Rêve - Partie 1

Rêve

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« S'approcher de Rêve endort irrésistiblement. »

— Michel Perrin

Selon Léon d'Hervey de Saint-Denys, le rêve (les visions que nous avons en songe) est la représentation aux yeux de notre esprit des objets qui occupent notre pensée[1].
Il survient pendant le sommeil, tandis que le corps est physiologiquement au repos. Sa structure est diffuse et dynamique. Il fonctionne généralement sur le mode hallucinatoire dans le sens d'une perception sans objet (la plupart du temps visuelle, auditive et/ou tactile).

Le rêve a toujours exercé une fascination chez l'être humain en raison de deux questions fondamentales qu'il lui pose : son rapport au réel[2] et son rapport à l'activité consciente éveillé[3],[4]. D'autre part sa fonction reste une énigme et de nombreuses hypothèses sont actuellement à l'étude.

L'adjectif relatif au rêve est onirique.

« Nous sommes faits de la même substance que nos rêves,
et notre petite vie est toute ceinte de sommeil. »

— Prospero de Shakespeare

Sommaire

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Neurophysiologie du rêve [modifier]

Chez l'adulte les rêves occupent environ 20% du temps total de sommeil, 45 à 65% chez le nouveau-né, 20 à 25% chez le jeune adulte et 13 à 18% chez la personne agée. Pour l'adulte, la période du rêve représente environ 1h1/2 chaque nuit, soit, sur une vie, une durée moyenne de quatre années[5].

Historique [modifier]

Au XIXe siècle, une approche expérimentale du rêve se développe avec Alfred Maury[6], qui par ses expériences voulait prouver que le rêve reflète uniquement le reflet de stimuli physiques. Aujourd’hui, des chercheurs comme Peretz Lavie considèrent que Maury n’a pas eu des rêves, car les expériences se faisaient juste après son endormissement, mais des hallucinations hypnagogiques.[7] Léon d'Hervey de Saint-Denys[8] publie de manière anonyme les rêves et les moyens de les diriger (1867). En 1885 Joseph Delbœuf, (1831-1896) écrit Le sommeil et les rêves, considérés principalement dans leurs rapports avec les théories de la certitude et de la mémoire (Le principe de la fixation de la force), œuvre dans laquelle il rapproche le rêve des hallucinations des fous.[9] En 1900 Sigmund Freud publie L'Interprétation des rêves (Die Traumdeutung), qui marque l'avènement de la psychanalyse et l’abandon de la théorie selon laquelle le rêve ne serait qu’une réponse à un état physique du corps.

La recherche depuis 1953 [modifier]

Les travaux d'Eugene Aserinsky et Nathaniel Kleitman en 1953 puis de William C. Dement à Chicago en 1957 ont mis en évidence l'existence de diverses phases d'activité électrique du cerveau au cours du sommeil. Comme les rêves semblaient survenir particulièrement durant les phases où l'activité cérébrale est la plus intense et l'activité musculaire totalement inhibée, à l'exception des muscles oculaires, le chercheur français Michel Jouvet a désigné cette phase comme le « sommeil paradoxal ». Les signes physiologiques du sommeil paradoxal ont été trouvés chez la plupart des mammifères et oiseaux. Les travaux de M. Jouvet sur le sommeil des chats ont montré qu'ils sont également sujets au rêve (par période de 6 minutes, pour 90 à 120 minutes par nuit pour l'homme).

Pendant le sommeil paradoxal l’activité électrique corticale est la même qu’à l’état d’éveil, d’où le nom.[10] Dans les pays non francophones ce stade est appelé REM sleep pour sommeil à mouvements des yeux rapides. Pour vérifier leur théorie les chercheurs ont réveillé des volontaires dans les laboratoires de sommeil partout dans le monde, dès que les instruments de mesures électriques indiquaient les ondes caractéristiques du sommeil paradoxal, pour les questionner.

En 1993 le psychologue cognitiviste David Foulkes se rend compte que tout le monde n’entend pas la même chose si on lui demande au réveil “avez-vous rêvé ?” Il y a par exemple des gens qui, s’ils ont rêvé d’un fait quotidien, ne considèrent pas cela comme un rêve et répondront donc par la négative à la question. La question a donc été reformulé de manière plus neutre “quelque chose vous a-t-il traversé l’esprit avant votre réveil ?” En analysant les récits obtenus dans les laboratoires de sommeil, il devint alors évident que les rêves des stades de sommeil autres que le sommeil paradoxal, étaient plus fragmenté, plus proche d’une simple pensée. “J’ai pensé à mon examen de math”. Tandis que le même thème pendant le sommeil paradoxal est plus développé avec une intrigue ou des détails.[11]

Par la reformulation D. Foulkes peut montrer que la fréquence de récits de rêves de sujets réveillés pendant un sommeil lent profond peut atteindre plus de 70%. Tous les stades du sommeil sont donc propices à la production de rêves. Toutefois, la faculté de mémorisation est supérieure lorsque le sujet est réveillé en période de sommeil paradoxal, ce qui permet d'ailleurs d'obtenir des récits de rêve auprès de presque toutes les personnes (80 %), y compris celles qui prétendent ne jamais rêver, et ces rêves sont les plus vifs et les plus riches en images. En revanche, la remémoration est très difficile après un réveil en sommeil lent. Dans tous les cas, le rêve qui survient le plus aisément à la conscience est celui qui précède immédiatement le réveil.

L’examen des zones actives pendant les différentes phases de sommeil montre que l’hippocampe est actif pendant le sommeil paradoxal et c’est lui qui est responsable des images.

Les chercheurs ne savent pas à quoi servent les mouvements des yeux. P. Lavie pense que les mouvements groupés sont en rapport directe avec le contenu du rêve. En effet, il y a des cas où cela a pu être démontré comme dans le “rêve du jeu de tennis” [12], mais il s’agit de preuves isolées et M. Jouvet ne pense pas qu’il y a un lien obligatoire. [13] En effet, les aveugles de naissances n’ont pas de mouvements des yeux groupés, leurs rêves se caractérisent par des bruits, des sensations de toucher et des états émotionnels. Mais il existe également des mouvements simples et isolés qu’on trouve chez les voyants et les aveugles. On pense que ces mouvements accompagnent le travail de mémorisation qui s’effectue pendant le sommeil paradoxal. [14]

La recherche neurophysiologique ne permet pas de prouver l’existence du rêve de façon objective. En effet, il faut toujours interroger le sujet en train de rêver pour vérifier qu’il rêve effectivement. Il est impossible de mettre en relation les enregistrements électriques et le contenu du rêve qui se déroule au même moment.

Pour l’instant le rôle du rêve et du sommeil paradoxal reste mystérieux. “Il est difficile de croire que cet état physiologique n’a pas un quelconque rôle vital pour la survie. Il n’y a pas de consensus général entre les chercheurs sur le sommeil quant aux fonctions du sommeil REM.” (Jerome Siegel) [15]

Stimuli externes et rêves [modifier]

Plusieurs groupes de chercheurs ont tenté de refaire les expériences de Maury, en vain. L’intégration de stimuli externes dans le rêve était au mieux partielle, souvent nulle. Dans aucun cas le stimuli devint le sujet central d'un rêve. Cette difficulté de détourner l’attention du rêveur de sa création interne a été nommé par Allan Rechtschaffen “processus monomaniaque” ( single-minded process). [16]

L’oubli des rêves [modifier]

Dans son laboratoire du sommeil à Haïfa en Israël, Peretz Lavie a étudié la quantité de rêves dont se souvenaient un groupe de survivants de l'Holocauste qui s’étaient bien adaptés à la vie après leur libération, un groupe de survivants qui avaient toujours des problèmes et des cauchemars et un groupe d’Israéliens nés en Israël. Les dormeurs étaient toujours réveillés lorsque les enregistrements électriques montraient une période de sommeil paradoxal, si le troisième groupe avait un nombre de rêves proche de la moyenne 78 %, ce nombre baissait à 55 % pour le deuxième groupe et n’était que de 33 % pour les personnes s’étant bien réadaptées à la vie quotidienne. La seule différence concernant le sommeil des différents groupes était sa profondeur. Les personnes ayant subi un traumatisme avaient un sommeil plus profond que les personnes en bonne santé. [17]

More Majorum [modifier]

médecin grec, 460 av. J.-C., 370 av. J.-C., il est l'auteur du Traité d'hygiène d'Hippocrate ou l'Art de prévoir les maladies du corps humain par l'état du sommeil. Suivant l'état du soleil, de la lune ou des astres vus en rêve, Hippocrate pouvait savoir si le sujet était en bonne santé, ou au contraire malade. Les rêves avaient qualité de prodromes concernant l'état de santé d'une personne.

384 av. J.-C.-322 av J.-C. il est l'auteur d'un traité sur les rêves : [3].

  • L'Onirocriticon d'Artémidore d'Éphèse

Il s'agit d'un système d'interprétation des rêves très élaboré datant du IIe siècle av. J.-C.. Le rêve est distingué du songe qui concerne l'avenir. Le songe est soit théorématique c'est-à-dire qu'il ressemble à ce qu'il montre, soit allégorique[18].
Les textes de la grande bibliothèque de Ninive d'Assurbanipal passent pour avoir fourni les bases de l' 'onirocriticon. Cet ouvrage fut traduit par la suite par les Arabes.

(400 ap. J.-C), auteur d'un Commentaire du Songe de Scipion, il comptabilise cinq types de rêve :

insomnium en rapport avec les soucis, les peurs, l'excès de nourriture ou de boisson
visum ou phantasma, c'est-à-dire les rêveries du demi-sommeil
oraculum, les rêves divinatoires (voir l'incubation ci-dessous)
visio, les rêves prophétiques
somnium, le rêve énigmatique[18].

pape en 590, il distingue trois grands types de rêves :

ceux dus à la nourriture et à la faim
ceux envoyés par les démons
ceux d'origine divine.

A sa suite, seuls les rêves d'origine divine seront tolérés. L'oniromancie est interdite[18].

D'après Jacques Le Goff, le savoir sur le rêve commence à s'affirmer à partir du XIIe siècle, s'affranchissant de ses origines divine et satanique. C'est l'ouvrage Liber de spiritu et anima ("l'esprit et l'âme"), rédigé par un moine cistercien au XIIè siècle, Alcher de Clairvaux, qui aurait permis cette transition. Assez semblable aux conceptions de Macrobe, il existe, selon Alcher de Clairvaux, cinq types de rêves :

l' oraculum, rêve que Dieu envoie à ses émissaires
la visio, rêve prophétique clair
le somnium, rêve nécessitant une interprétation
l' insomnium, rêve commun et sans intérêt
le phantasma, apparitions fantômatiques, pendant les premières phases du sommeil, dont fait parti le cauchemar ou l' éphialtès.

Le rêve et la religion [modifier]

La croyance à l'origine divine des songes est une croyance universelle. On connait les songes que Zeus envoie à Agamemnon, les songes et les visions qu'accorde Apollon à Delphes, notamment à Oreste. Dans l'orphisme et l'école de Pythagore on enseigne que la communication avec le ciel s'effectue uniquement pendant le sommeil, moment où l'âme s'éveille, doctrine identique qu'on retrouve chez les écrivains juifs et arabes du moyen-âge. Ibn Khaldoun 1332-1406 nous renseigne sur la pratique ritualisée des rêves mantiques chez les musulmans. L'oniromancie babylonienne n'avait rien à apprendre de la Grèce. Le songe prophétique est bien connu chez les Sémites, dont témoigne l'Ecriture Sainte[19].

Le chamanisme de Sibérie [modifier]

  • La croyance la plus répandue chez tous les peuples sibériens est que la vie du corps dépend de l'âme. Gardant une certaine autonomie, elle peut s'évader pendant la phase du sommeil, et le rêve témoigne de cette évasion. Cette absence temporaire est sans danger, à condition qu'on ne réveille pas brutalement quelqu'un qui dort. Chez les Xant-Mansi, on dessine un tétras sur les berceaux des nourrissons afin que l'âme de celui-ci ne s'en aille pas trop loin. Si elle se fait prendre par les esprits, la mort est inéluctable, à moins que le chaman intervienne.
    Cette absence d'âme peut aussi être attribuée à d'autres états proches du rêve comme l'ivresse et la maladie (surtout mentale), d'où la pratique chamanique du rappel de l'âme dans le corps. Enfin, cette absence est définitive en cas de décès.
  • Dans les sociétés chamaniques, certains types de rêves vont apporter la chance au chasseur. S'il rêve de la fille de l'esprit de la Forêt (et des Eaux aussi pour les Selkup), c'est-à-dire du donneur de gibier (donneur de chance), sa chasse sera couronnée de succès. La fille de l'esprit de la Forêt peut apparaître différente à chaque rêve, en vertu de la "pluralité d'entités particulières, localisées"[20]. "Elle est toujours très belle et le plus souvent nue, séductrice et exigeante"[20]. En échange du gibier, elle demande les plaisirs humains (amour, contes et chants). L'épouse du chasseur devine d'ailleurs au gibier rapporté si son mari à une maîtresse surnaturelle.
    Il existe un interdit de pratiquer l'acte sexuel avant la chasse, avec son épouse notamment. Mais il est de bon présage d'avoir un rêve où le chasseur désire une femme sylvestre. Mais cette séduction a un prix : à terme elle signifie la mort du chasseur, la fille de l'esprit de la Forêt cherchant à le retenir. Elle le rend fou et le fait mourir. Les Tongouses expliquent les morts violentes des chasseurs par l'amour que leur porte l'ourse. Pour les Turco-mongols, les filles d'esprit doivent tuer les chasseurs pour les avoir comme maris.
  • Toujours en Sibérie, les chamans voient en rêve l'élan ou le renne dont la peau va lui servir à confectionner son tambour. Le rêve lui permet de savoir où le trouver et comment le reconnaître. Il ne lui restera plus qu'à faire part de ces renseignements au chasseur pour que celui-ci aille le tuer. Cette recherche peut durer une année entière.
    Le tambour est un objet essentiel pour exercer l'activité de chaman. Outre le fait qu'il fait participer la communauté entière, le chaman épouse en quelque sorte son tambour puisqu'il matérialise son alliance surnaturelle avec la fille de l'esprit de la Forêt[21]. C'est dire la fonction sacrée de ce type de rêve.
  • Toujours chez le chaman, certains type de rêve s'inscrivent dans le cadre de l'initiation. Ils se produisent d'ailleurs souvent pendant une maladie. Dans ces rêves, il existe des thèmes récurrents : rencontres avec des figures divines (Dame des Eaux, Seigneur des Enfers, Dame des animaux), esprits-guides, révélations sur les maladies et leur traitement, dépeçage et découpage du corps du chaman[22].

La Grèce antique [modifier]

Morphée [modifier]

Dans la mythologie grecque, Morphée désigne les songes. Fils d'Hypnos (le Sommeil) et de Nyx (la Nuit), il est représenté avec des ailes battant rapidement et silencieusement, qui lui permettent de voler. Il fut foudroyé par Zeus pour avoir communiqué des secrets aux mortels.
Morphée désigne la forme qui se révèle dans le sommeil.
Thanatos est le frère jumeau d'Hypnos. La nuit, le voyageur peut boire dans les eaux du Styx, soit à la source de Mnémosyne, et Hypnos le laisse se réveiller, soit à la source du Lhété, et Thanatos le retient dans les Enfers[23].

L'incubation [modifier]

Incubatio : Sommeil du Temple[24]. Incubare : dormir dans le sanctuaire (mot grec : egkoimêsis)[25].

On s'intéressait déjà aux rêves à Sumer (-3000) et dans l'Égypte ancienne (-2500). Le rêve était considéré comme un message envoyé par les dieux. Dans la Grêce archaïque, l'incubation se pratiquait dans les grottes d'Amphiaraos et de Trophonios. Puis, à partir du Vè siècle avant J.C. dans le sanctuaire d'Epidaure en Argolide, sous l'égide d'Asclépios, au niveau duquel des stèles ont été retrouvé, relatant 43 histoires de guérisons de patients.

Dans l'incubation thérapeutique, les malades se rendaient dans un temple dédié au dieu de la médecine et s'étendaient sur leur Klinê (peau d'animal ?), dans l'adyton, pour dormir, après avoir reçu les instructions des prêtres leur recommandant d'être particulièrement attentifs à l'aspect qu'aurait le visage du dieu si celui-ci leur apparaissait en rêve. Le dieu pouvait apparaitre barbu, ou jeune garçon, accompagné ou non d'une de ses filles Hygieía, Panákeia ou Iaso, mais aussi sous la forme d'un chien ou d'un serpent. Lorsqu'il touchait la partie malade, ce dernier guérissait. Si le malade n'était pas visité par le Dieu, il devenait incurable. La coïncidence entre le rêve du malade et celui du prêtre était la sumptôma. Le dieu pouvait apparaitre onar (dans le rêve), ou upar (dans une vision à l'état de veille)[26].

La guérison de la stérilité était l'une des principales tâche de l'incubation. Les exemples les plus connus sont Andromaque d'Epire qui se rendit à Epidaure: le dieu souleva sa robe et toucha son abdomen, ce qui eut pour conséquence la naissance d'un fils[24], mais également Andromède de Chios qui fût visitée par le dieu sous la forme d'un serpent qui reposa sur elle : elle porta cinq fils[24]. D'après Patricia Garfield[27], l'incubation avait justement pour but principal la guérison de la stérilité. Ceci était possible par l'union sexuelle, pendant le sommeil, entre le pélerin et le dieu ou la déesse. Cette union sexuelle avait réellement lieu dans le cas de la prostitution sacrée. Pour Ernest Jones, l' incubatio, le sommeil du temple, était l'union pendant le sommeil entre une personne et un dieu ou une déesse, et il s'interrogea sur le rapprochement entre les termes incubatio et incubus[24].
Parfois, au lieu d'un temple, il pouvait s'agir d'un lieu sacré, une source, une grotte, un puits

L'incubation a également été pratiqué à Rome : à l'époque romaine, il y avait environ 400 temples de ce genre dans le bassin méditerranéen, dont celui d'Esculape, l'équivalent romain d'Asclépios.
Au Japon, trois temples sont réputés pour leurs rêves d'incubation : Ishiyamedera, près du lac Biwa, Hasedura, au sud de Nara, et Kiyonizudera, à Kyōto[28]. Le maître guérisseur qui apparaît dans les rêves d'incubation est Yakushi.
L' istikhàra, en Islam, est la récitation d'une prière avant d'aller se coucher, pour obtenir une réponse la nuit à un problème donné[29].
L'incubation est en fait répandue partout dans le monde : Amérique centrale, Afrique du nord, Australie, Bornéo, Chine, Inde, Iran. De la guérison de la stérilité, elle devint une méthode pour guérir d'autres maladies comme la paralysie, la cécité, la claudication et fut utilisé aussi pour prédire l'avenir[24]. L'étude des inscriptions gravées sur les stèles des temples a permis de montrer l'évolution des pratiques de l'incubation. Aux premières cures miraculeuses survenant pendant le rêve succéda l'indication de remèdes, puis des prescriptions qui produisaient une guérison ultérieure[30].

L'oniromancie [modifier]

Le médecin grec Hippocrate (-400) a consacré un traité aux rapports entre des contenus oniriques et diverses maladies : ainsi, voir en rêve une mer agitée « pronostique l'affection du ventre », voir du rouge témoigne d'une surabondance de sang, etc. Par contre, l'onirocritique s'attachera surtout aux valeurs prémonitoires des données vues en rêve, décodées de façon symbolique à l'aide de diverses « clés des songes » (voir Artémidore).

Les Saintes Ecritures [modifier]

  • Songes et Prophéties [31]
S'il y a parmi vous un prophète, c'est en vision que je me révèle à lui, c'est dans un songe que je lui parle Nb12,6.
Les songes (somnium) et les visions (visio) prophétiques occupent une place importante dans l'ancien et le nouveau testament. Bien que les visions ne soient pas subordonnées au sommeil, comme c'est le cas dans les songes, il n'est pas toujours aisé de différencier les deux dans les textes bibliques.
La prophétie est cependant contraignante et expose le prophète : Jr 20,8. Inversement, lorsque la prophétie fait défaut, les songes ne sont plus habités par Dieu : ainsi Saül se plaint Et Dieu m'a abandonné et ne me répond plus, ni par les prophètes ni par les songes. Samuel, 28-15
Selon Maïmonide 1135-1204, toutes les prophéties et manifestations révélées aux prophètes se font en songe ou en vision, apportées ou non par un ange, que les voies et moyens utilisés soit mentionnés ou non. Selon lui, les révélations s'obtiennent dans une vision, et le prophète en saisit la signification dès son réveil. Pour les non prophètes : nous-mêmes rêvons que nous sommes éveillés et racontons un songe à quelqu'un qui nous l'explique, témoignant de la nécessité d'un interprète[32]. Pour Ibn Khaldoun 1332-1406, il y avait deux types de songes pour rendre compte des écritures saintes : le songe véridique qui est une révélation évidente de la présence divine. Il obligeait au réveil immédiat et son impression était si forte et si durable que le sujet ne pouvait l'oublier. Et le songe ordinaire qui nécessite un effort de remémoration et une interprétation, c'est le prototype du songe symbolique ou allégorique : Joseph est l'interprète des rêves du Pharaon en Egypte Gn 41, idem pour Daniel auprès du roi Nabuchodonosor II à Babylone.
Les prophètes sont les interlocuteurs privilégiés de Dieu, ils sont choisi par Lui. L'état de sommeil permet la suppression des sens corporels, et c'est une des théories fournie par Maïmonide pour expliquer la réception de l'émanation envoyée par Dieu. Sur la base d'une faculté imaginative très développée, la prophétie est une perfection acquise, mais qui peut être troublée par la tristesse, la colère et la fatigue. Pour Ibn Khaldoun, les songes de réelle et totale importance viennent de Dieu et ceux qui demandent à être interprétés viennent des anges.
Entre la prophétie et la divination, la frontière est mince. La Loi Biblique est pourtant claire quand à la divination : Vous ne pratiquerez ni divination ni incantation. Les faux prophètes sont hors la Loi, c'est le Deutéronome qui légifère sur les faux prophètes : Si quelque prophète ou faiseur de songes surgit ... tu n'écouteras pas les paroles de ce prophète ni les songes de ce songeur Deu 13,2-4. Et c'est Jérémie qui y consacre un livret : Jr 23,9-40
La divination était une abomination chez les prophètes de Yahvé, excepté le cas des Ourim et Thoummim. Parmi les procédés de divination, il y avait : le discours rimé, saj en arabe, marque distinctive du devin (kâhin), sorcellerie, observateurs de corps transparents, d'organes comme le cœur, le foie, les os, les mouvements d'animaux, d'objets (cailloux : cléromancie), l'astrologie ...
Les possédés, majnûn en arabe, meshugga en hébreu, est un cas particulier puisqu'il fait référence aux jinns, créatures sémitiques qui s'approprient la forme humaine. A l'origine, ils pouvaient être un individu possédé par un esprit amical, et qui plus tard, on été vu comme ceux qui s'unissaient aux humains, comme les fils d'élohim qui prirent les filles des hommes parce qu'elles étaient belles, ou encore comme des aliénés dans leurs délires furieux, des extatiques, ou des épileptiques.
D'après Maïmoïde, Moïse seul fit exception à la règle qui veut que Dieu communique sa volonté à ses prophètes par les songes et les visions : Il n'en est pas ainsi de mon serviteur Moïse, toute ma maison lui est confiée. Je lui parle faca à face dans l'évidence, non en énigmes. Nb 12,7-8.
Bien que les songes ordinaires soient considérés comme des vanités, trompeurs et impurs, dans la vision apocalyptique du livre de Joël, l'effusion de l'esprit se répandra sur toute chair : vos fils et vos filles prophétiseront, vos anciens auront des songes, vos jeunes gens des visions. Joël 3,1.


  • Rérérences aux songes dans l'Ancien et le Nouveau Testament :
  • Songes pour instruire les hommes :
Gen 15,12 : un sommeil profond tombe sur Abram. Il annonce la future captivité en Égypte. Il s'agit du même sommeil que celui qui tomba sur Adam en 2,21. Ce sommeil vient de Dieu, on le retrouve :
-1er S 26,12 : tous dormaient, plongés par Yhwh dans une torpeur profonde
-Is 29,10 : oui Yhwh vous abreuve de son souffle hypnotique - il ferme les yeux des prophètes, des voyants il couvre les têtes.
-Jb 4,13 : A l'heure où les rêves agitent confusément l'esprit, quand une torpeur envahit les humains ...
-Jb 33,15 : Dans les rêves de la nuit quand la torpeur fond sur l'homme et qu'il s'endort dans son lit Il lui ouvre enfin l'oreille ...
Gen 20,3+ : Dieu visite Abimélek en songe afin qu'il ne prenne pas pour femme celle d'Abraham, Sara.
Gen 28,10-19 : songe de Jacob. Vision de l'échelle qui monte au ciel sur laquelle montent et descendent des anges (cf Jn1,51, 12,1-3+, 23,1+, 25,23+). Prédiction de la nombreuse descendance de Jacob (cf Gn12,1+, 26,2). La pierre sur laquelle il s'endort localise la présence divine, elle définit un lieu sacré : la Maison de Dieu qu'il prénomme Béthel.
Gen 31,10-13 : nouveau songe de Jacob. Le Dieu qui est apparu à Béthel se représente à Jacob pour qu'il quitte les terres de Laban et retourne dans sa patrie.
Gen 31,24 : Dieu visite Laban en songe et le met en garde de s'en prendre à Jacob qui s'est enfui.
Gen 37,5-11 : Joseph a deux songes allégoriques signifiant sa prééminence par rapport à ses frères.
Gen 40,5-19 : Joseph interprète les deux songes allégoriques de ses compagnons de cellule : celui de l'échanson et celui du panetier.


11/08/2007
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