Rêves : Révolution freudienne
Rêves : Révolution freudienne
La lecture de nos productions oniriques n’a plus été la même après Freud, qui en a fait l’axe central de la cure analytique. En voici les points clés.
Isabelle Taubes
« Tout rêve est l’accomplissement (déguisé) d’un désir (refoulé, réprimé) », écrit Freud dans son Interprétation des rêves (PUF, 1999, épuisé) (1900), essai qu’il tint toute sa vie pour son œuvre fondamentale. A qui souhaitait devenir psychanalyste, il répondait : « Apprenez à déchiffrer vos rêves. »
Une voie royale vers l’inconscient
Le rêve est la « voie royale qui mène à l’inconscient ». Un songe se lit comme un rébus. Il s’agit donc de prendre une par une les images qui le composent, pour repérer quelles idées ou quels mots elles dissimulent. Une dame très complexée par ses formes rêve que des poissons gluants ne cessent de passer entre ses jambes. Ici, le poisson se lit « poids son » : « son poids ». Cette femme s’angoisse de ces kilos qui lui collent à la peau. Mais où est le désir caché ? Au-delà du problème que lui pose « son poids », la rêveuse souhaite, sans oser se l’avouer, « être grosse » : être enceinte ! Ce désir semble légitime, pourquoi est-il réprimé ? Parce que ce souhait masque un désir nettement moins acceptable, datant de ses 5 ans : avoir un bébé avec papa.
Le contenu manifeste, une façade
Règle de base : ne jamais se laisser abuser par les images, le « contenu manifeste » du rêve. Cette façade est neutre ou totalement absurde pour permettre à l’inconscient de s’exprimer, en évitant la censure du moi conscient. Dès que des éléments inconscients franchissent la frontière, c’est l’angoisse, et le rêveur se réveille. C’est que les désirs qui nous font rêver parlent forcément d’inceste avec papa ou maman, de meurtre du parent rival. Ce sont les fantasmes de notre petite enfance encore actifs dans l’inconscient.
Déplacement et condensation
Pour éviter que le moi repère ces fantasmes, l’inconscient ruse et calcule. Le père que, inconsciemment, nous souhaitons tuer apparaît sous les traits d’un agent de police, d’un quidam anonyme représentant la loi : cette tactique de camouflage est le « déplacement ». L’inconscient s’efforce aussi de faire des économies d’énergie grâce à la technique de la « condensation » : des personnages qui présentent des caractéristiques communes seront symbolisés par l’un d’entre eux seulement.
Le rêve est égoïste
En dépit du foisonnement des thèmes et des images, le rêve « est fondamentalement égoïste» pose Freud. Chaque rêveur élabore son rêve avec son code symbolique personnel et ses propres associations d’idées. Aussi est-il seul capable de le déchiffrer. Quand Freud rêvait de cyclamens, cela le renvoyait à sa femme Martha qui les aimait particulièrement. Personne d’autre n’aurait pu faire ce rapprochement !