Je ne me souviens jamais de mes rêves
Je ne me souviens jamais de mes rêves
Depuis Freud, nous savons que chaque rêve est une mine d’informations sur nos désirs les plus profonds. D’où notre frustration lorsque nous ne nous en souvenons pas. Pourquoi tant de rêveurs sont-ils frappés d’amnésie dès le réveil ? Et comment retrouver cette mémoire ?
La majorité rêve chaque nuit
«Mes amis se racontent souvent leurs rêves, confie Magali, 29 ans. Moi, je ne me souviens de rien, ou presque. Aucune image, aucune impression intéressante. C’est dommage : j’aimerais tellement pouvoir les garder en tête pour les décoder. » Selon la psychanalyste Nicole Fabre, cette déception, très fréquente, est due au fait qu’oublier ses rêves engendre « le sentiment de passer à côté d’un élément clé pour se comprendre-, mais aussi de manquer de créativité, de richesse intérieure, de curiosité ».
Dans certains cas, ce manque de souvenirs peut s’expliquer par une absence de rêves : « Des altérations neurologiques dues à une maladie, un accident ou un traumatisme peuvent entraîner leur disparition, explique Michel Billiard, neurologue et spécialiste du sommeil. Une affection psychologique entraînant une grande difficulté à exprimer son émotion, ou le fait d’enchaîner des épisodes de sommeil paradoxal plus fréquents mais très courts peuvent avoir le même résultat. » Mais ces situations sont rares, et la grande majorité d’entre nous rêve chaque nuit.
Un manque d’attention
Aux origines du rêve… de Nicole Fabre
La psychanalyste montre comment le rêve est utilisé en thérapie pour permettre l’évolution du patient (L’Esprit du temps, 2007).
Le Guide du sommeil de Michel Billiard
Pour tout savoir sur le sommeil et ses troubles (Odile Jacob, 2007).
L’Interprétation des rêves de Sigmund Freud
L’ouvrage incontournable ! (PUF, 1999).
Pour le neurologue, notre amnésie tient surtout à notre manque d’intérêt pour le monde onirique : « Faute d’attention et de concentration, les rêves s’échappent, et il en va de même pour toutes les activités mentales. » En revanche, dès lors que nous nous intéressons à nos pensées et à notre monde intérieur, notre mémoire est plus alerte. Michel Billiard a constaté que « les femmes, généralement davantage dans l’introspection que les hommes, sont plus attentives à leurs rêves et s’en souviennent donc mieux. De même pour celles et ceux qui s’engagent dans un travail sur soi ».
Le manque d’intérêt pour ses rêves peut aussi être lié à un manque d’intérêt du rêve lui-même. « Deux fois sur trois, nos songes sont constitués d’événements banals qui ont eu lieu la veille, puisque nous prolongeons, dans notre sommeil, nos activités ou nos expériences du jour afin de les “régler” », affirme Michel Billiard. Parce qu’ils sont sans importance majeure, nous oublions ces faits pour ne pas encombrer notre mémoire.
Un refoulement
« Il y a en chacun de nous […] des désirs terribles, sauvages, déréglés, et cela est mis en évidence par les songes. » Ces mots ne sont pas de Freud, mais de Platon(La République - LGF, 2009) ! Si l’idée vient de l’Antiquité, c’est le père de la psychanalyse qui l’a rendue populaire, livrant ainsi une autre explication à nos trous de mémoire : « Dans le sommeil, notre inconscient exprime ce que nous ne savons pas ou ce que nous n’osons pas dire : nos désirs, nos troubles, nos angoisses… », souligne Nicole Fabre.
Pourquoi ne recevons-nous pas ces messages qu’il nous envoie ? « Parce que nous les refoulons, répond la psychanalyste. Le rêve camoufle les informations qu’il porte en lui derrière des images banales ou, au contraire, extraordinaires, afin de nous protéger de la crudité de nos pulsions. Mais si notre besoin de contrôle prend le dessus, alors nous refusons, inconsciemment, de nous laisser surprendre par ces révélations qui pourraient nous effrayer. »
Conseils de thérapeutes
Nicole Fabre, psychanalyste
« Au réveil, laissez votre esprit s’évader, rêvasser… Soyez attentif aux images qui vous viennent. Pendant la journée, accordez-vous des moments de rêverie, afin de stimuler votre imaginaire, et de vous entraîner à lâcher prise sur vos pensées. Si vous pressentez que vos nuits sont le théâtre d’événements douloureux, mais que le refoulement vous empêche de les “voir”, peut-être faut-il envisager de demander l’aide d’un analyste. »
Michel Billiard, neurologue
« Si vous tenez vraiment à vous souvenir de vos rêves, tentez de vous faire réveiller vers 3 heures ou 4 heures du matin, en plein sommeil paradoxal, durant lequel on rêve pendant une vingtaine de minutes. Vous pouvez aussi demander à votre conjoint de vérifier si vous rêvez. Il peut regarder vos paupières et l’extrémité de vos membres : s’ils font de petits mouvements, c’est que vous rêvez. »
Témoignages pour rêver
Mélanie, 34 ans
« Je pratique la méthode Coué ! Chaque soir, avant de m’endormir, je me dis haut et fort que je me souviendrai de mes rêves. Le lendemain matin, je note tout, même les détails comme les couleurs, les sons… Ensuite, je fonctionne par association d’idées : je réfléchis à ce que ces détails m’évoquent pour tenter d’en décoder le message. Tenir ce journal me passionne : cela me fait voir des aspects de moi-même que je ne contrôle pas. »
Agathe, 40 ans
« C’était il y a dix ans et je n’allais pas bien. J’ai entrepris une psychanalyse. Alors que je ne rêvais pas, de terribles cauchemars sont apparus, dont je ne gardais rien sauf des sensations désagréables. Ma psychanalyste a utilisé la technique du rêve éveillé. Je me détendais et laissais venir les images. C’est ainsi qu’un secret de famille s’est révélé : celui que je croyais être mon père ne l’était pas. Ensuite, le travail d’acceptation a pu commencer. »