Reprendre, ou pas, une thérapie ?

 

Reprendre, ou pas, une thérapie ?

Alors que nous pensions en avoir fini, voilà que surgit à nouveau l’envie de voir un psy. Mille et une questions nous taraudent. Des spécialistes nous aident à répondre à cinq d’entre elles.

Bernadette Costa-Prades

C’est souvent un sentiment d’échec qui domine lorsque nous réalisons que nous allons devoir peut-être retourner sur le divan. Toutes ces années de travail sur soi n’ont donc servi à rien ? « Pas du tout ! Notre inconscient est en mouvement. Nous ne sommes pas guéris de tout, et pour toujours, à moins d’être mort », ironise la psychologue clinicienne et psychothérapeute Maryse Vaillant. D’ailleurs, pour qualifier la reprise d’un travail analytique, il est fréquent de parler de « tranches ». La psychanalyste Marie- Laure Colonna préfère, elle, parler d’oignon : « Notre inconscient est fait de couches successives, et il faut parfois du temps et plusieurs approches pour parvenir au cœur. » Nous pouvons avoir réglé certains problèmes, mais les difficultés de la vie – deuil, perte d’un emploi, séparation – viennent réveiller des blessures ou révéler de nouvelles failles. La bonne nouvelle ? De l’avis de nos spécialistes, le travail sera généralement plus court. Voici quelques réponses pour vous aider à prendre la bonne décision.

Hésiter, est-ce normal ?

Particularité de ce nouveau parcours ? Nous tergiversons beaucoup avant de nous décider, alors que, la première fois, nous étions souvent en proie à un sentiment d’urgence. « C’est bon signe ! Les personnes qui ont déjà des années de divan sont plus lucides et hésitent parce qu’elles se connaissent bien. Ces questionnements prouvent une habitude de l’introspection », constate Maryse Vaillant. Nos hésitations peuvent d’ailleurs faire l’objet d’une consultation : prendre un rendez-vous avec un thérapeute ne nous engage pas à nous rallonger pour dix ans... Existe-t-il un indicateur qui nous montre que la démarche n’est pas superflue ? « Lorsque la personne a un sincère désir de changement et qu’elle n’y arrive pas, c’est un motif pour consulter à nouveau, explique la psychothérapeute Nicole Prieur. Même si elle ne sait pas bien de quel changement il s’agit. La thérapie va l’aider à y voir clair dans ce désir. »

Faut-il tout reprendre à zéro ?

Non, bien sûr. C’est un peu comme une partie de cartes interrompue, nous allons reprendre là où nous nous sommes arrêtés, même si nous ne retournons pas chez le même thérapeute. « Le gain de l’analyse est un gain personnel, il n’appartient pas à l’analyste », rassure le psychiatre et psychanalyste Patrick Delaroche. Nos précédentes démarches sont autant d’atouts pour avancer plus vite et mieux. « Quand je revois un jeune adulte que j’ai eu enfant pour une brève thérapie, je suis toujours impressionnée par sa capacité à élaborer par rapport à ceux qui n’ont fait aucun travail sur eux-mêmes, note Nicole Prieur. C’est le même constat avec les plus âgés. » Cela dit, nous ne pourrons pas faire l’économie de parler de nous... « Le thérapeute n’est pas un devin, il faudra lui livrer des bribes de votre histoire pour que vous puissiez porter attention aux associations d’idées, prévient Maryse Vaillant. Prêter à l’analyste un “supposé savoir” relève du fantasme de l’analysant. »

Sommaire
A lire

Ma psychanalyse est terminée d’Agnès Bardon
À partir de témoignages d’anciens analysants, un ouvrage éclairant sur la cure analytique et cette question centrale : quand arrêter ? (Bayard, 2003).

Dois-je changer de thérapie ?

Pourquoi pas ? L’envie d’explorer une autre approche est tout à fait légitime. Par ailleurs, d’après Patrick Delaroche, « les blocages sexuels, les difficultés de couple ne se règlent pas sur le divan. Sans compter que, après une analyse, on peut juste avoir besoin de faire le point par le biais d’une psychothérapie en face à face ». Certains, à l’inverse, comme Anne, 45 ans, éprouvent le besoin d’aller plus loin : « J’avais soulevé des problèmes personnels lors d’une thérapie de couple et j’ai eu envie de faire une analyse pour démêler des blocages plus anciens. » Le thérapeute peut lui-même nous aiguiller, comme le fait Marie-Laure Colonna : « Je choisis la thérapie la plus appropriée, du simple conseil, proche du comportementalisme, au divan. Je préfère adapter l’outil au patient plutôt que l’inverse. » La difficulté elle-même peut amener à se tourner vers une autre démarche. « J’ai fait huit ans d’analyse, qui m’ont énormément apporté, témoigne Arno, 47 ans. Dix ans après, j’ai choisi une approche psychocorporelle, parce que je me sentais coupé de mes émotions au niveau du corps. Durant une séance, j’ai éprouvé physiquement la violence exercée par mon père, je me suis recroquevillé, comme si j’étais sous ses coups. Ce travail m’a permis de relier mon inconscient à mes sensations, d’explorer de nouvelles voies. » Nicole Prieur favorise aujourd’hui l’hypnose dans son travail : « La compréhension seule ne permet pas le changement, et certaines personnes sont mal à l’aise avec la parole. En désamorçant la pensée consciente, l’hypnose permet de s’ouvrir à une intelligence du corps, de mobiliser ses ressources créatives, ce que je trouve plus intéressant que de remuer les souvenirs traumatisants de l’enfance. »

Revoir le même thérapeute ?

Il n’y a pas de règle dans le domaine. Pour Marie-Laure Colonna, « on a tout intérêt à changer d’analyste, cela enrichit le trajet, ne serait-ce que de passer d’un homme à une femme par exemple ». Même constat chez Patrick Delaroche : changer permet de relancer une autre dynamique. Nous ne sommes plus dans la même période de notre vie, nous avons souvent une nouvelle demande. À l’inverse, Sabine, 42 ans, qui a arrêté son analyse tout en sachant qu’elle butait sur une problématique demandant des années de travail, sait qu’elle retournera chez la même psychanalyste. Marie-Laure Colonna : « En cas de traumatismes précoces et violents, touchant la mort, la maltraitance, mieux vaut poursuivre avec le même thérapeute, car ces blessures demandent de longues années et une permanence. » Donc, le mieux est de nous faire confiance, car nous sentons au fond de nous ce dont nous avons réellement besoin.

Est-ce que ce sera terminé un jour ?

Dans le cadre d’une thérapie comportementale, la disparition du symptôme marque la fin de la cure. Plus compliqué est l’arrêt d’un travail analytique où seul l’accord du thérapeute nous assurera qu’il ne s’agit pas d’une résistance. « Le jour où j’ai annoncé au mien ma décision d’arrêter, il m’a serré la main et m’a dit : “À mercredi !” J’ai continué encore pendant un an », sourit Lucie, 39 ans. La fin d’une cure survient le jour où le transfert tombe, où l’on voit son analyste comme un plombier, ironisait Jacques Lacan : il a fini son travail et, nous, nous avons autre chose à faire de notre argent... pour l’instant ! Nos rêves signalent encore la fin proche, à l’instar de celui d’une jeune patiente de Marie-Laure Colonna. Ayant vu en songe son hall d’entrée envahi de plantes, elle a eu cette remarque magnifique : « Tout ce qui devait pousser a poussé. » La romancière Irène Frain, qui a fait trois tranches successives, résume ainsi cette chronique d’une fin annoncée : « Quand mon analyse finira-t-elle ? Je n’en sais rien. Récemment, j’ai fait un rêve. Je voyageais et le chef de gare annonçait qu’il y avait encore vingt arrêts. Je me suis réveillée en me disant : plus que vingt séances. » Jusqu’à la prochaine fois ? Tous nos témoins sont unanimes : en cas de besoin, ils y retourneraient sans hésiter. « Pourquoi me priver d’un dialogue avec une personne neutre qui m’aide à avancer dans la vie ? » interroge Arno. C’est effectivement la première question à se poser.

3 grandes approches

L’approche analytique
Une analyse ou une psychothérapie analytique travaillent en profondeur sur l’inconscient, à partir de l’association d’idées, des rêves, des lapsus. En revivant par le biais de la parole les traumatismes de l’enfance, l’analysant parvient à dénouer ses conflits intérieurs et à les dépasser. Ce travail nécessite plusieurs années, à raison d’une à plusieurs séances par semaine.

=>A lire : La psychanalyse mode d'emploi

=> A lire : La psychothérapie analytique

L’approche comportementale
La thérapie comportementale est plus courte et ciblée sur une diffi culté. Elle ne se préoccupe pas du passé du patient et propose des techniques concrètes pour se débarrasser d’un symptôme. Sa limite ? Elle ne s’attaque pas aux causes, comme le fait la psychanalyse.

=> A lire :Les TCC mode d'emploi

L’approche psychocorporelle
Elle vise à relier le corps et l’inconscient, dans le but de prendre en compte la globalité de la personne. Nos émotions, nos aff ects ont une inscription corporelle aussi bien que psychique. La thérapie permet d’en prendre conscience et de lever les éventuels blocages.

=> A lire : Les thérapies psychocorporelles

avril 2012

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03/06/2013
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