Psychosomatique
Psychosomatique
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Pour la réflexion philosophique, voir le problème corps-esprit.
Cet article est une ébauche concernant la psychanalyse.
Vous pouvez partager vos connaissances en l’améliorant. |
Le terme psychosomatique désigne une relation de l'esprit au corps, un trouble psychique pouvant se répercuter sur la santé physique.
Sommaire[masquer] |
Début de la psychosomatique [modifier]
C'est dans la seconde moitié du XIXe siècle que le terme psychosomatique est né. On attribue sa paternité au psychiatre allemand Heinroth (1773-1843). Ce nouveau courant médical visait à introduire dans le courant organiciste et expérimental de la médecine du XIXe siècle des facteurs d'ordre psychique pour rendre compte de la causalité et de l'étiopathogénie de certaines maladies. Cette approche nouvelle et globale de l'homme malade s'est poursuivie jusqu'à nos jours dans la pratique médicale et en constitue l'un de ses courants. Son activité s'est cependant heurtée au développement des découvertes et des conceptions biologiques qui organisent aujourd'hui les fondements de la médecine occidentale.
Approches diverses [modifier]
Hystérie freudienne [modifier]
On distingue la conversion hystérique et la maladie ou le symptôme psychosomatique. La conversion hystérique est en effet la traduction d'un désir refoulé dans le somatique: une expression au travers du corps, d'une manière symbolique. Les symptômes hystériques touchent souvent aux organes de la communication: gorge, membres...
Tant au niveau de son histoire que de sa personnalité, le malade psychosomatique diffère du malade hystérique: si le symptôme ou la maladie qui motive sa plainte est déterminée psychiquement, il n'en est pas moins réel: au contraire du symptôme hystérique.
Certains auteurs, de plus, s'accordent pour ne trouver aucune symbolique dans les symptômes psychosomatiques, présumant une étiologie beaucoup plus archaïque que celle de l'hystérie, et sortent la psychosomatique du champ des névroses et de l'ordre du symbolique: le mode d'être de ces patients est qualifié de pensée opératoire.
De Groddeck à Pierre Marty [modifier]
Origine du ça [modifier]
Le psychanalyste Georg Groddeck est à l'origine du « ça ». Sa représentation de l'esprit en est toute empreinte. Pour Groddeck, toute maladie, et plus largement tout symptôme physique, provient d'un conflit psychique.
Les fondements de la psychosomatique comme discipline, reposent sur des observations cliniques rédigées par des psychanalystes comme Charles Groddeck, Sándor Ferenczi, Felix Deutsch. Ce dernier a tenté d'élaborer une nosographie dynamique et une typologie psychosomatique.
Franz Alexander [modifier]
Les premières études systématiques ont peu après été menées aux États-Unis et ceci à l'instigation de compagnies d'assurance sur la vie. C'est ainsi que naît la médecine psychosomatique promue par l'École de Chicago autour de Franz Alexander (1891-1964). Médecin et psychanalyste hongrois émigré aux États-Unis, Alexander croit en une identité évolutive entre processus psychiques et physiologiques et cherche à comprendre l'articulation organique du psychique et du somatique. Si les recherches de l'École de Chicago n'ont pas véritablement abouti, c'est dû à une hypothèse qui voulait rapporter des syndromes psychosomatiques à des conflits spécifiques. Elles mettent néanmoins l'accent sur le lien structurel entre maladie et organisation psychique que l'École de Paris affinera avec les notions de fonctionnement mental et de somatisation.
Pierre Marty [modifier]
Dès 1952, Pierre Marty (1918-1993) postule la participation du sujet à l'éclosion de sa maladie et, par conséquent, à la mise en place de ses propres processus de guérison. À la suite de nombreux travaux poursuivis seul ou avec Michel Fain, Michel De M'Uzan et Christian David, est fondée, en 1962, l'École Psychosomatique de Paris dont la visée principale est d'intégrer la pathologie somatique à l'ensemble des moyens dont dispose un sujet pour réguler son homéostasie. De ceci découle la création d'un corpus thérapeutique et technique issu de la psychanalyse, mais étendant son champ d'application. Dans les années 60, émerge une pensée psychosomatique de l'enfant, sous l'impulsion de la rencontre entre deux psychanalystes, Michel Fain et Michel Soulé, et un grand pédiatre: Léon Kreisler. Ensemble, ils écrivent un ouvrage décisif traitant des troubles psychosomatiques précoces du nourrisson: L'enfant et son corps.
À partir de ce corpus théorique de l'École de Paris, continue d'être élaboré une pensée psychosomatique contemporaine sous l'impulsion de psychanalystes psychosomaticiens comme Claude Smadja et Gérard Szwec. À ces noms, ajoutons: Marilia Aisenstein, Diane L'Heureux-Lebeuf, Jacques Press (Suisse), Anna Potamianou (Grèce), Alain Fine, Philippe Jaeger, Marina Papaorgéou, Jacques Paillet, Robert Asséo, Rosine Debray, Nicos Nicolaidis (Grèce), Christine Jean et d'autres encore... La plupart des textes importants se trouvent dans la Revue française de psychosomatique, revue semestrielle, dirigée par le Dr Gérard Szwec.
Une institution de soins, l'Institut de Psychosomatique Pierre Marty (récemment rattaché à l'ASM13 de Paris) propose des psychothérapies à des patients, enfants et adultes, psychosomatiques ou somatisants au près de psychanalystes psychosomaticiens formés à cet effet.
Donald Winnicott [modifier]
Certains auteurs, dont A.Green, R.Roussillon J.Press et Ph.Jaeger, introduisent les conceptions de Donald Winnicott dans le champ de la psychosomatique. La technique sophistiquée du "holding" requiert des aménagements du cadre analytique classique ( comme l' utilisation durable ou temporaire du face à face ) et une adaptation précise aux besoins du patient dans un « environnement facilitant ». Le patient peut ainsi faire l'expérience de la fiabilité et de la constance de l'analyste qui occupe alors pendant un temps une place analogue à celle de" la mère-environnement " du début de l'existence. Cette expérience favorise le renoncement à des mécanismes de défenses rigides et coûteux ( comme les clivages et dissociations de la personnalité ) et rend possible la restauration du sentiment de l'omnipotence infantile chez ces patients qui vivent avec crainte de l'effondrement ou bien la crainte de sombrer dans la folie. Cela nécessite parfois une phase de régression dans la dépendance difficile à supporter pour les deux protagonistes. C'est seulement quand la capacité de jouer dans "l'espace potentiel" entre la patient et l'analyste vient témoigner d'une reprise de la symbolisation qu'un processus de transfert analytique peut ensuite se développer. A l'écoute du patient l'analyste s'attachera à faire la distinction entre ce qui est de l'ordre de la simple frustration du désir et ce qui est de l'ordre de la déprivation d'un besoin fondamental pouvant entraîner un état traumatique, une décompensation psychotique, une distorsion de la personnalité ou une somatisation. Il n'est pas rare que le silence trop prolongé de l'analyste, s'appuyant sur le règle d'abstinence soit tellement intolérable au patient que celui-ci se retrouve en état de déprivation, organise un repli protecteur ou tombe malade physiquement pour échapper aux agonies primitive. C'est pourquoi pendant certaines phases de régression la tâche principale de l'analyste sera de communiquer avec le patient en lui restituant ce que celui-ci lui communique. Cela permet de corriger bien des malentendus. Le patient pourra se retrouver et se reconnaître dans les paroles de l'analyste, comme jadis le bébé dans le regard de sa mère. C'est l'expérience fondamentale de l'objet créé-trouvé qui ouvre au champ de l'espace transitionnel découvert par Winnicott, espace paradoxal, ni dedans di dehors, à partir duquel les objets pulsionnels et le monde sont créés. Ainsi est ouvert l'accès à l'aire du jeu et l'espace culturel, selon Winnicott.
Joyce McDougall [modifier]
Un auteur original, Joyce McDougall, qui oppose névrose et psychose d'une part, et psychosomatique d'autre part, développe une conception personnelle de la psychosomatique.
Dans la névrose et la psychose, le conflit est psychique. Il peut concerner la vie interne ou bien la réalité, mais il y a un drame qui se joue dans la scène imaginaire. Le psychosomatique est, au contraire, théâtre du corps. Cette analyse comprend le psychosomatique comme conséquence d'un refus, par le psychique, de prendre en charge le conflit pulsionnel, qui s'exprime alors dans le corps (là où, dans l'hystérie, la conversion est conséquence d'un conflit psychique). Ce refus de traiter le conflit pourrait être décrit comme une incapacité de représentation. McDougall prend l'exemple d'un patient qui ne sait pas qu'il souffre « psychiquement ». Cette incapacité de représentation proviendrait d'une faille, voire plus radicalement d'une coupure, dans le processus originaire conceptualisé par Piera Aulagnier.
McDougall décrit donc une faillite dans la mise en scène psychique. Cet échec conviendrait au sujet, persuadé de n'éprouver aucun problème et peu soucieux d'un travail sur lui-même. C'est ce qui fait décrire des habitudes banales, par exemple trop fumer, trop manger ou trop boire, comme le signe d'un agir s'opposant à l'élaboration. Le psychosomatique serait agir sur le corps, et attaquer le corps signalerait non seulement une disparition du conflit psychique, mais également une attaque de la mère, ou plutôt de l'objet partiel qu'est le vide insondable du corps-peau maternel.
La cure psychanalytique fera, dans les meilleurs cas, ressurgir le psychique et créera une « hystérisation » des symptômes psychosomatiques. Des défenses obsessionnelles peuvent également se mettre en place. Ce processus fait que McDougall rapproche états psychosomatiques, et névroses actuelles, qu'il s'agisse de névrose d'angoisse (laquelle serait, justement, psychosomatique), de neurasthénie ou d'hypocondrie.
McDougal pointe également sur un aspect interrelationnel, décrivant par exemple des réponses refusant à l'enfant sa vie psychique: « Je n'aime pas mon frère! — Mais si, tu l'adores! ». De telles réponses induisent une dévalorisation dramatique de la scène mentale, et provoquent donc la réponse psychosomatique. McDougall rappelle également le danger relationnel qu'est le double bind (double entrave).
Vie opératoire [modifier]
Pierre Marty a élaboré deux concepts majeurs issus de la clinique des patients psychosomatiques et somatisants: La dépression essentielle et son corrélat la vie opératoire.
La dépression essentielle est marquée par la baisse du tonus vital et passe souvent inaperçue. La vie psychique est limitée du fait d'un surinvestisssement du perceptif alors que le discours s'avère factuel, sans élaboration imaginative. Le sujet semble coupé de sa vie intérieure. Il rêve peu sinon des faits réels de la vie quotidienne.
Un mécanisme psychique prédominant est la répression des affects et non le refoulement. La répression des affects est un mécanisme dangereux pour la vie psychique car contrairement au refoulement il tend à abraser les sentiments.
Ces patients ignorent souvent l'existence de leur dépression qui annonce la mise hors circuit de la vie psychique et la survenue de somatisations sous forme de maladies à crise, réversibles, ou bien de maladies graves avec lésions organiques.
De tels patients sont exclusivement centrés sur l'activité événementielle, où les préoccupations concrètes dominent, ce qui correspond à une solution défensive contre le trauma. Contrairement à la conversion hystérique, les symptômes somatiques sont lésionnels, évolutifs, ils n'ont pas de sens symbolique, et mettent souvent en jeu le pronostic vital si aucun travail psychothérapique n'est entrepris.
Pierre Marty décrit des patients vulnérables que l'analyse classique peut mettre en danger. Ils réduisent leur vie psychique afin de se protéger, s'échappent dans le factuel, dans un agir valant comme déni du psychique. Aussi des séances de psychothérapie en face à face avec des psychanalystes psychosomaticiens expérimentés sont capable de prendre en gérance des composantes de la personnalité que le patient ne peut pas connaître pour l'instant.
Voir aussi [modifier]
Articles connexes [modifier]
Bibliographie [modifier]
- Revue française de psychosomatique, PUF.
- Sigmund Freud, Joseph Breuer, Études sur l'hystérie.
- Pierre Marty, L'Investigation psychosomatique, Presses universitaires de France, coll. Quadrige, 2003. ISBN 213053337X
- Pierre Marty, La psychosomatique de l'adulte, 6e édition, PUF, Que sais-je ?, 2004. ISBN 2130547354
- Joyce McDougall, Théâtres du corps.
- Claude Smadja, La Vie opératoire : Études psychanalytiques, PUF, 2001. ISBN 2130514200
- Léon Kreisler, L'enfant et son corps : études sur la clinique psychosomatique du premier âge, 4e édition, PUF, mise à jour 1999. ISBN 2130400183
- Léon Kreisler, La psychosomatique de l'enfant, PUF, Que sais-je ?, 2001. ISBN 2130378919
- Léon Kreisler, Le Nouvel enfant du désordre psychosomatique, Dunod, 1995. ISBN 2100026739
- Serge Lebovici, Michel Soulé, Michel Fain, Léon Kreisler : L'enfant et son corps, Études sur la clinique psychosomatique du premier âge, éd. PUF, 1996, ISBN 2130400183
- Revue Française de Psychosomatique, Symbolisme organique, PUF, n°21, 2002.
- Stora, J.B., (2005), Vivre avec une greffe, accueillir l’autre, Odile Jacob, avril 2005.
- Stora, J. B., (1999) Quand le corps prend la relève, stress, traumatismes et maladies somatiques, éd. Odile Jacob, Paris.
- Stora, J.B., (1991/2000), Le stress, Presses Universitaires de France, collection "Que sais-je ?" n° 2575, Paris,1991; 6e édition Juillet 2005; éditions en espagnol, portugais, turc, arabe, roumain, grec italien, russe.
- Stora, J.B., (2006) La Neuro-psychanalyse, PUF, coll. Que sais-je ?, N°3775.
- Thomas-Lamotte, P.J., Et si la maladie n'était pas un hasard ? Le jardin des livres 2008.
- Rossi, Ernest L., Psychobiologie de la guérison Le Souffle d'Or 2002.