Représentation artistique du nu - Partie 2

Impressionnisme et Réalisme [modifier]

Olympia de Manet (1863)
Olympia de Manet (1863)

Ces deux mouvements de la seconde partie du XIXe siècle firent scandale à leur époque en utilisant le nu dans des situations réalistes et non plus pour des scènes mythologiques.

Proches des préoccupations sociales de leur époque, les peintres réalistes privilégièrent les études de nus féminins sur le vif, dans des situations quotidiennes. Loin de l'idéalisation du néoclassicisme, ces œuvres crues furent considérées comme de la pornographie.

Les nus impressionnistes empruntèrent à l'école réaliste un goût pour le quotidien, en opérant toutefois un retour marqué à certaines scènes bucoliques, idéalisées. Un des initiateurs du mouvement fut Édouard Manet dont l'œuvre Olympia provoqua un tollé car il représentait une femme ordinaire, probablement une prostituée, nue mais ayant gardé son collier, un bracelet et ses mules aux pieds et accompagnée d'une domestique noire (lui présentant peut-être le bouquet d'un admirateur ?) et d'un chaton noir. Le même peintre provoqua un scandale mémorable au Salon des Refusés en 1863 en présentant une toile désormais célèbre, le Déjeuner sur l'herbe, où une femme entièrement nue participe à un simple pique-nique dans la nature en compagnie d'hommes habillés.

Enfin, Gustave Courbet alla plus loin encore en montrant avec son tableau L'Origine du monde qu'une représentation très crue du corps humain, à la limite de la pornographie, peut être considérée comme de l'art (ce tableau ne fut montré qu'au cercle restreint de ses propriétaires successifs jusqu'à son exposition récente).

L'art fasciste [modifier]

Prometheus d'Arno Breker.
Prometheus d'Arno Breker.

Le néoclassicisme a connu un renouveau au XXe siècle, du fait de régimes dictatoriaux qui en attendaient une image de permanence et de continuité de la civilisation. L'Italie fasciste et l'Allemagne nazie ont puisé dans les représentations idéalisées de la Grèce et de la Rome antique, pour constituer leurs outils de propagande. La propagande nazie notamment montra un réel désir de retourner à un mode de vie proche de celui de l'Antiquité en ce qui concerne la pratique des sports (de façon collective) ainsi que dans le rapport à la nudité ; en effet, le régime soutint le mouvement naturiste allemand (bien qu'il ait été sceptique au début).

Le nu artistique a été utilisé pour montrer la perfection du corps « aryen » et sportif (ce qui a été notable lors des Jeux Olympiques de Berlin en 1936 avec, en particulier, sa présentation cinématographique par Leni Riefenstahl). On ne peut que convenir des similitudes entre le décor des jeux de Berlin, avec les statues d'Arno Breker, et le Foro Italico de Mussolini à Rome, dont le stade est couronné de nus masculins monumentaux.

Les canons de l'art stalinien, utilisés dans les pays communistes, puisent dans le même répertoire. Les statues du Palais du Trocadéro, qui a accueilli l'Exposition universelle en 1937, avec les pavillons géants de l'Allemagne nazie et de l'URSS communiste, sont également proches de ce style. En France on peut citer Pierre Le Faguay comme sculpteur de ce courant.

Les représentations masculines (comme celles d'Arno Breker) étaient bien souvent des pastiches des représentations classiques, avec une carrure exagérée, des poses rigides (comme le bras tendu vers la victoire) et un regard devant inspirer le courage. Le tout était parfois accentué par les dimensions monumentales des œuvres, ce qui ne les rend pas très proches du modèle humain, mais plutôt d'un hypothétique surhomme, d'un héros, de l'image qu'on se fait du courage lui-même.

Le nu contemporain [modifier]

Abstraction puis figuration [modifier]

Au début du XXe siècle, période de mutations historiques de l'art et de ses prérogatives, l'art figuratif a été réinterprété grâce à l'éclairage nouveau qu'ont pu offrir les nouvelles techniques et les nouvelles approches (la psychanalyse par exemple).

Les Demoiselles d'Avignon (de Picasso, 1906) sont un exemple célèbre de distorsion de nus à travers le prisme multifocal du cubisme. L'expressionnisme abstrait ne quitte pas la thématique traditionnelle du nu qui reste perceptible. Le pop art s'est également réapproprié des images commerciales de nus, voire d'images pornographiques.

Si les représentations de nus sont entrées dans les standards de l'imagerie collective, de nouvelles voies n'ont cessé d'être explorées, notamment, le body art (ou art corporel) a donné, à travers des performances, des représentations parfois crues du corps, devenu un thème majeur de réflexion autour d'enjeux sociaux, psychiques, politiques, et personnels.

Les automutilations de Gina Pane, ou les Fuck Faces, sculptures de Jake et Dinos Chapman, ont souvent suscité des réactions négatives de la part du public. Le corps, ayant abandonné sa dimension de représentation canonique des catégories esthétiques classiques, est devenu un vecteur de réflexion et de subversion. En été 2005, le musée Léopold de Vienne a proposé l'entrée gratuite à l'exposition "La Vérité nue" à ses visiteurs nus.

Le body art ou art corporel [modifier]

Suite aux premières performances ou happenings du Black Moutain College aux États-Unis, la mise en scène du corps - le plus souvent, celui de l'artiste lui-même - est devenu un nouveau médium de transfiguration du corps. En France, c'est notamment avec Michel Journiac, dans les années 1970, que l'art corporel, où apparaissent très souvent des corps nus, a émergé. Plus récemment, Ana Mendieta, explorant les rites yoruba de sa culture cubaine d'origine, entrait nue dans un cratère, dans un mouvement d'appel à son corps embryonnaire. Les performances d'Yves Klein, où le corps de jeunes filles mêlé à de la peinture bleue laisse son empreinte sur des toiles, est également une scène de body-art célèbre.

Nouveaux domaines d'exercice [modifier]

En photographie [modifier]

Nu artistique
Nu artistique

Bien que liée depuis ses débuts à l'érotisme et mettant majoritairement en scène des femmes, la photographie de nu ne se limite pas à cette image. La composition photographique obéit à ses propre règles et permet une réinterprétation du thème. David Hamilton est notamment connu pour ses mises en scènes éthérées de corps nus féminins, couleur et noir et blanc.

Spencer Tunick a lui pris le parti de photographier des masses de corps nus, mettant en scène de façon spectaculaire des groupes de plusieurs milliers de personnes nues, volontaires, dans des endroits urbains (comme Barcelone, New York, Londres, etc.).

Les mises en scène de Joel-Peter Witkin, où interviennent des personnages bizarres, handicapés ou surpondérés, sont une réinterprétation gothique contemporaine du nu.

Un photographe comme le Finlandais Arno-Rafaël Minkkinen photographie son corps nu qu'il met en scène dans des paysages de son pays natal, réinventant l'autoportrait.

En France le photographe Pierre-Jean Amar recherche dans ses nus à la fois l'expression de l'esthétisme des formes du corps féminin et l'évocation de la sensualité, en jouant beaucoup avec la lumière.

Chaque année, à la fin de l'hiver la ville d'Arles, ville d'image et de photographie, accueille le Festival Europépen de la Photo de Nu.

Au cinéma [modifier]

Le nu au cinéma est bien plus courant chez les réalisateurs européens car il est lié à l'acceptation du nu par chaque population spectatrice. Les scènes nues se sont principalement développées dans les années 1970 et 1980. Avant cette période, la nudité était interdite, puis elle a été tolérée mais non frontalement et était quasi exclusivement féminine (la nudité des James Bond girls en est un bon exemple). Avec la « libération des mœurs » des années 1970, on a vu apparaître une nudité frontale, d'abord féminine puis masculine. À la même époque, sont apparus les films pornographiques et leur légalisation. Dans les années 1990, la nudité dans les films grand public s'est plutôt raréfiée.

Aux États-Unis, la législation est bien plus stricte quant à la classification des films contenant des scènes de nu. Au Japon, le critère d'acceptabilité est la présentation ou non de poils pubiens.

Les techniques numériques [modifier]

Image obtenue par le logiciel Poser
Image obtenue par le logiciel Poser

Le développement des techniques d'imagerie numériques (logiciels de retouche comme Photoshop ou The Gimp, de synthèse d'images comme Poser) ont été suivis par de nouveaux thèmes de réflexion sur une plasticité et une interchangeabilité croissante des représentations du corps. Les artistes Aziz + Cucher créent par exemple des images d'individus à la peau sans orifices, imperméable et insensibilisée. Simon Costin, quant à lui, se met en scène dans des poses d'automutilation plantées dans un univers aseptisé.

Nu et société [modifier]

Nu et féminisme [modifier]

Des artistes féministes engagées ont dénoncé la prépondérance drastique des représentations de nus féminins dans les espaces muséaux et l'idéologie phallocrate qui (selon elles) y est associée.

Voir aussi Image de la femme.

Nu et pédophilie [modifier]

En 2000, une artiste néerlandaise, Kiki Lamers, s'est vue interdire d'exposer en France car ses photos incluaient notamment des enfants nus (sans aucun caractère sexuel, cependant) ; d'autre artistes comme les photographes David Hamilton, Sally Mann, Jock Sturges, Jan Saudek ou même Robert Mapplethorpe, pour ne citer que les plus célèbres, avaient aussi connu ce genre d'attaques. La législation étant de plus en plus stricte en ce domaine, on peut se demander par exemple si des œuvres telles que L'Amour victorieux du Caravage ou les peintures de Henry Scott Tuke seraient acceptées ou censurées de nos jours.

Galerie [modifier]

Commons:Category:Nudes in art

Une catégorie de Wikimedia Commons propose des documents multimédia sur la représentation artistique du nu.

Cliquez sur une vignette pour l'agrandir.


Bibliographie [modifier]

  • Kenneth Clark, Le Nu, coll. Art, Le Livre de poche, 1969 — (Réédition : Hachette Pluriel Reference, 1998, ISBN 2-012-78909-9)
  • Michèle Haddad, La Divine et l'Impure, le nu au XIXe siècle, Éditons du Jaguar, 1990 — ISBN 2-869-50174-9
  • Pierre-Jean Amar, Nus, avec un texte de Raymond Jean, Nathan, 1990, ISBN 2-092-40075-4
  • William Ewing, Le Corps, Œuvres photographiques sur la forme humaine , 432 pp., Éditions Assouline, 1994 — (Réédition : 2002, ISBN 2-843-23067-5)
  • William Ewing, Le Siècle du corps , 232 pp., Éditions de La Martinière, 2000, ISBN 2-732-42676-8
  • François Jullien,Le nu impossible, Point Seuil, 2005 — ISBN 978-2-02-079465-7

Voir aussi [modifier]

Références [modifier]

Articles connexes [modifier]

Liens externes [modifier]



30/08/2007
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