Je vis dans la peur de la mort
Je vis dans la peur de la mort
Nathalie,
La première chose avant tout, : le fait d’accompagner les personnes en deuil depuis maintenant plus de dix ans me permet de vous affirmer qu’il y a peu de chances que vous basculiez dans la folie dans la mesure où votre vie est sans difficultés psychologiques majeures actuellement. Mais il est clair que votre question va bien au-delà de ça.
Vivre pleinement, c’est nécessairement perdre. La vie est par essence mouvement, changement, un instant faisant aussitôt place à un autre : c’est la texture même de l’existence. Ainsi, comme tout est mouvement, il faut qu’il y ait nécessairement perte de quelque chose pour que l’instant d’après puisse prendre place. Vivre pleinement, c’est accueillir en pleine conscience et lucidité cette incontournable vérité. Vouloir « retenir » (les gens, les objets, les circonstances), c’est précisément là que se trouve la mort, , l’arrêt de tout, car on s’oppose au mouvement intrinsèque de la vie.
On ne possède rien. La santé, on peut la perdre. Il en va de même de la jeunesse, de la richesse, de la renommée, de ses amis et de ses proches. On peut même perdre la tête ! Les seules choses qui nous appartiennent vraiment sont nos souvenirs, nos pensées, les actes d’amour partagés, l’amour donné et l’amour reçu. 9a, rien ne peut nous le retirer.
La perte d’un proche est une terrible épreuve mais nous sommes tous dotés de cet incroyable processus de cicatrisation qu’est le processus de deuil. Une fois traversé, il nous amène à une autre compréhension de la vie et à la pleine conscience de ses aspects oh combien éphémères. Partir en vacances aux Maldives n’est précieux et exceptionnel que parce qu’on sait que ça durera un bref instant. Si ce séjour devient brusquement à vie, l’île paradisiaque devient soudainement une prison, un enfer.
Ainsi, plutôt que de vivre dans la peur de perdre, je vous invite à entrer dans la gratitude de connaître ces personnes que vous aimez, sans chercher à les garder coûte que coûte en défiant ainsi le Réel. Car finalement, les perd-on vraiment quand elles viennent à disparaître ? On est ces personnes que nous aimons et qui nous ont aimé. Chacune a déposé en nous quelque chose d’elle-même et nous sommes aussi la somme de tous ces « dépôts » accumulés au fil du temps. Après le temps du deuil, on réalise qu’on garde en soi tout le bien que nous ont fait ces personnes. On le garde pour toute une vie…