, où le sujet était libre de définir le niveau d'intensité. Ici, seule une personne sur les quarante a utilisé le niveau maximal.

Il propose également une série d'arguments factuels pour réfuter les trois critiques qui lui sont le plus souvent adressées : la non-représentativité de ses sujets, leur conviction en ce protocole expérimental, et l'impossibilité de généraliser l'expérience à des situations réelles.

Rôle de l'obéissance dans la société [modifier]

L'obéissance à une autorité et l'intégration de l'individu au sein d'une hiérarchie est l'un des fondements de toute société. Cette obéissance à des règles, et par voie de conséquence à une autorité, permet aux individus de vivre ensemble et empêche que leurs besoins et désirs entrent en conflit et mettent à mal la structure de la société.

Partant de cela, Stanley Milgram ne considère pas l'obéissance comme un mal. Là où l'obéissance devient dangereuse, c'est lorsqu'elle entre en conflit avec la conscience de l'individu. Pour résumer, ce qui est dangereux, c'est l'obéissance aveugle.

Un autre moteur de l'obéissance est le conformisme. Lorsque l'individu obéit à une autorité, il est conscient de réaliser les désirs de l'autorité. Avec le conformisme, l'individu est persuadé que ses motivations lui sont propres et qu'il n'imite pas le comportement du groupe. Ce mimétisme est une façon pour l'individu de ne pas se démarquer du groupe.

Le conformisme a été mis en évidence par le psychosociologue Solomon Asch dans une expérience qu'il réalisa dans les années 1950.

Les variantes avec plusieurs pairs ont montré que si l'obéissance entre en conflit avec la conscience de l'individu et que le conformisme "impose" à l'individu de ne pas obéir, il se range souvent du côté du groupe. Ainsi, si l'on veut s'assurer de l'obéissance aveugle d'un groupe, il faut faire en sorte que la majorité de ses membres adhère aux buts de l'autorité.

Processus de l'obéissance chez l'individu [modifier]

L'Homme est un être social, mais cela ne l'empêche pas d'avoir une certaine autonomie. Lorsqu'il est autonome, l'Homme obéit à ses propres besoins, désirs et à sa conscience.

État agentique [modifier]

Lorsque l'individu obéit, il délègue sa responsabilité à l'autorité et passe dans l'état que Stanley Milgram appelle agentique. L'individu n'est plus autonome, c'est un « agent exécutif d'une volonté étrangère ».

Rôle de la tension [modifier]

Le maintien de l'individu dans un état agentique dure aussi longtemps que s'exerce le pouvoir de l'autorité et qu'elle n'entre pas en conflit avec le comportement du groupe (le conformisme) et un certain niveau de tension ou anxiété.

La tension que ressent l'individu qui obéit est le signe de sa désapprobation à un ordre de l'autorité. L'individu fait tout pour baisser ce niveau de tension, le plus radical serait la désobéissance, mais le fait qu'il ait accepté de se soumettre l'oblige à continuer à obéir. Il fait donc tout pour faire baisser cette tension, sans désobéir. Dans l'expérience de Milgram, des sujets émettent des ricanements, désapprouvent à haute voix les ordres de l'expérimentateur, évitent de regarder l'élève, l'aident en insistant sur la bonne réponse ou encore lorsque l'expérimentateur n'est pas là ils ne donnent pas la décharge convenable exigé. Toutes ces actions visent à faire baisser le niveau de tension. Mais lorsqu'il n'est plus possible de la faire diminuer avec ces subterfuges, le sujet désobéit purement et simplement.

Exemples [modifier]

Dans son livre, Stanley Milgram ne cherche pas à couper sa démarche scientifique de la société contemporaine. Sans pour autant mélanger les genres, il fait fréquemment référence tant aux situations d'obéissance de la vie quotidienne qu'aux grands événements. La Seconde Guerre mondiale et en particulier la Shoah ont ainsi joué un grand rôle dans le choix de Stanley Milgram de s'intéresser à l'obéissance. Il mentionne souvent le procès d'Adolf Eichmann. Il soutient la journaliste et philosophe Hannah Arendt qui, dans des reportages controversés, vit en ce criminel de guerre plus un bureaucrate qu'un cruel antisémite. L'épilogue de son livre Soumission à l'autorité est pour une bonne part consacré à la guerre du Vietnam et au massacre de My Lai.

Il insiste sur le fait que les situations d'autorité des régimes fascistes ne sont pas absentes de nos sociétés occidentales :

« Les exigences de l'autorité promue par la voie démocratique peuvent elles aussi entrer en conflit avec la conscience. L'immigration et l'esclavage de millions de Noirs, l'extermination des Indiens d'Amérique, l'internement des citoyens américains d'origine japonaise, l'utilisation du napalm contre les populations civiles du Vietnam représentent autant de politiques impitoyables qui ont été conçues par les autorités d'un pays démocratique et exécutées par l'ensemble de la nation avec la soumission escomptée. »

Il finit d'ailleurs son livre en faisant sienne une citation de Harold Laski :

« …la civilisation est caractérisée, avant tout, par la volonté de ne pas faire souffrir gratuitement nos semblables. Selon les termes de cette définition, ceux d'entre nous qui se soumettent aveuglément aux exigences de l'autorité ne peuvent prétendre au statut d'hommes civilisés. »

Expérience ultérieure [modifier]

Mel Slater a reproduit l'expérience pour s'intéresser au statut de la réalité virtuelle [3]. Il a constitué deux groupes : des participants punissaient un soi-disant élève, qu'ils ne voyaient pas, tandis que d'autres punissaient un personnage virtuel. Le groupe qui faisait face à un personnage virtuel a cessé beaucoup plus tôt de punir cet "élève".

Critiques [modifier]

Milgram le disait lui-même, la première critique de son expérience concernait la validité de ses résultats et leur portabilité à des situations réelles; la reproduction de l'expérience dans d'autres pays avec des résultats très proches et la production d'expériences du même ordre, comme l'expérience de Stanford, qui montraient la facilité avec laquelle une majorité de personnes assume la fonction de «tortionnaire légal» (et légitime), invalidèrent cette première critique.

Mais la principale critique de l'expérience, qui vient pour l'essentiel des milieux universitaires d'Amérique du nord (États-Unis et Canada), est beaucoup plus consistante : celle de l'acceptabilité à la fois morale et scientifique du protocole mis en place. Dans les deux cas, la critique est d'ordre déontologique et éthique.

L'expérience de Milgram participe de questions qu'on se pose beaucoup dans cette région du monde, et beaucoup moins en Europe par exemple, sinon en Allemagne pour des raisons historiques, sur la validité des protocoles (point de vue scientifique) et sur leur qualité (point de vue moral). La question est: une expérience reposant sur la tromperie (en anglais, deception, traduit dans le texte cité par «duperie») est-elle scientifiquement valide et moralement acceptable? Daphne Maurer, Professeure de psychologie à l'Université McMaster expose ainsi les point problématiques les plus discutés[4] :

«  On avait donc trompé les sujets sur les points suivants:

  • la "victime" ne recevait pas en réalité des chocs;
  • la "victime" était en réalité un complice;
  • les sujets pouvaient en réalité cesser en tout temps [ce qui n'était pas véritablement le cas étant donné que la personne chargée de l'expérience donnait des consignes précises de poursuivre malgré l’hésitation des sujets et, par conséquent, ne laissait pas aux sujets la possibilité d'arrêter].
Il ne fait pas l'ombre d'un doute que ce genre de méthode soulève d'importantes questions d'éthique tel le respect des personnes et de leur droit de faire des choix volontaires lorsqu'ils participent à des expériences. Quand un choix se fonde sur des allégations mensongères, on ne peut pas dire qu'il est volontaire. Un autre aspect de l’éthique que soulève le recours à la duperie est la rupture du lien de confiance entre le chercheur et le sujet.  »

Le corollaire de ces interrogations est la validité scientifique des résultats d'une expérience de ce type, sujet qui donne lieu à une abondante littérature académique en langue anglaise, pour l'essentiel d'origine nord-américaine: dès lors qu'un protocole repose sur la tromperie, peut-on l'estimer fiable?

Autour de l'expérience de Milgram [modifier]

Cette expérience a été mise en scène dans le film I comme Icare d'Henri Verneuil, fiction inspirée de l'assassinat de John F. Kennedy, où l'acteur Roger Planchon joue le professeur David Naggara, version fictive de Stanley Milgram, qui présente son expérience au personnage principal joué par Yves Montand.

Dans son album de 1986 So, le musicien Peter Gabriel a écrit une chanson, We do what we're told (Milgram's 37) (Nous faisons ce qu'on nous dit (les 37 de Milgram)), faisant référence à la variante de l'expérience de Milgram où 37 personnes sur 40 participent par leur inaction à l'administration des décharges électriques maximales.

Références [modifier]

  1. David Rosenhan, Obedience and Rebellion (1974)
  2. David Mantell, The potential of violence in Germany (1971)
  3. (en) A Virtual Reprise of the Stanley Milgram Obedience Experiments, de Mel Slater, Angus Antley, Adam Davison, David Swapp, Christoph Guger, Chris Barker, Nancy Pistrang, Maria V. Sanchez-Vives
  4. (fr) Compte rendu de la retraite du CNERH de mars 1998 et la version anglaise

Source [modifier]

Voir aussi [modifier]

Articles connexes [modifier]

Liens externes [modifier]



27/08/2007
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