Phantom of the Paradise
Phantom of the Paradise
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Phantom of the Paradise est un film américain, écrit et réalisé par Brian De Palma, sorti sur les écrans américains en 1974.
Note : le titre francophone le Fantôme du Paradis n'est utilisé qu'au Canada.
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Synopsis [modifier]
Reprenant plus ou moins la trame du roman Le Fantôme de l'Opéra, de Gaston Leroux, le mythe de Faust, ou encore Le Portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde, le film de De Palma raconte les mésaventures d'un chanteur-compositeur talentueux (Winslow Leach) dont l'œuvre, une cantate intitulée Faust, est volée par la maison de production Death Records appartenant au producteur star, Swan. Ce dernier envisage d'ouvrir son opéra-rock avec les chansons remaniées de Winslow qui va alors entreprendre sa vengeance.
Commentaire [modifier]
Les chansons de cette simili comédie musicale déjantée ont été composées par le chanteur Paul Williams qui incarne le rôle de Swan, lequel personnage apparaît être une caricature du producteur américain Phil Spector. Ce film est souvent comparé au film culte The Rocky Horror Picture Show. On y retrouve des parodies inspirées d'artistes célèbres tels que les Beach Boys, Janis Joplin ou bien encore les Doors. Il est à ce jour considéré comme l'un des meilleurs films de son auteur.
Fiche technique [modifier]
- Titre : Phantom of the Paradise
- Titre québécois : Le Fantôme du Paradis
- Titre original : Phantom of the Paradise
- Réalisation : Brian de Palma
- Scénario : Brian de Palma
- Production : Edward R. Pressman
- Société de production: Harbor Productions & 20th Century Fox
- Musique : Paul Williams
- Photo : Larry Pizer
- Montage : Paul Hirsch
- Maquillage : John Chambers
- Pays d'origine : États-Unis
- Format : Couleurs (DeLuxe) - son Stéréo
- Genre : Film musical, Comédie, Film fantastique
- Durée : 92 minutes
- Date de sortie : 25 février 1975 (France)
Distribution [modifier]
- Paul Williams : Swan
- William Finley : Winslow Leach
- Jessica Harper : Phoenix
- George Memmoli : Arnold Philbin
- Gerrit Graham : Beef
Autour du film [modifier]
- Dans la scène où Swan se félicite des modifications de la voix de Winslow après lui avoir ajouté des filtres audio, c'est en réalité Paul Williams que l'on entend chanter.
Palmarès [modifier]
La réécriture dans "Phantom of the Paradise [modifier]
Le film Phantom of The Paradise apparaît comme une anomalie dans le parcours du jeune réalisateur Brian De Palma. Juste après « Sœurs de Sang », qui lance sa carrière, il vient confirmer son talent, en étonnant et ravissant le public. Si l’on se penche plus avant pour tenter de comprendre ce qui a déclenché un tel engouement, on peut apercevoir que ce film est composé d’une multitude de références qui se croisent et se recroisent. Il se base en effet sur un mélange de plusieurs mythes appartenant au paysage littéraire et cinématographique européen ,que De Palma a judicieusement remis au goût du jour. L’universalité des thèmes peut donc être appréciée de nouveau. On peut cependant constater que de Palma d’intéresse avant tout au côté monstrueux des personnages des ouvrages dont il s’inspire. Phantom of the Paradise peut être vu comme une sorte de galerie des horreurs. Ce film s’inscrit en effet dans une « tradition du monstre » : il y a finalement beaucoup de similitudes entre les monstres du Paradise et celui de Stanley Kubrick, Alex, dans « Orange Mécanique » sorti deux ans plus tôt. Quelles ont été les sources d’inspiration de Brian De Palma ? Pour y répondre, nous étudierons la question de la réécriture dans Phantom of the Paradise, tout d’abord à travers les mythes et références présents pour être rendus plus accessibles, ensuite sur l’analyse de la société des années 1970. Pour conclure, il serait intéressant de voir les modalités de cette réécriture.
La trame et l’essentiel du film sont bien sûr très largement inspirés du « Fantôme de l’Opéra » de Gaston Leroux (une des œuvres les plus adaptées au cinéma). On y retrouve également l’immense majorité des personnages du film. Erik, compositeur de génie défiguré se cachant dans les caves de l’Opéra Garnier devient Winslow Leach, et sous les traits de Phoenix on retrouve Christine Daaé, jeune soprane talentueuse. Beef lui-même a son précédent dans le livre : Carlotta une diva grotesque à qui Christine vole la vedette. La quasi-totalité du livre se déroule dans l’Opéra Garnier, sorte de micro-organisme labyrinthique dont les caves sont le repaire du fantôme. Il a laissé place au « Paradise » temple du Rock’n’roll et de la perversion des mœurs. On retrouve pourtant cet enfermement dans un lieu ou presque toute l’action se déroulera, au point d’en rendre l’atmosphère étouffante. Mais si les deux directeurs du premiers ne sont que deux marionnettes stupides au service du fantôme, Swan règne en maître sur son opéra, bien plus monstrueux et inquiétant que Winslow lui-même. De Palma prend donc des libertés par rapport au livre en introduisant ce personnage, symbolisant tous les excès et la séduction du « Paradise ». Ensuite, on rencontre bien sûr le mythe de Faust. D’après la légende, Faust était un magicien légendaire ayant vendu son âme au diable en échange de l’éternelle jeunesse. « Faust » est tout d’abord le thème des chansons de Winslow. Une cantate pop, selon les mots de son créateur, bien loin de la version de Gounod. Mais Leach va se faire piéger dans sa propre histoire. Ce n’est plus Méphistophélès qui lui fera signer ce pacte mais Swan. Le diable devient producteur d’une maison de disque tentaculaire, dénonciation par réalisateur du pouvoir de manipulation des médias ? Mais contrairement à Faut, Winslow ne sait pas ce qu’il signe. On retrouve d’ailleurs dans cette scène une petite parodie car Swan ment délibérément à son fantôme, faisant passer un des paragraphes du contrat pour une clause sur les transports, bien moins tragique que le sempiternel « parce que pacte je vends mon âme au diable ». Ce n’est d’ailleurs pas pour la jeunesse éternelle que Winslow signe mais pour l’amour du Rock’n’roll…et de la voix de Phoenix. Dans la bande-annonce originale du film, une voix-off annonce d’ailleurs, tragique, « He sold his soul for Rock’n’roll ». On trouve enfin un hommage au « portrait de Dorian Gray » d’Oscar Wilde, œuvre elle aussi très utilisée au cinéma (même encore de nos jours avec « Velvet Goldmine » de Todd Haynes). Swan a en effet accepté lui-aussi un pacte avec le diable. Ici, ce n’est pas un portrait qui vieillit à sa place mais une bande vidéo. On conserve ici l’idée d’éternité d’une œuvre d’art, bien que ce ne soit plus la peinture mais le cinéma. Référence discrète également à Frankenstein de Mary Shelley, à travers le numéro « Somebody Super Like You », ou Beef est présenté comme étant amené à la vie par des éclairs, tout comme la Créature du roman. On retrouve aussi une très importante symbolique des oiseaux tout au long du film. Swan tout d’abord, dont le nom veut dire cygne (c’était aussi le surnom de Shakespeare), puis Phoenix, nom d’un oiseau légendaire et immortel renaissant de ses cendres. Le masque du fantôme a aussi une forme d’oiseau, tout comme le logo des disques « Death » et les masques des danseuses dans la scène finale du film (un de ces masques sera d’ailleurs utilisé par Winslow pour tuer Swan). L’oiseau est un symbole de séduction et de dissimulation, thème récurrent du film. En effet, tous les personnages principaux sont doubles et leur vraie personnalité ne sera révélée que grâce au Paradise. Winslow change totalement d’apparence et de caractère pour devenir un fantôme qui tue et qui hurle son désespoir, Swan, sous des dehors bienveillant est le vrai monstre du film, et Phoenix cache en elle une ambition dévorante. Les trois personnages principaux passeront de plus tout le film à tenter de se manipuler et de se posséder les uns les autres. Mais « Phantom of the Paradise » contient aussi quelques références cinématographiques. La plus évidente est bien sûr celle de « Psychose » d’Hitchcock, et de la fameuse scène de la douche. Le couteau est remplacé par un débouche évier et la victimen’est pas assassinée mais complètement ridiculisée. De Palma veut bien sûr montrer à travers cette parodie combien il est facile pour un réalisateur de jouer avec les nerfs de ses spectateurs. L’ombre menacante du fantôme sortie de nulle part ne tue pas Beef mais lui intime l’ordre de ne plus jamais chanter sa musique (mélomane qu’il est). Mais on trouve aussi de constantes références à Orson Welles et à ses films. De Palma n’a d’ailleurs jamais caché son admiration pour le cinéaste, qu’il a d’ailleurs fait jouer dans un de ses films. Dès les premières minutes, le « Paradise » est comparé au « Xanadu », nom que Charles Foster Kane a donné à sa demeure. Plus loin dans le film, Winslow, désireux de se venger va dissimuler dans le coffre d’une voiture du décor des bâtons de dynamites, ce qui est un hommage au début de « La soif du Mal » d’Orson Welles. Ces références diverses sont donc un moyen pour Brian De Palma de faire passer ses idées, en conservant une certaine cohérence. Mais à travers ce conte à tiroirs, on peu apercevoir une analyse cynique de la société américaine.
La dénonciation la plus récurrente du cinéaste est bien sûr celle du voyeurisme et de la manipulation des masses. On les retrouve plus particulièrement à travers deux éléments. Le premier est l’attitude du public du « Paradise » incapable de se rendre compte des meurtres qui se déroulent sous leurs yeux pendant les numéros musicaux. Hypnotisés par la cantate de Winslow, la distanciation n’est plus possible. Le premier meurtre sur scène est celui de Beef, électrocuté par le fantôme. Il sera applaudi à tout rompre en rendant l’âme, et à la fin du spectacle, on acclamera encore son corps emmené à la morgue. Swan qui a bien entendu saisi le côté attractif de la chose tente de faire assassiner Phoenix sur scène, mais le projectile va manquer sa cible et touche Philbin, l’homme de main. La foule devient de nouveau hystérique et monte sur scène pour voir l’action de plus près. Il ne sera pas déçu, deux morts vont suivre, Swan, transpercé par un masque d’oiseau et Winslow, sont la vie est rattachée à celle du producteur. Le corps de Swan sera porté en triomphe et Winslow acclamé. Seule Phoenix semble comprendre l’étendue du désastre. Le deuxième élément est l’omniprésence des caméra au sein du Paradise et du côté de chez Swan. Tout est filmé puis regardé par le maître des lieux, qui n’aime rien d’autre que se filmer lui-même, si ce n’est pour voir la souffrance ou la jouissance des autres (exemple : scène du toit). De Palma dénonce ainsi le manque de recul et de jugement que peut apporter un événement divertissant, que ce soient des détails sordides sur la vie d’une célébrité ou des spectacles voyeuristes comme les reality-shows, mais aussi la bêtise d’une foule : « on » est un con. Ultime étape de ce cercle vicieux : le spectateur, dont De Palma fait également un voyeur. Phantom of the Paradise montre aussi l’abus courant de drogues diverses, tous les personnages en usent et en abusent, sauf Swan bien sûr, fournisseur de tous les autres. Pour réussir à terminer sa cantate dans les temps, Winslow prend des amphétamines, Beef prend de la cocaïne pour chanter, ainsi que Phoenix. Il semble que le pouvoir de créer va de pair avec la consommation régulières de drogues dures. Ce n’est pas vraiment une dénonciation mais plutôt une réalité : dans les années 1970, l’usage des drogues était courant, pour ne pas dire banalisé. Cela peut peut-être expliquer aussi le manque de réaction du public devant la mort des personnages principaux. Mais la prise de drogues devient caricaturale : les doses que prennent les personnages sont carrément exagérées. De Palma montre donc un autre aspect des abus divers permis au sein du Paradise, cela peut aussi justifier l’usage des couleurs psychédéliques de la boîte de nuit. Autre témoin de ces années 1970 : Les « Juicy Fruits ». A travers ce groupe rattaché à Swan, le réalisateur montre à son public l’évolution du rock. En effet, leur première apparition les présente comme trois Elvis Presley en puissance : même coiffure, mêmes déhanchements, même façon de chanter. C’est la toute première forme de rock connue : le rock’n’roll des années 1950. Plus tard, on les retrouve, mais cette fois, ils semblent avoir fait un bond dans le temps et c’est le rock de la côte Ouest de la Californie que De Palma nous montre. Les « Juicy Fruits » ont changé de nom et s’appellent désormais les « Beach Bums ». Ce nom et les vêtements du groupe rappellent bien sûr les Beach Boys. Finalement, on les retrouve maquillés et habillés en noir, appelés « The Undead » (les morts-vivants). Hommage bien sûr au groupe Kiss, pour les maquillages et à Alice Cooper, dont ils ont conservé l’esthétique et le côté grand spectacle. On peut donc suivre une bonne partie de l’histoire du rock : les groupes et le tendances musicales changent, mais la musique de Winslow reste la même, intemporelle et universelle. Mais la réécriture n’est pas uniquement scénaristique : De Palma a aussi utilisé dans Phantom of the Paradise toutes les techniques cinématographiques capables de faire avancer la narration. La plus marquante est bien sûr le split screen, que l’on retrouve à deux reprises dans le film. En coupant son écran en deux, le cinéaste invite les spectateurs à se concentrer sur ce qu’ils désirent. Mais cela donne aussi à ces scènes un effet de confusion : on ne peut tout saisir à la première vision du film, tout comme un conte qui a plusieurs sens et qui demande quelques relectures. La musique étant le fil conducteur du récit, on retrouve beaucoup de transitions par le son. Par exemple, dans la scène ou Winslow entre chez Swan et rencontre Phoenix : c’est un long plan séquence qui suit les jeunes filles en train de répéter, puis s’arrête sur le talent prometteur de Phoenix. Dans la scène du pacte, on retrouve deux transitions simultanées, image et son : on passe de Winslow et Swan, de l’innocence blessée à la manipulation. Brian De Palma s’est donc servi des techniques à sa disposition pour dynamiser le récit et le rendre plus actuel. La séquence de transformation de Winslow en fantôme du « Paradise » est, elle, filmée en caméra subjective pour favoriser l’identification, et le spectateur se métamorphose avec lui. Pour toucher d’avantage le spectateur, les personnages principaux, tirés –nous l’avons dit- pour la plupart du Fantôme de l’Opéra ont été réactualisés. Alors que dans le livre, le fantôme a choisi de se terrer dans les sous-sols de l’Opéra, pour échapper à la justice persane, Winslow les hante pour se venger de Swan, puis pour rester près de celle qu’il aime : on lui a volé sa musique, sa voix, son visage, et Phoenix et la seule chose qui lui reste. Le côté tourmenté du personnage a été accentué au maximum. Phoenix quand à elle est assez semblable à Christine Daaé, mis à part son opportunisme et son ambition. Les deux jeunes filles sont représentatives de leurs époques respectives. L’une est soumise à la morale et aux principes, l’autre est dévorée par son ambition et refuse de se laisser faire par qui que ce soit (cf : son refus de coucher avec Philbin et de se plier aux exigences de celui-ci pendant son audition). Mais si Christine ressent de la pitié pour son fantôme, Phoenix méprise Winslow. Swan quand à lui est plus à rapprocher du Méphistophélès de Faust et de Dorian Gray. De Palma a refusé d’en faire un personnage beau pour se concentrer sur l’aspect ambigu et sur la séduction du personnage. Mais cette comparaison en emmène une autre : Swan est avant tout un homme d’affaires impitoyable, qui finit très souvent ses phrases par le lancinant « Trust Me » (fais-moi confiance). Son nom le rapproche aussi du Swann de Marcel Proust, la référence est d’ailleurs utilisée à deux reprises au cours du film, avec la reprise du titre du roman « Du côté de chez Swann ». On peut aussi constater que durant la dernière scène du film, il est lui aussi masqué, tout comme Winslow qui, pour mettre fin à ses jours, mettra le feu à la bobine qui garantit son immortalité. Son vrai visage est donc révélé aux yeux de tous, et il apparaît bien plus monstrueux que Winslow lui-même. La musique du film est aussi une forme de réécriture. Nous avons évoqué plus haut l’opéra de « Faust » de Gounod, mais d’autres artistes ont mis cette histoire en musique. Parmis eux : Stravinsky, Mahler, Liszt, Berlioz… « Phantom of the Paradise » modernise ce thème, ce sera la première version moderne du mythe. La composition a pour cela été confiée à Paul Williams (qui joue également Swan), auteur-compositeur pour le groupe « The Carpenters ». Si l’on étudie les paroles de la bande-originale, on retrouvera tous les thèmes abordés dans « Faust », mais la logique de la cantate de Paul Williams est bien plus cynique que celles de ses prédécesseurs. En effet, la chanson « The Hell Of It », qui termine le film explique que la mort de Faust est une bénédiction : « Good for nothin’, bad in bed, nobody likes you, and you’re better off dead, goodbye » (bon à rien, mauvais amant, personne ne t’aime, tu es mieux mort que vivant, au revoir). Cet aspect achève de rendre la réécriture complète.
Brian de Palma, à travers son film nous offre donc un beau panorama des mythes occidentaux. Bien loin d’être une simple petite fable psychédélique, « Phantom of the Paradise » possède plusieurs niveaux de lecture. En effet, cette réécriture permet au cinéaste de conserver une certaine universalité dans les thèmes, tout en faisant passer une critique sociale et des conceptions profondes sur l’art. On peut voir ce film comme une interrogation de la place de l’artiste dans la société : en effet, si De Palma se sert de thèmes déjà utilisés en les réactualisant, c’est pour montrer que l’artiste et l’art doivent constamment évoluer pour conserver leur statut. De nos jours, « Phantom of the Paradise » a été à son tour une source d’inspirations pour plusieurs artistes. Pêle-mêle : Marilyn Manson, Dario Argento (et son fantôme de l’opéra), Iron Maiden…