Qu’est-ce que l’infidélité aujourd’hui ?

 

Qu’est-ce que l’infidélité aujourd’hui ?

Comment l’adultère est-il perçu dans notre société ? Les femmes sont-elles plus fidèles que les hommes ? Amour et infidélité sont-ils compatibles ? Le point sur la notion d’infidélité avec Pierre Desvaux, médecin andrologue et sexologue.

Doctissimo : Comment l’infidélité est-elle perçue aujourd’hui ?

Dr Desvaux : Dans nos sociétés occidentales, l’infidélité n’est plus condamnée aussi sévèrement qu’autrefois. Ainsi, ce n’est plus la première cause de divorce. De plus, le décalage de jugement entre infidélité masculine et féminine s’est considérablement atténué. Auparavant, l’infidélité féminine était jugée comme une faute grave. La femme portant les enfants, il était donc mal vu qu’elle prenne le risque d’un “ accident ” avec un autre homme que son conjoint. Il y avait une idée de “respect de la lignée”. Cette donnée a changé avec l’arrivée des moyens de contraception, même si la pilule et le préservatif n’ont pas fait augmenter l’infidélité féminine pour autant ! Néanmoins, de nombreuses cultures moins permissives punissent encore l’adultère féminin de la peine de mort.

Doctissimo : Les hommes et les femmes sont-ils différents face à l’infidélité ?

Dr Desvaux : Il existe une différence de comportement entre les hommes et les femmes. Selon les sondages, 8 à 10 % des femmes seraient infidèles aujourd’hui, contre 20 à 25 % des hommes. La situation évolue depuis environ un siècle. L’autonomie sexuelle dépend entre autres choses de l’autonomie financière. Autrefois, la plupart des femmes n’avaient pas leur autonomie financière. Lorsque leurs maris avaient une aventure, celles-ci n’étaient pas en position de dire quoi que ce soit. En revanche, elles ne pouvaient s’autoriser une escapade : elles dépendaient pour vivre des revenus de leur époux et ne pouvaient se permettre d’être rejetées. Avec la valorisation du travail aujourd’hui (et la dévalorisation du rôle de femme au foyer ?), les femmes exercent de plus en plus une activité professionnelle. Elles sont ainsi beaucoup plus libres et le monde professionnel est aussi une source de rencontres. Rappelez-vous, il y a 15 ans, l’apparition des “célibatantes”, qui font leur vie sans homme. En gagnant en autonomie, les femmes ont adopté un comportement “un peu plus masculin”.

Dans un autre registre, les hommes sont peut-être moins fidèles car ils semblent avoir plus de facilités à différencier sexualité et sentiments. Les femmes ont une notion de l’amour plus globale, elles ont bien souvent besoin d'aimer et d'être aimées pour faire l'amour. Maurice Maschino, dans son livre "Ils ne pensent donc qu’à ça ?" a d’ailleurs dit “Les hommes sont prêts à tout pour faire l’amour, y compris aimer. Les femmes sont prêtes à tout pour aimer, y compris faire l’amour”. Il suffit de regarder la prostitution. Si elle n’obéissait qu’a une logique économique, il devrait exister une prostitution masculine destinée aux femmes, hors celle-ci reste très marginale, car la demande est quasi nulle. Un certain nombre d'hommes est capable d'avoir des relations sexuelles sans aucun sentiment amoureux. Cette absence n’est pas uniquement liée à un phénomène culturel ou historique. Pour expliquer ce déséquilibre entre infidélité féminine et masculine, certains spécialistes soutiennent d’ailleurs la théorie du gène : l’homme aurait un besoin inné de disséminer son patrimoine génétique.

Doctissimo : Peut-on être à la fois amoureux et infidèle ?

Dr Desvaux : Lorsqu’on est amoureux, on n’éprouve pas le besoin d’aller voir ailleurs. On a simplement envie de retrouver l’être aimé. L’adultère découle forcément d’une obligation de rester ensemble. Si vous êtes amoureux de quelqu’un mais restez libre, vous quittez la personne lorsque vous n’éprouvez plus de sentiments vis à vis d'elle. Lorsque le désir n'est plus et qu'il existe une obligation de durée, à cause d’un contrat de mariage ou de la présence d’enfants par exemple, le couple peut s’installer, au bout d’un certain temps, dans une relation “désexualisée”. Ce type de couple peut d'ailleurs trouver d'autres centres d’intérêts que la sexualité pour rester ensemble. Néanmoins, assez souvent, cette situation débouche sur des conflits et le partenaire "désexualisé" est dévalorisé aux yeux de l'autre. Le passage à l'acte devient alors probable. C’est lorsque l’amour et le désir pour l'autre disparaît, mais que l’obligation de vivre ensemble est maintenue, qu’il peut y avoir infidélité.

Doctissimo : Vous voulez dire que le mariage entraîne forcément l’adultère ?

Dr Desvaux : Non, ce serait très excessif et assez décourageant. La grande difficulté à laquelle sont confrontés les couples c'est de faire durer, d'entretenir le désir. Cela demande une réelle volonté des deux. Néanmoins, quand le désir et l'intérêt sexuel se sont éteints, certains couples restent ensemble et continuent à s’apprécier. Parfois, le couple s’accorde un certain degré de liberté. J’ai ainsi connu des couples dans lesquels la femme n’était pas particulièrement intéressée par la sexualité. Son mari avait pris une maîtresse.

Qu’est-ce que l’infidélité aujourd’hui ?

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Elle suspectait bien la relation extraconjugale de son époux mais l'acceptait, voire se montrait complice en fermant les yeux, car cette situation lui convenait. Elle avait en quelque sorte délégué à une autre ce qu'elle considérait être une corvée. Lui n'en était que plus reconnaissant de cette "mansuétude", lui évitant l’invention de mensonges pour justifier une absence. Cela n’est pas aussi rare qu’on peut le croire.

Doctissimo : Comment les personnes trompées réagissent-elles ?

Dr Desvaux : Le plus souvent, la révélation de l'adultère est vécue comme un cataclysme, même des années après. Il existe alors une blessure narcissique (comment as-tu pu préférer quelqu'un d'autre ?) et un sentiment de perfidie (comment as-tu pu me mentir ainsi ?). Le problème est que l’adultère ne peut exister en dehors du mensonge : la personne doit cacher sa double vie. On l'imagine mal déclarer : "Ce soir je rentrerai plus tard car je dîne avec mon amant".

Les réactions face à cette situation sont très variables, allant d'une attitude constructive, l'un et l'autre acceptant de se remettre en cause face à "ce moment d'égarement". Parfois, au contraire, cela va cristalliser une certaine violence. La victime, sûre de son bon droit et s'estimant bafouée, n'aura de cesse que de faire payer "ce moment d'égarement" à l'autre, parfois des années durant.

Alain Sousa

Créé le 30 octobre 2000

 



03/06/2013
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