LA FORET
LA FORET
C'est sans doute la foret qui me donne ma force.
Ce sont les hommes qui m'ont rendu fou.
J’avais des rêves plein la tête, et il fallait que je sorte, que j’aille marcher au loin, comme si ces rêves m’attendaient, quelque part.
Je décidais de quitter le village, et de m’enfoncer vers la forêt profonde, celle qui touchait un des faubourgs du village, et le rendait si original à mes yeux.
J’avais passé toute l’après-midi à regarder les nuages blancs, derrière la fenêtre de ma chambre.. Puis j’étais sorti, m’était allongé sur le dos dans une prairie, et j’étais resté ainsi longtemps à observer leurs formes, tantôt cheval, ou visages merveilleux qui se dessinaient dans le ciel bleu azur. Ils traversaient le ciel, pour s’en aller au loin, vers une destination inconnue, si loin que je ne pourrais jamais aller, peut-être vers les steppes de l’Est, ou plus loin encore.
Les nuages m’avaient raconté des histoires. Et je voulais encore des histoires, et voire si ses histoires étaient vraies, savoir si je n’avais pas rêvé.
Je descendais donc la petite rue qui menait au bois, passait devant la dernière maison, la seule maison récente, où vivait la famille Baudet. Je les imaginais, amusé, et je m’attendais toujours à voir un âne sortir sur le gazon..
Mais jamais il ne venait.
Je décidais de passer par le ruisseau. Là les nénuphars avaient poussés, et s’amoncelaient sur les bords. Un vert éclatant se détachait de l’eau mystérieuse, et j’apercevais, de ci de la, des reinettes, et je pensais aux histoires de princesses, embrassant une grenouille sur la bouche. Oui, il y avait là peut-être des princes, ou des princesses, qui m’attendaient. J’avais envie de patienter, que l’une d’elle se manifeste, et rester ainsi accroupi, à écouter les croassements.
Mais le soleil poursuivait sa course dans le ciel, et il fallait partir, j’avais décidé d’aller dans cette mystérieuse forêt, et d’aller plus loins encore, plus loin que toutes les fois où j’étais allé.
Je franchissais la lisière de la forêt et m’avançais dans les arbres. Je fus surpris par leur taille, comme s’ils avaient poussé démesurément depuis la dernière fois. Les cimes montaient vertigineusement jusqu’à toucher le ciel de leurs faits.
L’automne avait recouvert le sol d’un tapis orangé de feuilles de toutes sortes, formant un épais matelas sur lequel j’avançais. Les odeurs humides de la forêt s’exalaient sans complexes, et faisaient tourbillonner mes sens.
Au loin, entre les troncs, la forêt s’étendaient à l’infini, et une frayeur montait à mon esprit, celle de l’inconnu, d’un inconnu vivant, palpable, animé d’une vie que je cherchais, et qui m’entourait de toute part..
J’arrivais sur un ensemble de pentes naturelles, qui devaient me conduire vers la forêt profonde.
Je dévalais avec précaution les petits sommets. Il ne fallait pas tomber. J’étais désormais seul, et personne ne pouvait plus m’aider si je devais me blesser.
Je vis soudain un éclair métallique. Je m’approchais, méfiant. C’était un piège, et ses deux mords s’étaient refermés sur une patte. Une patte de renard, rousse. Je comprenais brusquement que le renard s’était rongé la patte, pour se libérer de ce piège mortel. Je frissonnais. Je m’imaginais entrain d’entamer mon bras avec les dents, pour me libérer à sa place. Je ne saurais si j’aurais eu le même courage. Le renard était parti, Dieu seul savait où il se cachait. Peut-être était-il vivant , ou dans un recoin, attendant la mort.
Oui, la mort était là, je l’avais vue, et elle rodait, partout et nulle part, dans ce paradis d’arbres roussis par l’automne.
Il n’y avait que la force des arbres pour me rassurer, bien que leurs branches quelquefois m’effrayaient, traçant dans l’espace des arabesques inquiétantes.
Je m’approchais d’un des troncs noueux d’un chêne, puis le touchait de mes mains. Cette puissance me rassurait. Je suivais les méandres de l’écorce, jusqu’aux profondes racines qui s’enfonçaient dans le sol, puis remontait des yeux à sa cime, en passant par les branches puissantes qui étendaient leurs ombres autour de moi.
A chaque pas, il me fallait me rassurer, et j’avançais en zigzaguant entre les troncs, guettant l’arrivée d’un animal féroce qui soudain serait apparu. Mais rien. Rien que la forêt, et ses bruits étranges, bruit de la brise qui se faufile dans les hauteurs. On devinait le ciel à travers les hauts branchages. Oui, les arbres avaient leur univers, et m’avaient séparé de mon ciel. Celui que je bénissais tous les jours, au matin.
Le paysage des arbres changeaient. La forme des arbres devenait de plus en plus inquiétante. Je me rapprochais du marais, en contrebas, ce marais dont les anciens disaient qu’il avait déjà englouti des enfants. Et ce marais jetait son sort à tout ce qui approchait, et les arbres n’en étaient pas exemptés. Les branches se tordaient maintenant, griffant l’air, et l’on pouvait deviner des plaintes inaudibles qui allaient entre les arbres.
Tout se raréfiait, pour devenir des arbustes congestionnés et rabougris, battant l’air de leurs branches tordues, et le paysage prenait un air de folie, comme si la nature n’obéissait plus à aucune règle.
Je pouvais voir en contrebas, les immenses étendues du marais que je dominais. Oui, j’apercevais près du rivage sombre des restes humains : des vêtements, un jouet.
J’étais terrifié. Ce qu’avait dit les anciens était vrai. Des êtres avaient été aspirés dans ces terribles sables mouvants, suffoquant, hurlant, jusqu’à disparaître à jamais dans ce gouffre..
Je n’avais plus le cœur à continuer. J’étais arrivé là où je voulais. Au centre de la forêt. Le soir allait tomber, et il fallait m’en retourner, avant que l’obscurité ne saisisse le jour, et me plonge dans les ténèbres de la nuit.
Je me retournais, et vit que les arbres me donnaient deux directions, celle d’où je venais, et celle où les arbres continuaient à s’agiter dans leurs lits de terreur, où leur formes plus tourmentées encore, montraient le chemin pour descendre au marais..
Puis j’entendis des chants invisibles, des souffles discrets et insistants. Ma volonté se transformait, comme happée par une force étrange. Les arbres me parlaient de poursuivre ma route. La beauté étrange du paysage me fascinait. Je savais que les arbres vivaient. J’en avais toujours eu l’intuition. Ces plaintes me troublaient profondemment. Je ressentais une sorte d’appel qui me demandait de continuer, de me perdre dans une délivrance intérieure. J’avais envie de pleurer. La forêt me parlait. Elle me voulait. Je n’arrivais pas à croire qu’elle m’ait choisi. Pourquoi moi, si insignifiant, perdu au centre du monde.
La nuit tombait. J’avais poursuivi ma route. Je savais que je ne rejoindrais pas les miens ce soir. Qu’ils m’attendraient sans fin. Je savais que j’allais passer la nuit dans la forêt. Entendre les voix qui maintenant me parlaient, à travers les silhouettes qui se dessinaient partout autour de moi.. Me coucher et attendre, en espérant le jour, pour ne pas être avalé par les ombres...
C'est sans doute la foret qui me donne ma force.
Ce sont les hommes qui m'ont rendu fou.
J’avais des rêves plein la tête, et il fallait que je sorte, que j’aille marcher au loin, comme si ces rêves m’attendaient, quelque part.
Je décidais de quitter le village, et de m’enfoncer vers la forêt profonde, celle qui touchait un des faubourgs du village, et le rendait si original à mes yeux.
J’avais passé toute l’après-midi à regarder les nuages blancs, derrière la fenêtre de ma chambre.. Puis j’étais sorti, m’était allongé sur le dos dans une prairie, et j’étais resté ainsi longtemps à observer leurs formes, tantôt cheval, ou visages merveilleux qui se dessinaient dans le ciel bleu azur. Ils traversaient le ciel, pour s’en aller au loin, vers une destination inconnue, si loin que je ne pourrais jamais aller, peut-être vers les steppes de l’Est, ou plus loin encore.
Les nuages m’avaient raconté des histoires. Et je voulais encore des histoires, et voire si ses histoires étaient vraies, savoir si je n’avais pas rêvé.
Je descendais donc la petite rue qui menait au bois, passait devant la dernière maison, la seule maison récente, où vivait la famille Baudet. Je les imaginais, amusé, et je m’attendais toujours à voir un âne sortir sur le gazon..
Mais jamais il ne venait.
Je décidais de passer par le ruisseau. Là les nénuphars avaient poussés, et s’amoncelaient sur les bords. Un vert éclatant se détachait de l’eau mystérieuse, et j’apercevais, de ci de la, des reinettes, et je pensais aux histoires de princesses, embrassant une grenouille sur la bouche. Oui, il y avait là peut-être des princes, ou des princesses, qui m’attendaient. J’avais envie de patienter, que l’une d’elle se manifeste, et rester ainsi accroupi, à écouter les croassements.
Mais le soleil poursuivait sa course dans le ciel, et il fallait partir, j’avais décidé d’aller dans cette mystérieuse forêt, et d’aller plus loins encore, plus loin que toutes les fois où j’étais allé.
Je franchissais la lisière de la forêt et m’avançais dans les arbres. Je fus surpris par leur taille, comme s’ils avaient poussé démesurément depuis la dernière fois. Les cimes montaient vertigineusement jusqu’à toucher le ciel de leurs faits.
L’automne avait recouvert le sol d’un tapis orangé de feuilles de toutes sortes, formant un épais matelas sur lequel j’avançais. Les odeurs humides de la forêt s’exalaient sans complexes, et faisaient tourbillonner mes sens.
Au loin, entre les troncs, la forêt s’étendaient à l’infini, et une frayeur montait à mon esprit, celle de l’inconnu, d’un inconnu vivant, palpable, animé d’une vie que je cherchais, et qui m’entourait de toute part..
J’arrivais sur un ensemble de pentes naturelles, qui devaient me conduire vers la forêt profonde.
Je dévalais avec précaution les petits sommets. Il ne fallait pas tomber. J’étais désormais seul, et personne ne pouvait plus m’aider si je devais me blesser.
Je vis soudain un éclair métallique. Je m’approchais, méfiant. C’était un piège, et ses deux mords s’étaient refermés sur une patte. Une patte de renard, rousse. Je comprenais brusquement que le renard s’était rongé la patte, pour se libérer de ce piège mortel. Je frissonnais. Je m’imaginais entrain d’entamer mon bras avec les dents, pour me libérer à sa place. Je ne saurais si j’aurais eu le même courage. Le renard était parti, Dieu seul savait où il se cachait. Peut-être était-il vivant , ou dans un recoin, attendant la mort.
Oui, la mort était là, je l’avais vue, et elle rodait, partout et nulle part, dans ce paradis d’arbres roussis par l’automne.
Il n’y avait que la force des arbres pour me rassurer, bien que leurs branches quelquefois m’effrayaient, traçant dans l’espace des arabesques inquiétantes.
Je m’approchais d’un des troncs noueux d’un chêne, puis le touchait de mes mains. Cette puissance me rassurait. Je suivais les méandres de l’écorce, jusqu’aux profondes racines qui s’enfonçaient dans le sol, puis remontait des yeux à sa cime, en passant par les branches puissantes qui étendaient leurs ombres autour de moi.
A chaque pas, il me fallait me rassurer, et j’avançais en zigzaguant entre les troncs, guettant l’arrivée d’un animal féroce qui soudain serait apparu. Mais rien. Rien que la forêt, et ses bruits étranges, bruit de la brise qui se faufile dans les hauteurs. On devinait le ciel à travers les hauts branchages. Oui, les arbres avaient leur univers, et m’avaient séparé de mon ciel. Celui que je bénissais tous les jours, au matin.
Le paysage des arbres changeaient. La forme des arbres devenait de plus en plus inquiétante. Je me rapprochais du marais, en contrebas, ce marais dont les anciens disaient qu’il avait déjà englouti des enfants. Et ce marais jetait son sort à tout ce qui approchait, et les arbres n’en étaient pas exemptés. Les branches se tordaient maintenant, griffant l’air, et l’on pouvait deviner des plaintes inaudibles qui allaient entre les arbres.
Tout se raréfiait, pour devenir des arbustes congestionnés et rabougris, battant l’air de leurs branches tordues, et le paysage prenait un air de folie, comme si la nature n’obéissait plus à aucune règle.
Je pouvais voir en contrebas, les immenses étendues du marais que je dominais. Oui, j’apercevais près du rivage sombre des restes humains : des vêtements, un jouet.
J’étais terrifié. Ce qu’avait dit les anciens était vrai. Des êtres avaient été aspirés dans ces terribles sables mouvants, suffoquant, hurlant, jusqu’à disparaître à jamais dans ce gouffre..
Je n’avais plus le cœur à continuer. J’étais arrivé là où je voulais. Au centre de la forêt. Le soir allait tomber, et il fallait m’en retourner, avant que l’obscurité ne saisisse le jour, et me plonge dans les ténèbres de la nuit.
Je me retournais, et vit que les arbres me donnaient deux directions, celle d’où je venais, et celle où les arbres continuaient à s’agiter dans leurs lits de terreur, où leur formes plus tourmentées encore, montraient le chemin pour descendre au marais..
Puis j’entendis des chants invisibles, des souffles discrets et insistants. Ma volonté se transformait, comme happée par une force étrange. Les arbres me parlaient de poursuivre ma route. La beauté étrange du paysage me fascinait. Je savais que les arbres vivaient. J’en avais toujours eu l’intuition. Ces plaintes me troublaient profondemment. Je ressentais une sorte d’appel qui me demandait de continuer, de me perdre dans une délivrance intérieure. J’avais envie de pleurer. La forêt me parlait. Elle me voulait. Je n’arrivais pas à croire qu’elle m’ait choisi. Pourquoi moi, si insignifiant, perdu au centre du monde.
La nuit tombait. J’avais poursuivi ma route. Je savais que je ne rejoindrais pas les miens ce soir. Qu’ils m’attendraient sans fin. Je savais que j’allais passer la nuit dans la forêt. Entendre les voix qui maintenant me parlaient, à travers les silhouettes qui se dessinaient partout autour de moi.. Me coucher et attendre, en espérant le jour, pour ne pas être avalé par les ombres...