Révolution sexuelle - Partie 1
Révolution sexuelle
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La révolution sexuelle recouvre les changements substantiels du comportement et des mœurs sexuels intervenus en Occident à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Ce mouvement est essentiellement marqué par l'émancipation sexuelle des femmes suite à leur émergence politique et affirment dans les faits - les mœurs sont aussi difficiles à changer que les textes de lois - l'égalité des sexes.
Cette révolution est consubstantielle d'une révolution scientifique marquée par un faisceau de découverte et d'avancées :
- la diffusion du préservatif en latex après les années 30
- le traitement des maladies sexuellement transmissibles, au premier lieu desquelles la syphilis qui faisait des ravages depuis la Renaissance avec la découverte des antibiotiques à partir de 1941
- la diffusion de la contraception (stérilet inventé en 1928, pilule contraceptive découverte au début des années 1950, commercialisée aux États-Unis à partir de 1960, et autorisée en France à partir de 1967)
et d’une « révolution du droit » en Occident par lesquels les femmes acquièrent progressivement une égalité législative, notamment :
- l'obtention du droit de vote et donc la possibilité de pousser aux réformes qui les concerne,
- l'égalité au sein du couple (La France ne supprime qu'en 1983 le concept de « bon père de famille » comme chef de famille dans le Code Civil)
- le droit à la contraception (1967 en France)
- le droit à l'avortement (1975 en France)
Si l'acte sexuel qui était risqué (possibilité d'une procréation non-voulue, risque de maladies sexuellement transmissibles) ne l'est plus, pourquoi s'en priver ? La révolution sexuelle est la réponse, dans les actes, à cette question. Signe des temps, on parle alors d’« amour libre ».
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Révolution scientifique [modifier]
Suite à la révolution industrielle du dix-neuvième siècle, les progrès de la science et de la technologie ont pour conséquence la fabrication de meilleurs contraceptifs. Les avancées dans la fabrication et la production du latex rendent possible la fabrication des préservatifs qui peuvent être employés par les hommes et les femmes pour empêcher la grossesse, à bas coût (voir empires coloniaux). À l'origine (1855) en caoutchouc et d'une épaisseur de un à deux millimètres, les préservatifs présentent une couture latérale, sont onéreux (quoique réutilisables !) et peu répandus. En 1912, Julius Fromm, un chimiste allemand, invente un procédé de production qui consiste à tremper un moule en verre dans la solution de latex ce qui permet l'obtention de préservatifs plus fins et sans couture. La marque Fromm's Act est commercialisée en 1919 et toujours en vente de nos jours en Allemagne. Dès les années 30, la production de masse de ce produit permet l'obtention d'un produit aussi fin et aussi bon marché que celui que nous connaissons aujourd'hui. L'usage du préservatif s'est réellement répandu avec la Seconde Guerre mondiale, les GI's américains se voyant fortement incités à leur utilisation : « Don't forget — put it on before you put it in. » En effet, les vétérans de la Première Guerre mondiale étaient revenus en nombre infectés d'une maladie vénérienne et les autorités militaires ne souhaitent alors pas que cela se renouvelle.
Antibiotiques [modifier]
Le développement des antibiotiques dans les années 40 rend guérissables la plupart des maladies vénériennes autrefois graves, enlevant la peur et la menace des maladies sexuellement transmises telles que la syphilis.
Jusqu'alors, la syphilis associée à la propagation vénérienne habituelle pose un grave problème de santé publique. À partir de 1870 quand la maladie et ses symptômes sont formellement identifiés, les traitements à base de mercure sont largement diffusés mais les médecins ont souvent des difficultés à convaincre leurs patients de traiter cette maladie peu spectaculaire dans ses formes bénignes. Le mercure, remède pluricentenaire et l'iodure de potassium offrent une solution de traitement. Mais dans les faits, le mercure tuait autant que la syphilis elle-même. On comprend la réticence des malades à se soigner et, par conséquence, le problème insoluble de santé publique qui se posait.
La pénicilline (pénicilline G) est découverte par Sir Alexander Fleming en septembre 1928. Elle n'est introduite pour des thérapies qu'à partir de 1941, treize ans plus tard, ne servant jusque là qu'en laboratoire, à nettoyer les boîtes de Petri de leurs bactéries. Elle sera largement diffusée après-guerre pour soigner les maladies vénériennes d'origine bactérienne.
Contraception féminine [modifier]
Les progrès en chimie, pharmacologie, et connaissance de la biologie et physiologie humaine mènent à la découverte et au perfectionnement des contraceptifs, stérilet ou pilule contraceptive.
Le stérilet est un dispositif de contraception intra-utérin inventé en 1928 par Ernst Grafenberg, il contient du cuivre qui a un effet spermicide et provoque une légère inflammation de la muqueuse qui la rend impropre à la nidation. Il s'agit de la méthode réversible de contrôle des naissances la plus largement utilisée.
La recherche concernant la pilule contraceptive commence en 1953 avec les travaux des docteurs Gregory Pincus et Min Chueh Chang, sous l'impulsion de la pionnière du planning familial qu'est Margaret Sanger et grâce aux financement privé fourni par Katharine McCormick, riche héritière et suffragette. Les premiers tests ont lieu en 1956 à Porto Rico et l'autorisation de mise sur le marché américain est donnée par la Food and Drug Administration le 9 mai 1960. D'abord réservé aux seules femmes mariées, puis étendu aux femmes célibataires, son usage se généralise en dépit de résistances légales. L'apparition des méthodes de contraception permettent aux couples de contrôler leur reproduction. Elle est accessible en France à partir de 1967.
La disponibilité de préservatifs en latex bon marché, pour les hommes et du stérilet et de la pilule contraceptive pour les femmes contribue à libérer la sexualité de la menace de la grossesse, dissociant rapports sexuels et procréation. Si, avec le préservatif ou des méthodes plus traditionnelles comme le coït interrompu, les femmes étaient soumises au bon-vouloir de leurs partenaires masculins en terme de limitation du risque de grossesse, avec le stérilet et la pilule contraceptive, elles prennent la maîtrise de la fonction reproductrice de leur corps et s'affranchissent. Cela ne se fait pas sans résistance de la part de ce que l'on ne peut nommer autrement que le « pouvoir patriarcal » qui freine la légalisation et la diffusion des produits de ces découvertes scientifiques. Ce frein fait l'objet d'une analyse détaillée ci-dessous.
La médicalisation de l'avortement et sa légalisation le rendent plus sûr et plus accessible. Il ne s'agit pas d'une « révolution scientifique » en tant que telle, les méthodes employées étant connues, sa médicalisation, l'interruption volontaire de grossesse ou IVG, le rend en revanche moins risqué pour les femmes qui parfois décédaient d'une septicémie suite à une intervention par une « faiseuse d'ange », ne respectant pas toujours les principes d'asepsie. Une innovation scientifique en la matière, l'IVG médicamenteuse (RU 486) a lieu après la révolution sexuelle proprement dite. Toujours est-il que, là encore, les femmes se voient offrir un moyen de réguler et contrôler la fonction reproductrice de leur corps et que, là encore, le barrage sera essentiellement légal.
Une fois tombées les menaces jumelles de la maladie sexuellement transmissible et de la grossesse non-désirée, il reste à la génération du baby boom née après la Seconde Guerre mondiale de faire disparaître les contraintes traditionnelles sur le comportement sexuel, morales, religieuses et légales. Elle va s'y employer avec succès.
Le sexe et la morale [modifier]
Le sexe est une pulsion, un instinct irrépressible et comme tous les êtres vivants, l'homo sapiens ne fait pas exception à la pression de ce que Sigmund Freud appelle la libido et qui vise à la reproduction et donc la survie de l'espèce. Cependant l'homos sapiens est un animal social et les sociétés qu'il constitue n'ont eu de cesser de réguler, contrôler, normer l'acte sexuel, sa suggestion qualifiée d’érotique ou sa représentation qualifiée de pornographique.
L'humanité n'a pas attendu les années 60 pour être libertine ou libidineuse, en témoignent de nombreuses œuvres d'art ou ce poème léger de Jean de La Fontaine :
- Aimons, foutons, ce sont des plaisirs
- Qu'il ne faut pas que l'on sépare;
- La jouissance et les désirs
- Sont ce que l'âme a de plus rare.
- D'un vit, d'un con et de deux cœurs
- Naît un accord plein de douceurs
- Que les dévots blâment sans cause.
- Amaryllis, pensez-y bien :
- Aimer sans foutre est peu de choses,
- Foutre sans aimer, ce n'est rien.
- Qu'il ne faut pas que l'on sépare;
Ce qui caractérise la révolution sexuelle, c'est :
- le déclin du pouvoir normatif en terme de morale de la part des Églises en particulier et de toute autorité en général. La génération du baby boom impose une culture de jeunesse
- le passage de la sphère du privé à celle du public du « sexuel ». Ce qui se faisait dans les alcôves et se vendait « sous le manteau » a désormais droit de cité
- en parallèle avec l'émergence du consumérisme, le développement d'une idéologie hédoniste de la jouissance
Le poème Annus Mirabilis de Philip Larkin[1] cristallise l'esprit de la révolution sexuelle dans cette première strophe :
- Les rapports sexuels ont commencé
- en mille neuf cent soixante-trois
- (qui étaient plutôt tardif pour moi)
- entre la fin d'interdit de Chatterley
- et le premier disque des Beatles en LP.
- en mille neuf cent soixante-trois
Le déclin du patriarcat et du poids moral des Églises [modifier]
La révolution sexuelle est une conséquence d'un processus d'histoire récente. Le développement d'une société moderne voit l'effondrement des valeurs d'une moralité enracinée dans la tradition judéo-chrétienne et l'émergence de sociétés permissives, ainsi que d'attitudes qui acceptent une plus grande liberté sexuelle, et une expérimentation qui se répand partout dans le monde, et qui se manifeste dans l'expression « amour libre ». Ce phénomène peut être assimilé à un retour vers certaines valeurs d'avant le moralisme chrétien, comme celles de la Grèce, ou de la Renaissance - ce dernier élan ayant été brisé par l'explosion de la syphilis vers 1500.
Des préceptes comme le « croissez et multipliez » de la Genèse, ne semblent plus appropriés dans des pays développés.
Les théoriciens de la sexualité [modifier]
Sigmund Freud fait figure de pionnier en mettant en évidence que l'origine du comportement humain est enracinée dans la libido. Ce nouveau paradigme moderne de psychanalyse révolutionne l'image de soi d'une culture entière. La pruderie victorienne est remplacée par une nouvelle conscience du désir sexuel. Les hommes ont un complexe d’Œdipe et les femmes ont une envie de pénis. Le sein de la mère est la source de toute sensation érotique de la vie postérieure.
Cette nouvelle philosophie est le soutien d'une nouvelle idéologie intellectuelle et culturelle du nouvel âge de la franchise sexuelle. Pourtant, cette théorie est largement critiquée par des professionnels dans le domaine. Les disciples anarchistes de Freud, Otto Gross et particulièrement Wilhelm Reich, qui inventent l'expression « révolution sexuelle », développent une sociologie de sexe dans les années 20 et 30.
En 1948, Alfred Kinsey et ses collègues, répondant à une demande d'information des étudiant(e)s de l'université de l'Indiana sur le comportement sexuel humain, publient le Comportement sexuel de l'homme (Sexual behavior in the human male), et, cinq ans après, le Comportement sexuel de la Femme (Sexual behavior in the human female). Leur publication amorce une révolution dans les représentations de la sexualité, et met la sexualité humaine en lumière. À l'époque, la moralité publique réprouve les discussions ouvertes à propos de sexualité humaine, et plus particulièrement sur les comportements sexuels qui n'ont pas pour finalité la procréation. Ces livres qui étudient par exemple la fréquence de diverses pratiques sexuelles comme l'homosexualité, font scandale et auront une influence considérable, beaucoup estimant que l'étude du comportement sexuel risque de briser la structure familiale et de détériorer la société américaine.
Ces livres constituent une base pour le travail de William Masters et Virginia Johnson, dont l'étude initiale, Les réactions sexuelles (Human sexual response), parue en anglais en 1966, explicite la physiologie de la clinique de la sexualité.
Le Rapport Hite en abordera d'autres détails environ dix ans plus tard.
Les écrits d'Herbert Marcuse et de Wilhelm Reich se référant parfois à Karl Marx fournissent à l'ensemble une sorte de justification politique. La morale concernant les questions sexuelles s'en ressent.
La parole et les actes se libèrent [modifier]
L'ampleur réelle de cette évolution des mœurs reste incertaine. Le changement principal n'est pas une augmentation du nombre de rapports sexuels ni dans des formes nouvelles de sexualité. Mais simplement l'apparition d'une parole plus ouverte que les générations précédentes sur ce sujet. Pour l'historien David Allyn, c'est une période où on se montre plus tolérant pour le sexe prénuptial, la masturbation, les fantasmes érotiques, la pornographie et, éventuellement, l'homosexualité.
Dans la pratique, le grand succès en France du roman La garçonne de Victor Margueritte, publié en 1922, ne semble pas confirmer cette thèse. En Europe on l'impute plus volontiers à la diffusion graduelle dans les populations des écrits de Sigmund Freud, Margaret Mead, etc.
Aux États-Unis, ce conformisme prend des traits puritains, en contradiction avec des comportements sexuels humains normaux ou même, ironiquement, ceux établis par la culture. En réaction à cette période de puritanisme de guerre froide, une révolution culturelle aurait eu lieu sous la forme d'une révolution sexuelle.
Le comportement sexuel de la grande majorité des femmes date pourtant d'une génération après le début de la « révolution ». Les femmes arrivant à la maturité sexuelle après environ 1984 ont des comportements similaires à ceux admis en général chez les hommes, sauf dans les foyers les plus religieux. Elles mentionnent davantage de partenaires, deux à trois, et commencent les rapports sexuels classiques trois à cinq ans avant les femmes de la génération des années 70. Ce changement de comportement est rarement signalé, parce que ne faisant plus alors sensation.
La représentation de la nudité, jusque là enfermée dans le carcan d'un prétexte mythologique (la cohorte des dieux gréco-romains aux multiples amours, les nymphes aux cuisses diaphanes, Éros s'il ne fallait nommer que lui) se libère, envahit la publicité, les magazines érotiques ou pornographiques se vendent en kiosques. Le naturisme se développe. L'éducation sexuelle fait son entrée dans les collèges et les minijupes font leurs premières sorties dans la rue.
Un retour en arrière a lieu quelques années plus tard, les positions morales au sujet de la sexualité devenant nettement plus conservatrices dans les années 1980, en partie à cause de l'épidémie de SIDA. Une seconde vague vient avec Michel Houellebecq qui, dans son premier roman Extension du domaine de la lutte, entend montrer que le libéralisme sexuel conduit aux mêmes situations instables que le libéralisme économique.