Les jeunes et les troubles bipolaires
Les jeunes et les troubles bipolaires
Par Docteur Patricia Garel
Psychiatre
Hôpital Sainte-Justine
Docteur François Maranda
Psychiatre
Hôpital Sainte-Justine
Les troubles bipolaires sont des troubles de l’humeur, qui se caractérisent par l’alternance de phases « hautes » (manie) et de phases « basses » (dépression). Les professionnels parlent donc de troubles bipolaires de l'humeur pour désigner cette maladie qui atteint aussi les jeunes. La maladie peut débuter par des symptômes maniaques ou dépressifs. Les hauts alternent avec les bas. La personne peut même ressentir ces deux extrêmes pratiquement en même temps. Néanmoins, les épisodes dépressifs sont beaucoup plus fréquents, ce qui rend le diagnostic différentiel difficile avec la dépression majeure.
Un diagnostic de trouble bipolaire se pose à partir d’un ensemble variable de symptômes et non pas d’un seul.
En phase de manie, un jeune bipolaire aura certains des symptômes suivants :
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des changements sévères de l'humeur en comparaison avec les jeunes du même âge et du même milieu - un jeune peut être particulièrement heureux ou énervant ou très irritable;
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une inflation non-réaliste de l'estime de soi (« idées de grandeur ») - par exemple, un jeune peut se sentir en relation spéciale avec Dieu;
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une augmentation de l'énergie, une capacité à fonctionner pendant plusieurs jours avec peu ou pas de sommeil du tout, sans se sentir fatigué;
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une augmentation du débit de la parole - l'adolescent parle trop et trop vite, il change de sujet très fréquemment et ne peut plus être interrompu;
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une distractibilité très importante - l'attention du jeune se porte sans arrêt d'une chose à une autre;
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un comportement de prise de risques inconsidérés - par exemple, une jeune saute d'un toit en croyant qu'il ne peut pas se blesser.
En phase de dépression, un jeune bipolaire aura certains des symptômes suivants :
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difficultés soutenues dans ses rapports avec ses proches et dans ses relations avec ses amis;
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irritabilité anormale et apathie par rapport aux choses courantes de la vie;
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négligence pour l’hygiène corporelle et l’entretien de sa chambre;
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comportements évoquant la délinquance; par exemple, sauter des journées d’école; comportements violents dans la parole et dans le geste; abus d’alcool et de substances toxiques…
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dérèglement de l’appétit;
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troubles d’attention et de concentration;
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troubles du sommeil : insomnie et hypersomnie (dormir tout le temps);
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tristesse manifestée par de l’irritabilité et de l’agressivité;
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comportements ou idées suicidaires envahissantes, désir de mort pour mettre un terme à la souffrance intolérable.
Certains de ces signes sont communs à d'autres problèmes que peuvent avoir les jeunes, comme l'abus de drogue, la délinquance, les troubles déficitaires de l'attention avec hyperactivité ou même la schizophrénie. Souvent une évaluation approfondie faite par un pédopsychiatre est nécessaire pour clarifier la situation, poser un diagnostic et débuter un traitement approprié.
TRAITEMENTS
Habituellement, le traitement des troubles bipolaires chez les jeunes comprend deux facettes : biologique et psychologique.
Le traitement biologique
Le médecin prescrit un ou des médicaments qui agissent sur les neurotransmetteurs. Les neurotransmetteurs sont des substances chimiques par lesquelles les neurones communiquent et assurent le fonctionnement cérébral. En phase dépressive, cette communication est altérée. Les médicaments visent à rétablir correctement ces échanges. Il faut savoir que l’action de ces médicaments n’est pas instantanée. Il faut parfois patienter quelques semaines avant qu’ils atteignent leur plein potentiel. Lorsque efficaces, ils permettent au jeune de retrouver progressivement une vie équilibrée, soit :
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le sommeil;
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l’appétit;
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une énergie normale;
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une concentration normale (ce qui peut parfois revenir tardivement);
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retour du plaisir dans les activités;
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des projets réalistes;
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le goût de poursuivre ses études, etc.
Le traitement psychologique
Les thérapies cognitives visant à corriger les conceptions et les perceptions fausses qui accompagnent la dépression sont efficaces et complémentaires aux traitements pharmacologiques. D'autres types de thérapies (thérapie de groupe, thérapie d'orientation analytique, etc.) peuvent être indiqués selon chaque cas particulier.
Le rôle des différents intervenants face à un jeune atteint de trouble bipolaire
Les parents sont souvent les premiers à mettre en évidence la rupture de fonctionnement de leur enfant. Ils demeurent des observateurs privilégiés même si le lien parent-enfant peut parfois biaiser leurs perceptions. Il est alors important de formuler leurs craintes ou doutes auprès d'une personne compétente. Ils sont toujours essentiels dans la démarche d'évaluation et d'accompagnement.
Le médecin de famille est souvent consulté en première instance du fait des nombreux symptômes physiques liés à la dépression (fatigue, douleurs…). Il fera un bilan médical éliminant une affection somatique pouvant expliquer ce tableau (problème thyroïdien, infectieux, anémie, etc.) et poursuivra l'évaluation avec le jeune et ses parents. Il peut alors demander une consultation à un psychiatre ou initier un traitement après un délai raisonnable.
Le psychiatre est le médecin spécialiste des troubles mentaux. Il est l'interlocuteur privilégié pour coordonner l'ensemble des traitements à offrir.
Les intervenants scolaires (l'infirmière, le psychologue , le travailleur social) sont souvent les premiers consultés par le jeune. Leur rôle est majeur dans l'accueil, le soutien et l'accompagnement de ce jeune en détresse. Ils initieront les références appropriées.
Le jeune peut aussi rencontrer et se confier à un professeur « confident » Celui-ci pourra le conseiller et l’appuyer dans sa démarche auprès d’un médecin ou d’un organisme.
Les départements Jeunesse des CLSC sont spécialisés dans les difficultés que les jeunes rencontrent. On peut y référer sans hésiter.
LES PROCHES DU JEUNE PEUVENT L’AIDER!
Il arrive souvent qu'un jeune qui se sent mal se confie à ses proches (ami - sœur - frère, etc.). Ces derniers lui seront d’une aide précieuse pour passer à travers l’épreuve qu’il vit et ils ne le laisseront pas dans l’isolement et la solitude. Ils le mettront en contact avec une personne significative qui pourra faire les démarches nécessaires.
S.O.S.
Le trouble bipolaire est une maladie mais elle n'est pas tout à fait une maladie comme les autres car elle altère le jugement de la personne. Pourtant, au même titre que les autres maladies, elle doit être expliquée, démystifiée et traitée rapidement. Les enjeux de la maladie et du traitement doivent être bien compris par le jeune et sa famille. Il ne faut pas souffrir inutilement et il ne faut pas rester seul.
Le trouble bipolaire chez les jeunes peut se soigner. Le traitement efficace de cette maladie comprend habituellement l'éducation du jeune et de sa famille sur ce qu'est cette maladie, une médication par le lithium ou un autre médicament et une psychothérapie. La psychothérapie aide le jeune à accepter sa maladie, à mieux s'adapter au stress, à reconstruire son estime de soi et à améliorer ses relations avec les autres.
AUX JEUNES
REVIVRE offre un service spécialement pour les jeunes de 14 à 25 ans. Vous y trouverez de l’information, de l’écoute téléphonique, de l’accompagnement, des rencontres individuelles de suivi gratuites et confidentielles, des groupes d’entraide, de la documentation et des vidéocassettes sur les troubles de l’humeur. Pour de plus amples renseignements, contactez-nous au (514) 529-8866 ou par courriel : programmejeunesse@revivre.org.
AUX PARENTS ET AUX PROCHES
Si vous reconnaissez quelques signes et symptômes d’un trouble bipolaire chez votre jeune, consultez un omnipraticien ou un pédopsychiatre. Détecter la maladie et la faire soigner rapidement par des personnes compétentes est le geste le plus important à poser.