Interview d'Etienne Gaudet : drogues et adolescence, réponses aux questions des parents

 

Interview d'Etienne Gaudet : drogues et adolescence, réponses aux questions des parents

Interview d'Etienne Gaudet : drogues et adolescence, réponses aux questions des parents

Difficile pour les parents de comprendre, de surveiller, d'identifier, d'engager le dialogue…...

Dur également de repérer le bon moment pour agir, pour demander de l'aide… Etienne Gaudet* est l'auteur d'un ouvrage canadien remarquable destiné aux parents qui veulent des pistes pour intervenir et rétablir l'équilibre familial.

e-sante : comment reconnaît-on un ado qui consomme ?

Etienne Gaudet répond :

Tout d'abord il faut éviter des conclusions hâtives à partir d'éléments isolés. Ce qui permet de reconnaître si un adolescent consomme c'est l'association d'indices observés.
Voici quelques secteurs sur lesquels il faut être à l'affût d'informations :

Indices d'ordre matériel : découverte d'objets reliés directement à la consommation tels que du papier à rouler, petite pince brûlée à l'extrémité, petit miroir, petits sachets vides, liquide hydratant pour les yeux, seringue, pipes artisanales.

Indices d'ordre physiologique : rougeurs aux yeux, dilatation marquée de la pupille, odeurs soutenues (cannabis, alcool, solvant), trouble d'élocution, toux fréquente, reniflement, traces d'injection.

Indices d'ordre comportemental : isolement et évitement des parents, attitude plus secrète, modification du groupe d'ami, baisse notable des résultats scolaires, variation importante de l'humeur, abandon d'activités, irritabilité, discours décousus, appétit démesuré au retour à la maison en fin de soirée…

e-sante : comment aborder la question avec lui ?

Etienne Gaudet répond :

Tout d'abord, il faut choisir un lieu, un moment, une atmosphère propice à la communication : se mettre à discuter de sa consommation devant les grands-parents, les visiteurs ou devant ses amis est contre-indiqué.
Dans le même ordre d'idée, explorer sa consommation sur une banquette de restaurant semble peu propice à l'intimité. De même, mitrailler votre enfant de questions lorsqu'il revient d'une soirée où vous croyez qu'il aurait consommé est bien peu efficace, à moins d'aimer monologuer !!!

Il est important de questionner notre enfant de manière directe, sans sous-entendus : si des indices nous permettent de croire qu'il consomme, il est important de les lui nommer.

Voici les principaux domaines à couvrir lors de cette discussion : Pourquoi consomme-t-il ? Depuis quand ? Où consomme-t-il ? À quelle fréquence ? Qu'est-ce qu'il consomme et en quelle quantité ? Avec qui ?
Notez qu'il s'agit ici d'un échange, d'une discussion, de communication : il ne s'agit pas d'une inquisition, d'une enquête ou d'un interrogatoire : si jamais vous abordez le sujet de cette manière avec votre enfant, il est fort probable que ce dernier se campe dans une position défensive et que vous ayez peu de possibilité d'être informé sur sa réalité de consommateur.
Il est important de bien écouter ce que votre enfant vous révèle : si vous passez votre temps à le blâmer, le juger ou le condamner vous mettrez définitivement fin au lien de communication encore présent dans votre relation. Vous vous devez d'être ouvert(e), curieux(se) et intéressé(e) par ce qu'il aura à vous raconter. Respectez son rythme, ne poussez pas trop les questions…

e-sante : quand et comment entreprendre une démarche ?

Etienne Gaudet répond :

Il est plutôt rare de voir un adolescent faire une demande d'aide par lui-même : à cet âge, ils sont axés vers le plaisir et sont peu en contact avec les problèmes qui sont associés à leur consommation.

Par contre, l'entourage (famille, école, voisinage) peut être perturbé par les comportements du jeune. Donc les limites mises en place autour du jeune peuvent susciter chez lui une motivation au changement ; certaines fois l'inconfort et le déplaisir sont des leviers essentiels au changement.

Pour ce qui est du moment ou il faut entreprendre une démarche, il dépend en grande partie de votre propre tolérance. Dès que vous sentez que vos limites ne sont plus respectées, une intervention bien dosée est nécessaire.

e-sante : mieux vaut tendre vers le harcèlement ou le laisser-faire parental ?

Etienne Gaudet répond :

L'adolescence est une période de détachement, d'autonomie : c'est le moment où l'on veut être grand, autonome, responsable et surtout ne pas dépendre de papa-maman. A l'autre extrémité du continuum, il y a les parents, qui se retrouvent avec la tâche d'apprendre à lâcher prise, à composer avec une nouvelle réalité.

Devant ce déséquilibre, les parents peuvent avoir tendance à vouloir augmenter leur contrôle, à vouloir être de toutes les étapes et les décisions de la vie de leurs enfants : Attention !!! Trop c'est comme pas assez ; tout est question de dosage.

Si vous êtes omniprésent(e), comment voulez-vous que votre enfant développe son sens des responsabilités, sa capacité de prendre des décisions, sa capacité d'assumer ses responsabilités.
Souvent, on croit que notre enfant prend des décisions douteuses, discutables : sachez qu'une mauvaise décision prise par votre enfant vaut bien la meilleure des positions parentales à laquelle il n'adhère pas !

Donc le rôle d'un parent est tout en nuance : tel un entraîneur sportif, il doit apprendre à laisser jouer ses joueurs selon leur talent, leur créativité tout en leur fournissant un style de jeu d'ensemble, un encadrement, un terrain avec des limites pour empêcher les débordements….

Souvent, comme tant de parents, nous sommes débordés ; nous n'en pouvons plus ! Lorsque notre enfant parvient à l'adolescence et que nous sommes « fatigués de l'éduquer », nous pouvons confondre abandon et lâcher prise. Il peut être très tentant, dans notre style de vie effrénée (travail, loisir, couple, famille), de lever le pied, d'abandonner…

Souvent, pour se donner bonne conscience, nous nous disons qu'après tout les jeunes d'aujourd'hui sont plus débrouillards, qu'ils sont plus en mesure de faire des choix et d'en assumer les conséquences : c'est son bulletin, s'il n'étudie pas le soir c'est de ses affaires !
C'est son corps, s'il choisit de rester debout une partie de la nuit à regarder des films, il apprendra éventuellement à se coucher plus tôt !
C'est son affaire s'il ne se lève pas pour aller à l'école : le directeur s'en occupera ! C'est son choix s'il ne mange pas avec la famille à l'heure du dîner, il se reprendra plus tard ! Penser qu'un enfant de 12-14 ou même 16 ans est un adulte miniature est faux : il demeure nécessaire de l'encadrer et de le guider.
Évidemment, le niveau d'encadrement variera selon l'âge de votre enfant ; plus il vieillira, plus il y aura de place pour la négociation et les compromis.
Par contre, la clé essentielle pour réussir à bien doser notre intervention parentale, est la communication : communication avec votre enfant, communication avec votre conjoint, communication avec votre entourage qui pourra vous aider à préciser vos valeurs, vos limites…

De plus, être capable de se remettre en question est vital pour pouvoir évoluer avec les besoins d'autonomie de votre enfant…

Mis à jour par le 03/08/2012
Créé initialement par Isabelle Eustache le 30/07/2003

Sources : * Psychoéducateur, intervenant en toxicomanie auprès des adolescents et des parents au Centre Le Tremplin, centre de désintoxication et de réadaptation. Auteur de « Drogues et adolescence : réponses aux questions des parents », La collection de l'Hôpital Sainte-Justine, Pour les parents, Editions de l'Hôpital Sainte-Justine, centre hospitalier universitaire mère-enfant, Université de Montréal.



29/05/2013
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