LE PIGEON VOYAGEUR

 

LE PIGEON VOYAGEUR

Pour la nième fois ce matin je composai le numéro de chez moi.
Pour la nième fois, une voix préenregistrée me répondait " Il n’y a plus d’abonné au numéro demandé….. "
Bon Dieu que faisait mon idiote de femme ! ! ? ! Pourquoi mon téléphone ne répondait pas ?

Pourquoi n’était-elle pas à cirer les parquets encore et encore comme tous les mardis depuis presque dix-huit ans maintenant ?

Pourquoi ne décrochait pas t-elle pas ?

Je consultai la liste de mes clients.
11h30 – 145 rue Foch, appartement 2 – Madame Ribley – digicode : 14A5B
Je sortais de ma voiture, ajustais ma cravate, défroissais le bas de mon veston et remis en place la mèche qui tombait sur mon front.
" Elle va me le payer " me dis-je….

Elle a tout intérêt à avoir une explication sinon je lui fais avaler sa cire d’abeille, pensais-je….

L’immeuble de la rue Foch empestait l’odeur de pigeon, de ce qui vous fait votre part de commission pour l’année entière.

Des appartements de vieux bourges prêts à vendre leurs dents en or pour offrir un doré à leur Yorkshire, qui dilapideront l’héritage des héritiers légaux, reniant leur mère et leur progéniture.

Salauds de parents devaient-ils penser…

La bouge de l’appartement numéro 2 ne dérogeait pas à la règle.

A peine m’étais-je présenté à elle que son sourire rouge à lèvre virant à l’orange m’aguichait pour lui faire signer un bon de commande en trois exemplaires tamponné et dûment rempli..

Son idiot de caniche ne la lâchait pas d’une semelle. Ses aboiements stridents avaient reçu mon premier coup de sonnette. Un ruban bleu en soie lui ornait le dessus de la tête.

Sa gueule enfarinée comme celle de la vieille ne déparait pas la repoussante décoration de l’appartement.

J’avais envie de botter le cul du chien.

Et de violer la vieille qui devait être aussi lubrique que le sourire qu’elle m’entrouvrait.

Pourtant j’en avais testé des chiens. Des poilus, langue pendante, haletantes, et des maîtresses friquées et frigides. Je me disais que je n’avais pas peur de me salir les mains, de les arnaquer en quelque sorte.

Ma bite pour devenir le vendeur du mois le plus gratifié de ma société.
La vieille et son carnaval m’invitent à poser mes fesses dans le salon.

A peine assis sur le canapé, son caniche monte sur mes genoux et me flaire les roustons.
" petite coquine, dis donc… ", dis-je en envoyant à la vieille un regard faussement complice…

Puis je faisais mon sourire Clark Gable en caressant la bête sous le cou.

" Brave fifille… " Rajoutais-je. " Ta maîtresse a bien de la chance d’avoir un tel compagnon ! ! !. "


La vieille se pâmait en face de moi, et son sourire illuminait son visage.

Je pouvais lui sortir tout mon attirail, j’étais certain qu’elle aller signer les yeux fermés.

La collection printemps-été, les chaussons en cuir faits, le collier 18 carats incrusté de petits diamants importés d’Anvers avec notre vendeur attitré et des prix exceptionnels…

Et puis en cadeau des petits chaussons pour le caniche cet amour si souvent incompris par les gens qui n’ont pas d’animaux.

La vieille se trémoussait sur son divan et gloussait et voulait en savoir plus encore sur l qualité de mes articles.

C’était Noël et je pouvais lui ficher mon couteau dans le dos.

Elle me proposait du thé que je faisais mine d’accepter volontiers, en la félicitant sur l’originalité de son service de tasse.
Pendant qu’elle s’affairait dans la cuisine, je fis le tour d’horizon du salon.

Des toiles de maître - des reproductions ? – Des vases de porcelaine de Chine, des statuettes en bronze, des tapis d’orient accrochés aux murs – pour cacher quoi ? un coffre ? – La photo d’un homme endimanché, le mari défunt sans doute ?

La chienne toujours excitée et sur mes genoux ne me lâche pas les roustons.

C’est terrible le flair d’un chien. J’avais baiser la première cliente de matin sur son Sofa et la Caniche devait renifler quelque chose. Je n’avais pas pu prendre une douche sur place.

Je pensais à ma femme, à mon numéro de téléphone qui ne répondait pas.

J’étais parti de la maison le Dimanche soir, comme chaque semaine.

Quand on est représentant de commerce, on passe des nuits à l’hôtel, c’est une vie de voyageur, mais j’aimais ça.

Au bout de 18 ans de mariage, j’avais découvert d’autres envies nouvelles que celle de fixer ma femme comme on fixe une relique. Je pensais à la vieille qui préparait le thé. Je me disais qu’il aurait fallu me payer cher pour laa baiser devant son caniche.


La vieille revient dans le salon avec son thé et ses biscuits.

Son rouge à lèvre brille de mille nouveaux feux. Elle s’est sans doute repassé une couche.

Je pense à mon sexe que renifle le caniche et l’imagine plongé entre les lèvres ouvertes de la vieille.
Elle s’asseoit à côté de moi sur le divan, et me donne ma tasse.

Puis elle me sort un tirade. Je les connais par cœur ces mots.

Solitude, un pauvre mari mort trop tôt, le bébé chien qui lui donne tout l’amour qu’elle ne peut plus avoir autrement. Je lui dit que je la comprend, qu’elle est encore jeune et qu’elle ne mérite pas cela.


J’ai à peine eu le temps de finir ma phrase que déjà sa main est sur ma braguette.

C’était ça aussi l’avantage d’être un représentant de commerce. Pas besoin de payer pour une turlutte.

Quelques mots de compassion étaient bien plus efficaces que des billets posés sur la table de chevet d’un claque.


Une demi heure plus tard, je quittais le 145 de la rue Foch avec un contrat d’un montant de 7500 euros en main, et un pourboire de 200 euros dans la poche.

Je téléphonai au bureau. Magali validait le contrat et le numéro de carte bleue. Tout était beau. Superbement beau.
" Ta femme a laissé un message pour toi ce matin " me dit Magali ; " Ce serait bien de rentrer chez toi le plus rapidement possible… je crois qu’il y a un problème … ".


Magali n’avait pas voulu m’en dire plus. Je fonçais chez moi en imaginant le pire.
Je franchissais la porte du seuil de la maison. La maison était vide. Il ne restait rien.

Pas un meuble, pas un objet. Elle avait tout emporté la salope.

Tout excepté mes fringues et ma collection de médailles de pongiste.

Une odeur bizarre flottait dans les pièces, me rappelant certaines odeurs chez mes clientes.

Ca reniflait le chien. La pisse de chien plus exactement.

Le dernier cabot que j’avais eu, je l’avais dézingué au fond du jardin un week-end pendant qu’elle emmenait les gosses à la piscine et j’avais joué au maître éploré en collant des affichettes sur tous les platanes de la rue pendant une semaine.

C’était mes fringues qui reniflaient ainsi. De larges auréoles séchées recouvraient la plupart de mes pantalons.

Je comprenais soudain que ma femme avait fait pisser un chien dessus. J’y croyais pas. La tête me tournait.


Sur le dessus de la pile de vêtements, je vis des papiers bleus.

Des papiers bleus que je reconnus très vite.

C’était des bons de commande, comme ceux que je laisse dans chaque appartement que je visite.

Six bons de commande pour être précis.

Je pensais qu’un arnaqueurs était venu six fois chez moi sans que ma femme me l’ai dit.

Je pensais que cela n’avait pas été dur pour lui car j’étais toujours absent la semaine.

Dans ma propre maison, se faire arnaquer ma femme à moi.


Je regardais les bons de commande que ma femme avait signé. C’était le numéro da ma carte bleue qui avait été utilisée. Et les six bons de commande étaient des voyages touristiques à l’autre bout du monde pour deux personnes.

Elle et celui qui lui avait fait signer le bon ?

J’avais un rendez-vous important. Une grosse cliente de ma société.

Je ne pouvais pas rester à m’apitoyer ainsi sur moi-même.

Je remontais dans ma voiture. J’étais songeur mais je n’arrivais pas à penser à rien.

Puis je pensais à la cliente que j’allais aller voir.

Et qu’elle allait en prendre pour son grade…



13/10/2007
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