Mouvement anti-OGM - Partie 1
Mouvement anti-OGM
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Le mouvement anti-OGM désigne l'ensemble des actions légales, comme les campagnes de sensibilisation, ou illégales, telles que des destructions de plantations, menées par le groupe de pression anti-organismes génétiquement modifiés (OGM).
Les partisans de ce mouvement estiment que des risques seraient liés aux OGM, sur le plan éthique (« brevetage du vivant »), sanitaire (impact sur la santé humaine), environnemental (atteinte à la biodiversité) et économique (perte de valeurs des cultures de l'agriculture biologique en cas de dissémination trop grande[1], perte de la souveraineté alimentaire). Ils dénoncent par ailleurs les conflits d'intérêts qui présideraient au niveau international en matière de règlementations des Organismes Génétiquement Modifiés. Les militants de ce mouvement, qui s'inscrivent principalement dans la mouvance altermondialiste, rejettent majoritairement toute culture en plein champ et toute consommation d'OGM[2].
Les arguments des militants anti-OGM liés aux risques sanitaires et environnementaux sont critiqués par la quasi totalité de la communauté scientifique[3],[4] ; selon la majorité des scientifiques, si des OGM peuvent effectivement présenter des risques, des précautions ont été prises face au risque de dissémination pour ceux qui sont autorisés à la culture, et les études scientifiques réalisées montrent que les OGM commercialisés ne présentent pas de risque pour la santé humaine. Quelques scientifiques se démarquent et émettent de fortes réserves quant à l'opportunité de la diffusion des OGM [5].
Une large majorité de la population européenne[6] et japonaise[7] sont méfiants à l'égard des OGM, alors que les Américains et les Canadiens sont globalement favorables aux OGM[7].
Les producteurs, en dehors de certains groupements minoritaires[réf. nécessaire], adhèrent peu à ce mouvement. Dans les zones du monde où la culture en plein champ des OGM n'a pas été interdite ou fortement limitée, la part des OGM dans la production s’accroît progressivement[8]. En 2005, selon l'ISAAA[9], 8,5 millions d’agriculteurs utilisaient des OGM, dont 90 % sont des agriculteurs de pays en développement ; la taille de l'exploitation agricole n'a pas d'impact sur l'adoption des OGM[10].
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Contexte et acteurs en présence [modifier]
Contexte [modifier]
Au niveau international [modifier]
Chronologie [modifier]
- 1993 : Création du réseau de La Via Campesina, mouvement international qui coordonne des organisations de petits et moyens paysans. Le mouvement inscrit comme l'un de ses axes de travail prioritaire : « la biodiversité et la lutte contre les OGM »[11].
- 1996 : Présentation par La Via Campesina au sommet du FAO du concept de souveraineté alimentaire[12].
- 1996 : Dans une optique écologique, Greenpeace lance une campagne internationale contre la commercialisation d'OGM dans le domaine de l'alimentation et leur dissémination dans l'environnement[13].
- 1999 : À l'initiative du KRRS, le plus gros syndicat de paysans en Inde (10 millions d'adhérents), la Caravane intercontinentale regroupant 500 paysans venus d'Inde et rejoint par d'autres venus d'Argentine, du Brésil, de Colombie, Kenya, Bangladesh, Népal, Ukraine, Chili viennent manifester devant les grands centres de pouvoir : sièges de multinationales, d'institutions financières, d'organismes de politiques internationales (Bruxelles et Genève) [réf. nécessaire]. Leur objectif est de faire connaitre ce qu'ils jugent être les conséquences concrètes des politiques mondiales (en particulier l'offensive en faveur du libre-échange et la mondialisation) et de dénoncer, entre autres choses, l'agrobusiness, les biotechnologies, le brevetage du vivant[14].
- 2000 : Vandana Shiva, récipiendaire du prix Nobel alternatif 1993, physicienne, épistémologue, écologiste, écrivain, docteur en philosophie des sciences et féministe indienne, dirigeante de la « Fondation de recherche pour la science, les technologies et les ressources naturelles » (Research Foundation for Science, Technology and Natural Resource Policy) et fondatrice de l'association « Navdanya » (association pour la conservation de la biodiversité et la protection des droits des fermiers) organise le tribunal des semences de Bangalore où se réunissent une vingtaine d'associations de paysans indiens et des militants anti-mondialisation.
- 2001 : À l'occasion du premier Forum Social Mondial de Porto Alegre, Via Campesina lance un appel international à l’union pour lutter contre les organismes génétiquement modifiés (OGM) et en faveur des semences paysannes. À la clôture du forum, selon Attac, 184 organisations environ s'engagent à soutenir la lutte de la Vía Campesina à travers le monde et à organiser des actions pour l’arrêt de l’importation et de l’utilisation des OGM[15].
- juin 2003 : initié par les Européens et soutenu par les pays en voie de développement, le protocole de Carthagène constitue le premier outil juridique spécifique aux Ogm sur la scène internationale. Ratifié par 103 états (mais pas par les Etats-unis), il peut entrer en vigueur. Paradoxalement, en fixant des règles strictes pour l'importation des Ogm, il met en place le cadre qui les rend possibles…[16]
Acteurs [modifier]
En 2007, La Via Campesina regroupe plus d'une centaine d'organisations basées dans 56 pays [17] . La Coordination Paysanne Européenne fait partie de celles-ci en tant que membre fondateur. En France, elle est présente via les syndicats agricoles minoritaires de la Confédération Paysanne et le Mouvement de défense des exploitants familiaux.
La lutte pour la propriété et le contrôle des semences est présentée comme une des préoccupations majeures de ces organisations. Elles parlent d'un risque que les biotechnologies et en tout première place la technologie des OGM[réf. nécessaire] feraient peser sur les semences : associés à de nouveaux droits internationaux de propriété intellectuelle (brevetabilité du vivant, ADPIC) l'appropriation et le contrôle par quelques firmes du tout premier maillon de la chaîne alimentaire[réf. nécessaire]. Elles se mobilisent autour du concept politique de souveraineté alimentaire[18].
En 2006, un sondage réalisé par l’institut CSA pour Greenpeace illustre que si une large majorité des français (86 %) [19], ainsi que d'autres habitants de pays européens souhaitent leur interdiction, et que 82% des japonais les qualifient de « non désirables » [7], les américains et canadiens se montrent globalement favorables aux OGM[7].
Plus particulièrement en Europe [modifier]
Chronologie [modifier]
- 1993 : En France, la Commission du génie biomoléculaire (CGB) est créée en 1993, et elle peut être consultée par toute personne intéressée, publique ou privée.
- Juin 1996 : Lors du Conseil de l'environnement de la Communauté européenne, 13 des 15 États membres déclarent être opposés à l'approbation par le marché économique du maïs génétiquement modifié Novartis.
- Février 1997 : Après que la Commission européenne et la France aient autorisé la commercialisation du maïs génétiquement modifié Novartis, l'Autriche et le Luxembourg appliquent immédiatement l'article 16 de la directive 90/220/EEC émanant de la législation européenne, afin d'interdire la vente de ce maïs sur leur territoire. La France interdit la culture commerciale du maïs Novartis, suivie un mois plus tard par l'Italie. Puis le Parlement européen demande à la Commission européenne de suspendre la décision du marché d'autoriser le maïs Novartis.
- Novembre 1997 : La France annonce un moratoire sur le développement commercial de toutes les cultures génétiquement modifiées à l'exception du maïs Novartis.
- Mars 1998 : Un sondage montre que 62,6 % des français souhaitent que le gouvernement retire à Novartis l'autorisation de cultiver du maïs génétiquement modifié[réf. nécessaire].
- Juillet 1998 : Le gouvernement français déclare un moratoire sur les cultures génétiquement modifiées ayant des « parentés sauvages » en Europe (betterave et colza).
- Septembre 1998 : l'association English Nature demande un moratoire sur la commercialisation d'OGM contenant des gènes résistants aux herbicides. Le Conseil d'État suspend l'autorisation de cultiver le maïs Novartis en France jusqu'à ce qu'un verdict final soit énoncé en décembre. Suite à ce jugement, le gouvernement français décide que toute la récolte du maïs Novartis doit être isolée et stockée séparément jusqu'à ce que le Conseil d'état ait émis son verdict final. Toutes les chaînes de supermarché les plus importantes d'Autriche déclarent qu'elles ne veulent pas vendre de produits génétiquement modifiés et les enlèvent de leurs rayons.
- Octobre 1998 : Le gouvernement grec décide d'appliquer l'article 16 de la directive 90/220/EEC et interdit l'importation de graines de colza génétiquement modifiées[20].
- Bien que la culture de maïs transgénique soit autorisée en France jusqu’au 21 mars 2000, les producteurs ont décidé de ne pas en planter pour respecter le choix de leurs clients et des consommateurs. Les magistrats européens de Luxembourg concluent que la France a l’obligation d’autoriser la culture d’Ogm sur son territoire sauf si elle peut apporter des informations prouvant que l’aliment présente un risque pour la santé humaine ou pour l’environnement. Ils étendent la durée de l’autorisation de culture à 10 ans, alors que l’arrêté initial la limitait à 3 ans. Le Conseil d’Etat s’incline devant le droit communautaire. Le 14 décembre, à Montpellier, Greenpeace et plusieurs centaines de personnes, avec José Bové, manifestent contre les Ogm à l’occasion de la conférence de l’ONU qui leur est consacrée[21].
- Novembre 2003 : 10 régions européennes situées dans 7 pays : Allemagne, Autriche, Espagne, France, Grande-Bretagne, Grèce, Italie constituent "le Réseau des régions sans OGM". L'initiative est suivie par des régions de 22 pays européens hors et dans l'Union.[22]
- France : plus de 1 000 communes sont recensées,ainsi que des départements : Landes, Ariège, Gers, des régions : Aquitaine, Limousin, Poitou-Charentes.
- Italie : 80 % du territoire s’est déclaré sans OGM
- Grèce : sur 54 préfectures, 40 se sont déclarées sans OGM
- Autriche : presque toutes les provinces autonomes se sont déclarées sans OGM.
- Belgique : 39 communautés de Flandre et 81 communautés wallonnes se sont déclarées sans OGM.
- Slovénie
- Grande Bretagne, 22 autorités locales se sont déclarées sans OGM, dont la région des Highlands et le Pays de Galles.
- Novembre 2005 : Suite à une initiative constitutionnelle proposée par certains représentants du mouvement anti-OGM, la Suisse approuve à 55,7 % par le référendum du 27 novembre (majoritaire dans tous les cantons) un moratoire de 5 ans (2006 - 2011) sur les OGM[24]. Le taux de participation pour cette votation populaire est de 41.7%[25] ; ces chiffres indiquent que 23,5 % du corps électoral s'est prononcé contre les OGM tandis que 58,3 % n'ont pas jugé utile de se déplacer.
- Novembre 2005 : Le réseau des régions sans ogm comprenant maintenant 36 régions, se réunit à Rennes et s'accordent en une déclaration sur "4 principes qui vont baliser leurs actions futures" [26]
- Le principe de coexistence décidé sur une base régionale et/ou locale
- Le principe de précaution pour l'utilisation des ogm
- Le principe de responsabilité juridique et pénale des opérateurs
- Le principe de co-développement entre les producteurs
- Décembre 2005 : En France, 49 faucheurs volontaires sont relaxés après avoir saccagé un champ de culture OGM de la société Monsanto[27]. Ce jugement a été, par la suite, annulé en appel.
- Novembre 2006 : lancement d'un indice financier basé sur les non-OGM par le gérant de fonds suisse Diapason[28]
- Décembre 2007–Février 2008 : Suite au Grenelle de l'Environnement, et à la grève de la faim de « faucheurs volontaires », Nicolas Sarkozy demande « que la culture commerciale des OGM pesticides soit suspendue ». Une « clause de sauvegarde » est activée le 8 février 2008[29].
- Mars 2008 : Terrena, première coopérative agricole française, révèle, à l'issue d'une consultation de ses adhérents, que pour 54% d'entre eux, "les cultures OGM représentent un vrai danger"; 61% se prononcent pour le maintien d'un moratoire[30].
Contexte de défiance [modifier]
Durant les années 90, une série de crises alimentaires (bœuf aux hormones, poulet aux dioxines, vache folle et maladie de Creutzfeldt-Jakob, contaminations bactériennes d'aliments : fromage par listeria) et d'atteintes à la biosureté ((cancers liés à l'exposition environnementale, etc.) ont traversé le continent européen. Pour Daniel Boy, du centre de recherches politiques de Science Po, la proximité temporelle de ces crises, leur répétition et leur retentissement médiatique ont induit une méfiance d’une partie des citoyens envers l'efficacité des systèmes publics de surveillance de l’industrie alimentaire[31]. L'entrée des OGM sur le marché européen s'inscrit dans ce contexte de défiance[32].
Durant ces mêmes années, des institutions internationales font émerger la notion de principe de précaution, dont les conséquences et les critères sont flous[33].
Une aspiration pour les produits naturels s'est faite jour, entraînant le développement[34], de l'agriculture biologique, qui reste toutefois marginale[35].
En France [modifier]
Si, selon Greenpeace, la méfiance envers les OGM s'inscrit en parallèle de celle envers les organismes de surveillance de l'industrie agro-alimentaire[36],[37], le retard de 6 ans pris par le parlement français pour transposer la directive européenne de 2001 qui définit les règles de la dissémination volontaire des OGM et son adaptation rapide en deux décrets d'applications[38],[39]expliquent une partie des tensions françaises[réf. nécessaire][40].
La fédération des associations de protection de la nature et de l'environnement estime que ces décrets ne transposent pas l'intégralité de la directive européenne, et plus particulièrement sur le droit du public à l'information, le principe de précaution et le principe de responsabilité. Les conditions d'engagement de la responsabilité des producteurs d'OGM et d'indemnisation des préjudices ne sont pas précisées. Lylian Le Goff, de la mission biotechnologies de France Nature Environnement, estime que l'adoption de ces décrets prive le parlement d'un débat démocratique sur des enjeux de société considérables et aura pour seul mérite de protéger la responsabilité des semenciers et non la santé et la liberté de choix alimentaire de nos concitoyens[41]. Le projet de loi est à l'étude au parlement début 2008[42].
Acteurs en présence [modifier]
En France, au sein de l'opposition aux OGM, on peut distinguer ceux qui sont globalement méfiants (demande de signalisation des produits)[7], ceux qui sont franchement hostiles (préférant payer plus cher des aliments sans OGM)[7] et les militants, engagés dans la lutte proprement dite.
L'opposition aux OGM repose aussi pour certains sur le comportement de la société Monsanto. Marie-Monique Robin, journaliste lauréate du prix Albert Londres 1995, dénonce dans un documentaire[43], les conflits d'intérêts qui président selon elle à l'élaboration des règlementations internationales[44].
En France, la communauté agricole est partagée au sujet des OGM. La Confédération Paysanne se positionne contre l'usage des OGM. A l'inverse, la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire, s’est prononcé en faveur des essais d’OGM en plein champ et de la culture commerciale des OGM « éprouvés » ou, dans le cas d'une interdiction de la culture commerciale des OGM, pour un moratoire sur l'importation des productions OGM pour éviter la concurrence inéquitable[45].
La majorité des opposants actifs aux OGM, les « militants », font partie des mouvements écologistes ou se regroupent dans la gauche contestataire (par exemple en France, ATTAC, Les Verts, Greenpeace…). La lutte anti-OGM est proche du courant altermondialiste.
Les scientifiques Gilles-Éric Séralini (professeur des universités en biologie moléculaire à Caen)[réf. souhaitée], Christian Vélot (chercheur à l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire)[réf. souhaitée] et Jean-Pierre Berlan (directeur de recherche en agronomie à l'INRA, membre d’ATTAC), rejoignent ce mouvement contestataire et affirment qu'il existe une marche forcée vers les OGM[46].
Les opposants « fondamentalistes » (qui rejettent tous les OGM pour des motifs éthiques ou religieux, considérant que ceux-ci constituent une atteinte à un état de nature devant être préservé) ne sont pas représentatifs du mouvement de lutte anti OGM[réf. nécessaire][47].
Certains opposants se prononcent pour un arrêt de toute culture OGM tandis que d'autres souhaitent qu'aucune culture ne soit faite à l'air libre (en « culture ouverte »), du fait qu'il pourrait exister des problèmes de dissémination, tout en admettant l'expérimentation en milieu confiné.
En France, en l'absence d'une prise de position claire de l'État, une radicalisation de l'opposition aux OGM s'est fait jour[réf. nécessaire], se rapprochant de la position de José Bové, ancien dirigeant de la Confédération Paysanne[48].