Français, les enfants d'immigrés des générations sacrifiées

 


Français, les enfants d'immigrés des générations sacrifiées

Les difficultés à l'école s'expliquent par «leurs origines sociales nettement plus populaires»
Les difficultés à l'école s'expliquent par «leurs origines sociales nettement plus populaires»
AFP PHOTO / PIERRE VERDY

« Immigrés et enfants d'immigrés en France », c'est le titre de ce rapport de l'Insee rendu public ce mercredi 10 octobre. Chiffres à l'appui, cette étude dresse une radiographie sur l'immigration en France. Une réalité complexe où se mélangent à la fois les chiffres mais aussi le ressenti de ces populations issues notamment des migrations de l'Afrique subsaharienne.


 

La France est une terre d'immigration. L'importance de la deuxième et de la troisième génération d'immigrés est presque une exception française par rapport au reste de l'Europe. Cette particularité s'explique par l'ancienneté des migrations de travail et les liens avec les anciennes colonies.
Jusque dans les années 1970, l'immigration est surtout économique et plutôt masculine. Le phénomène ne va pas durer, avec le regroupement familial elle se féminise et se diversifie aussi. L'origine des migrants est plus variée : initialement issue de l'Afrique subsaharienne et du Maghreb, elle s'ouvre vers la Chine, mais aussi l'Espagne, le Portugal, la Turquie. Les descendants d'immigrés évoqués dans cette étude - des personnes nées et résidant en France, ayant un ou deux parents immigrés - sont évalués à 6,7 millions, soit 11% de la population globale.
Français à part entière et pourtant...
Cette étude brise quelques idées reçues : neuf enfants d'immigrés sur dix se sentent Français. Ils ont presque tous la nationalité française (97 %). Ils revendiquent leur attachement à cette République. Ils sont plus diplômés et gagnent mieux leur vie que leur parents et pourtant ces enfants de la deuxième et troisième génération d'immigrés ne sont pas toujours considérés et perçus comme des Français à part entière. Ils réussissent moins bien que les Français ayant des parents nés en France, c'est ce que révèle cette étude de l'Insee.
On constate que leur parcours scolaire est difficile en France. Ils sont 14% - contre 4% pour le reste de la population - à estimer avoir été moins bien traités à l'école notamment en matière d'orientation. « En effet, ils sont davantage envoyés dans des filières technologiques et professionnelles », explique Sylvie Lagarde, directrice régionale Ile-de-France à l'Insee. Autre constat, 30% des enfants d'immigrés sortent du système scolaire sans diplômes ou au mieux avec le brevet des collèges. Il y a tout de même des exceptions encourageantes, les filles de l'immigration marocaine et tunisienne décrochent plus souvent le baccalauréat que les jeunes françaises
Plus instuits que les parents

Les enfants de migrants sont plus instruits que leurs parents. Leur niveau d'instruction s'élève et l'on sait que ceux qui migrent sont les plus diplômés. De fait, de nombreux étudiants suivent un cursus qui va jusqu'au doctorat. Mais il y a quand même un paradoxe, ils restent nombreux à n'avoir aucun diplôme : ils sont 38% des immigrés de 30 à 49 ans.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Ils montent à 29% pour les enfants d'immigrés africains contre 11% pour les Français dits « de souche ». Globalement, cette étude confirme que les descendants d'immigrés d'Afrique sont pénalisés sur le marché de l'emploi. Ceux qui sont les moins diplômés occupent des emplois précaires. Ce sont les ouvriers que l'on voit sur les chantiers les plus pénibles, les femmes sont « nounous » dans les quartiers chics de la capitale, elles font aussi le ménage ou gardent les personnes âgées.
 
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Difficultés et problèmes d’identité des enfants d’immigrés maghrébins en France

AuteurMoïse Benadiba du même auteur


 

 

L’image classique du travailleur nord-africain immigré – transplanté solitaire et temporaire déplacé d’une société rurale et archaïque vers une société industrialisée urbaine, à la recherche d’une amélioration de sa situation socio-économique avant de retourner dans son pays – est une représentation caduque. Aujourd’hui, émergent chez les populations immigrées maghrébines des aspirations inductrices d’une recherche d’affirmation d’identité, qui ne vont pas sans poser en termes nouveaux des problèmes chez leurs enfants nés en France ou ayant suivi leur père dans son exil économique. Contradictions et conflits à un niveau culturel, social ou psychologique jalonnent l’expression de la voie de leurs aspirations naissantes.

2 La clinique pédopsychiatrique, qui sert de base et de référence à mon étude, permet de repérer, à travers les béances des déchirements conflictuels exprimés par ces enfants de transplantés, certains aspects de leur problématique quant à leur identité.
3 Quelques remarques initiales, susceptibles de contribuer à la compréhension des troubles décrits, me paraissent s’imposer ; elles concernent la notion d’identité.
4 Prenant appui sur la réflexion de certains auteurs (Cain, 1977 ; Erickson, 1978), je vais essayer de délimiter le sens de cette notion d’identité.
5 E.H. Erickson (1978) la définit comme le sens personnel de la centralité, de la totalité et de l’initiative, comme ce qui spécifie le sujet en tant qu’individualité constante et différenciée. Selon lui, dans l’élaboration de l’identité, interviennent l’entourage parental, la société, la culture et l’histoire ; autrement dit, des références affectives, culturelles, temporo-spatiales. Références qui, à travers plusieurs « phases critiques de l’identité », contribuent à développer, au-delà de l’enfance, la personnalité. J. Cain (1977), dans un essai visant à reformuler l’essentiel de ce que la notion d’identité véhiculait dans les travaux antérieurs, précisera que l’identité ne s’arrête pas au niveau du vécu mais que, bien au-delà, elle pose les questions fondamentales et par essence non résolues du sujet… C’est à travers l’identité que le nom et le sexe vont, au plus essentiel, exprimer la problématique du sujet, quels que soient ses symptômes (Cain, 1977).
6 Pour le sujet, en tant que « reflet de son organisation structurelle » (Cain, 1977), elle est ce qui vient maintenir le sentiment de sa permanence tout au long de son histoire, même si, à travers le temps, il peut apparaître comme changé. L’identité, dont les origines remontent aux premières identifications, se crée dans l’angoisse : angoisse de la découverte bouleversante de l’identité propre à partir de la constitution du « je » corrélative de l’assomption jubilatoire et dramatique de l’image du corps selon Lacan (1949) et de la constatation des différences et notamment des différences anatomiques entre les sexes. Participant ainsi à l’instauration de l’instance du sujet, elle apparaît étroitement liée à l’identification.
7 Ce qui, découvert à travers ce bref rappel, me paraît fondamental, c’est que pour le sujet, « ce qui compte peut-être, c’est moins l’identité que la lutte perpétuelle pour en garder le sens » (Cain, 1977), lutte qui est essentiellement un processus inconscient.
8 Qu’en est-il chez l’enfant d’immigrés maghrébins en France ?
9 Pour ces enfants, cette question se pose d’emblée : peut-il y avoir (une) identité sans que le sujet ait à surmonter des identités multiples, fractionnelles, voire à la limite « partielles » ? Je tendrais plutôt à croire que l’identité des enfants d’immigrés ne peut être que la résultante de cumuls d’identités.
10 Un pas de plus et on serait tenté d’admettre qu’il n’est peut-être d’identité (singulière) qu’illusoire, factice ou conflictuelle, qu’il n’est d’identité que de compromis, bâtie sur des confrontations, des clivages des dépassements de contradictions, aliénations et dépendances.
11 Autour de la notion d’identité, on ne peut distinguer l’identité (singulière) du sujet et celle(s) du groupe. Cette distinction ne me paraît pas d’emblée aller de soi. Au moins au départ, le processus en jeu, autant pour le sujet que pour le groupe, sorte de prédicat, est le même : on est ou plutôt on dit être quelqu’un (ou quelque chose) sans que d’aucune façon, on puisse rien apporter à l’appui de cette assertion ; puis on se reconnaît tel par rapport à un autre (individu ou groupe) à travers, par exemple, une filiation, un attribut, un nom, un attachement, des identifications ou reconnaissances. Ce n’est que dans un temps ultérieur, ce processus de départ dépassé, que l’identité (singulière) peut se façonner, se modeler et éventuellement se déterminer à l’intérieur, entre ou en dehors de groupes ; opérations qui toutes se déroulent aussi au niveau de l’imaginaire et de la langue essentiellement.
La décolonisation, on le sait, est un processus historique, c’est-à-dire qu’elle ne peut être comprise, qu’elle ne trouve son intelligibilité, ne devient translucide à elle-même que dans l’exacte mesure où l’on discerne le mouvement historicisant qui lui donne forme et contenu. La décolonisation est la rencontre de deux forces congénitalement antagonistes qui tirent précisément leur originalité de cette sorte de substantification que secrète et qu’alimente la situation coloniale. Leur première confrontation s’est déroulée sous le signe de la violence et leur cohabitation – plus précisément l’exploitation du colonisé par le colon – s’est poursuivie à grand renfort de baïonnettes et de canons. Le colon et le colonisé sont de vieilles connaissances. Et, de fait, le colon a raison quand il dit « les » connaître. C’est le colon qui a fait et qui continue à faire le colonisé. Le colon tire sa vérité, c’est-à-dire ses biens, du système colonial.
La décolonisation ne passe jamais inaperçue car elle porte sur l’être, elle modifie fondamentalement l’être, elle transforme des spectateurs écrasés d’inessentialité en acteurs privilégiés, saisis de façon quasi grandiose par le faisceau de l’Histoire. Elle introduit dans l’être un rythme propre, apporté par les nouveaux hommes, un nouveau langage, une nouvelle humanité. La décolonisation est véritablement création d’hommes nouveaux. Mais cette création ne reçoit sa légitimité d’aucune puissance surnaturelle : la « chose » colonisée devient homme dans le processus même par lequel elle se libère.
Frantz Fanon, Les Damnés de la terre
12 Dans cette perspective, qu’en est-il de la structuration de l’identité chez des enfants d’immigrés nord-africains après les discontinuités, les mutations, les ruptures, les affrontements, les remaniements et la perte de référence et des repères habituels que la transplantation entraîne ? Toujours en situation de groupe minoritaire, le maghrébin a, en France, à se situer par rapport à deux réseaux signifiants, voire deux systèmes langagiers, répétant sans cesse une cassure dans son système de représentations et, en conséquence, dans ses choix d’objet et dans la structuration de son identité. Cela est certainement plus manifestement perceptible s’il a eu à amorcer la rupture avec son milieu d’origine dès l’enfance ; car, pour l’enfant transplanté, l’une des questions fondamentales ici, celle du repérage dans la définition de son identité, commence à se poser à lui avec acuité à l’école déjà. En effet, c’est de la rencontre à l’école avec la culture du pays d’accueil que peut naître chez cet enfant l’angoisse que sous-tend le sentiment d’être l’objet d’une mutation incontrôlable, extérieurement imposée. Angoisse qui met au jour les inhibitions, les conflits, les réflexions sur l’autre culture et l’identité de l’enfant. S’il ne parle pas, à son arrivée en France, la langue du pays d’accueil, l’école est alors essentiellement un lieu de rupture : rupture affective et effective d’avec sa mère, doublée d’une rupture linguistique provoquée par la dévalorisation de sa langue d’origine, qui introduit une cassure, un clivage, une opposition entre sa langue affective (maternelle) et une langue intellectuelle (scolaire). Lieu de ruptures, l’école est aussi pour l’enfant de transplantés un moment de rencontres ; il y rencontre des règles et contraintes éducatives inconnues, l’exigence de la compétition, un système conceptuel différent et surtout cette opposition des deux langues, d’intérêt capital quant à la question de son identité (étant donné l’importance de la relation aux langues, comme matérialité du symbolique, dans la structuration de l’identité). La langue parlée dans sa famille, restreinte à ses parents et à sa fratrie, représente avant tout l’exil de sa famille et son isolement ; elle est la marque de sa différence et de sa séparation des autres, du fait de ses origines, et s’oppose ainsi à la langue parlée à l’école, langue du monde extérieur où se déploient intelligence et savoir. Dans sa relation à l’autre, l’enfant transplanté cherche constamment sa place et son identité par rapport aux deux réseaux signifiants des deux systèmes langagiers. Cette question de l’identité, dans ce contexte, est accentuée, dans les cas où l’un des parents et pas l’autre est porteur de la langue du monde extérieur (cas des enfants issus de couples mixtes). Rien ne vient guider l’enfant maghrébin et lui permettre de se situer entre les deux réseaux signifiants que représentent l’école et la famille, pas même un père qui a lui-même bien souvent du mal à s’y situer. De ce fait, l’école est souvent l’occasion déclenchant les décompensations et le lieu révélateur des problèmes d’identité chez l’enfant de maghrébins transplantés. Dans ce registre, se retrouvent en clinique des problèmes d’identité culturelle qui, dans les cas les plus graves, peuvent devenir des problèmes d’identité personnelle ; ils revêtent des formes diverses allant de la simple falsification du prénom jusqu’au délire manifeste de filiation. La falsification du prénom chez l’enfant d’immigrés scolarisé est, soulignons-le, un des premiers troubles de l’identité et peut déboucher sur un refus des origines et des racines, qui est déstructurant. Ajoutons en ce domaine que, par le biais de la falsification du prénom, s’expriment non pas tant le refus d’une quelconque identité culturelle, mais surtout les tentatives désespérées pour se donner une identité de rechange ou plutôt de complément.
13 Ces premiers troubles de l’identité ne constituent pas, par eux-mêmes, des états morbides ; mais ils peuvent représenter des moments évolutifs en rapport avec une dépersonnalisation déstructurante.
14 Dans une perspective analytique, par rapport au fait que l’école est fréquemment l’occasion déclenchant les troubles de l’identité et la décompensation chez l’enfant transplanté maghrébin, prenant appui sur l’argumentation de G. Lévy, M. Hazera et R. Ebtinger (1977), l’interprétation suivante pourrait être proposée : l’école est le moment de la rupture affective réelle avec le monde maternel traditionnel, où se parle un langage chargé de sens affectif ; c’est aussi le moment où, sans médiation, ni transition, l’enfant maghrébin entre brutalement dans un lieu où la langue est différente, les contraintes présentes et parfois rigides. Les valeurs sont différentes, la « loi » intervient massivement et la compétition est exigée ; ce qui implique l’individualisation, si mal vécue traditionnellement. On peut évoquer ici tous les fantasmes de dépassement et de meurtre du père, négation imaginaire de la castration, décrits par M.-C. et E. Ortigues dans Œdipe africain (1966).
15 La scolarité est vécue comme lieu pathogène, comme situation traumatisante non « métabolisable » due à la rencontre avec l’incompréhensible. L’échec des processus d’individualisation, la rupture avec les références parentales et les repères culturels habituels, l’effacement autant que la confusion des modèles de « Loi » (dans l’affrontement des systèmes linguistiques et conceptuels) sont autant de facteurs dont la conjonction peut entraver le processus de structuration de l’identité. On retrouve d’ailleurs en clinique chez ces enfants la marque du lieu pathogène que constitue la scolarité jusque dans les épisodes délirants, où apparaît manifestement la thématique du dépassement du père et une tentative de négation imaginaire de la problématique de castration.
16 Les problèmes d’identité et certains comportements psychopathologiques corrélatifs observés en clinique pédopsychiatrique chez les enfants de maghrébins me paraissent en relation étroite avec leurs difficultés à se référer à des modèles d’identification structurants et avec l’angoisse, les problèmes, les comportements parentaux et les perturbations au niveau parental lui-même :
  • la dévalorisation des images parentales peut s’originer du statut infligé par la transplantation et ses avatars aux immigrés maghrébins adultes : dévalorisation de l’image du père surtout, qui n’a plus valeur de référence. Pour le fils aîné, cela peut aller jusqu’au désir de remplacer, au sein de la dynamique familiale, le père défaillant, engoncé, en le dégradant dans un statut familial tout à fait subalterne. Il se produit comme une inversion des statuts et des rôles. Le père dévalorisé, dépossédé, laisse pour le moins une place inoccupée quand il n’est pas remplacé. Parodiant Moustapha Safouan, on peut dire que tel père manque d’être un modèle pour son fils et « de lui apparaître comme celui qui a surmonté la castration » (Safouan, 1974) ;
  • en ce qui concerne la mère, la façon qu’elle a parfois de parler à son enfant me semble devoir être retenue. Sans analyser ce type de discours maternel, pointons qu’il s’agit souvent de déni et essentiellement de déni de la différence. À la place de mots lui permettant d’assumer sa différence et de structurer son expérience, si pénible soit-elle, la mère adresse à l’enfant un discours mystificateur gommant son corps réel. L’enfant devient l’objet du désaveu d’identité de sa mère ; ce qui contribue, comme le signalent très justement Cirba et Cornille (1979), à assigner l’identité de l’enfant en un « lieu de surfaces-accessoires », où la médiation dans une parole sensée de la mère, nécessaire pour qu’il puisse accepter sa propre image, fait défaut à l’enfant. Quelque chose de la fonction du leurre est introduit par les paroles mystificatrices maternelles ; par l’effet de non-sens créé, c’est la possibilité d’introduire une dimension imaginaire qui est, pour l’enfant, ainsi close ;
  • du discours parental, à retenir encore ceci qui, avec fréquence, y apparaît : la projection dans un futur inaccessible de besoins présents insatisfaits, qui se traduit dans des formulations où prédominent des projets et intentions contradictoires. Se trouve ainsi véhiculé, dans l’ambivalence des propos parentaux, un double leurre : souhait d’intégration parfaitement réussie et entretien de l’espoir de retourner au pays. Cela crée, avec le désaveu d’identité amorcé par la mère, une situation proche de celle décrite sous les termes de « double lien », déstructurante et n’offrant parfois d’autre issue que celle du naufrage délirant. Du point de vue sémiologique, on peut constater dans ces circonstances chez l’enfant maghrébin une altération du sens de la réalité avec fantasmes (sans doute compensatoires) de toute-puissance et de surélévation narcissique, allant de pair avec l’accentuation et la délimitation des troubles du sentiment d’identité.
Ce sont des situations telles que celles que je viens de décrire, et non une quelconque difficulté existentielle, sociale ou matérielle, qui me semblent jouer un rôle prépondérant dans la genèse des troubles de l’identité chez l’enfant d’immigrés maghrébins.
17 La problématique autour de la question fondamentale de son identité qui se manifeste chez l’enfant de transplantés tout d’abord avec acuité à l’école, se cristallise et s’accentue à l’adolescence, période de remise en question et de reconquête de l’identité. Plusieurs facteurs interviennent en ce sens : la prise de conscience à cet âge par le jeune immigré de son appartenance ethnique ou nationale, de son métissage culturel qui s’accompagne du sentiment d’être étranger en pays d’accueil, l’avènement de la sexualité, le bouleversement corporel, la réactivation de la situation œdipienne et surtout la remise en cause des identifications premières.
18 À l’adolescence, une apparente adaptation peut brutalement se briser, une socialisation apparemment bien construite, craquer. Sans reprendre la description des comportements psychopathologiques de l’adolescent maghrébin, étudiés ailleurs (Berthelier, 1977), je vais tenter, dans les développements qui suivent, de mettre en relief certains aspects de ces comportements caractéristiques, au moins par leur fréquence d’apparition.
19 Délibérément, mon interrogation privilégiera le pôle corporel et les avatars de la marginalisation, qui sont en étroit rapport avec les difficultés et les problèmes d’identité de l’adolescent maghrébin : en quête d’identité, il rencontre le désarroi et l’angoisse qui s’originent de la dévalorisation des images identificatoires parentales. À cela, il ne trouve de solution provisoire que dans la fuite dans des identifications substitutives, le refuge au sein de bandes organisées avec leurs risques de délinquance, les comportements de refus, marginaux ; comportements qui peuvent signifier tous le refus du milieu originel que représente ce « père-échec », à qui il ne veut pas ressembler plus tard. Dans ce contexte, la drogue est recherchée comme support d’une évasion temporaire.
20 Les agressions, les vols, les passages à l’acte délictueux sous les apparences d’une « revendication d’égalité » véhiculent tout autant une recherche et une demande d’assurance, reliquat d’une position infantile où les identifications chancelaient.
21 Les plaintes multiples concernant le corps peuvent aussi être entendues comme une demande de réassurance quant à son identité ; elles illustrent tout particulièrement combien problématiques sont les rapports de l’adolescent maghrébin à son corps, lieu d’identification, la discordance chez lui entre corps et image du corps. Les tableaux cliniques très diversifiés, allant des préoccupations hypochondriaques au véritable délire hypochondriaque, sont sous-tendus essentiellement par l’angoisse. L’interrogation retrouve constamment une culpabilité masturbatoire sous-jacente intense, rarement exprimée d’emblée, qui procède de l’angoisse de castration (Ebtinger et Bolzinger, 1978). Chez le jeune maghrébin, l’hypochondrie est par excellence le « symptôme charnière » (Ebtinger et Bolzinger, 1978), celui où l’angoisse et les mécanismes de défense mis en œuvre pour l’endiguer se focalisent dans une lutte contre la dépersonnalisation ; elle peut être comprise comme le dernier recours d’un sujet en détresse, recours qui peut aussi constituer l’ultime tentative pour circonscrire une angoisse de morcellement augurant un processus sévère de dépersonnalisation.
22 Dans ma pratique pédopsychiatrique, face à l’enfant d’immigrés maghrébins, je ne demande pas de tests psychologiques. Les instruments dont les psychologues disposent actuellement sont tout à fait inadaptés pour travailler avec des sujets de culture autre que la culture occidentale et, de ce fait, inutiles en ce domaine. Pour une démarche diagnostique complémentaire, je préfère utiliser les dessins libres et plus particulièrement le test du dessin de la famille, d’application facile, d’exécution rapide et qui ne demande comme matériel qu’une table, du papier et des crayons. Ce test fournit à l’observation clinique des indications précieuses sur les relations de l’enfant à son entourage, sur sa personnalité, ses difficultés et ses problèmes d’identité. « Il exprime la manière originale qu’a l’enfant de vivre ces relations et de se situer, se différencier ou se projeter dans l’espace physique et social constitué par le champ familial » (Crocq, 1975). Judicieusement appliqué et exploité, il constitue une véritable épreuve projective, « sollicitant l’expression de la personnalité jusqu’au niveau de l’inconscient et ne compromettant pas la liberté de cette expression par la rigidité d’un matériel trop structuré ou de normes de passation trop rigoureuses » (Crocq, 1975).
23 Chez l’enfant de maghrébins, le niveau des contenus dans le dessin de la famille met en évidence fréquemment la dévalorisation des images identificatoires et, là encore, notamment l’image du père : le père n’apparaît pas sur le dessin (« il n’y a pas de papa ») ou fait l’objet d’une forte censure (l’enfant « n’arrive pas à dessiner papa », se reprend à plusieurs reprises pour le représenter, déclarant ses premiers essais comme « faux », etc.). Quand l’image du père apparaît, elle est éloignée, non agrémentée de détails valorisants (« pas de ceinture, pas d’épée, pas de boutons ») ou virilisants (« pas de barbe, pas de moustache »), ou encore amputée, rapetissée, séparée du reste de la famille par des cloisons ou des meubles, reléguée dans un coin de page. Peuvent par ailleurs y être représentées les images identificatoires substitutives, en général il s’agit de personnes ne faisant pas partie de la famille, entre autres : « le directeur d’école », « le gendarme », « le pompier » et surtout « la maîtresse d’école en pantalon » et que l’enfant tient à la main. Dans les dessins libres, apparaissent les fleurs arrachées, les jardins incomplets, les herbes et les arbres replantés ailleurs, les maisons construites « autre part » ou, au contraire, l’illustration imagée d’un pays de rêve, sorte de terre promise avec du soleil, des arbres bien ancrés, de l’eau, le ciel bleu et un parterre garni de fleurs.

Aperçu des problèmes thérapeutiques


24 Il n’y a pas face aux enfants de maghrébins de « recettes » thérapeutiques particulières ni de solutions stéréotypées à leurs difficultés et à leurs problèmes d’identité. Les moyens dont on dispose sont les mêmes que ceux utilisés en psychiatrie infanto-juvénile chez l’enfant autochtone présentant des troubles analogues, à savoir, essentiellement la psychothérapie ; psychothérapie qui se caractérise par ses difficultés. Celui qui a la naïveté de croire aux victoires rapides connaît souvent des lendemains qui déchantent. À travers mon expérience et au-delà des difficultés rencontrées, mon but, ici, est de proposer un certain mode d’approche thérapeutique fondé sur une série de cas concrets.
25 Il s’agit de faire face à une situation nouvelle ; pour y répondre, nous avons à sortir de nos attitudes, réactions et carcans routiniers. La relation entre thérapeute occidental et enfant maghrébin apparaît ponctuée de malentendus et d’impossibilités. Du fait de la modicité des possibilités de reconnaissance et d’échange, cette relation risque de se réduire à un rapport de technicité stricte et rigidifiée, qu’il faut éviter. La barrière linguistique et l’ambiguïté culturelle qui l’accompagne constituent un obstacle supplémentaire à cette relation, menant à des impasses qu’il s’agit de dépasser. Dans ce contexte, si la connaissance de la langue et de la culture des enfants concernés constitue un atout important, cet atout n’est pas toujours suffisant : parfois, en effet, l’intervention de thérapeutes originaires du même pays que l’enfant ou ses parents ne résout pas non plus la problématique de la relation thérapeute-maghrébin ; certains de nos consultants, notamment des adolescents nés en France, n’acceptent pas d’être entendus par les « compatriotes des parents ». Comme si exposer leurs problèmes dans la langue maternelle provoquait ou accentuait une résurgence de conflits enfouis, dépassés ou mis de côté.
26 Nos techniques de psychothérapie individuelle, nécessitant l’établissement d’une relation avant tout symbolique, s’avèrent très souvent inapplicables. La réalité immédiate et actuelle est souvent, pour ces enfants, d’un poids trop grand pour qu’une telle relation puisse s’établir, ce qui limite considérablement la portée de nos interventions. Pourtant, c’est l’impact régressant de l’expérience qu’ils font de cette réalité qui donne à la référence psychanalytique une place fondamentale dans la compréhension des troubles psychopathologiques et dans le contrôle de leur évolution dans la relation psychothérapique quand elle s’engage. Car ce n’est pas au niveau de la réalité que des tentatives d’aménagement de la relation psychothérapique peuvent se faire ; le problème se situe sur le plan de l’écoute et du décodage du langage des symptômes « au niveau symbolique, fantasmatique et sémantique » (Valantin, 1977).
27 Face à l’enfant de transplantés, mon but n’est jamais de faire taire à tout prix la plainte, mais d’abord de comprendre et de l’écouter. En évitant de l’aborder au niveau de sa seule différence et de rapporter toute sa pathologie à son impossibilité à assumer cette différence, j’essaie de l’appréhender en tant que sujet, à la fois semblable et différent, et de resituer avec lui l’importance de la problématique d’appartenance culturelle dans la genèse et l’éclosion des symptômes qu’il présente.
28 On peut espérer, par ce biais, lui permettre de reprendre possession de son histoire et de celle des siens, de se reconnaître en elles et ainsi accepter d’investir cette réalité objectivement négative de sa condition d’étranger fils d’immigrés, à laquelle il ne se résume pas et en dehors de laquelle il existe en tant que sujet.
29 Dans bien des cas, de cette démarche peut découler l’abandon de la position défensive que constitue le symptôme. Tout cela présuppose évidemment la reconnaissance de l’enfant sur un mode qui ne soit pas celui de l’exclusion, un dépassement de nos propres attitudes défensives et un renoncement au désir d’affirmer notre pouvoir sur l’autre.
30 Précisons enfin avec R. Berthelier (1977), au terme de cette étude, que « tout effort sera vain, qui ne soignera pas aussi le milieu d’accueil : car, tant que subsisteront les réflexes racistes et tant que la loi du migrant sera d’exclusion, il sera vain de parler d’hygiène mentale à propos de l’immigré et ce, quel que soit son âge ».
31 Le mot de la fin, je le cède ici à Franz Kafka, qui témoigne magistralement dans son Journal (1954) de cette quête dramatique qu’est la quête d’identité : pour se confirmer qu’il est à même de produire, par l’écriture et le texte, l’œuvre donnant un sens à son existence et lui permettant le repérage dans son identité, il passe au préalable par le recensement de ce qui entrave sa démarche et l’aliène (vie professionnelle, famille, amitiés, amours, plaisirs, engagements… voire rêves). Recensement en vue de la désaliénation, pour advenir à ce qu’il nomme sa « vraie vie ». Et il nous révèle que cet avènement à la « vraie vie » implique l’angoisse, des renoncements déchirants, des contradictions, des affrontements, des tensions et d’incessantes déstructurations et restructurations d’identité.
 
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La France et les enfants d’immigrés : une crise du don
par Julien Rémy

Sommaire

Les relations que la France entretient avec les enfants d’immigrés est ambivalente, tout à la fois d’adoption et de rejet, et pétries des traumatismes de l’histoire postcoloniale. Au-delà des logiques d’intégration ou, au contraire, de désaffiliation socio-économique, cette « crise » n’est-elle pas une tout d’abord crise du don, qui met en avant une « dette et un litige symboliques » dont il s’agit de comprendre la nature ?

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Crise du don et surendettement symbolique

A l’échelle d’une société, il y a « crise du don » lorsqu’à la question de ce qui fait lien entre eux, les membres d’une société ne parviennent plus à donner une réponse satisfaisante, et lorsque, pour paraphraser le président américain J. F. Kennedy, ces membres préfèrent se demander ce qu’ils doivent recevoir d’elle plutôt que ce qu’ils peuvent faire pour elle, ce qu’ils peuvent lui donner [1].

En ce sens, la société française est en crise, particulièrement dans sa relation avec les enfants d’immigrés. Car, qu’on ne s’y trompe pas, lorsqu’on évoque les « quartiers sensibles », ou le « malaise des banlieues », c’est bien de la place des enfants d’immigrés en France qu’il s’agit. L’utilisation du terme « malaise » témoigne autant des difficultés réelles que connaissent les habitants des quartiers d’habitat social ou des autres quartiers en difficulté, que de l’embarras qu’éprouvent les observateurs à les décrire et à en saisir les problématiques. Quand au terme « banlieues », il invite à oublier que tous les quartiers en difficulté ne sont pas nécessairement situés extra-muros. « L’expression courante de “malaise des banlieues” recouvre une approche géographique inexacte et une conception sociologique passablement floue » [Vieillard-Baron, 1997]. De la même façon, le mot « sensible » dénote la fragilité des quartiers en même temps qu’il caractérise le regard de l’observateur. Le « sensible », c’est aussi ce qui est relatif à « la perception par les sens », qui, en cela, s’oppose au regard raisonné sur la réalité qu’on cherche à questionner. Enfin, l’emploi quasi systématique des guillemets finit de convaincre que ces mots sont utilisés comme un moyen détourné pour évoquer autre chose, qu’ils sont des euphémismes pour parler de ceux qui sont considérés comme les acteurs principaux de ce « malaise » : les « enfants d’immigrés ».

La France et les enfants d’immigrés

Les personnes issues de l’immigration sont ici désignées par le terme d’« enfants d’immigrés ». Elles sont donc d’emblée définies par le lien filial qui les rattache à leur ascendance. Ce terme permet de suggérer que la situation des « enfants d’immigrés » est comparable à celle de leurs parents, et que, d’une certaine manière, ils ont hérité du regard dépréciatif que la société française a porté sur ces derniers. Mais il autorise en même temps la distinction, ce qui permettra de montrer qu’ils n’ont pas eu les possibilités de résistance symbolique dont ont disposé, pensons-nous, leurs parents. Par ailleurs, l’utilisation du mot « immigrés » conduit à définir les « enfants d’immigrés » au regard d’une société d’accueil, et dans leur relation avec elle.

Autrement dit, s’ils peuvent être considérés comme un groupe social distinct, ce n’est pas parce qu’ils auraient des caractéristiques culturelles ou sociales qui les rendraient essentiellement - au sens philosophique du terme - différents des autres citoyens ; c’est plutôt parce que leur relation avec la société dans son ensemble est particulière.

Enfin, l’autre terme de la relation - la France - est tout aussi problématique que le premier. Notons d’abord que parler de la France d’une part, et des enfants d’immigrés de l’autre, c’est se placer sur deux plans différents. La France est un État-nation ; c’est un territoire aux frontières et à la population définies, mais cela reste une entité abstraite. Le terme « enfants d’immigrés » désigne au contraire des personnes concrètes, qui font partie de la société française. Il s’agit donc de considérer la relation entre un « tout » et l’une de ses « parties ». Mais le terme « France », notamment lorsqu’il est mis en regard avec l’autre terme - les « enfants d’immigrés » - peut aussi recevoir une acception plus réduite : il peut s’agir de tous ceux qui ne sont pas « enfants d’immigrés ». Ce n’est pas alors la société française dans sa totalité qui est entendu, mais le « reste » de la population française, ou les autres catégories sociales. Les deux acceptions relevées ici, l’acception macrosociologique - la société considérée dans son ensemble - et l’acception intermédiaire (ou méso-sociologique) - les autres catégories sociales en tant qu’elles ont un regard singulier sur les « enfants d’immigrés », ou en tant qu’elles s’y opposent explicitement, dans les discours tout du moins.

Ces précisions pourront paraître superflues. Elles sont une manière d’introduire la complexité du sujet, et d’affirmer qu’il convient d’éviter de concevoir ces deux groupes comme des monades, des « blocs », dont les définitions seraient indépendantes de leur relation. Il s’agit au contraire de mieux caractériser leur rapport, d’analyser le regard que l’une des entités porte sur l’autre, et ce, dans une perspective relationniste.

Une crise du don symbolique

Cette relation peut être caractérisée par une « crise du don » jouant sur un plan symbolique et mettant en scène deux représentations opposées. Les représentations que les citoyens ont de la société dans laquelle ils vivent jouent sur leur propension à s’y engager. Pour des raisons liées à la désindustrialisation et au passage à une immigration de peuplement, les enfants d’immigrés ont perdu des possibilités d’apparaître comme donateurs dans le pays dans lequel ils sont grandis, comme dans celui de leurs parents. En situation de surendettement symbolique, face à une France qui - héritage postcolonial aidant - se présente comme une créancière absolue, les enfants d’immigrés répondent en renversant la dette : c’est au contraire la France qui est redevable. Dans ce contexte, où chacun pense avoir plus donné que reçu, le don, ciment social sur lequel est bâtie chaque société, n’apparaît plus possible.

Ces deux représentations ne sont bien sûr pas les seules ; il existe des représentations concurrentes. Mais ce sont bien elles qui, en s’opposant « à distance », donc de façon non dialectique, constituent un problème social et freinent la construction des liens sociaux et politiques qui permettent de faire société.

Julien Rémy

Les trois textes de Julien Rémy publiés dans ce numéro ont été ré-élaborés sous formes d’articles à partir de sa thèse intitulée La France et les enfants d’immigrés : une crise du don, laquelle e été présentée cette année à l’Université de Nanterre, sous la direction d’Alain Caillé, professeur des Universités et animateur de la revue du MAUSS (Mouvement Anti-Utilitariste dans les Sciences Sociales).

[1] Phrase prononcée par le président américain John F. Kennedy lors de son discours d’investiture, le 20 janvier 1961 : « And so, my fellow Americans ask not what your country can do for you, ask what you can do for your country ».

 
 
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Sociétés multiculturelles : pourquoi ce malaise entre les musulmans et les Français d’immigration plus lointaine ?

Une des particularités de la France (du fait de sa situation géographique) est d’avoir toujours été une terre de rencontres (brutales ou conviviales) et à ce titre, nous sommes donc tous des enfants d’immigrés (plus ou moins lointains).
 
L’arrivée de personnes en provenance de pays musulmans n’est pas récente mais s’est accentuée depuis 1974, année où le gouvernement, en autorisant le regroupement familial, a acté la transformation d’une immigration de travail (qui satisfaisait bien un patronat à la recherche d’un salariat docile et malléable) en immigration de peuplement (tout en se préoccupant bien peu des indispensables mesures éducatives d’intégration qu’il aurait fallu mettre en œuvre à l’époque).
 
Dans un second temps et depuis une bonne décennie, le capitalisme triomphant et sa recherche permanente de profits toujours plus exponentiels qui écrase les peuples à travers le monde a poussé de nombreuses personnes de ces mêmes pays à vouloir rechercher une relative sécurité dans les quelques régions du monde où subsistent encore quelques espaces de paix, de liberté et de protection sociale.
 
Et c’est ainsi que notre communauté nationale compte maintenant plusieurs millions de citoyens ou d’étrangers de culture ou de religion musulmane.
 
Il n’aura échappé à personne que cette situation ne va pas sans poser de problèmes et qu’il semblerait même qu’ils aillent augmentant (et il en est de même dans tous les pays européens où des communautés musulmanes importantes sont implantées).
 
Dans l’histoire récente de notre pays, chaque vague migratoire antérieure a vu des frictions entre arrivants et autochtones (car une phase d’adaptation est toujours nécessaire et il y a toujours de part et d’autre des minorités intolérantes) mais sans jamais atteindre le fossé actuel.
 
Bien évidemment, la question sociale (c’est-à-dire de l’emploi) est importante mais ce serait du pur angélisme de penser qu’une amélioration à ce niveau (même significative) nous amènerait à une situation totalement apaisée.
 
Que cela plaise ou non à notre bienpensance, la différence de fond entre « avant » et « maintenant » est religieuse (en rappelant encore et toujours que les religions sont avant tout des systèmes politiques élaborés par des êtres humains qui se préoccupent de régir la vie temporelle de leurs adeptes selon des dogmes à connotations fascisante et raciste basés sur des superstitions et des balivernes).
 
Et même si l’indécrottable agnostique anticlérical que je suis ne peut que le regretter, je ne peux également que constater qu’antérieurement tout le monde se retrouvait sur les bancs des églises (ce qui facilitait évidemment les échanges et discussions) et qu’après quelques « affrontements rugueux » tout rentrait relativement dans l’ordre.
 
Or, que constate-t-on à l’heure actuelle si ce n’est une volonté très forte de communautarisme (évidemment politique pour les chefs religieux et par réflexe identitaire pour une partie de cette population).
 
Cela se traduit par des faits dont certains peuvent paraître anecdotiques mais qui symboliquement sont très forts ; on peut citer à titre d’exemple :
 
 - une affirmation de plus en plus provocatrice de la primauté des règles de vie musulmanes dans l’espace public (écoles, hôpitaux, entreprises, rues, etc.)
 
 - une forme de racisme sur la question des couples mixtes (avec la règle de l’endogamie)
 
 - une sorte de mépris vis-à-vis de la culture populaire française à travers cette bêtise des interdits alimentaires concernant en particulier notre goret national (alors qu’il en représente évidemment un symbole fondamental)
 
 - un désintérêt évident pour les traditions et folklores locaux (qui certes peuvent ne pas être foncièrement plus intéressants que d’autres mais qui sont ceux du pays depuis des siècles)
 
 - une idéologie en conflit fréquent avec les droits de l’Homme (soumission généralisée et place de la femme), de l’Enfant (mutilations sexuelles) et de l’Animal (rituel d’abattage)
 
Par rapport à cette énumération, il est vrai que les musulmans ne sont pas les seuls à avoir ce fonctionnement (attitudes similaires ou comparables des adeptes des nombreuses autres religions et sectes sévissant dans notre pays) mais la question se pose différemment vu le nombre important de personnes apparemment concernées et le prosélytisme quasiment guerrier d’une partie également importante des chefs islamistes.
 
Il est également vrai que nous retrouvons dans l’attitude de nombreux musulmans des ressemblances avec celle nos arrière grands parents et grands parents à qui la religion catholique dictait une bonne partie de leur vie quotidienne et des règles auxquelles ils obéissaient sans réfléchir, par habitude ou crédulité.
 
A ce niveau, on peut donc raisonnablement penser qu’un peu de temps permettra d’améliorer les choses, pour autant que l’organisation sociétale priorise ce qui nous rapproche plutôt que ce qui nous éloigne (et en particulier tous ces accommodements déraisonnables).
 
La problématique des prêtres et autres prédicateurs est, elle, beaucoup plus vicieuse et dangereuse car ces représentants d’une idéologie internationale totalitaire et hégémonique, savent sciemment ce qu’ils font et ce qu’ils veulent : ils ont évidemment compris l’esprit de « ventre mou » qui caractérise notre époque sur la question de la place des religions dans la cité et utilisent avec beaucoup d’à propos les failles ou vides de notre législation élaborée à une époque où l’Islam était quasiment inexistant en métropole.
 
André Malraux avait d’ailleurs parfaitement apprécié le danger politique dictatorial de l’Islam dans sa déclaration pessimiste de juin 1956 (1) mais sans anticiper évidemment à l’époque les conséquences en France métropolitaine d’une importante immigration musulmane.
 
La lecture de la charte des musulmans d’Europe (2) signée par de nombreuses organisations islamiques est d’ailleurs édifiante puisqu’elle indique très clairement, sous couvert d’un « enrobage » humaniste, l’immuabilité des règles coraniques (article 1), la primauté de l’appartenance religieuse sur l’appartenance nationale (articles 10 et 14 à 16), la volonté de soumission des lois républicaines quand elles s’opposent aux dites règles précitées (article 17) ainsi que l’imposition d’un fonctionnement quotidien sans réflexion sur sa nécessaire adaptation par rapport aux modes de vie des pays d’accueil (article 18).
 
Il n’y a guère de nouveauté puisque c’est une spécialité des trois systèmes dits monothéistes (mais qui en fait correspondent à une seule et même idéologie) de prôner l’obscurantisme et la soumission et de vouloir imposer ses règles à la terre entière (voire à l’univers quand cela sera possible) et ce, plus particulièrement pour les religions chrétienne et musulmane.
 
Mais, à la différence de toute la hiérarchie chrétienne, celle du culte musulman n’a jamais eu à se « frotter » à une résistance politique qui affirme avec détermination la séparation entre l’Etat et les religions.
 
Tout ceci fait que certains Français d’immigration plus lointaine, qui eux vivent en majorité leur relation à la religion de manière plus ou moins folklorique, ressentent cette pratique musulmane comme le début d’une colonisation (voire même le début d’une invasion).
 
Ce malaise est peut-être exprimé parfois de manière disproportionnée mais il existe et à ce titre, ne peut être ni balayé d’un « revers de main » ni « diabolisé » par ceux qui ne partagent pas ce point de vue.
 
Le sondage réalisé (3) par le CSA en août 2008 (à prendre évidemment avec beaucoup de précautions comme tout sondage) ne peut malheureusement que confirmer les interrogations quand on y lit par exemple que :
 
 - 22 % des personnes sondées se sentent d’abord musulmanes avant d’être françaises et 60 % autant musulmanes que françaises
 
 - 54 % des personnes sondées pensent que la charia doit être appliquée intégralement ou partiellement dans le pays où vivent des musulmans
 
D’autres réponses sont plus ambiguës (voire contradictoires) : 75 % sont favorables à la laïcité mais parallèlement 78 % sont pour le financement de la construction des mosquées en France par l’Etat…
 
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Pour ma part, je suis né en France de parents français d’origine européenne et je n’en tire ni fierté, ni honte (ça n’est qu’un hasard de la vie). Mais par contre, j’en suis très heureux, car je sais la chance que j’ai d’être ici et qu’il vaut manifestement mieux naître et vivre en France que dans n’importe quel pays musulman, me semble-t-il (tout du moins encore à l’heure actuelle).
 
Issu des milieux populaires, comme une majorité de mes concitoyens je suis évidemment imprégné par la culture chrétienne omni présente dans notre société. Mais grâce à des parents quelque peu iconoclastes tout en étant pétris de valeurs de bons sens dans leur rôle éducatif, et également convaincus du rôle fondamental de l’instruction assurée par l’école publique pour l’émancipation humaine (et cela sans faire appel à une quelconque transcendance éventuelle), j’ai su prendre mes distances avec le fatras de croyances véhiculées par les religions pour vivre mon existence terrestre (la seule dont je sois sûr) en essayant d’être à la fois curieux et vigilant sur tout ce qui est nouveau. A ce titre, je suis atterré par la régression que connaît notre société sur la question de la place des religions dans l’espace public et par le retour affirmé du cléricalisme.
 
Comme tout pays, le nôtre a une histoire avec des côtés sombres et lumineux mais c’est une imbécillité de premier ordre de juger moralement des événements du passé et les « élites » actuelles (dirigeantes ou influentes) jouent là un jeu extrêmement dangereux pour la cohésion nationale et territoriale :
 
 - sur l’esclavage, l’occident n’a fait qu’industrialiser une pratique millénaire sur tous les continents et on retrouve là, le début du système capitaliste actuel qui pille et abêtit le monde entier dans sa volonté de consommation et d’amoncellement de biens matériels
 
 - sur la colonisation, on retrouve le même schéma. Mais il est à la fois amusant et très irritant de constater de plus que ceux qui sont maintenant dans la repentance permanente par rapport à ce passé sont les descendants idéologiques de ceux qui ne voyaient que des vertus à cette politique censée apporter la pensée moderne de l’occident aux « pauvres sauvages » du monde entier (prétention, quand tu nous tiens…).
 
Et puisqu’on est dans le devoir de mémoire et le droit d’inventaire, on pourrait aussi les appliquer à l’immigration et dans ce cas, il est fort probable que l’Islam (et son cortège d’archaïsmes) ne fera pas partie des apports positifs (sauf évidemment pour les partisans d’une société rétrograde).
 
Ce qui est important maintenant (et tout en tirant des leçons du passé sans anachronisme), c’est essayer de construire une société vraiment démocratique, plus équitable et totalement émancipée en commençant par notre territoire (pour autant qu’on puisse le faire dans cette Europe, certes indispensable, mais aux ordres de la puissante domination financière, voire parfois de la racaille en col blanc).
 
Deux conditions paraissent toutefois indispensables pour y parvenir :
 
 - la première condition consiste pour les individus dans la nécessaire adaptation au territoire dans lequel on arrive ou dans lequel on vit : l’animal humain, à l’instar de tout ce qui vit sur cette planète, est ainsi fait qu’il faut un minimum de cohérence de fonctionnement dans l’espace public commun si on veut maintenir une cohésion indispensable à une vie paisible dans la cité
 
Sans chauvinisme franchouillard, il faut tout simplement savoir où on est : un citoyen de notre pays est prioritairement français et peut être accessoirement affilié à un mouvement religieux ou sectaire et non l’inverse.
 
Oui, on a le droit de croire en n’importe quoi et de pratiquer n’importe quelle religion, mais en ayant toujours à l’esprit que notre liberté s’arrête où commence celle des autres et qu’il convient donc d’abandonner les attitudes ostentatoires provocatrices qui ne peuvent qu’engendrer des phénomènes d’incompréhension au mieux ou des réactions de rejet au pire du reste de la population.
 
Oui, il y a des discriminations dans notre pays (comme dans tous les autres et de tout temps) mais la première et la plus importante correspond à cette organisation sociale de plus en plus insupportable de classes et / ou de castes et ce n’est pas en instituant une course à la victimisation que nous règlerons les problèmes.
 
Oui, il faut sanctionner avec la plus grande fermeté les actes racistes, discriminants ou de rejets de l’autre mais TOUS et donc y compris ceux qui se drapent de la vertu religieuse ou identitaire.
 
Oui, nous sommes des êtres par nature duales mais, et cela sans renier nos origines multiples, nous devrions rejeter les attitudes infantiles ou schizophréniques (bien qu’elles soient actuellement flattées par certains à travers les notions de diversité ou de visibilité).
 
Oui, cela demande plus d’efforts de penser plutôt que de croire mais ce n’est que grâce à ce travail sur nous-mêmes que nous pourrons finir par être des êtres libres car la pensée permet le doute qui libère… Alors que la croyance induit la certitude qui enferme…
 
La civilisation occidentale est loin d’être parfaite mais il faut savoir apprécier le chemin parcouru et sur ce thème il convient de relire ou réécouter le formidable document intitulé « Je me souviens » attribué à Johanne Chayer (4) qui pose remarquablement le problème actuel avec des mots simples.
 
 - la seconde condition correspond vis-à-vis des chefs religieux à la poursuite et la finalisation du non moins formidable travail initié par nos aînés pour commencer à domestiquer ces fléaux qui ont nom religions quand elles se mêlent de politique
 
Les terribles excès de la religion chrétienne (et particulièrement catholique), que les différents peuples soumis à sa domination ont payé au prix fort, ont généré parallèlement une forte résistance qui s’est concrétisée en France par les différentes lois laïques mises en place depuis la fin du 19 ème siècle.
 
Depuis, malheureusement, plusieurs brèches ont été ouvertes par les forces réactionnaires avec parfois la complaisance naïve des organisations qui se disent de progrès. Et dans ce contexte, le totalitarisme musulman (avec la bénédiction de tous les autres qu’ils soient politiques, religieux ou financiers), représente le fer de lance de ceux qui veulent une société dans laquelle le peuple soit réduit à n’être que des croyants et des consommateurs passant leur temps dans les lieux de culte, les galeries marchandes, les temples du showbiz musical ou sportif ou devant des écrans « endoctrinants » ou des consoles de jeux pour partie débilitants.
 
Cette doctrine professée depuis l’Antiquité (dieu(x) / pain / jeux) n’est donc pas récente mais elle est largement remise au goût du jour à l’heure actuelle.
 
Aucune loi religieuse (et particulièrement la charia issue d’une époque et d’un folklore lointains) ne doit s’imposer à la République. A l’inverse, ce sont les règlements intérieurs religieux qui doivent être amendés pour s’adapter aux textes issus de la représentation démocratique.
 
Parallèlement, tous les enfants doivent pouvoir bénéficier d’un enseignement public de qualité, prioritairement axé sur l’instruction (acquisition de connaissances, réflexion et raisonnement), qui puisse contrebalancer les effets délétères d’une éventuelle éducation religieuse afin que, devenus adultes, ils puissent disposer du maximum de sources de réflexion leur permettant d’être des citoyens libres et émancipés.
 
Le travail est donc loin d’être abouti (cf. la première partie du texte concernant les sociétés multiculturelles sous le titre : hypothèses de conditions pour qu’elles soient paisibles).
 
 
En conclusion, on ne peut être qu’interrogatif devant l’ampleur du phénomène, de la complaisance affichée et des compromissions de la quasi-totalité des gouvernants (passés, en place ou potentiels) qui interpellent tant une partie importante des citoyens français : on ne peut malheureusement s’empêcher de penser qu’elles résultent pour partie d’une forme de chantage économique (approvisionnement en pétrole et en gaz, marchés financiers) mené conjointement par le capitalisme mondialisé et les pays musulmans producteurs.
 
Ce qui est sûr et dans cet éventuel contexte, c’est que notre république laïque aura besoin de toutes les personnes de bonne volonté et entre autres, de celles de culture musulmane mais fondamentalement attachées aux valeurs humanistes qui privilégient la raison sur la croyance et qui, à l’instar de leurs concitoyens, sont souvent silencieuses.
 
En espérant que cet ensemble soit majoritaire, ce sont maintenant toutes ces personnes qui doivent s’organiser et se faire entendre afin d’essayer de faire reculer à la fois la bienpensance laxiste à l’ouvrage depuis quelques décennies et sa conséquence actuelle, à savoir le pouvoir cynique et réactionnaire (à la fois simulacre de démocratie et dictature douce) qui nous gouverne depuis quelques années.
 
Peut-être qu’avec un peu d’utopie…
 
 
 
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Mon pere, l'etranger : stereotypes et representations

des immigres Algeriens en France
 
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28/05/2013
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