La défaillance de la fonction paternelle

 


 
© Elsa Benoit 1998-2000 http://perso.club-internet.fr/aflande/psycho/defaillancepere.htm

 


 

La défaillance de la fonction paternelle


 

Nous entendons le terme défaillance comme une incapacité, une faiblesse, quelque chose qui fait défaut. Il nous est paru nécessaire d’apporter cette précision car en prenant le terme de défaillance comme une simple faiblesse, un excès d’autorité du père ne serait-il pas le signe d’une certaine fragilité ?


 

Nous étudierons tous les éléments entraînant une incapacité ou une faiblesse dans l’accomplissement de la fonction paternelle.


 
 

A) Les carences paternelles: pourquoi ?


 
 

1) Les absences physiques


 
 
 

La maturation de l’enfant passe par la reconnaissance du père en tant que tel. Cette reconnaissance est nécessaire à la résolution du complexe d’Oedipe. Des absences trop fréquentes risquent de gêner les processus d’identification qui sont en jeu chez le garçon et chez la fille. Fréquemment, la mère tente d’assumer les deux rôles (paternel et maternel), ce qui est le plus souvent perturbant pour l’enfant. Il faut distinguer ici, les absences quotidiennes et les absences de longue durée car elles n’ont pas les mêmes effets sur le développement de l’organisation de la personnalité de l’enfant.


 

- Les absences quotidiennes du père pour son travail ne sont pas perturbantes dans la mesure où elles sont équilibrées. Il ne doit pas y avoir de discontinuité. Selon Le Gall, ces absences présenteraient même quelques avantages: le père offre une image avec un statut social, l’autorité est mieux acceptée par l’enfant si elle se fait par intermittence. Une présence constante obligerait le père à s’occuper de tout et à empiéter sur le rôle de la mère.


 

- Les absences de longue durée présentent des inconvénients manifestes. Cependant, il est possible de pallier cela par une constante "représentation" de l’image paternelle par la mère. Le Gall a réalisé une étude portant sur l’effet de longue absence du père (4-8 mois) dans des familles de marins. Dans certaines familles, la mère marque constamment la place du père absent, en parlant de lui, retraçant ses voyages sur une mappemonde. Elle réserve au père, les décisions importantes (achats importants, vacances). Dans ces familles, la réinstallation du père se fait avec moins de difficulté. Cependant la plupart des femmes renvoient à leurs enfants, l’image d’un père qui les a abandonnés et les laisse affronter les difficultés.


 

2) Les décès


 

Selon J. Duché, la disparition du père ne permet pas une évolution harmonieuse de l’affectivité. Le garçon risque de rester trop attaché à sa mère puisqu’aucun rival ne s’oppose à lui. L’opinion de Duché, nous parait assez restrictive; en effet, nous pensons, comme Le Gall, que l’acceptation ou non d’un décès dépend de plusieurs facteurs:


 

- la conception que l’enfant a de la mort
- la personnalité de l’enfant

- l’attitude de la mère face à ce décès


 

J. Géneraud a observé des conduites hyperidéalisantes dans beaucoup de cas de décès du père. La perte du père est d’autant plus traumatisante que la mère est insuffisante et faible face à cette situation. L’enfant se réfugie alors dans un monde de rêve où son père est encore présent. Dans la mesure où, la mère accompagne l’enfant dans cette situation , lorsqu’elle peut assumer partiellement l’image du père et le rôle du père, le décès de celui-ci n’entraîne pas de réaction pathologique. Le Gall précise "qu’un effet psychologique conduit l’enfant à idéaliser le père disparu bien que concrètement absent, le modèle paternel est idéalement représenté, il sert donc encore à la formation du moi et à sa valorisation".


 
 
 
 

3) Les séparations des parents.


 
 
 

La garde des enfants est souvent confiée à la mère, on observe donc, une absence physique du père. Mais ce qui nous semble déterminant, ce sont les conditions dans lesquelles se déroulent le divorce. La séparation est plus difficile à assumer pour l’enfant lorsque les parents s’entre-déchirent, la mère peut donner une image très négative du père à ses enfants. Les parents pour sauvegarder l’équilibre psychique de leur enfant devraient s’efforcer d’expliquer leur séparation en préservant l’image de soi et de l’autre. Comme nous l’avions expliqué auparavant une bonne relation entre les deux parents est garante de la fonction paternelle.


 
 
 
 

4) Les absences morales du père et les carences d’autorité.


 
 
 

Nombreux sont les pères peu attentifs à la vie familiale. Ils se déchargent sur leurs femmes pour tous les problèmes éducatifs. On observe des carences d’autorité importantes. Cette notion de carence d’autorité a longuement été étudiée par Sutter et Luccioni " elle nous parait comme le point d’appui indispensable aux diverses forces psychologiques pour s’harmoniser au sein de la personne. En effet, lorsque cette autorité vient à manquer, sa carence s’inscrit sous forme de symptômes qui s’organisent en un tableau assez cohérent, assez constant pour que nous ayons proposé de l’individualiser sous la désignation de "syndrome de carence d’autorité". Nous nous proposons de présenter ce syndrome plus en détail dans le chapitre suivant.


 

Nous pouvons parler ici de démission paternelle. La démission du père, de son rôle de contrôle d’une part et la défaillance de son rôle dans la vie familiale d’autre part, entraînent un déséquilibre global chez l’enfant qui aura la possibilité de transgresser les règles.


 
 
 
 

5) Les pathologies du père


 
 
 

Les pères atteints de pathologies graves ne peuvent assumer leurs fonctions. Ils offrent à l’enfant une image dévalorisante, faible d’eux-mêmes, le processus d’identification est donc difficile. Ils sont dans l’incapacité d’assurer la fonction paternelle. La présence affective du père est aussi quantitative que qualitative, ce double manque produit chez l’enfant une insécurité profonde qu’il cherche à compenser par une relation de dépendance à la mère. Si elle même ne peut répondre à ce besoin, l’enfant dans un tel climat affectif ne sera pas en mesure de développer une personnalité suffisamment stable.


 

En étudiant la défaillance de la fonction paternelle, nous avons pu souligner l’importance de l’intériorisation d’une bonne image du père, et du couple parental dans le développement psychoaffectif de l’enfant. Nous aimerions tenter de répondre maintenant à la question suivante: Quelles sont les conséquences de la défaillance de la fonction paternelle et de l’incapacité du père à remplir son rôle pour l’enfant ?


 
 

B) Les conséquences de la défaillance de la fonction paternelle.


 

La défaillance de la fonction paternelle est le facteur essentiel de l’existence d’un trouble relationnel précoce entre le père et l’enfant. L’abandon de la fonction paternelle ou l’incapacité à l’assurer ne permet pas la maturation nécessaire à l’enfant. Cette carence paternelle est un facteur important dans l’apparition de différents troubles psychopathologiques de l’enfant.


 
 
 
 

1) le syndrome de carence d’autorité.


 
 
 

Les traits caractéristiques du syndrome de carence d’autorité apparaissent dans trois domaines précis: la personnalité, le comportement, les relations interhumaines.


 

- La personnalité est inconsistante, elle manque de stabilité et de fermeté. Les individus sont dépourvus de courage, de persévérance. Un sentiment profond d’insécurité règne et l’anxiété est fréquente.


 

- Le comportement traduit en actes les altérations de la personnalité. Les actes sont souvent irréfléchis et inachevés. Le caprice domine et les tentatives de suicides sont assez fréquentes dominées par des causes futiles.
Sutter et Luccioni envisagent la tentative de suicide comme un signe révélateur d’une carence d’autorité à partir du moment où elle intervient comme une solution aux difficultés les plus diverses.


 

- Les relations interhumaines sont marquées également par le caprice et l’instabilité. Le repliement sur soi et la tendance à l’isolement sont rares. L’individu nous apparaît sous une fausse sociabilité de surface, il reste isolé, tout engagement durable demeure impossible. Il a des camarades mais pas de véritables amis.


 

2) Les troubles de l’organisation de la personnalité.


 

Nous avons vu précédemment que la régulation de la distance mère-enfant conditionnait l’aptitude de l’individu à assurer son autonomie et son indépendance. La situation de dépendance réciproque mère-enfant rend préjudiciable l’avenir psychoaffectif de l’enfant. Selon Muldworf, si la relation mère-enfant reste trop étroite, le développement de la personnalité de l’enfant dépendra de la personnalité de la mère. Si celle-ci est portée à un excès de sentimentalisme, l’enfant sera faible, capricieux, exigeant; si elle est autoritaire et possessive, l’enfant n’aura pas confiance en lui, il ressentira un sentiment d’insécurité constant, cela risque d’occasionner un être manquant de caractère, de courage, fuyant ses responsabilité (pusillanime) et ayant des intentions peu fermes (velléitaire). Nous avons vu également qu’une des fonctions du père était d’encourager son fils à le dépasser, à s’opposer à lui dans la compétition oedipienne. Lorsque cette fonction n’est pas assurée, les enfants éprouvent une angoisse importante à l’idée de s’opposer au père et se complaisent alors dans une situation de dépendance. Pour Le Gall, le manque d’image masculine propice à une identification positive, produit des personnalités insécures des êtres inquiets et anxieux cherchant constamment à être rassurés. D’aprés Muldworf, l’insuffisance de l’image paternelle chez la fille, produit des effets contradictoires: soit identification à une mère forte avec développement de tendances homosexuelles, soit recherche incessante de l’homme "idéal", aucun n’étant en mesure de satisfaire ce besoin absolu de sécurité.


 

Les altérations de l’image paternelle entraînent donc des difficultés d’identification. L’enfant est alors soit inhibé, soit instable. Il est incapable de développer un sentiment d’identité stable, il doute de lui-même et à tendance à se dévaloriser. Il a peu de capacité de communication. On note fréquemment chez ces enfants, une dimension dépressive avec un sentiment d’accablement.


 
 
 
 

3) Les troubles du caractère et du comportement.


 
 
 

On rencontre souvent des enfants présentant des troubles caractériels lorsque le père ne rempli pas sa fonction. Ces enfants sont instables, agressifs, hyperémotifs, anxieux, impulsifs, renfermés ou excités, coléreux...


 

Les enfants peuvent également manifester leur malaise au travers de comportements. Ils réagissent sur un mode réactionnel et externalisent les conflits par des actes. Le Gall, nous fait remarquer que 75 % des délinquants juvéniles proviennent de famille où les parents sont séparés.


 
 
 
 

4) Les maladies mentales.


 
 
 

Selon Muldworf, plus la déprivation paternelle est grande, plus elle est survenue tôt dans la vie de l’enfant, plus le risque de pathologie mentale est augmenté. La présence dans l’entourage de figures paternelles substitutives tend au contraire à diminuer ce risque. A. Salas a relevé dans sa recherche un certain nombre d’études visant à établir une relation entre le père et la maladie pathologique chez l’enfant:


 
 

- Da Silva dans une étude effectuée en 1963 sur les parents de schizophrènes a noté que l’absence du père confirme et favorise la schizophrénie.


 

- Les travaux de Green à ce sujet sont intéressants; il a réalisé une enquête sur le milieu familial des schizophrènes. Il a alors constaté une annihilation de l’image du père pour l’enfant. Ce phénomène serait engendré soit par "des circonstances extérieures comme l’éloignement, soit par des conflits comme la séparation soit par une exclusion fonctionnelle". L’image du père est faible et inefficace. Selon A. Salas, la plupart des pères d’enfant psychotique ont une personnalité marquée par une faille narcissique et ont une image dévalorisée d’eux-mêmes pouvant être à l’origine de comportement de fuite ou d’évitement. La démission du père dans ces cas, semble importante, mais il nous parait difficile d’affirmer actuellement, qu’un trouble relationnel entre le père et l’enfant serait directement responsable du développement d’une pathologie grave chez l’enfant, ou bien que l’existence d’une telle maladie chez l’enfant serait à l’origine d’une certaine défaillance du père.


 
© Elsa Benoit 1998-2000 http://perso.club-internet.fr/aflande/psycho/defaillancepere.htm



28/05/2013
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