Jacques Lacan - Partie 1
Jacques Lacan
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Jacques-Marie Émile Lacan, plus connu sous le nom de Jacques Lacan, né le 13 avril 1901 et mort le 9 septembre 1981, est un psychanalyste français.
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Biographie [modifier]
En 1932, Lacan obtient son diplôme de docteur en médecine (psychiatrie) avec une thèse remarquée sur la psychose paranoïaque (paranoïa). Quelques mois auparavant, il avait entamé une psychanalyse auprès de Rudolph Loewenstein. Cette décision inaugure un parcours brillant et controversé qui va bouleverser le paysage psychanalytique français et avoir de grandes répercussions sur le mouvement psychanalytique mondial.
En voici les principales étapes :
- 1938 : J. Lacan est élu membre titulaire de la Société psychanalytique de Paris (SPP), qui est alors la seule société de psychanalyse française affiliée à l'IPA, l'association internationale de psychanalyse fondée par Freud ; à cette époque, elle est dominée par les psychanalystes américains. Loewenstein s'étant opposé à son admission, Lacan interrompt le lendemain son analyse avec lui.
- 1953 : J. Lacan devient président de la SPP. Quelques mois plus tard, il en démissionne avec d'autres analystes dont Daniel Lagache, Françoise Dolto et Blanche Reverchon-Jouve. Il participe avec les démissionnaires à la création de la Société française de psychanalyse (SFP).
- 1954 : L'IPA refuse de reconnaître la SFP, cherchant par là à proscrire l'enseignement de Lacan. Commence alors une série de demandes d'affiliation, d'enquêtes, de commissions et de négociations qui vont durer dix ans. Le problème pour l'IPA réside dans les séances courtes pratiquées par Lacan, ainsi que dans le contenu de son enseignement, mais probablement aussi dans sa personne même. Il est stipulé que cette affiliation ne sera acceptée que si l'on donne des garanties pour que, à jamais, l'enseignement de Lacan ne puisse, par cette société, participer à la formation des analystes. Lacan compare son exclusion à une excommunication.
- 1964 : Certains membres de la SFP dont Daniel Lagache, Jean-Bertrand Pontalis, Didier Anzieu et Jean Laplanche fondent l'Association psychanalytique de France (APF) qui, refusant la pratique des séances courtes, rejoindra rapidement l'IPA. D'autres membres de la SFP fondent avec Lacan l'EFP (École française de psychanalyse qui deviendra École freudienne de Paris — nom sous lequel elle est habituellement connue).
- 1969 : Des membres démissionnaires de l'EFP notamment sur une opposition au principe de la passe et fondent l'OPLF (Organisation psychanalytique de langue française) plus connue sous le nom de Quatrième groupe.
- 1980 : Une lettre de dissolution de l'EFP, signée du nom de Lacan, est publiée dans le quotidien Le Monde. Une bataille juridique s'engage pour contester la forme de cette décision. La vraie raison selon certains est que Lacan, gravement malade, n'a plus la lucidité nécessaire pour prendre une telle décision. L'assemblée générale de l'EFP vote finalement la dissolution le 27 septembre, ce qui met fin officiellement à cette institution.
- 1981 : En janvier est annoncé la fondation de l'École de la cause freudienne (ECF). Ses statuts sont signés par Lacan. Celui-ci meurt en septembre.
L'enseignement de Jacques Lacan est resté essentiellement oral. La retranscription de ses séminaires, qui se sont déroulés de 1950 à 1980, qui avait été confiée à Jacques-Alain Miller, gendre et exécuteur testamentaire de Lacan, n'est pas encore terminée. En refusant souvent d'être publié de cette façon, Lacan voulait rester cohérent avec l'enseignement de la psychanalyse fondée sur le colloque et l'émergence de la vérité au détour du surgissement de la parole. D'où ses prises de distance régulières avec la « poubellication » comme c'est le cas maintenant, ainsi qu'il qualifiait la littérature psychanalytique, selon l'un de ses jeux de mots célèbres et décriés. Aujourd'hui, alors que seulement 12 séminaires sur 26 sont publiés, de nombreuses voix s'élèvent pour critiquer l'inertie de l'exécuteur testamentaire et réclamer une édition rapide de l'ensemble de l'œuvre.
Qu'il ait fondé un mouvement (qui est devenu multiforme) de psychanalystes se réclamant de son enseignement et se déclarant « lacaniens » ne doit pas faire oublier que Lacan se voulait freudien. C'est à ce titre qu'il a combattu les pratiques et les théories de l'IPA qui, selon lui, affadissaient et détournaient le message de Freud. Il voulait notamment rappeler que, pour Freud, ce n'est pas le concept du Moi qui était le véritable moteur du sujet et que la cure devait être conduite en conséquence.
Les travaux et l'apport de Jacques Lacan [modifier]
Terminologie lacanienne [modifier]
En 1936, Lacan introduit le stade du miroir ; s'il se fait vite couper la parole, le concept en restera essentiel. Il s'agit d'une contribution au développement de l'enfant, qui, au moment du stade du miroir, et alors qu'au plan moteur il est encore immature, reconnaît sa propre image. Mais l'apport du stade du miroir est surtout celui de la description d'une image spéculaire, forme intuitive de l'identité : en ce sens le moment développemental n'est pas ce qui intéresse Lacan.
En 1938, Lacan travaille les complexes familiaux. Il distingue un complexe de sevrage, un complexe d'intrusion ; les premières élaborations du rôle paternel s'y glissent.
C'est surtout dans les années 1950 que commence à se révéler la pensée lacanienne. L'inconscient est structuré comme un langage [1]. Lacan est donc structuraliste et se fonde sur les travaux de Ferdinand de Saussure.
En 1951, Lacan utilise pour la première fois l'expression de Nom-du-Père, alors au singulier, pour saisir le père comme fonction symbolique, bien au-delà de la personne réelle.
Au milieu des années 50, le schéma L est formalisé. Il montre une relation de Moi à petit autre, une relation du pareil au même toute empreinte d'illusion, là où le psychanalyste interroge le rapport entre le sujet de l'inconscient et l'Autre, ce trésor des signifiants.
A la fin des années 50, apparaît cette fois le schéma R, formalisant lui la place du réel, entre l'imaginaire et le symbolique, qui apparaît d'un déplacement et qui déterminera l'imaginaire.
Les années 60 voient un tournant dans la pensée de Lacan. En 1960 est introduit le graphe du désir et l'objet a, que Lacan considère comme sa plus grande avancée.
Dès 1962 apparaît le premier modèle topologique. Les Noms-du-Père sont pluralisés puisque aucun signifiant en particulier ne saurait assumer cette fonction essentielle.
En 1964, c'est le Réel qui est travaillé, et qui ne peut plus se comprendre que comme l'impossible. En 1966 Lacan indique qu'il n'y a pas de rapport sexuel ; il élabore le concept de point de capiton .
La pensée de Lacan se formalise toujours plus, et les années 70 en témoignent : en 1971, avec le mathème, en 1972 avec le nœud borroméen.
En 1975, Lacan reprend l'ancienne écriture du sinthome.
le sens et la connaissance [modifier]
Lacan a essayé, peut-être en vain, de faire valoir qu'il existait des discours inconscients que nous reprenons, sans le savoir, à notre compte. Ainsi, Lacan a dégagé 4 types de discours qui s'articulent autour de 4 composants. Si Lacan a autant insisté sur la logique, c'est parce qu'il a passé son temps a essayé de se dégager du sens. Alors que Freud tentait de chercher un sens aux névroses, notamment avec le mythe oedipien, Lacan a toujours tenté d'éviter de donner du sens, c'est ce qui rendait d'ailleurs ses séminaires inaudibles pour celui qui cherchait à savoir ce que voulait dire Lacan. En effet, le sens, c'est bien souvent quelque chose de l'ordre de la tromperie sans que cela en soit réellement. Par exemple, se disputer avec quelqu'un pourrait être expliqué par un "il est con" ou un "je suis con" ou encore un "nous sommes cons". Pourtant admettre que la "connerie" puisse être à l'origine du conflit n'empêchera jamais le conflit. C'est justement là que se situe l'inconscient, non pas dans une responsabilité partagée mais dans une béance subjective qui échappe à tout sens et à toute connaissance. Ainsi, le grand enseignement que Lacan a tiré à partir de l'étude des paranoïas, c'est que le sens et la connaissance sont en fait des résistances à savoir ce que nous sommes ou plutôt, comment nous sommes faits. C'est justement, dans ce renoncement ou dans ce semi-renoncement à donner du sens que la lettre chute, c'est à dire que va pouvoir se mettre en place un jeu de signifiant/signifié qui échappe en partie au sens sans, toutefois, perdre l'entendement d'un propos.
Lacanisme [modifier]
Si Lacan souhaite un retour à Freud, s'il s'efforce d'opérer une relecture de la psychanalyse freudienne plutôt que d'en créer une nouvelle, le lacanisme sera pourtant en rupture avec les institutions représentant le freudisme, en particulier avec le lieu de la légitimité en psychanalyse : l'International Psychoanalytical Association (IPA).
Ce qui s'opère alors est la création d'une nouvelle légitimité. L'expulsion, voire l'excommunication comme aime à le dire Lacan de l'IPA amène celui-ci à fonder une école : l'École freudienne de Paris ; une école donc, plutôt qu'une simple association ou société, et une école qui se veut freudienne et non école de Lacan.
La mort du maître, en 1981, provoque un véritable morcellement du lacanisme. De nombreux groupes sont créés.
En France, le légitimisme du lacanisme se fonde sur l'Association mondiale de psychanalyse, dirigée par le gendre de Lacan, Jacques-Alain Miller. Il existe plus de cinquante groupes se réclamant de la pensée lacanienne parmi les écoles françaises.
Par ailleurs, certains élèves de Lacan regroupés autour de la revue Littoral, refusant ce qu'ils appellent ce « légitimisme familial contradictoire » avec l'idée même d'une école de psychanalyse, ont fondé en 1985 l'École lacanienne de psychanalyse.
Le lacanisme s'est fortement implanté en Europe, en Argentine et au Brésil.
L'influence de Lacan est de plus en plus importante dans la philosophie et dans les sciences humaines et sociales (le sociologue Markos Zafiropoulos, l’ethnologue Michel Boccara, les philosophes Judith Butler, Mladen Dolar et Alenka Zupancic). Même dans la psychologie, particulièrement dans la psychologie sociale, il y a déjà des auteurs qui se réclament du lacanisme (l'anglais Ian Parker, le mexicain David Pavón Cuéllar).
Il ne faut pas omettre de citer, la « réussite » d'un de ses disciples, Slavoj Zizek qui devient une voix dans le paysage intellectuel, de plus en plus importante. L’œuvre du philosophe slovène se situe au centre des débats qui, à l’heure de la globalisation capitaliste, cherchent à redéfinir les termes d’une politique d’émancipation véritable[2]. Slavoj Zizek est psychanalyste et philosophe. C'est dans l'ignorance quasi totale des Français, que la Slovénie abritait l'un des intellectuels les plus repris dans le monde, et déjà culte en Europe de l'Est et aux États-Unis[réf. nécessaire]. Si on découvre Slavoj Zizek à peine aujourd'hui, il s'agit toutefois de se rappeler qu'il est un poids lourds de la pensée mondiale, un penseur incontournable comme le furent Sartre, Bourdieu, Lacan ou Derrida en leur temps.
La peur de transgression linguistique de Lacan [modifier]
L’expérience psychanalytique de Lacan découvre qu’il n’y a pas d’inconscient sans langage et que l’inconscient est structuré comme un langage. Or dans Entendre les mots qui disent les maux (juin 2006), le docteur Christian Dufour explique que l'inconscient est un langage, codé, structuré, construit, comme l'écrivait Lacan, de séquences littérales, mais pas n'importe lesquelles. Ces unités sont des couples de lettres spécifiques et certaines lettres isolées, situées entre eux, dont le sens était bien enfoui dans les nœuds du signifiant. Faire une psychanalyse, c'est étymologiquement dénouer les nœuds du signifiant. Le Livre du docteur Dufour Christian montre qu'il s'agit de nœuds doubles qui, dénoués, permettent la psychanalyse de tout mot.
Il n’est pas toujours facile de suivre les arcanes alambiquées du style lacanien. D’après lui, la discipline linguistique tient « dans le moment constituant de l’algorithme S/s, signifiant sur signifié, le sur répondant à la barre qui en sépare les deux étapes ».
Pour reprendre le mot arbre, Lacan affirme que « ce n’est pas seulement à la faveur du fait que le mot barre est son anagramme, qu’il franchit celle de l’algorithme saussurien. Car décomposé dans le double spectre de ses voyelles et de ses consonnes, il appelle avec le robre et le platane les significations dont il se charge sous notre flore, de force et de majesté ». Il semble que Lacan, même s’il n’en tire aucune conclusion linguistique, ait bien perçu que le signifié arbre était spécifique au français et renvoyait à des référents habituels de la flore de France, ce qui aurait dû le conduire à évoquer la variabilité systématique du signifié en fonction des langues. Mais, et c’est à la fois amusant et défoulant de le souligner, quand il attribue majesté et force au signifié arbre français, il définit, à son insu, le sens inconscient du codon ar inaugurant le mot arbre qui marque la prééminence, le sommet ou la menace !
Pour Lacan, le signifiant prime sur le signifié. Ce franchissement de la barre entre signifié et signifiant se ferait pour lui par le jeu des signifiants entre eux, chez chaque individu, avec un glissement incessant du signifié sous le signifiant qui s’effectue en psychanalyse par les formules de la métonymie et de la métaphore, qu’il nomme « lois du langage » de l’inconscient. Certains penseront que Lacan est là dans l'erreur ; pourtant il réfute toute application directe de la linguistique à la psychanalyse. Il propose plutôt de développer ce qu'il appelle une "linguisterie", soit une approche disciplinaire qui colle au fonctionnement de l'inconscient. De ce point de vue, la linguistique est une approche scientifique du langage qui ne peut que rater la spécificité des phénomènes de "lalangue", c’est-à-dire les oscillations métaphorico-métonymiques sur lesquels s'assoient les phénomènes inconscients.
Par contre, à juste titre, Lacan écrit que « l’inconscient ne connaît que les éléments du signifiant », il « est une chaîne de signifiants qui se répète et insiste ». Lacan relève le mode selon lequel l’inconscient opère, ainsi que Freud l’avait décelé par la production de condensations et de déplacements le long des mots « sans tenir compte du signifié ou des limites acoustiques des syllabes ». En reprenant l’œuvre de Freud et en la recentrant sur le langage, Lacan va plus loin, il affirme qu’au commencement était la chaîne des signifiants, un “signifiant préséant au signifié”, dont “la structure commande les voies du réseau du signifié”. « Le mot n’est pas signe mais nœud de signification », qu’il aurait dû dénouer, puisque l’analyse est étymologiquement l’art de les délier les nœuds ! Il explique que « nœud veut dire la division qu'engendre le signifiant dans le sujet… divisé par le langage », il affirme de façon répétée que « l’inconscient a la structure radicale du langage » qui lui-même « implique l’inconscient », qu’il en “est la condition”. En résumant, Lacan nous dit que “l’inconscient est un langage”, constitué des éléments du signifiant, préexistant au signifié. Il va jusqu’à avancer que “l'inconscient est pure affaire de lettre, et comme tel, à lire”. « Nous désignons par lettre ce support matériel que le discours concret emprunte au langage… Ce support matériel ne se réduit pas aux lettres de notre alphabet, qui ne sont jamais qu'un des modes ». Avec le risque, comme dit Lacan, d'apprendre en s'alphabêtissant. « Tout découpage du matériau signifiant en unités, qu'elles soient d'ordre phonique, graphique, gestuel ou tactile, est d'ordre littéral. Si toute séquence signifiante est une séquence de lettres, en revanche, pas toute séquence de lettres est une séquence signifiante ». Voilà, Lacan est parvenu à définir les caractéristiques du langage de l’inconscient, jusqu’à préciser qu’il existe des unités faites de séquences de lettres dont certaines sont signifiante et d’autres non, mais il n’est pas parvenu à découvrir le véritable code.
Pourquoi le sens systématique de certaines séquences répétées du signifiant lui a échappé ? Trop intelligent pour découvrir un code finalement relativement simple, peut-être ? Il écrit que le sujet est divisé par le langage mais ne poursuit pas sa logique en ne comprenant pas que cette division est due à l’existence de deux langages, un conscient et un inconscient, le second étant préséant au premier. Trop conditionné sans aucun doute par une remarquable formation linguistique, il n’ose franchir la barre signifiant/signifié, il ne transgresse pas l’enseignement de ses amis linguistes et au contraire leur prête main forte et, alors, se fourvoie : « le signifiant existe en dehors de toute signification, il n’a pas fonction de représenter le signifié ». Grave erreur! S’il écrit que « la science dont relève l’inconscient est la linguistique », il ne peut pas s’agir de la linguistique conventionnelle saussurienne qui ne s’intéresse qu’à la partie secondaire du langage, sa partie émergée consciente. D’ailleurs Lacan énonce que la nature du langage de l’inconscient ne concerne pas le découpage de la chaîne en fonction d’un signifié qui toujours et sans cesse se dérobe, mais en fonction des propriétés de la chaîne signifiante elle-même. Même intelligents, nous sommes bornés par le Savoir que nous avons acquis par apprentissage et dont la mémorisation conditionne notre logique de pensée. Ce savoir n’est jamais qu’un “voir ça”, qu’une vision pré-établie qui nous aveugle.